Des arrivées, des départs... Le monde de l’éditeur audio sur Mac subit pas mal de mouvements ces temps derniers. Alors que toujours fidèle au poste, DSP Quattro ne cesse d’être mis à jour. Est-il devenu l’incontournable sous OS X ?
Fut un temps où le monde de l’édition audio sur Mac (on ne rappellera jamais assez combien cet outil est indispensable à tout travail sérieux en audionumérique) était limité à deux noms : SoundEdit créé par Steve Capps puis repris par Macromedia (première apparition en 1988 !) et Peak, de Bias Inc. (apparu en 1996). Bien plus tard, Audacity, une solution gratuite, a fait son entrée, et bien que ne disposant pas de toutes les fonctions de ses aînés, n’en offre pas moins un arsenal assez complet dont une gestion multipiste. Gestion promise pour Peak, mais qui n’adviendra jamais, Bias ayant mis la clé sous la porte (à moins d’un retour surprise chez Apple, par exemple, spécialiste du rachat de sociétés dont on n’entend plus parler jusqu’au moment de la sortie d’une version frappée de la pomme).
Plus récemment, WaveLab (créé par Philippe Gouthier en 1995), un des éditeurs phares du monde PC, est passé de l’autre côté à l’occasion de sa version 7, avec toute sa puissance et son interface graphique un peu datée. Et encore plus récemment, Sound Forge Pro de Sony a débarqué sur la plateforme OS X, un test très complet est disponible sur votre site préféré.
Et pendant tout ce temps, un éditeur italien, Stefano Daino, a mis au point et développé un éditeur audio spécifiquement Mac, mis à jour régulièrement, et même plus, puisque pour cette version 4.2, l’éditeur nous indique qu’il a réécrit quasiment 90 % du code. Travaillant seul et ayant tout programmé de A à Z, Daino n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il a conçu D-SoundPRO en 1995 afin de remplacer Alchemy by Passport, puis la plupart de Spark de TCWorks durant la période 1998–2002 (le moteur d’édition audio sur HD, l’éditeur audio, la playlist et les algorithmes de traitements). DSP Quattro ne se limite pas à sa fonction d’éditeur, puisqu’il bénéficie d’une conception quasi modulaire, et qu’il regroupe celles d’outil de mastering et de gravure de CD audio, de multieffet et même de rack de synthés, et dispose aussi de fonctions d’enregistrement. Voyons comment tout cela cohabite.
Introducing DSP Quattro 4.2
Le logiciel est vendu sur le site de l’éditeur selon plusieurs options, de 79 euros pour la version complète à 39 euros pour les utilisateurs de Peak. Un tarif à comparer avec ceux des ténors du genre, plus de 600 euros pour WaveLab, 300 euros pour Sound Forge Pro Mac (ou les plus de 1200 euros de Peak Pro XT…). Même si cela ne préjuge en aucun cas des qualités ou fonctionnalités, la différence de prix est assez étonnante. Bref. Le logiciel est compatible PowerPC et Mac Intel, à partir de Mac OS 10.5, 32 bits pour le moment (mais le développeur est sur le portage en 64 bits) et peut héberger les plug-ins VST et AudioUnit.
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L’installation ne pose aucun problème, l’autorisation se fait via une procédure maison assez simple, par laquelle, après création d’un compte chez DSP-Quattro, et renseignement d’un numéro de PIN, on récupèrera un fichier de licence à charger dans la fenêtre appropriée. Pas de dongle, un fichier facilement sauvegardable au cas où, la possibilité d’autoriser sur d’autres machines (dans des proportions raisonnables, on imagine), merci.
