L’indéracinable éditeur audio pour PC de Sony, racheté en 2003 à Sonic Foundry après que ses créateurs aient jeté l'éponge face aux géants Avid, Adobe et Apple, vient de passer sur Mac après 15 ans d'attente.
Il serait peu dire que la nouvelle a fait du bruit, alors que plus personne n’avait gardé le moindre espoir à ce sujet : il aura fallu attendre qu’Apple dépasse Microsoft financièrement pour que Sony, suivant de peu Steinberg avec Wavelab, daigne nous proposer son éditeur – entièrement réécrit – sous un nouveau système.
Sans rentrer dans l’éternelle bagarre PC/Mac, prenons le cas d’un musicien et ingénieur du son ressemblant fort à votre serviteur. Ayant décidé de passer sur Mac en 2008 après que son dernier PC portable lui a joué des tours sur scène, il y retrouve Pro Tools, Ableton Live, la plupart de ses plug-ins de prédilection… mais pas d’éditeur audio digne de ce nom. Ou bien si, mais rien qui ne vaille Sound Forge qu’il utilise depuis plus de 10 ans déjà, et au sujet duquel il a écrit 33 articles dans un magazine spécialisé de l’époque, en le comparant systématiquement à Wavelab, Audition et Peak. Il opte dès lors pour Parallels Desktop, installe Windows XP sur son Mac et profite de son éditeur préféré comme si de rien n’était… ou presque, puisqu’il reste bon gré mal gré des défauts : le coût de Parallels, dont les updates successifs améliorent nettement l’intégration de Windows dans le Mac ; le temps de démarrage dudit Windows et son impact sur les performances de Mac OS X tout de même (et encore il ne s’agit que de Windows XP) ; le passage constant d’un environnement à l’autre, les raccourcis qui ne sont pas les mêmes…
Bref. Bien qu’il n’ait jamais baissé les bras, l’arrivée de Sound Forge sur Mac, même tardive, semble une bénédiction. Qui sait, elle pourrait même annoncer l’arrivée prochaine d’Acid et surtout de Vegas sur la même plateforme. Tout devient simple, adieu Windows et ses virus ! Quant à ceux qui, sur Mac, ne connaissent Sound Forge que de nom, ils ont de quoi saliver : à part Wavelab et Audition, tous deux également transfuges du PC, mais plus chers sans être nécessairement meilleurs, aucun éditeur audio n’est à même de rivaliser maintenant que Peak de Bias – qui ressemblait diablement à l’éditeur de Sony, mais était tout de même un cran au-dessous, avouons-le – a disparu. Un petit tour d’horizon s’impose donc, mais attention : tout au long de ce test nous garderons Sound Forge Pro 10 (pour PC) comme référence, histoire de voir ce que l’on a gagné et/ou perdu au passage sur Mac. Et comme vous allez le voir, ça fait parfois mal.
Prix, installation et choix techniques
Commençons par le prix : 294 euros TTC. Ceux qui venaient d’acheter Sound Forge 10 pour PC (421 euros TTC) se verront tout juste offrir une réduction de 70 euros sur le prix hors taxe. Ceci indiquerait-il que nous avons affaire à un nouveau produit ? Pour information, Adobe Audition est à 417 euros, Steinberg Wavelab à 602 euros TTC et Audacity, qui est gratuit, ne présente pas le même niveau de performances. Le choix semble clair, il s’agit d’attaquer le marché professionnel en étant moins cher que la concurrence… mais quid de la qualité ?
