Cette semaine, nous testons la MBOX Studio, la nouvelle petite interface audio d'Avid, en tout cas "petite" relativement au reste de leurs produits... Car la MBOX est par ailleurs une énorme boîte à outils, qui coche pratiquement toutes les cases de ce que l'on peut attendre d'une interface.
La sortie de cette interface constitue, comme l’avait souligné Red Led, un événement important chez Avid : en effet, cela faisait 10 ans que la société américaine n’avait pas proposé un nouveau modèle de petite interface, la dernière étant la MBOX 3.
Cette nouvelle MBOX Studio propose donc 21 entrées et 22 sorties en tout, parmi lesquelles on peut déjà indiquer quatre préamplis micro adaptables à des niveaux ligne ou instrument (avec un système de sélection d’impédance d’entrée) plus quatre entrées ligne supplémentaires ; s’ajoutent à cela deux sorties casque indépendantes et deux sorties de monitoring indépendantes. Pour les instrumentistes, auxquels Avid semble avoir tout particulièrement pensé : des boucles d’effet, une sortie de reamping et une connectique pour pédale d’expression ou footswitch viennent s’ajouter à une banque de plugins avec pas mal de simulations d’amplis. Si l’on prend aussi en compte des E/S numériques en ADAT et S/PDIF, ainsi que des connectiques pour le MIDI (DIN 5 broches), et la possibilité de relier l’interface en Bluetooth (en entrée comme en sortie, et cela indépendamment l’une de l’autre), on obtient une interface particulièrement complète, tout en gardant en tête que nous sommes encore loin d’avoir tout listé !
Mais pour découvrir un peu plus l’appareil, il va d’abord falloir le déballer…
Déballage
La première chose frappante, en sortant la MBOX de sa boîte, c’est bien entendu son poids (2,8 kg) et sa taille (28,8 × 22,5 × 10,5 cm). Disons-le simplement, c’est très certainement la plus grosse et la plus lourde interface desktop que nous ayons eu à tester. C’est peut-être un des rares défauts que nous lui trouvons : ce n’est clairement pas une interface portative. Cela reste logique, cependant, car son poids et sa taille s’expliquent au moins par le grand nombre d’E/S et de contrôles disponibles directement sur l’appareil.
Un autre point frappant concerne son design : certains AFiens ont noté, dans les forums, qu’elle ressemble fortement à un contrôleur de DJing, une comparaison esthétique qui nous a paru totalement juste. On aime ou l’on n’aime pas… Je ne dirais pas que c’est mon look d’interface préféré, mais par ailleurs le grand nombre de fonctions réglables directement depuis le hardware rend finalement la comparaison assez sensée.
Qu’en est-il, justement, de la prise en main ? Là aussi, on pourrait dire que c’est le revers de la médaille : certes l’interface est très complète mais, à cause de cela, son utilisation ne se fait pas de manière instinctive, au début en tout cas. Dans notre expérience, elle nécessite un certain temps d’adaptation, et une lecture assez précise du manuel d’utilisateur. En revanche, une fois les processus de réglage acquis, nous n’avons pas trouvé quoi que ce soit à redire sur l’ergonomie de l’appareil.
Passons maintenant à une description plus complète :
Sur la face arrière, on trouve la plupart des entrées (à l’exception de deux réunies sur la face avant) : entrées micro et ligne 3 et 4, sur connectique combo XLR-jack TRS 6,35 mm, plus les deux autres entrées analogiques, à niveau ligne, sur jack TRS 6,35 mm (entrées 5 et 6). Viennent ensuite les boucles d’effet, dont les sorties peuvent également servir de sortie ligne à haute impédance et, les canaux de retour, d’entrées ligne, augmentant ainsi les possibilités de connexion à l’appareil. Au centre de la face arrière, on trouve les sorties de monitoring : une paire stéréo (MAIN) et une paire alternative (ALT). Vers la gauche deux ensembles d’E/S numérique : ADAT au format optique, et S/PDIF sur connectique RCA. Au-dessus, on trouve les E/S au format MIDI (DIN 5 broches) et pour finir le connecteur USB-C pour relier l’interface à l’ordinateur (l’interface est bien sûr livrée avec le câble nécessaire), le connecteur d’alimentation 12 volts (là aussi, fournie avec l’appareil), et le bouton de mise en service.
Sur la face avant, comme on le voit ci-dessus, on trouve les deux premières entrées sur combo XLR-jack TRS 6,35 mm, qui en plus d’accepter les niveaux micro et ligne possèdent aussi une option d’impédance variable pour les signaux instruments. Juste à côté se trouve une sortie à haute impédance pour le réamping. Sur le côté droit de l’appareil, les deux sorties casque avec leurs volumes indépendants.
Sur le dessus de l’appareil se concentrent à peu près tous les contrôles disponibles à l’utilisateur : le gros encodeur de gauche sert, en cliquant dessus, à sélectionner les entrées 1 à 6 (que l’on peut monitorer visuellement grâce à 6 Vumètres à segment), puis à régler le niveau de gain de chacune (le niveau de gain est indiqué par l’indicateur à segment qui se trouve juste au-dessus de l’encodeur). Une fois que l’on a sélectionné l’entrée désirée, il est possible grâce au bouton INPT de choisir le type de sensibilité d’entrée (micro, ligne ou instrument les trois options n’étant pas disponibles par pour toutes les entrées bien évidemment).