Démarrage
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Première capacité du logiciel, celle de l’édition audio. DSP Quattro gère directement quasiment tous les formats audio disponibles sur Mac, et convertit ceux qu’il ne peut traiter à la volée. Ainsi un simple glissé-déposé de fichiers CAF dans la fenêtre Documents Manager ouvre une boîte de dialogue demandant si l’on souhaite une conversion, qui se fera avec sauvegarde dans le dossier par défaut. Bien entendu, on ne pourra pas ici détailler toutes les possibilités du logiciel, le manuel de 193 pages (disponible ici, ainsi qu’une démo) étant tout juste nécessaire pour toutes les aborder sans rentrer trop en profondeur. On ne présentera donc que les plus significatives, ou celles déjà évoquées ailleurs.
Première chose à faire, après les réglages des Preferences (étape très importante, car riche d’options, voir le manuel), ouvrir un fichier. Ou plusieurs. Car l’une des premières originalités du logiciel est de pouvoir lire simultanément (pas de manière synchrone pour le moment, mais c’est prévu) plusieurs fichiers audio, et cela quelles que soient leurs résolutions/fréquences d’échantillonnage, sans que l’interface audionumérique ne devienne folle à chercher la bonne valeur. DSP Quattro utilise en effet un resampling en temps réel afin d’éviter les allers-retours d’horloge (on y reviendra).
Édition à fond
Deux fenêtres sont alors ouvertes, une Master et celle du fichier audio. Une présentation et une architecture assez différente de ce qu’on a l’habitude de voir. La Master regroupe faders L/R (que l’on peut désolidariser comme tous leurs semblables dans DSPQ), crêtes-mètres (instantanés et RMS) et plusieurs boutons de fonction : Rec, qui ouvre aussitôt le Master Output Recorder, qui permet d’enregistrer tout ce qui sort de DSP Quattro (à condition de n’utiliser qu’une seule fréquence d’échantillonnage, voir plus-bas). Aux affiche quant à lui les quatre auxiliaires disponibles, qui peuvent utiliser librement n’importe quelle sortie disponible de votre interface, sont dotés de leurs propres faders, et tout comme le Master, disposent de Solo, Mute et Mono et d’un bouton Effx (voir plus bas) ; enfin Docs ouvre immédiatement l’équivalent d’un chutier, dans lequel s’affiche les fichiers utilisés par le projet (car on peut sauvegarder l’ensemble des actions du logiciel, fichiers, effets dans un fichier dit Project) et dans lequel on peut glisser-déposer n’importe quel fichier depuis n’importe quel emplacement. Très pratique, le curseur BPM permet de déterminer un tempo (manuellement ou automatiquement via la fonction Detect BPM) pour l’ensemble du logiciel, parfait pour les effets temporels.
La fenêtre File reprend les faders et crête-mètres, l’assignation vers le Master L & R ou l’un des quatre Aux, et présente classiquement deux visions de la forme d’onde, une complète non éditable directement, mais qui permet de faire des sélections, des zooms, etc. Et une plus grande, celle sur laquelle on travaillera.
En bas on retrouve une barre de transport complète, avant et arrière, un afficheur très détaillé, un bouton Cycle et un autre lié à une sorte de ruban, qui permet de faire du Scrub (lecture avant-arrière très ralentie, idéale pour trouver un point). Et quatre onglets, l’incontournable Effx, Markers, qui ouvre une fenêtre liste affichant les marqueurs et régions audio, un onglet History, affichant l’historique et les options d’Undo/Redo. Enfin, PencilTool fait basculer l’affichage de la forme d’onde dans une fenêtre dédiée à l’édition au niveau du sample, avec un outil crayon permettant de redessiner les éléments à retoucher, des clics par exemple, ou des formes plus longues pour lesquelles on regrette de ne pas avoir de tablette graphique… Une idée excellente : on peut garder à l’écran l’affichage des deux formes d’ondes, celle d’origine et celle corrigée. Autre outil génial, enfin théoriquement, le Gainer Tool, qui permet(trait) de modifier la forme d’onde sur une durée réglable suivant différentes courbes, mais qui ne fonctionne pas sur la version de test, faisant quitter DSP Quattro à chaque tentative (un bug depuis la version 4.2.1, corrigée dans la 4.2.2, imminente).