Avis à la population, Sound Forge Pro Mac 1.0 ne fonctionne qu’en 64 bit. Exit donc Snow Leopard, il faudra installer OS X 10.7 minimum si ce n’était déjà fait. Une fois Mountain Lion installé dans notre cas (sur un disque dur externe), tout va très vite. Le manuel est clair et bien fait, en anglais seulement, et il faudra le lire, parce que sous des dehors avenants Sound Forge cache de nombreux concepts aussi pratiques que peu intuitifs. Petite remarque cependant : ce manuel ne fait que 90 pages, contre 382 pour la version PC. Et là, d’évidence on ne peut que constater qu’il manque bien du monde à l’appel… Histoire de tuer le suspense, voici une liste d’éléments que vous ne trouverez pas dans Sound Forge Pro Mac 1.0 :
|
Pas d’Auto Region, pas de réverbe à convolution Acoustic Mirror, pas de fades graphiques, pas d’analyse de spectre, de sonagramme ni de phasemètre, pas de SDS/SMDI pour travailler avec un sampleur, pas d’intégration de la vidéo, pas de gravure CD ni de norme Red Book, pas non plus de CD Architect 5.0 ni de Noise Reduction 2.0 livrés avec, pas de traitement batch ni de scripting, pas d’ouverture ni de sauvegarde au format FLAC (entre autres), pas d’historique d’undo/redo, pas de Loop Tuner, pas de synthèse FM, pas de Pitchbend, de Trim/Crop, de Pan/Expand, de DC Offset ou de détection de clip, pas de traitement des instruments FS2, GIG et DLS, pas même de Snap to Zero lors de l’édition… Idem, on y trouve 3 pages de raccourcis clavier contre 10 pour la version PC. Le choix est clair là encore, Sony a décidé de simplifier son soft et d’en faire une application Mac – jolie, douce et avec juste ce qu’il faut d’options… juste ce qu’il faut, vraiment ?
On en reparle plus bas.
La visualisation au cœur du système
Sound Forge Pro Mac se présente sur une simple fenêtre, dotée de 5 sections : haut, bas, gauche, droite et centre. En haut la barre d’outils. Non configurable hélas, on y trouve les éléments de base plus quelques ajouts cosmétiques bienvenus qui permettront de séparer automatiquement la fenêtre d’édition (au centre) en deux, verticalement ou horizontalement, et de faire apparaître ou disparaître des blocs d’infos à gauche, à droite et/ou en bas de l’écran.
Parmi ceux-ci on trouve les propriétés du fichier ouvert, un explorateur, les indispensables Vumètres et bargraphes, les plug-ins et chaînes de plug-ins, la liste des régions, un onglet d’enregistrement et des statistiques. L’ensemble est flexible, complet et bien pensé, rien à dire de ce côté-là si ce n’est qu’on aurait apprécié la possibilité d’utiliser un deuxième écran pour mieux voir nos formes d’onde, plutôt que de séparer le nôtre en deux. Ce sera pour une autre fois.
Commençons par la visualisation de la forme d’onde. Très claire et toujours aussi précise, elle nous permet de voir très clairement chaque échantillon au final, avec un niveau de zoom allant jusqu’à 24:1 et accessible de diverses façons (souris, trackpad, flèches du clavier). On pourra par ailleurs profiter ici des possibilités d’un iPad, ce que nous n’avons pas pu tester. Pas d’autre forme de visualisation ici par contre, les spectrogrammes et sonagrammes d’antan ayant tout simplement été abandonnés au profit d’un choix personnel de plug-ins de la marque de votre choix, pour la plupart payants. Rappelons d’ailleurs qu’à cet effet Sony vient de sortir SpectraLayers, un éditeur qui se veut complémentaire, dans le style d’iZotope RX2, et que les usagers de Sound Forge sont encouragés à utiliser en parallèle. L’idéal serait bien entendu de fusionner les deux systèmes, mais on peut toujours rêver.
La visualisation des niveaux se fait en peak et VU/PPM. On peut choisir entre diverses versions, avec ici un Vumètre traditionnel calibré (0 VU +4 dBU) à –18 dBFS selon le standard EBU Broadcast. Les explications sont claires, et un simple test montre que tout fonctionne, avec une forme d’onde carrée envoyée à –18 dBFS qui tombe bien sur le zéro. Tout va bien, mais pourquoi ne pas avoir intégré les LUFS, True Peak et autres LRA nécessaires pour la post-production depuis la recommandation EBU R128 ? Là encore Sony compte manifestement sur ses utilisateurs pour choisir les plug-ins de rigueur… à leurs frais. Pas même un phase-mètre – pourtant intégré dans Sound Forge Pro 10 avec de multiples options – c’est dire.
