Telle un Terminator en quête d'une vraie bonne suite au cinéma, la forme Stratocaster revient encore et toujours entre nos mains de guitaristes délicieusement conservateurs. Point de lassitude pourtant, les outsiders sérieux à la marque légendaire de Léo montrant de réels atouts pour attirer notre attention. Bacchus est une marque japonaise déclinant des modèles aux formes classiques inspirées par les canons du genre tout en proposant des originalité de bon ton, notamment au niveau des bois et de l'équipement.
Cette Bacchus BST-700B ne trompe personne jusque dans son nom de code : ST correspondant bien sûr à « Stratocaster ». Le manche vissé en érable avec touche érable rapportée, la caisse en une pièce de frêne huilé, l’œillet de rétention au niveau des cordes de Si et Mi aigu, le vibrato en six points avec pontets moulés vintages et l’électronique composée de trois micros simple bobinage maison Bacchus, un volume, deux tonalités et un sélecteur cinq positions représentent les grandes inspirations classiques.
Les 22 cases, le réglage de truss rod au talon façon Music Man et le poids ultra léger modernisent par contre la proposition de manière bienvenue et placent cette guitare dans la catégorie des instruments alliant la tradition et la modernité. Quel plaisir de ne pas avoir à démonter son manche pour régler le truss rod, calvaire bien connu des amateurs de Strats 60's. Les mécaniques en ligne de type Kluson inspirent confiance et le sillet en acrylique semble bien taillé pour ne pas générer de frictions abusives avec les cordes. La tige de vibrato adopte un angle peut-être un peu trop ouvert par rapport à la table et présente un jeu même lorsqu’elle est vissée à fond. Le cas du vibrato est probablement celui qui va trahir la gamme de prix de cette Bacchus lors du test, son côté cheap inquiète quelque peu.
Les frettes sont très correctement finies, point souvent sujet à caution dans les strats-likes de cette tranche de tarifs. Le radius un peu mystérieusement qualifié de « 210R » sur le site de Bacchus est en réalité un mix entre un radius vintage et un radius moderne ; au final il est de 8 pouces 27, relativement arrondi donc sans gêner outre mesure le jeu et surtout les bends. On peut donc se permettre une action un peu plus basse que sur les Strats 60's. Le sélecteur de micros semble cheap lui aussi, très haut au niveau du bouchon, il pourra être avantageusement remplacé pour une meilleure référence. Rappelons que la qualité des guitares ne dépend pas du pays de fabrication des instruments mais du cahier des charges. Ibanez réalise des très beaux modèles en Indonésie dans les séries Premium alors que personne n’ignore la très mauvaise période de la deuxième moitié des années 2000 pour Gibson qui pourtant fabrique aux USA. En l’occurrence, la série « Global Series » d’où provient cette Bacchus est fabriquée aux Philippines.
Passe ton Bacchus d’abord
À la prise en main, le poids étonne à nouveau. Vraiment très légère, elle ne pèsera que très peu sur votre épaule même lors de longues sessions de jeu. Les attaches courroie sont assez larges pour ne pas craindre la chute sous réserve de rester calme sur scène mais le style de la guitare ne se prête manifestement pas au thrash metal grind core équatorial. Comme d’habitude, l’achat de strap locks reste un impératif incontournable pour ceux et ceusses voulant évacuer tout risque de chute. À vide, la sonorité est assez brillante mais sait rester équilibrée. Les frettes ont un profil vintage et sont assez fines, vous aurez des sensations à l’ancienne ainsi qu’une très belle définition acoustique des notes, même au delà de la 12e case sur les cordes graves. Un léger trémolo avec la tige de vibrato montre une tenue d’accord médiocre, confirmant l’impression mitigée de départ malgré la lubrification du sillet à l’huile de vaseline et une stabilisation des cordes optimale. Le dos du corps montre déjà quelques traces dans le bois malgré le caractère neuf de l’instrument, le frêne du modèle est en effet hyper tendre et la finition huilée ne présente pas une protection suffisante pour éviter les pocs. Cette guitare va donc vivre et se patiner comme une grande.
Branchons la bête dans un Colt de chez Ace Amps. Quelques effets de type réverbe et compression pour les sons cleans, une enceinte 2×12 équipée d’Eminence Governor et Man’O’War un Shure SM57 dans une carte Focusrite 18i8, le tout envoyé dans Cubase sans post EQ, vous commencez à connaître mes conditions de test (seul l’ampli et l’enceinte peuvent changer en fonction de la guitare).