On dispose bien entendu de tous les outils d’édition habituels, certains demandant un changement d’habitude (un nom différent) ou de pratique : pas de Stereo to Mono en édition, par exemple, mais un New Audio File from Left (ou Right) Channel, ou un Export Stereo To Mono. En tant qu’ancien utilisateur de Peak, une des choses qui me manque le plus est le menu contextuel via le clic-droit par exemple, même si les raccourcis clavier sont nombreux. Mais j’ai cru comprendre que la fonction est dans les tuyaux pour la version 64 bits, donc patience. Ou la gestion de la vidéo, avec l’import automatique de l’audio et lecture synchrone à l’image (y compris les bouclages).
Et l’on retrouve des choses ailleurs disparues, comme le Midi Sample Dump Standard, permet d’envoyer/recevoir des échantillons vers/depuis un échantillonneur hardware (rappelons que l’éditeur audio est l’outil idéal pour la préparation de samples…). Appréciable aussi, le Batch Processor, puissant, simple d’emploi et extrêmement rapide.
Des effets, des effets, des effets, des effets, des effets…
L’éditeur fournit avec DSP Quattro plus d’une douzaine de plug-ins, EQ (graphique, paramétrique), filtres (un LP, deux BP, un HP, un Band Reject, tous multipente résonants), Chorus, Stereoizer, Delay (simple, Dual, MultiTap, très complets), deux réverbes et deux Effx Slots Sends permettant de rajouter deux ou quatre slots d’effets supplémentaires sur un slot normal. Ajoutons à cela un External Send&Return, permettant de connecter n’importe quel périphérique, à condition que votre interface dispose de plusieurs entrées/sorties (attention, cela transforme le périphérique en « plug » d’insert, et pas en effet de Bus).
Ajoutons encore la disponibilité de tous les plugs AU et VST (ces derniers peuvent être ignorés au démarrage) et la possibilité de disposer de 999 slots (à régler par défaut dans les Preferences et au cas par cas via les symboles + et -), et nous voilà à la tête d’une usine à gaz.
Ces effets sont disponibles à tous les niveaux, c’est-à-dire sur le fichier lui-même (onglet Effx), sur le Master, sur l’Input Recorder, sur l’Audio Input, sur les Aux (via les boutons Effx), et dans la fenêtre AU/VST Plug-In Chain via le menu AudioFile Processing.
Bien entendu, Bypass, divers réglages (Volume L/R, Balance), crête-mêtre (In ou Out), gestion des présets, des slots, des paramètres Midi, s’ajoutent à cette puissance. Très bien conçu, très bien réalisé, (presque) parfait. Pourquoi presque ? Certains effets sont en dessous, comme les réverbes par exemple (il manque une convolution, devenue ailleurs la norme).
Station service
Autre capacité de l’éditeur (qu’on a de plus en plus de mal à qualifier de ce nom réducteur), celle de servir de station de traitement ou d’accueil pour les plugs et instruments virtuels. Grâce aux Inputs d’abord, qu’ils soient simple ou Input Recorder, tout ce qui provient d’une entrée ou l’autre de l’interface peut-être écouté ou enregistré, avec la latence minimale de l’interface audio numérique, avec Monitoring ou pas, en bénéficiant bien entendu de tous les traitements, qu’ils soient internes, AudioUnit ou VST. Et comme on peut en ouvrir plusieurs, tout ce qui rentre dans l’interface peut donc être directement traité en effectuant la sélection des entrées dans les différents modules. Simple, efficace, pratique, tout comme l’est l’Input Recorder, qui permet donc en sus d’enregistrer tout ce qui rentre.
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Autre fonction très appréciable, la gestion des instruments virtuels, qu’ils soient AU ou VST. On sélectionne son instrument, un petit module s’ouvre donnant accès aux Effx, à la sélection des canaux Midi et à la source Midi. On peut ouvrir autant d’instruments que désiré, suivant les limites de l’ordinateur hôte, bien sûr. Mais il est ainsi très simple de créer des stacks de synthés, gros son assuré, une option qui peut tout à fait être utilisée sur scène, DSP Quattro se montrant d’une stabilité rassurante.
