Native Instruments ont surpris tout le monde lorsqu’ils ont annoncé, au début du mois de septembre de cette année, la sortie du Maschine Jam, produit que personne n’attendait.
Ressemblant extérieurement au fils illégitime qu’une Maschine aurait eu avec un Push, dépourvu d’écran, mais équipé de bandeaux tactiles, accompagné d’une mise à jour du logiciel Maschine l’autorisant à travailler avec un contrôleur Maschine traditionnel sur une même instance du logiciel, et proposé au tarif plutôt agressif de 390 €, il n’en fallait pas plus pour fortement éveiller notre curiosité et chercher à en savoir plus.
Toutefois, avant de commencer, j’invite ceux qui ne maîtriseraient pas complètement l’environnement Maschine et ses codes à se reporter au début du test que j’avais effectué de la Maschine Studio.
C’est parti !
Jam bien ton physique
Comme d’habitude, débutons par le déballage de la bête. Outre l’appareil lui-même, la boîte contient un câble USB, un pied en plastique qui permet de surélever la partie arrière de Maschine Jam, ainsi que les documents permettant l’enregistrement du produit et le téléchargement du bundle Komplete 11 Select, toujours appréciable, ainsi que de bénéficier d’une réduction de 25 € sur l’achat de logiciels Komplete ou Maschine Expansions.
Le Maschine Jam mesure 320 mm de large pour 295 mm de profondeur pour environ 60 mm de haut potard compris, des valeurs assez proches de celles des autres appareils de la gamme Maschine. Au niveau des connectiques sur la tranche arrière, signalons juste la présence d’une prise USB, d’une autre pour brancher une pédale et d’une sécurité Kensington.
On retrouve naturellement la parenté du Maschine Jam avec le reste de la gamme dans l’esthétique de l’appareil qui adopte la charte assez sobre et « classe » de la marque, toute en noir, anthracite et… surfaces brillantes et réfléchissantes, grandes pourvoyeuses de traces de doigts. Mais ne soyons pas injustes : ces surfaces justifient parfaitement leur présence par leur nature transparente permettant la lecture des LED sous-jacentes. Tout va bien !
La première série de LED en haut à droite est prévue pour permettre le visionnage des niveaux de master, groupe, sortie secondaire (CUE) et des deux canaux d’entrée audio. Attention, je reprécise : à l’image des autres appareils de la gamme Maschine, le Maschine Jam est exclusivement un contrôleur. Les canaux d’entrée audio cités plus haut sont purement virtuels et peuvent être affectés par exemple aux entrées physiques d’une carte sonore tierce.
La seconde série de LED se situe dans la partie basse de l’appareil et sert à afficher la valeur des paramètres commandés par une série de bandeaux tactiles nommés Smartstrips, de même nature que ceux que l’on peut trouver sur les claviers Komplete Kontrol S et qui font ici leur première apparition dans la gamme Maschine.
Mais l’autre très grosse nouveauté qui saute immédiatement aux yeux, c’est la matrice de 8×8 pads RGB cliquables qui occupe la majeure partie de la surface supérieure. Ceux-ci ne sont toutefois sensibles ni à la vélocité et encore moins à l’aftertouch, à la manière de ce l’on peut trouver sur la majorité des modèles de Launchpad de Novation.
Deux autres nouveautés dans la conception hardware de l’appareil sont moins détectables à l’oeil nu, mais tout autant porteuses d’évolutions de workflow. Le bouton rotatif cranté classique des derniers modèles de Maschine devient sensible au toucher sur la Jam. Et une série de boutons numérotés de 1 à 8 fait aussi son apparition, permettant l’accès direct aux scènes dans votre projet Maschine. En dehors de ces quatre éléments, Maschine Jam propose bien d’autres particularités et nous détaillerons tout cela plus avant dans ce banc d’essai. Toutefois l’utilisateur habituel de la série Maschine se trouvera en terrain connu et n’aura aucun mal à trouver ses marques.
