Lors du dernier NAMM, Presonus avait sorti le grand jeu en présentant deux nouvelles séries d’enceintes de monitoring : les Eris placées en entrée de gamme et qui nous ont fortement convaincues lors de notre test du mois dernier, et les Sceptres dont le prix les place face à des enceintes moyenne gamme. C’est la Sceptre S6 que nous avons reçue dans nos locaux et qui fait l’objet du test du jour. Les Sceptre feront-elles aussi bien que leurs petites sœurs ?
Si les Eris présentaient un design plutôt classique, les Sceptre arborent quant à elles une conception coaxiale relativement originale et un look qui ne laissera pas indifférent. Derrière tout ça se cache en fait une société, Fulcrum Acoustic, spécialisée dans la conception d’enceintes de sonorisation, dont certaines utilisent une conception coaxiale et dont le « Lead Product Designer », David Gunness, a fait ses armes chez Electro-Voice et Eastern Acoustic Works (EAW) et détient pas mal de brevets grâce à ses inventions. Son dada, c’est d’améliorer les performances de ses enceintes à grands coups d’algorithmes, de DSP et d’outils logiciels. Les Sceptre sont donc une adaptation de ces technologies made in Fulcrum Acoustic pour le home studio. L’une d’entre elles est dénommée « TQ Temporal Equalization », mais tout d’abord, faisons le tour du propriétaire.
Coax c’est qu’cette enceinte-là ?
De par leur conception coaxiale, les Sceptre présentent un look original. En effet, le tweeter (moteur de compression à diaphragme de 1 pouce), ici encastré dans un pavillon, partage le même axe que le boomer. Cela a pour principal avantage d’offrir un seul et unique point de source, là où les classiques deux voies qui équipent nos home studios en présentent deux (le tweeter et le boomer sont à deux endroits différents). En théorie, le fait que les deux transducteurs partagent le même axe permet d’avoir une réponse en fréquence symétrique, verticalement et horizontalement, et un filtre de crossover inaudible sous tous les angles d’écoute. Nous verrons ce que cela donne en pratique…
Le fait que le tweeter soit encastré dans le boomer permet à l’enceinte d’avoir des dimensions réduites pour un modèle équipé d’un boomer (en papier et fibre de verre) de 6,5 pouces : 230 × 280 × 335 mm, pour 8,53 kg. La boîte est en MDF laminé vinyle et sous le couple boomer/tweeter se trouve un évent bass-reflex. À l’instar des Eris, le logo Presonus s’illumine à l’avant lorsque l’enceinte est mise sous tension.
Sceptre, eh bien
Derrière, on retrouve les entrées (XLR et Jack TRS) et un réglage du niveau d’entrée (avec un gain unitaire non cranté, malheureusement). L’interrupteur est aussi situé à l’arrière (dommage), et les trois commandes d’ajustement acoustique sont pratiques à utiliser avec leur série de LEDs et leur bouton.
On dispose d’un filtre passe-haut (désactivable) que l’on peut régler à 60, 80 ou 100 Hz, un correcteur de hautes fréquences qui agit sur toutes les fréquences gérées par le tweeter et donc situées au-dessus de 2,2 kHz (+1, –1,5 ou –4 dB) et enfin un réglage dénommé « Acoustic Space » qui baisse toutes les fréquences situées en dessous de 250 Hz de 1,5, 3 ou 6 dB afin de compenser l’amplification acoustique des graves lorsque l’enceinte est placée près d’un mur ou dans un coin de la pièce. C’est tout pour ce qui est des réglages, il sera donc impossible de modifier les moyennes fréquences indépendamment des aigus, à voir si cela n’est pas trop gênant dans la pratique. Les deux amplis classe D embarqués ont des puissances de 90 W (sous 4 ohms pour les basses et 10 ohms pour les aigus).
Si les enceintes coaxiales présentent quelques avantages, certains problèmes induits par le système restent impossibles à gérer avec une solution uniquement acoustique. C’est donc ici que le savoir-faire de Fulcrum Acoustic intervient, et notamment leur TQ Temporal Equalization. Cet algorithme utilise des filtres de type FIR (Finite Impulse Response) afin d’éliminer les réflexions du pavillon et diverses autres anomalies (fréquentielles et temporelles). Tout cela combiné permettrait, d’après Fulcrum, d’avoir une meilleure image stéréo et séparation des éléments dans un mix, plus de profondeur, moins de fatigue à l’écoute, et une meilleure résistance aux larsens.
Très bien, il ne nous reste plus qu’à écouter les enceintes !
