Quand Klaus Heinz, le fondateur et ex-directeur général de la célèbre marque allemande ADAM, prend la tangente pour créer une autre marque d’enceintes de monitoring avec son fils Frederik Knop, forcément ça interpelle. Les boîtes sont toujours noires, elles intègrent aussi un tweeter à ruban, mais il y a la surprise du chef Heinz, et c’est pas du ketchup !
Si la marque est toute nouvelle, son fondateur est un vétéran. 40 ans de service au sein de diverses marques d’enceintes, fondateur, DG et à la tête de la R et D chez ADAM Audio… De quoi bien remplir son CV et sa page LinkedIn ! Les deux Berlinois proposent dans leur catalogue trois modèles, deux enceintes de proximité deux voies dotées de boomer de 5 et 7 pouces, et une enceinte dite « midfield » trois voies équipée de deux 7 pouces, un 4 pouces et le fameux tweeter à ruban cher à la marque. Ce dernier se veut, d’après le constructeur, encore plus évolué que le X-Art (conçu par Heinz lui-même) équipant les enceintes Adam grâce à un plus gros champ magnétique permettant d’amoindrir la distorsion et l’intermodulation, et à un guide d’onde autorisant d’atteindre des fréquences plus basses pour le crossover (situé à 2,3 kHz pour la Type 07 qui nous a été confiée). Ça promet !
HEDD, l’épicier
Une fois l’enceinte (la Type 07, donc) déballée, la première chose qui surprend, c’est sa taille, largement plus volumineuse (370 × 220 × 300 mm) que notre ADAM A7X ou notre Dynaudio LYD7. À l’intérieur on retrouve deux amplis de 100 W (ICEpower) pour un poids total de 10 kg. Le boomer de 7,2 pouces est un « Ultra Honeycomb Composite » tandis que le tweeter évoqué plus haut fait 2,2 pouces. L’enceinte présente deux évents à l’avant ainsi qu’une LED confirmant la mise sous tension. Pour allumer l’enceinte, il faudra chercher derrière, ce qui n’est pas toujours très pratique. On aurait aimé avoir un système de mise en veille automatique pour pallier ce problème. Dommage. À l’arrière, on retrouve aussi les deux filtres de type « shelve » pour les deux extrémités du spectre. Le constructeur parle d’une action de +/- 4 dB à 20 kHz et 50 Hz. Pour avoir une bonne vision du champ d’action de ces filtres, nous avons fait des mesures :
Les filtres sont assez efficaces, il n’y aura en revanche pas moyen d’agir sur les fréquences situées entre 600 Hz et 1,5 kHz. Côté connectique, c’est simple avec une entrée XLR symétrique et une RCA asymétrique. Un bouton à trois positions permettra de choisir entre ces deux entrées et une troisième dénommée HEDD Bridge… Quésaco ?
Quand Klaus joue au Bridge
La grosse particularité des enceintes HEDD est de proposer une fente permettant d’enficher un module optionnel parmi les cinq du catalogue. On retrouve ainsi du Dante, de l’AES67, de l’AES3/EBU, de l’USB 2.0 et du WiFi. C’est un gros atout pour ces HEDD qui pourront être intégrées très facilement dans un environnement compatible avec ces 5 protocoles. Que ce soit dans un petit home-studio, avec l’USB ou le WiFi, ou dans un gros studio orienté audio sur IP, avec l’AES ou le Dante, l’enceinte HEDD pourra s’adapter facilement. C’est une très bonne idée des concepteurs qui permet au produit de se démarquer de la concurrence. Pour une fois qu’un constructeur d’enceintes propose quelque chose qui change un peu, on ne va pas cracher dessus. Voici les prix conseillés TTC : B1 (Dante) : 299 €, B2 (AES67) : 599 €, B3 (AES3) : 299 €, sachant qu’un module suffit pour une paire d’enceintes. Il ne nous reste plus qu’à les brancher (en XLR, les modules ne sont pas encore disponibles à l’heure de l’écriture du test).
Écoute
Nous allons comparer ces HEDD Type 07 aux Dynaudio LYD7 équipées elles aussi de boomers de 7 pouces et coûtant à peu près le même prix (environ 600 € l’enceinte). Nous écoutons des fichiers non compressés avec notre Apollo 8 d’Universal Audio.
Johnny Cash – Hurt
Sur les guitares acoustiques, le surplus de hautes fréquences (à partir de 3 kHz) est bien discernable sur les HEDD, mais rien de rédhibitoire ici vu qu’on peut facilement corriger cela avec les réglages situés à l’arrière de l’enceinte (voir graphique de la mesure des corrections). Avec les réglages à midi, cet ajout de brillance sur les HEDD rend les guitares un peu plus creusées que sur les Dynaudio, mais si l’on baisse les aigus, on retrouve un haut du spectre très proche des LYD7.