Pour clore le chapitre de l’aspect extérieur et du design, je dirais que comme toujours chez Native Instruments, nous sommes en présence d’un produit qui inspire confiance. Construction solide, poussoirs qui répondent bien à la pression, encodeur rotatif sensible au toucher et franc du crantage, il n’y a décidément pas grand-chose à reprocher à l’aspect externe et au ressenti tactile du Maschine Jam.
Maintenant que nous avons exploré un peu la carcasse de la bête, voyons comment celle-ci communique visuellement avec nous et pallie l’absence d’écran intégré.
C’est dans les vieux pots…
De manière générale, l’ergonomie du Maschine Jam et notamment de la gestion de la structure du morceau repose essentiellement sur un principe : la différenciation visuelle de chaque domaine de fonctionnalités. Là où sur les autres modèles de contrôleurs Maschine on a toujours la même matrice physique de 16 pads et donc au final toujours la même représentation visuelle pour des fonctionnalités somme toute très différentes – ce qui peut s’avérer parfois un peu troublant – les choses sont organisées comme suit dans le cas du Jam.
Les boutons numérotés au-dessus de la matrice sélectionnent les scènes et les boutons alphabétiques au-dessous de la matrice les groupes. La liste des patterns, le step-séquenceur, le piano-roll, la liste des sounds d’un groupe, les snapshots (nouveauté tout à fait intéressante sur laquelle nous reviendrons plus bas), tout ceci quant à soi s’affiche sur la matrice de pads avec à chaque fois une identité visuelle bien définie.
Et je ne parle même pas de l’écran en surimpression qui vient recouvrir l’interface du logiciel dans certains cas particuliers pour pallier l’absence d’écran intégré et proposer un assortiment de paramètres contextualisés, ou encore de l’affichage des paramètres de plug-ins ou de groupe via les LED des Smartstrips comme je le disais plus haut. Globalement, on se repère donc visuellement très bien sur le Maschine Jam.
C’est en cela d’ailleurs que l’utilisation de Maschine Jam est pertinente notamment en relation avec un contrôleur Maschine traditionnel. Rappelons ici que le Maschine Jam est le premier appareil à pouvoir travailler conjointement sur une seule et même instance du logiciel Maschine avec un contrôleur Maschine traditionnel. Une fonction « instance » permet d’ailleurs à l’utilisateur du Jam de basculer instantanément d’une instance à l’autre. Deux contrôleurs Maschine traditionnels ne peuvent en revanche toujours pas coopérer au sein d’une même session du logiciel.
…qu’on fait les meilleures Jam !
L’évolution de l’ergonomie telle que décrite ci-dessus entraîne pas mal de changements. Tout d’abord, l’utilisateur de Maschine bénéficie enfin d’une véritable visibilité sur l’ensemble de son projet et de la possibilité de mieux appréhender celui-ci dans sa globalité. En effet, les patterns ne se contentent plus d’adopter la même couleur que le groupe auquel ils sont rattachés, mais dorénavant ils sont de plus disposés en colonne au-dessus du bouton dudit groupe.
La création de scènes s’en trouve également amplement facilitée, qui plus est par l’apparition des boutons numérotés mentionnés plus haut autorisant l’accès direct auxdites scènes. Quoi de plus simple alors que de sélectionner la scène que l’on souhaite, puis d’activer un par un tous les patterns de son choix, ou encore de sélectionner l’ensemble de scènes que l’on souhaite faire jouer au logiciel, le tout sans changer d’interface ?
De la confiture pour les boutons
Toujours selon ce principe de différentiation visuelle cité plus haut, les sounds composant un groupe sont affichés dans le carré 4×4 pads inférieur droit de la matrice. On accède à cet affichage en pressant sur l’un des boutons de sélection de groupe, puis sur l’un des boutons commandant une fonction particulière comme « Mute » ou « Solo ». Par défaut, cet affichage est momentané, mais on appréciera de pouvoir le rendre permanent à tout moment, afin d’affecter plus facilement un état à tel ou tel sound par exemple.
Les paramètres des sounds sont accessibles via une pression sur le bouton « control » et sont immédiatement mappés aux Smartstrips tactiles, qu’il s’agisse de paramètres « génériques » comme le gain ou le panoramique, ou de paramètres spécifiques par exemple au plug-in employé dans tel emplacement de sound.
