Nouvelle série de moniteurs chez PreSonus, Eris Pro possède la caractéristique plutôt originale d'avoir deux voies coaxiales ! On a testé les Pro 4, avec beaucoup de curiosité pour cet axe unique et cette proposition audacieuse.
PreSonus présent sur le marché
Voilà une marque qui est hyperactive en ce moment, dans le domaine du monitoring de studio. On les connaissait surtout pour leurs cartes son, pour en avoir eu une au début de ce millénaire, pour le logiciel StudioOne, ou encore quelques consoles numériques croisées ici et là… Mais leur collection de moniteurs est assez importante, s’étoffe et prend de l’épaisseur depuis une dizaine d’années. À l’origine plutôt présente sur l’entrée de gamme, avec des paires de moniteurs autour de cent euros pour les moins chères, quelques modèles de taille supérieure un peu plus onéreux, mais globalement en dessous de 300 euros l’unité, la marque basée en Louisiane étend sa collection vers le haut. La série Eris Pro, qui fait suite à la très bon marché Eris, puis à Eris Studio, se veut plus innovante et de qualité supérieure. Avec la série Sceptre, ce sont les fers de lance du monitoring chez PreSonus, et elles ont en commun de proposer une disposition coaxiale des deux haut-parleurs. Voilà donc pour le caractère innovant de nos Eris Pro 4, qui sont vendues autour de 280 l’unité. Pour les situer un peu sur le marché, par rapport à des modèles qu’on connaît et qui proposent des haut-parleurs de taille comparable, elles sont un peu en dessous des Shape 40 de chez Focal, un peu au-dessus des Alpha 50 Evo de cette même marque. Dans la même série, il existe aussi des Pro 6 et Pro 8, pour un peu plus de puissance, de taille et probablement de grave.
Coaxialisme
On a déjà pu observer récemment cette disposition coaxiale des haut-parleurs sur d’autres paires de moniteurs. C’est une proposition intéressante, probablement pas évidente à mettre en œuvre, que différents constructeurs ont investie ces dernières années. On pourra citer, entre autres, Fluid Audio avec les FX80, les In 8 de Kali qu’on avait testées ici, ou encore Genelec avec la série 8331 etc. Dans des gammes de prix très différentes ! La conception coaxiale permet un meilleur alignement de phases, une dispersion symétrique et cohérente des fréquences. PreSonus présente les moniteurs de cette série comme particulièrement adaptés au Dolby Atmos, ou autres multidiffusions, grâce à cet axe unique d’émission pour chaque enceinte. Comme on ne nous a expédié que deux enceintes, on ne pourra pas tester cette configuration, mais la proposition semble très crédible, d’autant que leur format compact laisse imaginer que les Pro 4 peuvent être très pratiques pour installer, par exemple un 5.1 dans un studio de taille modeste. Dans une configuration stéréo plus classique, la conception coaxiale devrait pouvoir apporter également de la précision, du fait de l’alignement des phases, on sait par exemple de source sûre que c’est très convaincant sur les Genelec 8331.
Cette conception permet par ailleurs aux moniteurs de la série Eris Pro d’avoir un format inhabituel, presque cubique : 229 de haut, 218 de profondeur et 190 de large, pour les Pro 4. Un haut-parleur de 4,5 '', un tweeter dôme en soie 1 '', qui sont respectivement précédés d’amplificateurs 45W et 35W classe AB. La réponse en fréquence couvre de 50 Hz à 20 kHz, et le niveau peut atteindre 99 dB SPL à 1 mètre. Au centre trône donc ce double haut-parleur, avec un petit guide d’onde ovale horizontal pour le tweeter, en dessous on trouve une petite barre lumineuse qui s’allume en blanc quand le moniteur est en standby et en bleu lorsqu’il joue, puis un large évent pour le bass réflex. Sur le panneau arrière, on trouve les connectiques, alimentation par un câble schuko, entrées audio symétriques en XLR ou jack TRS, entrée asymétrique en RCA, et quelques options de réglage.
