De la puissance, de la précision, voici ce qui nous est vendu par la marque italienne IK Multimedia, pour ses nouveaux moniteurs de studio. Un modèle hi-tech, qui appartient à une nouvelle génération où décidément, le numérique a toute sa place.
Une recette italienne
Fabriquées à la main en Italie, les iLoud Precision 6 font partie de la série « Precision », le haut de gamme de chez IK Multimedia. La marque plutôt spécialisée en plugins, simulations d’ampli pour téléphones ou pédales multieffets, proposait déjà des moniteurs compacts, pour un budget nettement plus modeste (sept fois inférieur). Ici, c’est la Rolls d’IK que nous allons tester. Dans cette série on trouve aussi les Precision 5 (comprendre 5 pouces) et les Precision MTM qui sont des deux voies et demie, avec deux haut-parleurs 5 ''. La communication qui précède cette paire d’enceintes est ultra élogieuse, et on nous promet des performances de haut vol, une réponse en fréquence et une linéarité exceptionnelles. Comme certains autres modèles récemment sortis (on pense aux Adam A7V, aux nouveaux moniteurs Neumann KH 150), le DSP et donc le numérique joue un rôle essentiel chez les Precision. En même temps la firme italienne est à l’origine spécialisée dans le traitement numérique, donc il est plutôt logique que ses moniteurs s’inscrivent dans cette génération connectée, qui propose tout un panel de contrôles depuis votre ordinateur, mais aussi et surtout une calibrage des enceintes.
Génération DSP
Pour leur allure générale, les Precision 6 sont plutôt fines, profondes, aux angles légèrement arrondis, rien d’extravagant. Les connectiques proposées au dos sont nombreuses et parfois surprenantes : entrée en XLR ou jack, deuxième XLR pour un micro de calibrage, port USB, entrée et sortie en mini-jack pour une télécommande… on reviendra en détail sur les usages liés à tout ça. Quelques réglages se trouvent au-dessus : un coupe-bas appelé LF Extension (à 80 ou 50 Hz), une correction pour les graves et une pour les aigus, une sélection Desk (qui enlève des fréquences juste au-dessus des graves pouvant être amplifiées par la surface sur laquelle repose les moniteurs), ou Cal (comme calibrage) sur laquelle il faudra s’attarder un peu plus loin. Enfin, pour finir la description du panneau arrière, un large évent en haut qui va probablement jouer un rôle non négligeable dans le bass reflex, ce qui fait la force principale de modèle : le grave. Côté avant, un tweeter 1,5 pouces en textile est inséré dans un système d’amortissement, et un haut-parleur grave 6,5 pouces à membrane en papier couché. Avec chaque enceinte viennent quatre petits « pods » d’isolation à mettre en dessous, et un micro « ARC » d’étalonnage. De plus en plus de fabricants proposent cette possibilité de calibrer les enceintes dans leur environnement acoustique à l’aide du DSP et d’un micro de mesure, et IK s’est donc mis au diapason hi-tech pour cette série Precision. Pour situer ce modèle dans le paysage des moniteurs de studio, la paire est vendue autour de 2400 €, ce qui la place à peu près dans la zone des Focal Solo 6, et un peu en dessous des Neumann KH 150. Ces deux références, qu’on a testées, sont de grande qualité et on attend donc une belle prestation pour un budget pareil. On s’interroge un peu, d’ailleurs, sur le fait que les produits précédents de IK Multimedia en matière d’enceintes soient dans une gamme de prix autant inférieure, et sur ce bond en avant en termes de prix de la série Precision et les attentes que cela va susciter. En prime, on reçoit une petite télécommande à quatre boutons, qui n’est pas incluse à l’achat des moniteurs.
