Le marché des interfaces est déjà assez chargé, mais qu’importe, Audient, la marque anglaise connue pour ses consoles et ses préamplis, a décidé de sauter le pas et propose une interface de type desktop qui a attiré notre œil, la iD22. Voyons s’ils ont de la suite dans les iD…
Avec une telle réputation et expertise dans le domaine des consoles et des préamplis, il était assez logique que la marque décide un jour de sortir une interface audio. Les Anglais ont décidé de commencer avec quelque chose de finalement assez simple, mais qui ne manque pas de sex appeal.
Interface buraliste
Au format Desktop, l’iD22 se destine à être posée sur votre bureau, et une fois qu’elle campera sur ses quatre patins, elle ne bougera plus. Pour cause, son poids est assez important (1,8 kg) à cause de (ou grâce à) son châssis entièrement métallique. L’iD22 est assez grosse pour une interface desktop proposant deux préamplis (227 × 181 × 65,5 — 48 mm), et ne se transportera pas aussi facilement qu’une Duet 2, une Babyface, une Forte ou une Track16. De toute façon, cette interface ne se destine pas vraiment à être nomade, car il faudra obligatoirement la brancher sur le secteur. Question de qualité audio d’après le constructeur…
Dans la boîte on retrouve donc la bête, le bloc secteur, le câble USB et une clé USB de 2 Go avec un lien (!) pour télécharger le dernier driver et la documentation qui est très bien faite, très complète, mais en anglais seulement. La construction a l’air vraiment sérieuse et le tout semble très solide. Le potard de volume est très agréable à utiliser et glisse parfaitement. Les potards de gain sont un peu plus durs, ce qui semble parfait pour du réglage fin. Nous aurions quand même préféré des gains à contrôle numérique, plus pratique pour rappeler un réglage particulier.
En dessous de chaque potard de gain pour les deux entrées micros, on retrouve une série de quatre switchs permettant d’activer l’alimentation 48 V, le pad de –10 dB, l’inverseur de phase et le coupe-bas situé à 100 Hz (pente de 12 dB/octave). En dessous du gros potard de volume (impossible de le contrôler au niveau logiciel), deux boutons permettent de couper ou diminuer le niveau (jusqu’à –30 dB) des sorties principales généralement reliées aux enceintes : pratique.
En dessous du potard de volume pour le casque se trouvent trois autres boutons pouvant être assignés à certaines fonctions, comme activer le talkback (on pourra assigner une entrée micro), enclencher le mode mono (mélanger les deux canaux gauche/droite, ou diffuser seulement l’un des deux), inverser la phase du canal gauche (afin de couper tout ce qui est au centre du mix, par exemple) ou encore passer sur la deuxième paire d’enceintes. On regrettera juste le nombre trop juste de LEDs (4) sur les vumètres de sortie et l’absence totale de vumètres pour les entrées : il faudra obligatoirement passer par le logiciel pour faire les niveaux. Mise à par cela, rien ne manque à l’appel et tout est là pour nous faciliter la vie !
Rien devant, tout derrière
Première petite déception : tous les connecteurs sont situés derrière, même la sortie casque et l’entrée instrument que l’on aurait aimé voir devant. Dommage, car il y avait la place… Du coup, derrière, c’est chargé. À droite se situent les prises combo XLR/Jack 6,35 mm pour les entrées micro et ligne, l’entrée instrument qui remplace l’entrée micro 2 lorsque l’on y branche quelque chose, et les deux envois et les deux retours symétriques permettant de connecter des périphériques avant les convertisseurs A/N de l’iD22. C’est assez rare sur ce genre d’interface pour être signalé, un très bon point ! Les retours pourront d’ailleurs être aussi utilisés comme entrées ligne qui ne passent pas par l’inverseur de phase, le coupe-bas ou le pad. Les quatre sorties ligne pour brancher des enceintes, par exemple, sont au format Jack TRS. On termine avec l’obligatoire prise USB 2 et les entrées/sorties optiques au format TOSlink pour l’ADAT ou le S/PDIF. Il n’y a pas de switch on/off, ce qui est un peu dommage, l’électricité n’étant pas gratuite, et débrancher le câble derrière, ce n’est pas pratique. On note aussi l’absence de prise MIDI, ce qui pourra manquer à certains.