Les propriétés de fichier nous permettent, en plus de voir tout ce qu’on a besoin de savoir sur le son traité, de modifier certains éléments : fréquence d’échantillonnage (jusqu’à 192 kHz), résolution (jusqu’à 64 bit flottant) et nombre de canaux (jusqu’à 32). Ce dernier point est très intéressant, puisqu’il permet de placer un fichier stéréo dans un univers surround en un seul clic.
Ergonomie et travail de la forme d’onde
Le principe est simple : en haut une série d’onglets permettant de passer d’un son à l’autre. Pas de Ctrl-Tab hélas pour passer d’un onglet à l’autre, comme on le faisait sur PC. Au-dessous une version globale (universe) du fichier en question, puis la timeline et la forme d’onde. Les divers formats de timeline sont bien présents (sample, time, TimeCode, SMPTE…), sauf le mode Measures & Beats qui permettait d’utiliser un temps musical pour éditer le son. Dommage, tout comme la disparition de l’édition de tempo façon Beat Detective, tellement pratique pour travailler avec des éléments rythmiques. Exit aussi le travail en mode Grid Line, qui permettait de découper visuellement une sélection en 2 à 16 parties.
Pour ce qui est des marqueurs (raccourci M) et marqueurs de régions (raccourci R) on est dans un mode connu, même si celui-ci est très bien fait et très pratique, avec la liste correspondante et modifiable à loisir dans un des blocs d’informations. On peut exporter les régions automatiquement, ce qui est très pratique, mais quel dommage d’avoir perdu l’Auto-Region du coup ! Ce système permettait en effet de détecter les transitoires automatiquement et de découper des boucles rythmiques en moins de temps qu’il n’en fallait pour cliquer. Associée à l’export de régions, cette vieille fonction de type Beat Detective là encore méritait à elle seule l’acquisition du soft – ici associée aux Grid Lines afin de voir si les éléments rythmiques sont bien placés sur le tempo. Notons enfin l’étrange absence de snap to zero-crossing, alors que l’on peut utiliser la fonction Snap pour coller à la grille, aux marqueurs et aux évènements.
Avant de rentrer dans l’édition à proprement parler, signalons en bas à droite les boîtes de début, de fin et de durée de sélection. Elles serviront à se positionner éventuellement, et intègrent la possibilité d’utiliser des formules mathématiques ! Bien pensé, sauf que ça marche plus ou moins selon les formats : pas de problème pour les additions et soustractions en secondes par exemple, mais les divisions, multiplications et pourcentages ne marchent qu’avec une timeline en samples. On aurait apprécié une indication à ce sujet dans la documentation. Par ailleurs sur la durée de sélection le marqueur de début est celui qui bouge, ce qui en général ne va pas nous arranger. Pourquoi ne pas nous laisser le choix ?
Edition et possibilités
On dispose dans Sound Forge de 4 modes d’édition symbolisés par des icônes en bas à gauche de la forme d’onde: Time, Event, Pencil et Envelope.
L’outil Time sert à faire des sélections « classiques », à découper, coller, etc. Rien de bien nouveau ici, de même que Pencil permet de redessiner un clip ou un glitch par exemple. L’outil Envelope est quant à lui efficace pour sélectionner de nombreux points d’automation ensemble et les déplacer de concert (on y reviendra). À noter, on ne peut pas copier/coller des segments d’une enveloppe sur une autre enveloppe alors qu’on peut le faire sur PC, dans tous les sens. Jusque-là tout est fonctionnel et somme toute classique, mais c’est sans compter sur l’outil Event, nettement plus original.
L’édition par événement, dans Sound Forge, consiste à diviser un son en autant d’évènements que l’on veut avant de les déplacer, découper, coller, rallonger, mixer à volonté. Toute partie de fichier ayant passé par une de ces étapes, ou même ayant été travaillée à l’aide d’un plug-in, devient un événement (Event, en anglais).