Nous allons explorer toutes les positions de micros en son clair tout d’abord. Celles-ci sont classiques : aigu, aigu+milieu, milieu, milieu+manche et enfin manche. Les sonorités sont convaincantes tout en restant très classiques. Pas de surprise en clean, c’est bien une guitare de type Strat. Le rebondi des positions intermédiaires est bien présent pour le bonheur des funkmen, le micro aigu est assez sec et agressif sans être trop twangy, l’équilibre général est bon. Très bon point pour le sustain, absolument génial. Écoutez ce petit Sol majeur à la fin de l’extrait audio, il dure très très longtemps.
Les arpèges sont très flatteurs et ne trahissent pas l’inspiratrice. Les notes sont définies et les bonnes impressions à vide se confirment. Le sustain fantastique en fin d’exemple démontre à nouveau la très bonne performance de résonance de l’instrument.
En crunch poussé dans le style de Stevie Ray Vaughan, le rendu est très réussi. En position aigu et milieu c’est le paradis du texan à bottes en cuir. L’attaque est très bien rendue et montre une belle santé des micros Bacchus maison, assez définis et au niveau de sortie ni trop faible, ni trop élevé. Belle prestation en blues également, nuances et subtilités sont au rendez-vous. Le jeu au volume est totalement possible avec un bon potard dont la course est totalement exploitable. La friction est agréable et aucune grosse résistance n’est à noter.
- crunchSRV01:31
- blues01:31
Nous allons bien entendu tester cette Bacchus en disto même si ce n’est pas son terrain de jeu favori. Elle ne rechigne toutefois pas et en enclenchant le canal saturé du Colt nous avons tout l’univers anglais à disposition. Ritchie Blackmore, nous voilà ! Ce grand maître caractériel arrivait à sortir des sons d’une autre planète avec sa Strat, pourquoi une Bacchus n’y arriverait pas ? Utilisation du vibrato en moins pour cause de mauvaise tenue d’accord en revanche… En lead et avec plus de gain, on constate un buzz totalement normal sur des micros simple bobinage à consonance vintage. Ce buzz fait partie intégrante du charme de ce genre de guitare, on y adhère ou pas, toutefois avec une bonne gestion du potard de volume et une petite noise gate on arrive à nettoyer suffisamment le son pour un rendu assez propre. Encore mieux, mettez une pédale de volume dans la boucle d’effets de votre ampli, vous aurez le silence total en temps réel !
- dist01:31
- lead01:30
La pièce finale dans le style de Deep Purple démontre un beau réalisme en utilisation en contexte. L’obédience strat n’est pas usurpée et on se prend pour monsieur Mauvais Caractère sans aucun souci. Très joueuse, elle se laisse dompter sans difficulté. Son tirant de 10/46 d’origine est de plus très flatteur et évite aux acheteurs de jouer sur des nouilles lors d’un test en magasin malgré l’amour de votre serviteur pour le 9/42. Profitons-en pour rendre hommage aux micros, éternelle faiblesse de guitares parfois même très onéreuse. Définis, réactifs au jeu au volume, il affichent une belle forme quels que soient les styles abordés et se placent dans la catégorie rare des micros « qui ne sont pas de grande marque mais qu’on peut laisser quand même parce que ça le fait ».
La Bacchus au doigt
La Bacchus BST-700B constitue une belle alternative pour ceux qui souhaitent une guitare classique dans le style tout en disposant d’éléments plus modernes pour faciliter le jeu ou tout simplement sortir des sentiers battus. Que ce soit Maybach, Tokai ou Bacchus, ces firmes japonaises en ont sous le capot pour convaincre d’éventuels acquéreurs. La proposition est sérieuse et le tarif place l’instrument de façon très correcte par rapport au reste du marché. Les petites réserves concernant la tenue d’accord et le chevalet existent mais à placer en regard du prix qui reste assez étudié. Livrée en housse, il faudra juste faire attention aux marques dans le bois de la caisse qui vont apparaître très rapidement. Ceci dit, combien de guitaristes trouvent un charme fou aux guitares de type Strat qui vieillissent de belle façon ? Cette BST peut aussi servir de superbe base aux upgrades. Sans toucher aux micros Bacchus de très bonne tenue mais en changeant le sélecteur de positions, le chevalet et éventuellement le sillet pour passer sur de l’os, elle devient une vraie fusée pour les amoureux des sons cleans et crunchs des 70's. La plaque tortoise et l’esprit général du modèle datent en effet la guitare dans cette période, ainsi que la finition boisée naturelle typique. Une belle guitare au bon prix.
Un grand merci au magasin Hendrick Music de Blois pour le prêt de l’instrument. Page Facebook