Mise en 6tuation :
Une fois positionnées dans notre cabine de mixage, bien orientées vers le point d’écoute, et écartées de 145 cm pour créer le triangle équilatéral avec celui-ci, on peut mettre les enceintes sous tension. On prend d’abord le temps d’analyser le comportement de nos iLoud sans correction, on baisse le niveau d’entrée pour que ça corresponde à nos références, puis on a très vite besoin de dégager du grave pour gagner un peu en clarté. Pour cette fois, les écoutes de références seront des Genelec 1030A et des Adam A7X. Ça nous semble flou dans le bas médium et le sub, et on ressent un important manque de présence dans le médium et plus haut dans le haut médium. Après avoir coupé un peu de grave de manière assez approximative à l’aide des commutateurs situés à l’arrière des enceintes (les atténuations ne sont pas numériques), on se dit que le mode Desk peut aussi nous aider à atténuer cette impression de lourdeur et de flou dans la composante tonale. On arrive à un résultat un peu moins pâteux, mais pas encore réellement satisfaisant.
Le X Factor du moniteur
Pour tester les moniteurs dans leur meilleur apparat, on va donc lancer le calibrage de ceux-ci. On relie alors chacune des enceintes à l’ordinateur en USB, et on en profite pour câbler la petite télécommande qui devrait nous permettre de changer de réglage d’écoute. Ça fait pas mal de câblage, tout ça. On installe ensuite le logiciel X-Monitor que la marque a développé à cet effet, puis on identifie chacune des enceintes pour créer notre paire stéréo. On fouille un peu pour découvrir les différentes options que nous propose le programme, à savoir quelques références de systèmes d’écoutes dans la section « voice », majoritairement des émulations de moniteurs, mais aussi des enceintes Bluetooth, un téléphone, ou des systèmes HIFI plus ou moins haut de gamme. Cela nous rappelle le casque VSX de Slate digital et son logiciel dédié, que nous avons testé il y a peu. Parallèlement, le programme nous propose des réglages de corrections tonales correspondant à différents emplacements dans une pièce, et au type de support sur lesquels les enceintes sont installées. Tout ça nous laisse un peu dans le vague, la matière du support, les dimensions de la pièce ainsi que son traitement acoustique sont tout autant de critères qui pourraient eux aussi nécessiter une adaptation fréquentielle, d’autant plus que le constructeur nous propose également un calibrage personnalisée qui prend en compte tous ces paramètres. C’est justement ce qu’on s’apprête à effectuer avec le micro que la marque nous a fourni. On se rend compte qu’il faut le brancher à l’arrière de l’enceinte que l’on calibre, au lieu de rentrer dans un de nos convertisseurs comme on l’aurait fait avec le logiciel de calibrage MA 1 de Neumann ou le SoundID de Sonarworks. Tout cela nous rajoute encore un petit peu de manipulation, mais rien de traumatisant non plus. La suite paraît plutôt logique avec un calibrage à base d’émission de « Swipe » sur quatre points d’analyses médians autour du point d’écoute central. Les courbes fréquentielles qui en résultent sont sans appel et confirment nos premiers ressentis. Un sub incontrôlé jusqu’à 60 Hz, une énorme bosse entre 140 et 400 Hz, puis de grosses disparités dans le médium et le haut médium. Les aigus ne nous avaient pas posé soucis, et semblent assez homogènes jusqu’à une baisse naturelle et progressive à partir de 11 kHz.
Precision, c’est une basse non ?
On essaie d’appliquer le fichier de calibrage que le X-Monitor a généré, ici appelé ARC. La différence est tout de suite frappante et on voit apparaître la nouvelle courbe de réponse en fréquence en cliquant sur les boutons « after » de l’interface. On est bien convaincu, mais on trouve qu’il y a tout de même un peu trop de graves à notre goût, ce qui nous fait rentrer dans le mode « Custom » de la section « Contour » pour pouvoir adapter les enceintes corrigées à nos envies (on enlèvera à cette occasion 1,5 et on supposera que ce sont des dB). Le grave est vraiment impressionnant, et nous procure maintenant qu’il est contrôlé une profondeur assez insoupçonnable pour de si petits haut-parleurs. Dans ce mode Custom, on retrouve les commutateurs de correction tonale situés sur le panneau arrière, mais on nous propose aussi une bande médium qui n’existe pas en physique et qui pourrait nous être bien utile malgré une fréquence fixe à 2,7 kHz. On note aussi qu’en basculant d’un environnement à l’autre dans le mode « Contour », certains préréglages désarment le fichier de calibrage sans trop qu’on s’explique pourquoi, notamment le mode petit bureau contre un mur (small desk wall). Après avoir chargé nos réglages d’émulation favoris dans la section dédiée du logiciel, on se rend compte qu’on n’aura pas vraiment l’utilité de la petite télécommande puisque le X-Monitor comporte exactement les mêmes fonctions. Ceux qui utiliseront ces moniteurs avec d’autres supports d’écoute que l’ordinateur en auront peut-être l’utilité.