Les bandeaux tactiles s’avèrent un vrai bonheur à utiliser. Non seulement ils sont très réactifs, mais qui plus est ils offrent une palette de jeu plus étendue que celle proposée par des potards rotatifs : pouvoir atteindre directement une valeur donnée sans transition aucune est toujours un plaisir. D’ailleurs, il convient de citer ici une nouveauté dans le soft Maschine apparue pour coller à la sortie du Maschine Jam et de ses bandeaux tactiles : les perform FX !
Il s’agit en fait d’un module permettant de choisir entre plusieurs types d’effets, dont tous les paramètres sont naturellement modifiables comme sur les effets traditionnels, mais dont un paramètre en particulier est affecté à un mode « Perform », lui-même affecté au Smartstrip d’un groupe. On peut ainsi charger un Perform FX par groupe et donc par strip et les moduler indépendamment en temps réel. On peut bien sûr également les automatiser, comme tout autre paramètre modulable de Maschine.
Et l’ensemble desdits paramètres modulables de Maschine peut être sauvegardé à tout moment dans un « snapshot » grâce à la nouvelle fonction « Lock ». Chacun des snapshots sera symbolisé par l’un des 64 pads de la matrice dans un nouvel affichage, et pourra donc être rappelé à tout moment, soit instantanément, soit via un morphing progressif librement définissable.
C’est un peu ce qui manquait à Maschine, la possibilité d’alterner entre des configurations complètes de plug-ins pour l’ensemble d’un projet. Cette lacune est maintenant comblée, et largement !
Lady Marmelade
Le séquençage se fait via des configurations d’affichage qui rappellent furieusement ceux de la gamme Push d’Ableton. On a d’abord le séquençage rythmique, avec dans le coin inférieur droit toujours les 16 sounds d’un groupe, et les lignes supérieures de la matrice employées pour les pas de séquence. On peut soit séquencer un son à la fois, soit 4, soit 8. Dans ce dernier cas, le carré des 16 sounds disparaît et l’ensemble de la matrice est affectée aux pas de séquence. Cela s’avère très pratique pour créer très rapidement des patterns complexes.
Surtout qu’ici intervient une autre nouveauté apportée par le Jam : la fonction « Variation » ! Grâce à elle, il est possible de définir des paramètres d’« humanisation » ou de « randomisation » des séquences, tant au niveau rythmique que de vélocité, palliant ainsi partiellement la non-gestion de ladite vélocité directement au niveau des pads.
Mais l’on peut aussi bénéficier d’un séquençage mélodique, c’est-à-dire bénéficier de l’affichage du piano roll des patterns directement sur la matrice. Chaque pad correspond alors à une note dont la durée peut être préalablement définie. Selon la gamme de jeu qui aura été prédéfinie, seules certaines notes pourront être intégrées au piano roll. Il en va de même pour le mode suivant d’entrée de notes, le mode « Keyboard », permettant de jouer directement les parties sur la matrice de pads, le layout des pads se modifiant selon la gamme choisie.
En ce qui concerne la génération de notes, on peut même paramétrer les bandeaux tactiles pour qu’ils génèrent des suites de notes ou même des accords, autorisant ainsi de toutes nouvelles sensations de jeu. Enfin, on appréciera le fait que le mode d’enregistrement est entièrement paramétrable à partir du Jam.
Pas besoin d’en faire des tartines
Vous l’aurez constaté, depuis le début de ce banc d’essai, je me suis montré plutôt enthousiaste quant au dernier-né de chez Native Instruments. Il me faut maintenant souligner les petits points qui m’ont chagriné.
Tout d’abord, l’on sent clairement que l’appareil a été fait pour compléter une gamme déjà existante. Bien entendu, vous me direz que cela n’est pas forcément grave, que cela peut même s’avérer très pertinent, notamment pour ceux qui ne souhaiteraient pas investir des fortunes dans un appareil dont les fonctions feraient en partie doublon avec celles des appareils qu’ils possèdent éventuellement déjà. Soit.