Windowsiens, soyez patients
Autre petite déception qui ne sera que momentanée et la plus courte possible on l’espère : l’iD22 est pour le moment compatible Mac uniquement. Les drivers Windows devront arriver prochainement d’après Audient, et l’interface étant Class Compliant, elle devrait être aussi compatible iOS, sans pour autant être certifiée par le constructeur. L’installation s’est faite très simplement et nous avons vu apparaitre un petit bout de programme dans notre dossier « Applications » dénommé iD22 et révélant une table de mixage virtuelle au look très sympathique de vieille console : c’est joli et pas trop surchargé, un peu à la manière de ce qu’a fait Universal Audio avec son Apollo et en raccord avec le hardware.
Côté entrées on retrouve les deux analogiques (Mic), les deux numériques (Digi) et enfin les trois paires de retours séquenceur (DAW). Il est possible de cacher certaines de ces entrées afin de rendre l’interface encore plus lisible et de ne pas avoir à faire défiler horizontalement sur les petits écrans. Chaque tranche possède deux envois (Cue A et Cue B), qui sont des mix stéréo que l’on pourra récupérer sur n’importe quelle sortie physique, analogique ou numérique. On pourra s’en servir pour faire des mix pour ses musiciens lors des prises ou encore pour n’envoyer que certaines choses dans un traitement externe qui sera branché sur les inserts de l’interface. Chaque Cue a un volume général dans la partie Master de la console virtuelle, ainsi qu’un bouton Solo. Classiquement, chaque tranche dispose aussi de boutons Solo, Mute et d’un réglage de panoramique en plus de l’incontournable fader.
Boutons à la carte
La partie Monitor, en plus du Vumètre, dispose des réglages que l’on peut retrouver sur l’interface matérielle : le bouton mono, l’inverseur de phase, le talkback, le bouton pour passer sur les enceintes alternatives, le dim et le cut. Le gros potard de volume est représenté, mais on ne pourra pas y toucher, car c’est un contrôleur uniquement hardware. Alors pourquoi l’avoir représenté ? Mystère… Comme on ne dispose que du dim et du cut sur l’interface audio, c’est ici que l’on pourra affecter une fonction aux trois boutons F1-F3. Un clic droit sur le mono ou l’inverseur de phase, par exemple, laisse apparaitre un menu contextuel qui permet d’assigner la fonction sélectionnée à un des trois boutons physiques. Chacun pourra donc choisir ce qui l’intéresse. Pratique. Si on est tatillon, on pourrait regretter le fait de ne pouvoir piloter une fonction d’un logiciel tiers (comme son séquenceur, par exemple) avec ces boutons F.
Un petit bouton système laisse apparaitre des paramètres supplémentaires, comme choisir entre de l’ADAT ou le S/PDIF pour les E/S numériques, la source de l’horloge (interne ou l’entrée optique), l’entrée pour le talkback, le mode mono, ou encore les trims pour les niveaux de dim (jusqu’à –30 dB) et des enceintes alternatives. Ce dernier réglage est pratique, car les enceintes n’ont généralement pas les mêmes niveaux et cela permettra de passer d’une paire d’enceintes à une autre sans saut de volume.
Enfin, on termine avec la matrice permettant d’assigner n’importe quelle source (Main Mix, Alternate speaker, Cue A, Cue B, Daw Mix) à n’importe quelles sorties analogiques (les deux paires stéréo plus le casque qui a ses propres canaux 5–6) ou numériques (8 canaux, donc). Une fois tout ceci réglé, il sera possible de sauvegarder sa configuration afin de la rappeler plus tard. Très bien !