DSP Quattro inclut aussi un Declicker maison, plutôt efficace, en fait trop efficace : entièrement automatisé, il fonctionne selon deux modes, sur l’intégralité du fichier, ou sur de très courtes sections. N’offrant donc aucun réglage, son action n’est pas modulable. Quelques essais sur un vieux vinyle de John Abercrombie, avec la ride de De Johnette ont montré une attaque bien trop importante des transitoires de cette dernière. On préfèrera donc des solutions externes. L’exemple suivant fait entendre ce que le Declicker enlève.
Autres algorithmes maison, totalement revus depuis les précédentes versions, ceux de Time Stretch et de Pitch Shifting. On pourra se référer au comparatif sur ces traitements ici, qui incluait ceux de la version 2.
On reprend les mêmes fichiers que ceux du comparatif, cela permettra de… comparer. Les réglages sont assez nombreux, offrant en particulier plusieurs niveaux de qualité et de lissage et une prévisualisation (dans les deux sens de lecture). D’abord un stretch, avec ralentis de 10 %, puis de 33 % (je n’ai pas compensé la perte de volume, mais la fonction est disponible dans les réglages). Notons que les commandes sont parfois capricieuses, et que l’on dispose d’un nombre de chiffres derrière la virgule assez confortable (six), et que malgré cette précision, on n’arrive pas toujours à régler un tempo de façon exacte (en destination)…
On l’entend, les résultats sont inégaux, en particulier sur la batterie, qui montre de sérieux problèmes de phase… On continue avec le Pitch Shift, avec moins deux puis moins cinq demi-tons.
L’algorithme est ici de meilleure qualité, avec des résultats corrects, même si on entend parfois quelques mouvements de phase. Comme dans de nombreux autres éditeurs, sur ce sujet particulier du Pitch & Stretch, il vaudra mieux recourir à des outils externes…
Bilan
Bien sûr, on n’a pu ici tout détailler. Mais on le comprend, DSP Quattro est un concurrent sérieux à tous les logiciels d’édition sur Mac. Ses fonctionnalités d’édition, de gravure de CD, de traitement par lots sont très efficaces et bien pensées, et ses plus comme le traitement du son entrant, la possibilité de créer des configurations de synthèse inédites via l’hébergement d’instruments virtuels sont assez uniques dans le genre.
Il y a des défauts, néanmoins. On peut regretter l’absence de gestion de la vidéo comme savait le faire Peak, par exemple : import automatique de l’audio d’un film, et lecture synchro impeccable (même dans des passages bouclés). Même si les algorithmes de time stretch et de pitch shift ont été spectaculairement améliorés par rapport aux précédentes versions, leur comportement reste par trop aléatoire pour répondre à tous les cas de figure. Mais c’est le cas de la quasi-totalité des algorithmes natifs des éditeurs audio, qui font des merveilles uniquement s’ils embarquent l’un ou l’autre des processus licenciés auprès des spécialistes du genre (iZotope, Prosoniq, Celemony, z-plane). Le Declicker, très simple d’utilisation, est malheureusement un peu brusque, à cause de cette simplicité d’utilisation, puisque n’offrant aucun réglage accessible.
Dès l’annonce de l’arrêt de Peak, il a fallu chercher une solution, puisque les mises à jour nécessaires n’arriveront jamais (quand on pense qu’il ne gère toujours pas certaines interfaces graphiques de plugs AudioUnit…). Tout bien pesé, après avoir essayé Wavelab, Sound Forge, mon choix s’est porté sur DSP Quattro, pour ce qu’il offre aujourd’hui, et dans un pari (risqué ?) envers ce que la version 64 bits peut et pourrait apporter. Un travail, rappelons-le, effectué par une seule personne, ce qui est aussi à saluer. Dont acte.
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