Mais on est tout de même parfois en droit de se poser des questions quant à la pertinence de l’abandon de certaines fonctions basiques. Dans le cas du Jam, on perd entièrement la possibilité de supprimer un plug-in ou de le bypasser. Pour un appareil destiné à l’impro live, le fait de ne pas pouvoir bypasser à la volée est tout de même très dommage. Cela, on peut naturellement le faire sur un contrôleur Maschine traditionnel, qui devient alors quasiment le partenaire obligé du Jam en live, alors qu’à part ça celui-ci aurait pu se suffire à lui-même dans ce contexte-là. Contexte qui d’ailleurs implique que Native ait abandonné également les fonctions d’édition de samples sur son dernier produit, soit dit en passant.
D’un autre côté, il faut également savoir que la gestion des snapshots dont je parlais plus haut ne peut se faire qu’avec le Maschine Jam, les snapshots en question n’étant, pour l’instant en tous cas, ni gérables via un contrôleur Maschine traditionnel, ni même via le logiciel.
Dernier exemple d’interdépendance du Maschine Jam avec un autre appareil de la gamme : lorsque l’on veut charger un nouveau projet, on obtient traditionnellement un message dans le logiciel ou bien sur les écrans des contrôleurs Maschine si l’on souhaite sauver ou non notre projet actuel, ou bien abandonner le chargement d’un nouveau projet. Ceci peut se gérer via un contrôleur Maschine traditionnel, mais pas via le Maschine Jam. Si celui-ci est « tout seul », il faudra repasser par le clavier et la souris. Là aussi, c’est un peu dommage. Bref. Mais sortons de la thématique de l’interdépendance des produits d’une même gamme.
Un autre point qui selon moi s’avère un peu problématique est le suivant : la lisibilité et l’ergonomie du mode piano roll. En effet, si l’affichage sur les pads de la matrice indique la position de la note tonique à chaque octave, il est malaisé de savoir exactement à quelle octave on est à un instant T, ce manque de lisibilité étant accentué par l’absence dans l’affichage piano-roll du logiciel d’un cadre symbolisant la hauteur de l’ensemble de notes actuellement affichées sur les pads.
Enfin, le layout des gammes dans le mode Keyboard n’est clairement pas aussi pratique que sur les Push d’Ableton. En effet, sur ces derniers, le layout est agencé de telle sorte qu’il suffit de trois doigts pour jouer n’importe quelle gamme, ce qui n’est pas le cas ici où le jeu à une main ne permet pas de monter ou descendre correctement les gammes.
Enfin, terminons les doléances par deux petits détails. Le bouton rotatif n’est pas à rotation exponentielle, donc méfiance lorsque vous naviguez dans le browser si vous n’avez pas correctement filtré les résultats. La touche Shift pourrait bénéficier d’une position plus centrale, et les fonctions qu’elle active être mieux réparties entre les poussoirs, afin de permettre une manipulation à une seule main en toutes circonstances, afin de laisser la main droite disponible.
Conclusion
J’ai éprouvé un réel plaisir, je dois le dire, à utiliser le Maschine Jam. Tout y est très intuitif, et quelqu’un d’un peu habitué à l’univers Maschine saura très vite retrouver ses marques. La large matrice qui nous sort enfin des 16 pads habituels de la gamme fait du bien et l’on apprécie réellement la multiplication des identités visuelles qu’elle offre selon les fonctionnalités pilotées, avec le concours des nouvelles rangées de boutons et des bandeaux tactiles équipés de leurs LED. Ces derniers sont un vrai bonheur à utiliser, notamment avec les nouveaux Perform FX. On saluera également la richesse de fonctionnalités du template développé pour le pilotage d’Ableton Live. Toutefois, on regrette la volonté peut-être encore trop marquée de la part de Native Instruments de faire interdépendre le Maschine Jam avec le reste de la gamme, incitant l’utilisateur à compléter sa collection par des exclusivités ou au contraire des abandons fonctionnels discutables. Mais au vu des nouvelles fonctionnalités proposées, du bundle logiciel inclus et du prix très alléchant, nous aurions vraiment tort de bouder !