Et là c’est la fête, puisqu’on peut soudain prendre un bout d’un son mono, le mixer sur la gauche en bénéficiant des 20 formes de crossfades possibles dans un système surround, corriger le placement, rallonger les parties d’avant et d’après à l’aide de crossfades, le tout avec une flexibilité déconcertante… Ajoutons qu’on peut faire du drag’n drop d’events de diverses façon selon l’emploi que l’on fait de la souris, et qu’on peut déplacer les formes d’onde au sein même d’un event : quel outil ! À noter toutefois quelques plantages récurrents en déplaçant des événements avec l’outil Event sur cette version 1.0. Sur la version PC, dont on ne vantera jamais assez la légendaire stabilité, aucun souci. De même, un Undo annule une chaîne entière de mouvements d’events ici, ce qui n’est pas le cas sur PC, où on peut les annuler un par un. Plus convaincant, les canaux semblent plus indépendants sur cette version en matière d’events. Ainsi on peut aisément prendre un event à gauche et le déposer à droite, ce qui n’est pas aussi aisé sur PC.
Multicanal, mais pas multipiste ?
On peut en réalité travailler avec 32 canaux qui serviront en quelque sorte de pistes si l’on veut, et faire un montage sonore complet. Un exemple : admettons qu’on dispose de 4 pistes enregistrées simultanément à l’extérieur, provenant de 2 micros pour une prise d’ambiance stéréo et de 2 micros pour des dialogues. On peut ouvrir un fichier disons sur 8 pistes (comme un 7.1 donc), dont les sorties seront alternativement envoyées à gauche et à droite pour un signal stéréo au final. Les 4 premières seront utilisées pour le moment, et on se servira des 4 dernières comme de deux pistes stéréo, en y mixant des ambiances sonores venues d’ailleurs. Ce système permettra de travailler les fades en douceur et de gérer chaque point de passage. À partir de là, l’édition pourrait être un cauchemar, puisqu’il ne s’agit au final que d’un seul fichier son, mais c’est sans compter sur le travail en mode Event : chaque élément peut être découpé, déplacé, coupé, dupliqué, etc. d’un simple mouvement de souris. Au final le son sera balancé en stéréo via Channel Converter, et le tour est joué. Même les plug-ins (sauf les chaînes) peuvent être employés sur une partie d’un unique canal, et le travail en .frg permettra de revenir sur chaque étape si besoin est (voir plus bas).
Étonnant tout de même face à cette pléthore de possibilités : quand on joue un fichier mono, il n’est joué qu’à gauche sur nos haut-parleurs puisqu’assigné à une unique sortie — ici Left. Rien à faire pour le dédoubler, heureusement que notre RME Fireface UFX dispose d’un bouton Mono pour écouter le son sur les deux haut-parleurs à la fois ! Gageons que ce sera corrigé au plus vite.
Enregistrement et travail du son
On peut dans cette version simplifiée du module de Sound Forge Pro 10 enregistrer de l’audio dans un nouveau fichier, au sein d’un fichier existant, en boucle (nouvelle prise à chaque passage), avec déclenchement automatique on et off. Tout cela est parfait pour faire des banques d’échantillons sonores par exemple, pour des percussions ou pour des éléments séparés. Bon, il y manque le MIDI TimeCode entre autres, puisque cette nouvelle version n’intègre pas le MIDI, mais c’est à peu près tout. Rappelons-le tout de même, Sound Forge n’est pas un logiciel multipiste. On signalera là aussi des plantages durant le test, mais il faut dire qu’enregistrer un son live sur 32 canaux en 64 bit 192 kHz peut sembler risqué sur un MacBook Pro…
Une autre façon d’intégrer du son consiste à insérer de la synthèse simple, sous ses formes classiques : sine, square, white, etc. avec possibilités de sweeping logarithmique pour écouter toutes les fréquences du spectre. Bien, mais on aurait aimé retrouver les étonnantes possibilités de synthèse FM de la version PC, une fois encore.