Écoute
Pour les écoutes, nous avons comparé les Sceptres S6 avec d’autres enceintes deux voies dotées de haut-parleurs de 6,5 pouces, les The EGG de sE Electronics, qui restent plus chères mais donneront un bon point de référence, car nous les connaissons bien. Nous avons écouté quelques morceaux que l’on connait bien aussi, en lossless et même certains en 96 kHz/24 bit, via notre interface audio Metric Halo ULN-8. Nous avons laissé les réglages disponibles derrière les Sceptre sur une position neutre pour le moment.
Melody Gardot – Mira
La première chose qui saute aux oreilles, ce sont les hauts médiums des Sceptre qui donnent une présence plus accentuée que sur les EGG; et leur balance par rapport au haut du spectre rend un son un peu plus boxy et les réverbes et l’ambiance sont plus difficilement discernables que sur les EGG. Il faudra donc faire attention lors du mixage à ne pas surmixer les réverbes, car les Sceptre ont tendance à les atténuer. Le bas du spectre est assez similaire et nous semble très bon pour des enceintes de 6,5 pouces. Le fait que les Sceptre aient clairement des bossent entre 2,5 et 5 kHz rend le son assez analytique, mais parfois à la limite de l’agressivité.
La voix est bien mise en avant, mais il faudra aussi faire attention aux longues sessions d’écoute. On pourra cependant atténuer les fréquences situées au-dessus de 2,2 kHz grâce au réglage situé derrière l’enceinte, mais cela ne changera pas l’équilibre haut-médium/aigus et la perception des réverbérations et de l’air en règle général. Les bas médiums ne sont pas aussi linéaires que sur les EGG, mais vu la différence de prix entre les deux paires d’enceintes (les Sceptre S6 coutent environ 1300 € la paire, les EGG frôlent les 2000 €) cela n’est pas choquant. Côté image stéréo, cela nous semble bon, de même pour la dynamique générale du morceau qui est bien retranscrite. Le sweet spot est assez large, mais un peu moins que sur les EGG, avec un très léger détimbrage quand on bouge la tête horizontalement.
Metallica – Enter Sandman
Sur ce morceau, les bosses du haut médium rendent les guitares électriques plus présentes sur les Sceptre, au point que les EGG paraissent creusées, la différence est flagrante. Le charley est aussi très différent, avec une légère tendance à l’agressivité sur les enceintes PreSonus à cause des hauts médiums. Certains pourront trouver cela fatigant lors de longues sessions. En contrepartie, les Sceptre sont assez précises et aucun détail du mixage ne nous échappe, même si l’équilibre haut-médiums/aigus donne toujours un caractère boxy au son en général. Sur ce titre, les Sceptre s’en sortent donc plutôt bien, avec un équilibre différent des EGG, plus de présence et une bonne précision. Rien à redire sur le bas du spectre.
Strauss – Ainsi parlait Zarathustra
Les hauts médiums des Sceptre font la part belle aux cuivres en leur donnant une bonne présence et on discerne bien les instruments. En revanche, l’espace est plus exigu, les instruments semblent plus proches de nous, sûrement à cause de l’équilibre haut-médiums/aigus dont nous parlions plus haut. Les Sceptre assurent le travail, même s’il faudra toujours se méfier du volume des réverbes lors des mixages, nous aurions tendance à en mettre trop.
sE Electronics Munro EGG en bleu et Sceptre S6 en vert
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Les Sceptre ont un équilibre particulier dans le haut du spectre, assurant une bonne présence et une certaine précision sur les attaques, mais ces hauts médiums en exergue peuvent donner l’impression que les fréquences supérieures donnant de l’espace et de l’air aux instruments et réverbes sont en retrait. Elles sont pourtant bien présentes : dans le son, tout est question d’équilibre et il faudra s’y habituer lorsque l’on mix avec les Sceptre, sous peine de mettre trop de réverbe dans ses productions. Mais finalement, toutes les enceintes demandent un temps d’adaptation. Si le bas est irréprochable pour des enceintes de cette taille et placées dans cette fourchette de prix (environ 650 € l’enceinte), le bas médium reste moins linéaire que nos enceintes étalons plus onéreuses.
Conclusion
Si leur look, leur conception coaxiale, le bas du spectre et leur bonne précision et présence dans le haut médium nous ont convaincus, il faudra s’habituer à l’équilibre de ces dernières fréquences par rapport aux aigus, qui a tendance à atténuer les réverbes et l’air des mixages que nous avons pu écouter. De plus, si nous avons aimé leur côté précis dans le haut médium, nous mettons en garde les personnes sensibles à la fatigue auditive, car ces Spectre peuvent se révéler légèrement irritantes lors des longues sessions de mixage. Une fois domptées, ces Sceptre S6 peuvent se révéler être de bons outils pour travailler.