On regrettera juste l’absence de traitements comme un égaliseur, un compresseur ou un réverbe qui peuvent être pratiques à la prise. Ce problème peut être en partie réglé par les inserts disponibles, mais tout le monde n’a pas de traitements externes hardware…
Performances audio
Grâce à notre matériel Audio Precision, nous avons fait des benchmarks des entrées micro avec le gain réglé à 40dB (l’interface offre un gain total de 60dB). Voici les résultats :
Nous aurions aimé avoir un peu plus de réserve de gain sur les entrées micro, avec un potard ayant une course un peu plus linéaire, mais comme les préamplis sont très silencieux, cela n’est pas si gênant que ça : ils sont totalement exploitables jusqu’au bout de leur course. On observe une légère atténuation dans le bas (-0,5 dB à 35 Hz) : rien de bien méchant compte tenu de leur linéarité sur le reste du spectre.
Pour tester les entrées ligne, nous avons utilisé les retours des inserts qui ont l’avantage d’être placés juste devant les convertisseurs, les coupe-bas et autre inverseurs de phase n’agissent que sur les entrées lignes des prises combo XLR/Jack TRS.
Les résultats sont vraiment à la hauteur de nos espérances, avec un THD+N qui talonne celui des interfaces haut de gamme (Antelope Orion 32 et Metric Halo ULN-8), une bonne réponse en fréquence, et surtout un très bon rapport signal/bruit et une très bonne dynamique, la meilleure que nous avons testée jusqu’à présent.
L’entrée instrument nous a aussi paru de très bonne qualité, avec une réponse en fréquence assez linéaire et une très bonne dynamique.
On termine avec les sorties analogiques, qui ont un THD+N situé entre l’Orion et l’ULN-8, c’est à dire très bon, une réponse en fréquence pas aussi linéaire que ces interfaces haut de gamme, mais tout à fait acceptable pour son prix (moins de 700 €), et toujours une très bonne dynamique, juste au-dessous de notre Metric Halo.
Concernant la latence, nous avons relevé 3,72 ms en entrée et 2,77 ms en sortie, avec un buffer minimum de 32 échantillons. Le driver s’est révélé très stable sur notre configuration, mais il est malheureusement impossible de nous prononcer sur le driver Windows qui reste indisponible à l’heure d’écriture de ce test. Voici pour finir, une prise fait avec notre micro Oktava ayant besoin d’un peu de gain placé devant notre guitare Takamine.
Conclusion
Cette iD22 a de sérieux atouts pour elle, à commencer par une construction robuste, un look irréprochable et un côté très pratique à l’usage avec ses boutons directement accessibles grâce à son format desktop. Ses performances audio sont aussi de haut vol avec des convertisseurs de qualité et des préamplis très silencieux. On aurait aimé avoir un peu plus de gain en réserve, mais les préamplis restent très bons, même poussés dans leurs derniers retranchements. L’entrée instrument reste dans la même lignée et Audient ne faillit pas à sa réputation.
Il reste cependant quelques petits défauts de jeunesse, à commencer par l’absence de traitements internes (réverbe, EQ…), de mode stand alone, de VUmètres pour les entrées, de switch on/off, d’une sortie casque et d’une entrée instrument mal placées, et l’impossibilité de l’alimenter uniquement par USB. Les home-studistes à la recherche d’une interface vraiment nomade se tourneront vers un modèle plus petit et léger, mais les autres voulant une bonne interface proposant deux préamplis, des inserts, de l’ADAT, une console virtuelle jolie et pratique, un prix bien calibré (moins de 700 €) et une robustesse à toute épreuve pourront se tourner vers cette iD22, à condition qu’ils aient un Mac.
Concurrents : Apogee Duet 2, MOTU Track16, Focusrite Forte, RME Babyface, SPL Crimson