Imaginez un monde sans fil... C'est l'ambition, en tout cas, du constructeur danois AIAIAI, de nous faire ranger les câbles au placard. Les moniteurs UNIT-4, premiers de la marque, sont disruptifs, novateurs, intrigants... Mais comment sonnent-ils ?

Aïe aïe aïe
Voici un objet original ! Par son design, par ses caractéristiques techniques, sa destination – du moins ce qu’on peut en imaginer, ses performances, la paire de UNIT-4 est aussi singulière que déroutante. La marque danoise AIAIAI à qui on doit ce modèle est une jeune marque avant tout spécialisée dans les casques. Son modèle phare, le TMA-2 Studio, présentait la caractéristique d’être un casque sans fil à ultra faible latence, et c’est bien ce principe, nommé Wireless+ ou W+, qui est au cœur de la création des moniteurs UNIT-4. Nous voici donc en présence de moniteurs de studio sans fil, ce qui soulève quelques questions : pourquoi ? Pour qui ? Pour quand ? Les images promotionnelles publiées par la marque montrent des utilisations en extérieur, ou dans des espaces de travail improvisés, en tout cas en dehors du studio classique, de ses patchbays et autres débauches de connectique. Ces moniteurs sont vendus environ 800 € la paire, ce qui n’est pas rien, mais le produit étant vraiment singulier, il est difficile de trouver des points de comparaison…
Unis par les liens du W+
Si ces enceintes sont d’une certaine manière autonomes, elles sont tout de même accompagnées d’accessoires dont elles dépendent largement : des chargeurs de batterie, évidemment, mais aussi le petit boîtier W+ link. En effet, cette fameuse transmission sans fil faible latence nécessite un petit émetteur, qui devra être branché en USB C depuis l’ordinateur sur lequel on travaille ou écoute. L’émetteur peut aussi recevoir un signal audio en jack 3,5 puis le transmettre, mais il faudra pour cela l’alimenter en électricité par le port USB.
Et la lumière fut
On sort les deux enceintes de leurs petites pochettes en tissu, et on se lance à leur découverte. Une petite carte d’instructions en blanc sur noir vient nous aider dans leur prise en main, en fonction du mode de connexion qu’on utilise.
The Wire, le retour
Oui, mais voilà, pour pouvoir écouter ces moniteurs et les comparer à ceux qu’on connaît, on va devoir la jouer à l’ancienne et rebrancher nos bons vieux câbles ! L’objectif étant de passer sur les mêmes morceaux d’une paire à l’autre avec le contrôleur de monitoring, exit le wireless, vive le jack TRS.
Radiohead – 15 Step
D’emblée, une impression nous saisit : il y a du grave dans l’air ! Les coups de grosse caisse dégagent des fréquences qu’on ne s’attendait pas à trouver ici. Sans être dans l’excès, car ces basses fréquences ne sortent pas de nulle part, on perçoit à peu près les mêmes dans nos moniteurs trois voies. Il nous semble que ces petites UNIT-4 descendent bien bas, tout simplement. Cela dit, l’équilibre penche légèrement vers le bas, avec des graves et bas médiums globalement riches, mais plutôt cohérents, et une partie haute du spectre globalement moins saillante que ce dont on a l’habitude sur cette chanson. Toute la partie rythmique est bien là, mais les transitoires sont un peu moins nettes. En revanche, la basse et les accords de guitare ont la part belle, avec une jolie rondeur, et la voix a beaucoup de corps. L’écoute est très agréable, confortable et précise, même si on manque légèrement de profondeur dans le champ. La scène ne manque pas de largeur, mais peut-être un peu de dynamiques et de profondeur.
Kendrick Lamar – Alright
Confirmation de ce qu’on avait entendu précédemment, les fréquences générées descendent vraiment bas ! La basse de ce morceau, qui plonge dans les profondeurs, est superbement mise en valeur, puissante et homogène, et le kick n’est pas en reste. On imagine que ces enceintes séduiront particulièrement les auditeurs de ce type de productions, et globalement l’écoute est très séduisante. On regrette tout de même un manque de tranchant, notamment dans la voix d’habitude si énergique, un peu alourdie ici par cet équilibre tonal. On remarque aussi que les réverbes ont tendance à se faire discrètes, l’image est très dense, manque à nouveau un peu de profondeur et d’air.
On sort le sonar
On va effectuer la mesure de réponse de la pièce sur cette paire de moniteurs, placée comme elle l’est. À l’aide du SoundID Reference de Sonarworks et du micro de mesure de la même marque, après quelques dizaines de mesures à différents points de la pièce, on obtient un graphique qui nous donne une image assez claire de l’équilibre fréquentiel.
On visualise bien ces basses fréquences, autour de 50 Hz, étonnantes pour des si petits moniteurs. En revanche, on est surpris de constater qu’il y a un sacré plongeon juste au-dessus vers 100 Hz. On constate à nouveau un niveau important dans le haut des graves et les bas médiums. Dans les médiums, on trouve un écart entre 1 kHz et 2 kHz, mais c’est un constat qui revient régulièrement quand les moniteurs sont placés de cette manière, à l’intérieur de nos deux paires du studio. Cette disparité est donc probablement plus liée au placement dans la pièce. En revanche, dans les aigus, on n’a pas beaucoup de niveau entre 3,5 kHz et 6,5 kHz, puis à nouveau au-dessus de 13 kHz environ.
Moderat – A new error
On reste très attentif aux graves sur ce titre, et on va l’écouter à différents volumes pour voir comment les moniteurs réagissent. À faible niveau (-40 dB au contrôleur de monitoring), on a déjà une composante grave très perceptible ; à niveau moyen (-30 dB), les graves sont bien présents ; par contre, à fort volume (-20 dB), ils plafonnent et la balance tonale se déséquilibre un peu. Ces basses fréquences, si présentes à certains niveaux d’écoute, ne suivent pas de manière proportionnelle le niveau des autres zones du spectre, notamment des médiums qui prennent une place croissante dans la balance tonale à niveau élevé.
App World
D’après toutes ces observations, on va essayer d’appliquer des réglages et d’optimiser la réponse en fréquences. Comme vous l’aurez compris, pas de réglages possibles sur les enceintes. Mais qui dit wireless, modernité et hi-tech, dit forcément… application. On va donc télécharger la petite App AIAIAI, pour pouvoir contrôler les UNIT-4 depuis notre téléphone intelligent, via une connexion Bluetooth bien évidemment. Cela commence par une phase assez fastidieuse de mise à jour du firmware, enceinte par enceinte, qui ne nous met pas trop en confiance. Mais une fois cette étape passée, l’application est assez claire : une page pour régler le niveau de luminosité, et une autre qui nous intéressera en premier lieu, pour définir le « Sound profile ».
Conclusion
Cette paire de moniteurs est étonnante à plus d’un titre. Pour des usages mobiles, sessions de travail improvisées, hors les murs, la proposition de liaison sans fil à faible latence peut être intéressante, et le format est bien pensé en ce sens. Les enceintes génèrent des fréquences très basses, plutôt impressionnantes. Si l’équilibre fréquentiel n’est pas optimal sans réglages, les options d’égalisations sur l’app sont pertinentes et effectives et permettent d’atteindre un bel équilibre. On regrettera tout de même un manque de profondeur dans l’image, une densité dans l’axe au premier plan qui prend un peu le pas sur le reste, et une réponse en fréquences qui s’incline un peu selon les volumes d’écoute.