Si les États-Unis sont indubitablement le pays de la guitare électrique, une autre nation a su élever la fabrication d’instruments au rang d’art : le Japon. Mais que se passe-t-il lorsqu’un symbole américain comme la Les Paul est réinterprété par les japonais ? Nous avons voulu le savoir en testant la Bacchus BLS 2018.

Au royaume des guitares électriques, les fabricants américains sont rois. En témoigne l’omniprésence de Gibson et Fender. Mais si cette affirmation s’appuie sur une réalité historique, elle n’est plus vraie depuis longtemps. On construit des guitares dans le monde entier, et la Chine est aujourd’hui un exportateur d’instruments majeur. Le Japon, lui, occupe une place particulière au sein de l’industrie. Depuis des décennies, les amateurs éclairés aussi bien que les grandes marques n’hésitent pas à se tourner vers le pays du soleil levant pour s’assurer une qualité de fabrication reconnue. Après avoir testé une excellente guitare fabriquée par Fujigen il y a quelques mois, nous avons voulu réitérer l’expérience en nous orientant, cette fois, vers la galaxie Deviser.
Des Romains à Matsumoto
Deviser est une société japonaise qui construit des guitares et des basses depuis les années 70. À mi-chemin entre la production industrielle et la lutherie artisanale, les méthodes de fabrication détonnent. Alors que l’entreprise propose de nombreux modèles à travers différentes marques comme Bacchus, Momose, STR ou Headway, aucun processus d’automatisation n’est utilisé. Tout est fait à la main ! Pour ce test, nous avons décidé de nous concentrer sur la marque Bacchus, et plus précisément sur le modèle BLS, une copie de Les Paul.
Bacchus propose différentes gammes de guitares et de basses. La moins onéreuse, la gamme Global, comprend des instruments fabriqués à la main aux Philippines. En effet, le fondateur de Deviser vit depuis une dizaine d’années dans ce pays, et y a créé une usine calquée sur celle historique du Japon. On y retrouve les mêmes outils et les mêmes machines.
Vient ensuite la gamme Handcraft. Si les corps et les manches sont toujours fabriqués aux Philippines, l’assemblage (collage, frettage, montage, etc.) est réalisé au Japon, dans l’unique usine Deviser à Matsumoto. La BLS que nous avons testée est issue de la gamme Handcraft.
Enfin, Bacchus propose des instruments Handmade. Cette fois, les guitares et les basses sont intégralement produites à Matsumoto. Une petite centaine d’instruments sortent chaque mois de l’usine, et la plupart sont réservés aux marchés japonais et chinois.
Avant de passer au test à proprement parler de notre guitare, sachez également que Bacchus a lancé il y a quelque temps une production chinoise baptisée Universe. Ces instruments ne sont pas disponibles en France pour le moment.
Aux petits oignons
L’instrument est lourd, comme le sont souvent les Les Paul sans Weight Relief. En effet, à l’inverse de la majorité des LP actuelles, le corps est complètement plein. Ce dernier est d’ailleurs en acajou, et il est surmonté d’une table en érable flammé. Les amateurs de bookmatch parfait seront déçus, car les rayures ornant la guitare ne sont pas parfaitement symétriques. Pour autant, le rendu est sublime, notamment grâce à une belle finition Light Tea Burst dont la couche de vernis uréthane est très bien réalisée. Les finitions sont du même acabit, puisque les bindings sont parfaits, tout comme les incrustations sur le manche. C’est clairement une réalisation soignée, et même la jonction corps/manche est très propre.
Pour terminer, notons que le sillet est en os, ce qui est de plus en plus rare chez Gibson, le Tektoid étant privilégié par la marque. Quant aux micros, il s’agit d’une fabrication « maison » appelée Bacchus BRH custom ’59. Ces humbuckers équipent notamment la Duke, le plus populaire des modèles Bacchus.
Voici un récapitulatif des caractéristiques de la BLS 2018 Handcraft :
- Table en érable flammé
- Corps en acajou
- Manche en acajou, profil ’59
- Diapason de 24.75"
- Touche en palissandre indien, radius de 310 mm
- Sillet en os de 43 mm
- Chevalet et cordier ABR-1
- Mécaniques Gotoh SD90-SL
- Deux micros Bacchus BRH Custom ’59
- Deux contrôles de volume, deux contrôles de tonalité, un sélecteur 3 positions
- Finitions uréthane Light Tea Burst, Cherry Sunburst, Lemon Drop et Brown Burst
- Cordes d’origine : Elixir Nanoweb Light (10–46)
- Tarif : 1 790 €
Rayonnement solaire
Jusque-là, la Bacchus BLS 2018 impressionne. Mais une guitare se juge uniquement après l’avoir branchée… Enfin, presque ! Même sans amplification, l’instrument nous a impressionnés par sa belle résonance. C’est de bon augure, et il ne nous reste plus qu’à vous faire écouter cela une fois branché dans un ampli. La première série d’exemples a été enregistrée grâce à différentes simulations issues du Kemper Profiler, celui-ci étant branché dans une carte son Steinberg UR22. La seconde série est moins variée, mais répond à une demande récurrente. Elle a été enregistrée avec un véritable ampli Fender '65 Twin Reverb combiné à un simulateur de HP Two Notes Torpedo VB-101. Nous avons utilisé une pédale Fulltone OCD pour les saturations.