Pour ce qui est des effets on en a de deux ordres : Process et Effects. Le menu Process rassemble les effets maison. Rien de nouveau ici, et beaucoup de choses en moins. Channel Converter est une matrice bien utile destinée par exemple à convertir du 5.1 en stéréo. Les Fade in/out disposent de 5 variantes, mais n’offrent plus de version graphique, tellement plus riche. On pourra de même inverser la phase ou le son dans son ensemble, muter tout ou partie d’un fichier, normaliser (toujours aussi bien le scan de fichier pour déterminer le maximum et le niveau RMS de l’ensemble). Manquent donc à l’appel : Auto Trim/Crop, DC Offset, EQ (graphic, paragraphic, parametric), Graphic Fade, Pan/Expand, Smooth/Enhance. Plus d’autres moins importants, le dither maison par exemple ayant été remplacé par celui d’iZotope (les deux sont présents dans la version PC toutefois).
La firme américaine est ici à l’honneur, puisqu’on appliquera les modifications de fréquence d’échantillonnage avec iZotope 64-bit SRC, et de résolution en bit et dithering avec iZotope Mbit+, tous deux de grande qualité. Pour ce qui est du Time stretch et du Pitch shift on aura recours à élastique Pro de Zplane pour une qualité aux normes professionnelles. On regrettera tout de même le Pitch Bend (sur PC uniquement, donc) qui permettait des choses invraisemblables. Également, et c’est aussi valable pour les effets, exit le clic droit sur le bord de la fenêtre d’effet qui permettait par exemple d’appliquer un effet sur le fichier entier alors qu’on le testait sur une sélection, ou de mixer ou non la queue d’une réverbe appliquée sur une sélection avec le reste du fichier. On se débrouillera sans.
Effets et automation
Le menu Effects fonctionne en 64 bit, pour les formats AudioUnit comme VST2. On peut utiliser les effets de deux façons selon que l’on utilise le Plug-in Chooser ou le Plug-in Chain. Le premier est destructif et nécessite l’emploi d’une preview. Le second est en temps réel, consiste en une chaîne d’effets interchangeables par glisser/déposer et ne s’applique qu’une fois le fichier sauvegardé, en wav par exemple. Heureusement, une fois la sauvegarde effectuée, si on a des remords on peut faire un Undo (ouf), sachant que celui-ci n’efface pas le fichier ainsi créé. Bien vu. On sera bien inspiré par ailleurs de créer des présets régulièrement, y compris des presets de chaînes) afin de ne pas perdre toutes nos infos. On remarquera que les effets non adaptés pour le surround s’affichent en rouge, et sont désactivés… sauf que toute la suite iZotope est de ce fait désactivée, et que seuls les plugs natifs Apple AudioUnit et le plug de gain sont actifs. C’est peu !
Entrons maintenant dans le vif des effets. Tout d’abord il ne reste comme effet d’origine que le Gain. Adieu donc les Wave Hammer, Acoustic Mirror, Multi-Tap Delay de barge et autres Gapper/Snipper, jugés trop vieux pour reprendre du service. Pour chaque effet sélectionné dans une chaîne, on peut choisir les paramètres à automatiser, et montrer ou non son enveloppe sachant que cette dernière devient grisée si on désactive le paramètre. Chose splendide, les courbes d’automation ainsi obtenues peuvent être arrondies selon les divers types de fades, et on peut en sélectionner un groupe et appliquer le fade en question sur l’ensemble. Le rendu est très bon, et plus rapide à obtenir que sur Pro Tools par exemple, qui obligera l’utilisateur à ajouter de nombreux points pour retrouver une « courbe » faite en réalité de segments. L’ensemble est très efficace, rien à dire de ce côté-là.
Reste les effets fournis, uniquement en provenance d’Izotope avec une suite de 3 plugs de restauration dérivés de RX2 et une autre de 6 plug-ins de mastering dérivés d’Ozone. Un peu trop simplifiés et parfois peu ergonomiques, comme le montre l’EQ par rapport à celle d’Ozone 5, ils offrent des résultats toutefois proches en termes de son. Reste qu’il y a tout de même beaucoup moins de possibilités et que l’interface reste pour le moins sommaire dans tous les cas – le système de réduction de bruit de Sony était bien plus complet, par exemple. Au final donc un ingé-son mastering, s’il veut travailler avec ce type de plug, sera bien inspiré de se procurer les copies originales d’Ozone 5 et de RX2 en lieu et place de celles fournies ici, un peu trop légères malgré un son convaincant.