Dès que la voix de Cash arrive, on ressent cette fois-ci une bosse située vers 1/1,5 kHz qui ajoute un peu de nasalité et qui permet à la voix de se détacher du reste des instruments. Ici, difficile de vraiment pénaliser la Type 07 qui est certes moins plate et neutre dans ce registre que la Dynaudio, mais qui présente une bosse qui a fait la popularité de certaines enceintes (dont la NS-10, pour ne pas la citer) auprès de plusieurs générations d’ingés son. C’est assez connu, avoir cette zone de fréquences légèrement exacerbée permet d’obtenir un focus assez intéressant lors du mixage et d’entendre certains détails avec précision. Rappelez-vous, la paire d’enceintes EGG de sE Electronics présentait d’ailleurs un petit réglage permettant de booster à 2 kHz, afin d’avoir ce fameux « NS-10 shift ». Quoi qu’il en soit, ce boost ne masquera rien, certains même apprécieront, le tout est de l’apprivoiser et de mixer en fonction. D’une manière générale, les ingés son vous diront qu’il faut connaître ses enceintes, notamment ses « défauts ». Pour le reste, les HEDD semblent très fiables, que ce soit au niveau de la restitution de la dynamique que de l’espace stéréo. Dernière chose appréciable : le sweet spot est assez large.
Michael Jackson – Liberian Girl
Vu qu’on a laissé le réglage à midi pour le haut du spectre sur les HEDD, on garde ce surplus d’air sur les nappes d’introduction de ce morceau. Quand la batterie arrive, on entend que les Type 07 donnent un peu plus d’informations dans le bas du spectre. Il faut dire que les LYD7 ne descendent pas particulièrement bas, et commencent à rendre les armes à partir de 70 Hz environ. Les HEDD arrivent jusqu’à 50 Hz sans sourciller, sans doute grâce à leur boîte bien plus imposante, car la taille du boomer reste la même. Petit avantage donc pour les Type 07, pour peu que vous ayez de la place sur votre bureau. Concernant les voix, on peut faire la même remarque que sur Hurt, avec toujours cette bosse autour des 1/1,5 kHz qu’on aime ou pas. Reste qu’en termes de « naturel », les Dynaudio sont devant, tandis que les HEDD demeurent plus « in the face ». À vous de choisir votre camp !
Gorillaz – Feel Good Inc.
On termine avec ce morceau de Gorillaz qui confirme ce qu’on avait commencé à entendre sur la chanson précédente : les HEDD descendent bien plus bas que les Dynaudio, même si ces dernières demeurent très précises. Le kick et la basse ont un rendu plus « physique » sur les Type 07. On apprécie le fait que ces dernières ne surjouent pas dans le bas du spectre, tout reste bien sec, précis et à sa place. Elles descendent jusqu’à 50 Hz sans avoir à forcer leur talent, et ça s’entend. Sur le passage avec la voix « radio », l’effet est légèrement exagéré sur les HEDD, toujours à cause de la bosse dans les médiums. Il est intéressant quand même d’entendre qu’un boost, où qu’il soit, génère obligatoirement un déséquilibre quelque part, et sur les HEDD, les hauts médiums se retrouvent du coup légèrement en retrait. Rien de dramatique, mais c’est pour cette raison que nous laissons personnellement les Dynaudio devant en termes de rendu sonore global.
Par curiosité, nous avons aussi branché nos ADAM A7X afin de les mettre en face des Type 07, et nous préférons les HEDD qui restent un peu plus linéaires, les ADAM souffrant d’un gros creux vers 800 Hz.
Conclusion
Décidément, Adam Audio porte bien son nom et commence à avoir une descendance nombreuse. Après Eve Audio, c’est au tour de HEDD de débarquer sur le marché des enceintes de monitoring, avec dans sa besace une bonne petite idée, le HEDD Bridge, permettant à l’enceinte de devenir compatible avec quelques protocoles d’audio sur IP comme le Dante. Côté son, son caisson imposant lui permet de descendre jusqu’à 50 Hz sans sourciller et l’équilibre général demeure bon grâce aux filtres efficaces disponibles à l’arrière. Il est quand même à signaler la présence d’une bosse à 1/1,5 kHz qui ravira certains, mais rebutera d’autres, nous conseillons donc au lecteur d’aller jeter une oreille avant de sortir le chéquier. Nous aurions aussi aimé avoir une mise en veille automatique qui peut se révéler bien pratique quand le switch de mise sous tension est situé à l’arrière. Reste que pour une première, c’est une réussite, et même si la marque est nouvelle, on sent que les concepteurs ne sont pas nés de la dernière pluie !