Le bouton Z permet de sélectionner l’impédance d’entrée (seulement disponible pour les entrées 1–4). Sa couleur indique la valeur d’impédance sélectionnée : pour les entrée micro, il existe 3 options (1k, 5 k, 10 k ohms), mais pour les entrées instruments, on arrive à 14 options en tout, avec 7 impédances différentes, pouvant toute recevoir ou non un condensateur en parallèle. N.B. ces variations d’impédances sont entièrement réalisées de manière discrète, avec des composants passifs et une commutation par relais.
Les autres boutons tombent sous le sens : PAD sert à atténuer l’entrée sélectionnée (-10 dB), 48V commute l’alimentation fantôme (indépendante sur chaque entrée micro), LINK permet de coupler ensemble les entrées 1/2, 3/4, et 5/6. Le bouton Bluetooth permet de commuter l’entrée Bluetooth de l’appareil.
Dans la zone centrale, en plus des six Vumètres à segments dont nous avons précédemment parlé, le bouton violet MBOX permet d’ouvrir (ou de ramener au premier plan) le logiciel de contrôle, le bouton TUNE met en marche l’accordeur (on vous l’avait dit, c’est vraiment une interface qui fait du pied aux guitaristes !).
À droite des deux Vumètres à segments, qui permettent de visualiser les niveaux de sortie, un autre ensemble de 6 boutons reprend des fonctions classiques : MUTE, DIM (valeur par défaut : –6 dB, peut affecter toutes les sorties à la fois ou être utilisé indépendamment — option réglable dans les préférences), TALK pour commuter le talkback, MONO, ainsi que le bouton Bluetooth qui permet de commuter une sortie vers une enceinte sans fil, et LINK qui couple les sorties principales, alternatives, digitales et Bluetooth, alors toutes contrôlées simultanément par l’encodeur situé en dessous. L’encodeur permet, en plus du réglage de niveau de sortie, de sélectionner la sortie à contrôler.
Pour finir cette description, les quatre boutons colorés sans indication, en plein milieu de la face supérieure, servent à commuter des fonctions qui leur sont assignables depuis le logiciel. Chacun peut servir à réaliser deux fonctions différentes, selon le temps de pressage. À noter, ces boutons peuvent également être utilisés pour ouvrir la boîte de dialogue des réglages enregistrés, permettant en deux clics de retrouver l’état complet d’une session précédente. Il existe 14 fonctions disponibles, et si 4 boutons ne vous suffisent pas, l’entrée footswitch peut également être utilisée pour enclencher diverses fonctions internes, comme le talkback par exemple.
L’accordeur
L’accordeur peut être à la fois utilisé depuis le logiciel ou depuis l’appareil. Son fonctionnement est simple : on sélectionne le bouton TUNE, puis on sélectionne l’entrée désirée. Sans instrument branché dans l’interface, celle-ci sélectionne par défaut le micro de talkback. Si un seul instrument est branché, l’interface le détecte et sélectionnera automatiquement cette entrée. Sur votre écran, une fenêtre d’accordeur s’ouvre, où vous pouvez visualiser de façon très classique la justesse de la note, tandis que sur l’interface, les LED des six Vumètres d’entrée s’allument de façon à former la lettre correspondant à la note détectée, et le Vumètre de réglage de gain fonctionne comme une pédale d’accordage classique, avec des LED rouge à gauche et à droite du centre (selon que vous êtes bémol ou dièse par rapport à la note). Nous avons trouvé, lors du test, non seulement que l’accordeur fonctionne très bien (c’est la moindre des choses), mais qu’en plus le double affichage rend son utilisation très pratique lorsque l’on souhaite faire une rapide vérification entre deux prises.
Logiciel
Le logiciel se structure en deux grandes parties, elles-mêmes composées de plusieurs sous-parties. Il nous réserve quelques bonnes surprises !
À droite, on contrôle les entrées et les sorties, physiques et numériques : dans le bandeau supérieur, les entrées physiques, ainsi que toute entrée ajoutée grâce au port ADAT ; dans le bandeau central, les entrées virtuelles de l’interface, que l’on peut assigner depuis les sorties numériques de la STAN ; dans le bandeau inférieur, les sorties physiques de l’appareil (Main, Alt, Casques 1 et 2). À savoir, pour ces sorties : la sortie Bluetooth reflète le mix de la sortie Alt (mais avec des réglages de sortie – niveau, mute, dim…- différents), la sortie S/PDIF quant à elle reprend obligatoirement le mix de la sortie Main. Car, en effet, chacune des quatre sorties reçoit son mix autonome, et pour le régler, Avid a eu une idée très simple et très bonne : il suffit de cliquer sur la sortie désirée et tous les faders des entrées (physiques et virtuelles) deviennent de la couleur de la sortie sélectionnée – à partir de là, il suffit de régler leur niveau respectif, qui est immédiatement mémorisé. En revanche, lors de la phase de mixage, où l’on a au contraire besoin d’envoyer le même mix dans différents moniteurs, il suffit de cocher la case « group all monitor mixes » dans le menu déroulant « mix mode » pour ne plus gérer qu’un seul mix.