- 4 Kemper Micro manche Clean Twin Reverb 02:24
- 5 Kemper Micro manche Crunch JCM800 02:48
- 6 Kemper Micro manche Saturé JCM800 01:16
- 7 Kemper Position intermédiaire Clean Twin Reverb 02:06
- 8 Kemper Position intermédiaire Crunch Reinhardt Mini Me 03:24
- 9 Kemper Micro chevalet Clean Twin Reverb 01:30
- 10 Kemper Micro Chevalet Saturé JCM800 02:14
- 11 Kemper Micro chevalet Saturé + auto wah 02:04
- 12 Kemper Micro chevalet High gain EVH 5150 III 02:02

- 1 Twin Reverb + OCD + Torpedo Micro manche 04:04
- 2 Twin Reverb + OCD + Torpedo Position intermédiaire 02:12
- 3 Twin Reverb + OCD + Torpedo Micro chevalet 02:54
D’emblée, les micros de la Bacchus BLS 2018 révèlent leur nature claire et précise. Que ce soit avec le micro manche ou le micro chevalet, les notes sont articulées et la dynamique est impressionnante pour des humbuckers. Nous ne sommes pas vraiment dans un registre vintage typique de la Les Paul. Le niveau de sortie est assez important, mais sans le gras et l’aspect boueux des 498T et 490R par exemple. Pour autant, les graves sont là, en particulier avec le micro manche.
Pour terminer, sachez que l’électronique nous a comblés. Les potards de volume sont très progressifs, et on perd peu d’aigu en les baissant. C’est très appréciable, et cela permet de clarifier rapidement des saturations sans perdre en qualité sonore.
Conclusion
La Bacchus BLS 2018 Handcraft est une superbe guitare. La construction est sérieuse, le manche est un régal, et les finitions sont impeccables. Les micros sont aussi d’une grande qualité, même s’ils pourraient diviser puisqu’on ne retrouve pas le gras que l’on attend souvent d’une Les Paul. Pour autant, leur clarté et leur précision diabolique, ainsi que le respect de la dynamique et la présence, malgré tout, de graves nous ont complètement séduits.
Nous nous interrogeons toutefois sur la gamme Handcraft qui est certes composée d’instruments intégralement fabriqués à la main, mais dont la production est partiellement faite aux Philippines. Si nous n’avons pas de doute sur la qualité de l’usine délocalisée, la guitare que nous avons reçue le prouve, la main-d’oeuvre est certainement moins chère et pourtant l’écart tarifaire avec les modèles 100% japonais n’est que de 200 €. Peut-être est-il donc intéressant de se pencher sur la gamme Handmade, mais la production est plus réduite et les modèles plus rares.
Quoi qu’il en soit, le rapport qualité/prix semble bien meilleur qu’avec une Gibson. Il faut toutefois prendre en compte la revente, puisqu’il sera bien plus facile de tirer un bon prix d’une Gibson en occasion que d’une Bacchus. Il faut aussi ajouter à l’équation des marques comme Maybach, Fujigen ou, dans une moindre mesure, Tokai. En effet, tous ces constructeurs proposent aussi des copies de Les Paul fabriquées à la main et à des tarifs attractifs. N’hésitez donc pas à jeter un oeil à d’autres modèles. En attendant, nous, on a trouvé notre bonheur chez Bacchus !