Un potentiomètre pour le niveau d’entrée, deux autres pour régler les hautes fréquences et les mediums, sont placés au-dessus de trois sélecteurs. Le premier permet d’activer ou non le standby, le second d’activer un filtre coupe-bas à 80 Hz ou 100 Hz, qui peut être utile si vous utilisez un sub, ou si les enceintes font partie d’une multidiffusion, et enfin un « Acoustic Space » qui permet de réduire de –2 dB ou –4 dB certaines fréquences (on y reviendra plus loin). Faciles à placer par leur format, ces petites enceintes ont de l’allure. Quatre (par enceinte) petits pieds en mousse sont fournis pour améliorer leur isolation.
Post Sonus
Pour ce test, on va comparer les Eris Pro 4 à nos moniteurs de référence, des Genelec 1030A et des Adam A7X, dans la régie du studio, avec notre contrôleur de monitoring Heritage Audio. Vous savez tout, c’est parti…
Radiohead – Everything in its right place
D’emblée, on sent qu’on va trouver à cette paire de moniteurs une caractéristique très répandue ces dernières années : beaucoup de densité dans les bas médiums et le haut des graves. L’écoute est plutôt agréable et confortable, mais on sent que le spectre n’est pas très équilibré. Quand on passe sur nos Genelec, la différence est flagrante : les fréquences aiguës se révèlent et le morceau s’ouvre. Les Adam A7X partagent plutôt la tendance à une balance tonale chargée vers le bas, donc on les a corrigées. Les PreSonus se rapprochent davantage des Adam que des Genelec, c’est une évidence. En dehors de cette abondance de bas médiums, on sent aussi que les fréquences aiguës ne sont pas des plus énergiques, et les transitoires ne sont pas évidentes, comme masquées par cette densité au centre du spectre.
The War On Drugs – Under the pressure
Ce morceau sera plus approprié pour observer le haut du spectre et les transitoires. Le constat est assez clair : les charley, shakers, l’attaque de la caisse claire sont un peu effacés, la voix ainsi que la caisse claire sont comme alourdies par ces fréquences bas-médium un peu envahissantes et manquent de présence et de mordant. Les réverbes des claviers et guitares prennent beaucoup de place, et on a du mal à dissocier les différents éléments de l’arrangement. La clarté de l’image stéréo en pâtit également, le centre est très chargé.
Kendrick Lamar – Alright
Comme vous l’avez compris, le premier contact avec ces moniteurs n’a pas été totalement convaincant. On va donc aller observer les réglages qui nous sont proposés, et voir s’ils nous permettent de régler nos problèmes. Au dos des enceintes, on va utiliser les deux rotatifs qui semblent plutôt bien correspondre à nos besoins : celui des fréquences aiguës pour augmenter de 3 dB, et celui des médiums pour les diminuer du même montant. Les deux potentiomètres vont de +6 dB à –6 dB, ils ne sont pas crantés. On a essayé d’autres valeurs pour observer comment ces filtres réagissent, mais on est plutôt convaincus par ce réglage. Au passage, on s’aperçoit qu’on a un petit déficit de niveau par rapport à nos moniteurs de référence, donc on va ajouter un cran au potentiomètre Input Gain, qui n’est pas non plus cranté et dont les valeurs vont de Min à Max (pas très précis). On reprend alors les écoutes comparatives avec ce nouveau réglage et là, c’est le jour et la nuit ! Tout est beaucoup plus clair, lisible, et on trouve même les transitoires de la caisse claire un peu trop saillantes, maintenant. On retourne à nos réglages pour passer les aigus de +3 à +2 dB. En tout cas, une fois ces problèmes de fréquences réglés, les dynamiques sont superbes, la présence de la voix très satisfaisante, l’image stéréo a gagné en largeur. Surtout, l’ensemble de la bande médium est désormais très agréable, et on peut penser que la conception coaxiale et l’alignement parfait des deux haut-parleurs n’y sont pas pour rien.