Sauvegarde et formats
Sound Forge est connu pour sa capacité à jongler avec toutes sortes de formats. Citons simplement le .frg, ou .forgeproj, génial puisqu’il conserve l’historique complet d’édition et permet de revenir en arrière alors qu’on rouvre à peine un fichier préalablement sauvegardé ! Hélas, ce format, s’il existe également sur Mac, n’est pas compatible d’une plateforme sur l’autre, et il faudra donc choisir sa version. À part ça, une importante partie des formats manquent à l’appel et on en voit apparaître quelques nouveaux, plus orientés téléphonie mobile (.amr par exemple, voir cette page pour les formats compatibles sur la version PC et celle-ci pour les formats supportés sur la version Mac) et Apple, après vérifications de ceux réellement utilisables (le site de Sony n’est pas véritablement exact sur ce sujet). Pourquoi ne pas proposer le meilleur des deux mondes, à savoir toutes les possibilités de Sound Forge 10 avec quelques éléments en plus, quitte à réintégrer ces quelques éléments dans la version PC par la suite ? Là encore il s’agit probablement d’une question de prix.
Conclusion
Certes Sound Forge a dès sa création été révolutionnaire sur bien des points : réverbe à convolution bien avant l’arrivée d’Altiverb, fonctions de type Beat Detective au début des années 90, travail couplé avec Acid pour créer des banques de boucles, batch processing, ouverture et sauvegarde d’innombrables formats audio, etc. Il n’en reste pas moins que si la version PC semble bien loin de l’obsolescence, elle fait figure de dinosaure dans le monde de l’audio. De ce fait, attendre 10 ans ou plus pour sortir une version totalement identique ne semblait pas une option pour Sony – hélas.
Il s’agit ici donc d’un choix clair de la part du géant nippon pour concurrencer les ténors sur Mac : reconstruire une plateforme moderne et abordable reprenant les fondamentaux sans perdre en fiabilité, puis laisser les professionnels du son choisir leurs plug-ins et instruments de visualisation préférés. Disons-le franchement, et malgré ce que ce test pourrait laisser penser, à ce niveau c’est une belle réussite. Le son, dont on a peu parlé, n’est pas au centre de la bataille : la précision est bien là, l’ergonomie aussi. Le reste dépendra de votre habileté et de vos plug-ins, mais il y a clairement ici le potentiel pour faire tout ce que Sony promet sur son site.
Oui, mais le FLAC, l’analyse spectrale, la préparation et la gravure de CD ? On pourrait s’en passer, pourvu qu’on ait là encore les logiciels adéquats… OK, mais l’Auto-Region ? Ce sera plus dur, sauf si on ne se sert de cet éditeur que pour faire du Mastering. Et l’absence de vidéo, est-elle bien raisonnable pour un logiciel a priori orienté post-production ?… Et puis, pourquoi ne pas voir un peu plus loin en proposant une intégration partielle de SpectraLayers par exemple, histoire de bénéficier du sonagramme et d’offrir un éditeur réellement sans équivalent ? Et pourquoi ne pas proposer la DDP, ou un système de visualisation de niveau se rapprochant de la recommandation EBU R128 pour l’audiovisuel, en vigueur un peu partout en Europe histoire de prendre une énorme longueur d’avance ?
Nous arrivons de ce fait à une conclusion en demi-teinte. Pour tous ceux qui n’ont jamais eu Sound Forge Pro pour PC dans les mains, Sound Forge Pro Mac représente une excellente nouvelle et constituera sans nul doute un bon investissement. Hélas les anciens utilisateurs de l’éditeur de Sony risquent fort de ne pas s’en satisfaire, tant cette version manque de possibilités par rapport à celle que l’on trouve sur PC… Il y a ici des choses en moins, mais rien en plus qui ne soit cosmétique. Reste qu’avec Parallels Desktop installé sur un Mac avec Windows XP (soupir) on peut toujours avoir le vrai Sound Forge, celui qui fait tout et bien plus que celui-ci pratiquement sans jamais planter, pour plus cher certes… en attendant patiemment la version suivante, puisque Sony a toutes les cartes en mains pour proposer le meilleur éditeur audio qui soit.