À gauche, vous accédez à deux zones principales : en bas, une reproduction virtuelle des contrôles de monitoring présents sur le hardware : mute, dim, talkback… plus un contrôle virtuel de l’encodeur. Un point très intéressant : cette partie peut être détachée du logiciel principal et reste alors toujours au premier plan. Elle peut alors être réduite en taille (le contrôle du niveau de sortie passe de la forme ronde à celle d’un fader rectiligne), vous permettant un contrôle rapide de ces différentes fonctions même lorsque vous travaillez dans un autre environnement de votre STAN. Sur la partie supérieure, vous accédez à un « focus » sur l’entrée sélectionnée, qui vous permet d’enclencher tous les contrôles accessibles depuis l’interface elle-même, plus quelques autres comme le mutage de l’entrée, la commutation d’un filtre passe-haut ou d’un limiter, ou encore les réglages d’un EQ (un par entrée) à quatre bandes. Un fader vous permet de régler le niveau d’envoi vers une boucle d’effets virtuelle (une réverbe et un delay, basés sur les algorithmes des plugins D-Verb et III) dont les niveaux peuvent être réglés individuellement pour chaque entrée, et qui peuvent être envoyés ensuite vers les différentes sorties indépendamment les unes des autres. De plus, le niveau général des deux effets peut être contrôlé par un master fader dans la fenêtre FX.
Ajoutons à cela l’assignation des boutons de fonctions, de nombreuses options de paramétrage interne (voir ci-contre) et la possibilité d’enregistrer des présélections de réglages pour faciliter la mise en place de certaines sessions « types » (très pratiques pour les podcasteurs, ou les musiciens réalisant régulièrement des streams, par exemple) : le résultat est un logiciel vraiment très complet. Seul petit bémol : comme pour l’interface elle-même, le grand nombre d’options ne facilite pas la prise en main, et contrairement à certains logiciels que nous voyons parfois, ici, l’usage du manuel ou d’un tutoriel nous a paru nécessaire, et pas juste pour accéder aux fonctions « profondes », mais même pour une simple prise en main de l’environnement numérique.
Benchmark
Précisons-le d’abord, la MBOX Studio travaille dans une résolution max de 24 bits/192 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
Le buffer sur 32 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 10,146 ms
Le buffer sur 64 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 11,543 ms
Le buffer sur 128 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 13,104, ms
Le buffer sur 256 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 19,271, ms
Le buffer sur 32 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 6,978 ms
Le buffer sur 64 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 7,083 ms
Le buffer sur 128 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 7,760 ms
Le buffer sur 256 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 10,833 ms
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision. Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
Gain max : 68,8 dB mesurés
Commençons par les entrées ligne :
Déviation : ±0,060 dB
THD : 0,001 % jusqu’à 1 kHz puis une légère remontée jusqu’à 0,005 % THD + N à peine plus haute : on est sur des préamplis très silencieux !
Rapport signal/bruit : 103,7 dB.
À noter, l’entrée instrument nous a donné des résultats presque totalement similaires.
Passons aux entrées micro :
Déviation : ±0,061 dB.
THD : comme les entrées ligne – 0,001 % majoritairement. Là aussi la THD+N est à peu près similaire, avec pourtant un signal d’entrée nettement plus faible. C’est top !
Rapport signal/bruit : 101,7 dB
Qu’en est-il de la sortie casque ?
En restant sur l’entrée micro, qui a donné de meilleurs résultats…
Déviation : ±0,504 dB
THD : 0,002 % et sans remontée dans l’aigu. Un peu plus de bruit au dessus de 1 kHz que sur les sorties monitoring, mais cela reste limité.
Rapport signal/bruit : 94,103 dB
Conclusion
Pour conclure cet article, il ne nous semble pas nécessaire de revenir longuement sur les nombreuses qualités de l’interface. En effet, il apparaîtra clairement à nos lecteurs qu’il s’agit, au format desktop, d’une des interfaces les plus complètes que nous ayons rencontrées ces dernières années, aussi bien en ce qui concerne les entrées et les sorties qu’au point de vue des nombreuses options de contrôle, de routage et de monitoring du signal. Nous insistons au passage sur son environnement logiciel très bien conçu et très complet, et parallèlement sur des mesures très positives, avec des préamplis particulièrement silencieux. Alors, quels points négatifs pouvons-nous soulever ? Disons seulement que les avantages nombreux de la MBOX génèrent nécessairement quelques désavantages, que nous nous devons de noter objectivement : son encombrement, dû à sa taille et à son poids, sa prise en main relativement difficile (ici, l’on n’est clairement pas sur du plug and play), et pour finir son prix élevé qui, même s’il nous a semblé logique au vu des performances de l’appareil, va automatiquement limiter son public. Mais ce ne sont là que les « revers de la médaille », comme le veut l’expression, d’une interface qui nous a globalement laissé une impression particulièrement positive.