Moderat – A new error
Maintenant qu’on est convaincus par le haut du spectre, on va se pencher vers le bas à l’aide de ce morceau. Forcément, avec des haut-parleurs de 4.5 pouces et des boites de petite dimension, certaines fréquences graves ne sont pas accessibles. Les moniteurs ne descendent pas très bas, mais permettent une écoute du grave plutôt correcte pour leur catégorie.
Radiohead – 15 Step
On boucle la boucle en finissant par ce morceau, sur lequel on va essayer une autre stratégie de réglage. On a également à notre disposition un sélecteur appelé Acoustic Space, qui a pour fonction de réduire de 2 dB ou 4 dB tout ce qui se trouve en dessous de 800 Hz, pour corriger des réflexions causées par des murs proches des enceintes. On précise que derrière nos enceintes, à 50 cm, se trouve non pas un mur réfléchissant, mais un profond bass trap, donc on ne devrait pas avoir besoin de faire des corrections de ce type, mais comme on avait ressenti le même genre de symptômes avant de recourir aux réglages, on peut essayer ce shelf. Honnêtement, il est probablement plus pertinent que le potentiomètre des médiums pour régler l’excès de bas médiums qu’on avait ressenti. Le problème, c’est qu’il baisse pareillement les graves, et là on perd une bande de fréquence décisive, qui n’était pas trop forte à notre goût. On passera donc notre tour sur cet Acoustic Space et on se contentera des réglages précédents qui fonctionnent bien. Mais cette fonction se révélera probablement utile dans certaines pièces non traitées, en cas de proximité avec un mur.
Identité Sonore et Bruit Blanc
Mettons nos impressions à l’épreuve de la mesure mathématique et scientifique : on utilise comme souvent le SoundID Reference de Sonarworks pour cela. Le logiciel et son micro de mesure nous ont permis de prendre le pouls d’un certain nombre de paires d’enceintes, dans le même environnement acoustique, et c’est généralement très instructif. Naturellement, on remet tous nos réglages à 0 pour mesurer ce qui sort des enceintes sans aucune correction.
On constate clairement, d’après cette mesure, qu’une bande de fréquences située entre 120 Hz et 500 Hz environ est très représentée, notamment au regard de ce qu’on a juste en dessous et au-dessus. Voilà qui vient confirmer notre impression initiale. En dessous de 100 Hz, le signal est un peu faible. La deuxième bosse qui attire notre attention se situe un peu au-dessus de 1 kHz, entre 1,3 et 2 kHz. Le potentiomètre de réglage des médiums est utile pour régler cet excès, mais attention car il est situé autour de 1 kHz, or précisément à cet endroit-là, on manque déjà de niveau ! Troisième enseignement important de cette courbe, les aigus : on a la confirmation qu’une large bande entre 6 kHz et 10 kHz est vraiment en dessous, et ce qui suit entre 10 kHz et 16 kHz n’est pas très présent non plus. Là encore, nos impressions se confirment. Si l’on se fie à cette mesure, par rapport à nos réglages précédemment explorés, on essaiera plutôt de modérer la soustraction de médiums, en baissant à –1 ou –2 dB cette bande, et on reviendra à une addition de + 3 dB pour les aigus.
Pour vérifier à nouveau ces remarques, on effectue une deuxième mesure à l’aide d’un générateur de bruit blanc, de notre micro de mesure et d’un analyseur de fréquences. Le constat est à peu près le même : de ce bruit blanc, les Eris Pro 4 amplifient les fréquences de 150 Hz à 450 Hz environ, la zone de 500 Hz à 1 kHz est en revanche nettement en dessous. Les fréquences aiguës entre 7 kHz et 15 kHz environ sont plutôt discrètes, notamment au regard des hauts médiums.
Conclusion
Dans leur état initial, ces moniteurs ne proposent pas une réponse en fréquences très linéaire, mais les options de réglages sont plutôt effectives et intéressantes, et permettent de régler en partie les excès (de médium) et les manques (d’aigus). En dehors de cela, la conception coaxiale offre une précision assez agréable et un format qui peut être intéressant dans certains types d’installations, Dolby Atmos, 5.1 ou autres.