En 2013, nous testions les Rokit G3 de KRK, constructeur américain d’enceintes de monitoring au nom d’île croate, sans jamais vraiment être impressionnés, au point de ne leur accorder que trois étoiles notamment à cause de creux trop prononcés sur l’ensemble du spectre. Annoncée au dernier AES, la quatrième édition de la série V composée d’enceintes de moyenne gamme, a débarqué afin de laver ses petites sœurs de l’affront que nous lui avons fait. Laissons rugir la cylindrée !
Si la série Rokit se veut plutôt accessible en termes de prix, au niveau des Eris de PreSonus, des Alpha de Focal ou des HS de Yamaha, la série V va chercher quant à elle un positionnement un peu plus « moyenne gamme », en face des LYD de Dynaudio, des HEDD ou encore des ADAM AX. Les V de KRK existent depuis une éternité sur l’échelle d’Audiofanzine, une news datant de 2001 écrite par l’inégalable FredT annonçait déjà à l’époque la sortie de la V4, une enceinte deux voies dotée d’un, je vous le donne en mille, boomer de 4 pouces. Cette série n’est donc pas née de la dernière pluie et en est déjà à sa quatrième édition, ce qui en plus de 15 ans d’existence n’est pas si excessif que ça, me direz-vous.
Le péril jaune ?
Les V reviennent donc, affublées du suffixe S4, et la V6 S4 que nous testons aujourd’hui arbore le fameux boomer jaune cher à la marque, mais aussi un nouveau tweeter exhibant également la couleur des canaris nantais. À noter que KRK livre une paire de grilles afin de protéger ces deux haut-parleurs que nous n’utiliserons pas pendant le test.
L’enceinte est toujours une deux voies, avec un boomer de 6,5 pouces doté d’un moule en alu, d’un cône en kevlar et d’un aimant en ferrite, et un tweeter d’un pouce avec un dôme en kevlar et un aimant en ferrite lui aussi. La boite en MDR et aluminium renferme deux amplis de 125 et 30 Watts en classe D (le filtre de cross-over est situé à 1,6 kHz) et le port bass reflex est situé à l’avant, juste en dessous du boomer.
Les dimensions sont plus importantes que celles des LYD 7 de Dynaudio, 353 mm x 231 mm x 288 mm, avec un poids sur la balance de 9,4 kg.
À l’arrière, on retrouve l’unique entrée au format combo XLR/Jack TRS avec un potard permettant d’atténuer le niveau d’entrée jusqu’à –3 dB. Côté réglages, c’est plutôt riche avec pas moins de 7 positions pour le bas du spectre et 7 pour le haut ! On retrouve des shelves à 75 et 10 kHz (avec plus ou moins de boost/atténuation), mais aussi des filtres en cloche à 200 Hz et 3,5 kHz. Les possibilités pour adapter l’enceinte à votre configuration et pièce sont donc très bonnes. On retrouve aussi une série de 5 switches permettant de lever la mise à la terre, de changer le niveau de l’entrée (-10 dBV ou +4 dBu), d’activer la LED située sous le logo à l’avant, de doser sa brillance, ou encore d’activer le mode standby qui permet de mettre l’enceinte en veille après 30 minutes d’inactivité. La V6 S4 se remettra rapidement en activité dès qu’un signal fera son apparition en entrée ; ce qui n’est pas forcément le cas sur la LYD7 qui est un peu plus longue à la détente.
Il ne nous reste plus qu’à poser les enceintes, d’ailleurs dotées de mousses antidérapantes, les brancher et les mettre face à nos LYD 7 de Dynaudio coûtant à peu près le même prix et dotées d’un boomer de 7 pouces.