Ecoutes de Precision :
Moderat « A New Error »
On a tout de suite une impression de puissance, même à faible niveau. Le grave est précis et profond, bien centré et le « side chain » de la grosse caisse sur les impulsions de basse remonte très rapidement et procure une belle sensation de dynamique. Les thèmes de synthétiseurs sont plutôt doux et pourtant très définis, contrairement à l’agressivité que peuvent leur donner nos Genelec. Le calibrage a vraiment atténué l’excès de médium et on se retrouve avec une caisse claire aux belles transitoires, qui a le punch nécessaire mais suffisamment de nez pour se détacher du mix. Avec les Adam la caisse claire se perd un peu dans les bas médiums et ne passe pas totalement au premier plan. Pour revenir à nos Precision, on regrette juste que certains éléments de production comme des réverbes ou des release de synthés ne donnent pas à l’image sonore plus de profondeur.
Kendrick Lamar « Alright »
L’envie de faire une écoute à plus fort volume nous emporte. On aime ce qu’on entend, la structure tonale de la voix de Kendrick est très dense, et même si on a l’habitude de l’entendre légèrement plus pincée, elle se place subtilement et les éléments de production additionnelle donnent une belle profondeur à limage. Aussi, l’image est très large sur les percussives qui jouent beaucoup sur la stéréo, alors qu’on note qu’elle semble un peu plus resserrée sur les éléments plus continus, comme des nappes de synthés. De son côté, le tapis de basse est épais et profond, ça descend vraiment très bas dans le grave. On a presque envie de mettre les basses fréquences à fond pour se faire un petit plaisir à l’occasion (d’ailleurs on l’a fait, mais on ne vous en parlera pas, petit plaisir coupable et pas très instructif).
The War On Drugs « Thinking of a place »
On rentre tout de suite dans le morceau et on est bien englobé par les jolies réverbes des synthés et autres. Les guitares sont précises et chaleureuses, ressortent particulièrement au premier plan, bien centrées et équilibrées, et s’appuyant sur un basse batterie très assis et costaud. La voix nous paraît toutefois un peu voilée par rapport aux Genelec et aux Adam, et on a la légère impression que les attaques de guitares acoustiques ainsi que les charlestons et les timbres de caisse claire se décrochent un peu du reste du mix. Comme s’il manquait la toute petite colle pour homogénéiser l’ensemble de la structure des composantes tonales, avec les transitoires pourtant très précises et agréables. Les hautes fréquences sont quant à elles plutôt définies et musicales, on discerne bien le « damping » des différentes réverbes, et l’air de certains éléments comme les guitares acoustiques ou les percussions nous paraît naturel et musical.
En conclusion, on n’a pas été très convaincus par le premier contact avec les iLoud Precision 6 en réglage par défaut, mais en utilisant le X Monitor on a pu leur trouver de vraies qualités. De base, la réponse en fréquence n’est pas aussi linéaire que ce qu’on souhaiterait et certaines fréquences sont envahissantes. Mais après calibrage et quelques réglages additionnels on obtient un son bien plus homogène. Assurément, ces moniteurs parviennent à générer un grave riche et profond, à un point qui est rare pour des haut-parleurs et des caisses de cette dimension-là.