Écoute
Johnny Cash – Hurt
Sur les guitares acoustiques Martin, le son nous semble un peu plus creusé sur les KRK, avec un peu moins de boue et plus de brillance, ce qui n’est pas forcément désagréable à la première écoute. La voix en entrant dans le mix nous fait comprendre qu’il y a bien un léger déséquilibre qui donne un rendu moins naturel que sur les Dynaudio. La voix est un peu plus désincarnée, sans pour autant « sonner moins bien ». Mais c’est justement là qu’il faut faire attention et ne pas se laisser abuser par les KRK qui, en creusant les bas médiums autour de 600 Hz, peuvent nettoyer et javelliser un mix au point de le rendre souvent plus attractif. Mais est-ce vraiment ce que l’on demande à des enceintes de monitoring ? La réponse est non. En taillant cette partie du spectre, une paire d’enceintes peut détourner l’attention du home-studiste ou ingénieur du son de cette plage de fréquences pourtant cruciale. Nous surprenons là les V6 S4 à un petit délit de flatterie auditive ! Pour le reste du spectre, à savoir les hautes fréquences (au-dessus de 1 kHz) et les basses (en dessous de 400 Hz), il n’y a rien à signaler, c’est du très bon. La dynamique est elle aussi très bien rendue, et la largeur du sweet spot nous semble tout à fait convenable.
Michael Jackson – Liberian Girl
L’intro nous permet d’entendre que les hauts du spectre restent assez semblables dans l’équilibre général, même si inévitablement certaines fréquences sont plus ou moins présentes sur l’une ou l’autre paire d’enceintes. Quand la basse/batterie arrive, la KRK nous rappelle que la LYD 7 ne descend vraiment pas très bas (60/70 Hz). La V6 arrive quant à elle jusqu’à 40/50 Hz, soit 20 Hz de différence, ce qui n’est pas rien à l’écoute. Les deux instruments gagnent en corps et sans trop en faire, ce qui est une très bonne chose. C’est propre et sec, et la V6 tire bien parti de son format un peu large. Pour la voix, on constate aussi le nettoyage automatique des bas médiums dont il faudra se méfier comme la peste au mixage. Forcément, le rendu globale est plus creusé, moins médium, mais aussi plus courtisane, d’une certaine manière. C’est d’autant plus dommage que tout le reste est très bon.
Gorillaz – Feel Good Inc.
On termine avec ce morceau qui ne fait que confirmer tout le bien que l’on pense du bas du spectre des KRK. C’est solide, mais pas bodybuildé, et c’est toujours très lisible. On a vraiment un très bon rendu du punch de la grosse caisse. L’écoute générale est toujours agréable, mais plus creusée et du coup moins linéaire que sur les Dynaudio, même si sur ce morceau, le manque vers 600 Hz se fait plus ressentir dans l’équilibre avec les fréquences situées vers 1 kHz qui peuvent sembler, du coup, exacerbées.
Pour résumer, ces KRK ne souffrent que d’un seul défaut, mais il reste assez majeur nous concernant. Ce gros creux à 600 Hz a tendance à faciliter l’écoute, et ce n’est sûrement pas ce que recherche un home-studiste qui a plutôt besoin d’enceintes représentant le tableau de son mix sans fard. La dure réalité, rien de tel pour donner le meilleur de soi-même.
Conclusion
Cette nouvelle série V possède plus d’un argument pour elle, à commencer par son look, sa qualité d’assemblage, sa veille automatique, ses multiples filtres ou encore sa capacité à délivrer un bas du spectre allant jusqu’à 45 Hz sans baver. Les aigus sont eux aussi assez irréprochables, la seule ombre au tableau se situe dans les bas médiums, avec un beau creux qui aura la fâcheuse tendance à nettoyer et embellir tous les mixes. Que ce soit voulu ou non par le constructeur, nous pensons qu’une enceinte de monitoring doit rester neutre et rendre sans artifice le mixage du home-studiste sous peine de lui réserver quelques surprises à la réécoute sur un autre système. Un seul véritable défaut donc, mais il reste majeur à nos oreilles.
Tarif moyen unitaire constaté : 577 €