La force des classiques c'est que, même lorsqu'ils reviennent sous de nouveaux atours, on a toujours le plaisir de retrouver ce que l'on connaît déjà d'eux, en plus de découvrir les nouveautés qu'ils nous réservent. Focusrite sort cette semaine sa 2i2 4ème génération. On ne pouvait pas louper cela.
Quand j’ai trouvé ce titre, je me suis dit : ce jeu de mot n’est-il pas trop « de niche » ? Car si l’on n’est pas épris d’histoire napoléonienne, alors il faut connaître les pièces de Victorien Sardou, auteur dont le nom n’évoque pas d’emblée le meilleur de la musique française (même si aucune parenté ne lie l’académicien qui écrivait des rôles spécialement pour Sarah Bernhardt) et l’interprète de l’impérissable « Main aux fesses ». Je me suis également dit qu’entre un jeu de mot impliquant Scarlett O’Hara (toujours une possibilité avec les produits Focusrite) et Catherine Hubscher, dite Sans-Gêne, mieux valait choisir la parvenue qui avait su garder sa générosité et son franc-parler populaire, plutôt que la fille à papa qui possédait des esclaves. Fini la digression, on en vient à cette 2i2 Gen 4, c’est-à-dire la nouvelle version de la Scarlett deux entrées-deux sorties de Focusrite, une des interfaces parmi les plus connues (et vendeuses) de la marque.
Un des gros points forts des Scarlett, on le sait, se situe au niveau du rapport qualité/prix. Le test réalisé sur la Gen 3 par RedLed en 2019 le démontrait bien, et l’interface s’était vue décerner la mention « valeur sûre » par AF. Dans la même gamme de prix, je cite rapidement les grands classiques, histoire de vous donner des points de référence : Audient iD4, Arturia Minifuse 2, Native Instrument Komplete Audio 2 et Steinberg UR22. Je vous laisse vous référer aux tests, en gardant en tête que certaines de ces interfaces sont depuis passées à leur itération mkII ou III. Et maintenant, passons au déballage…
Présentation
Passons d’abord rapidement sur ce qui ne change pas : la 2i2 offre deux préamplis micros (à l’arrière, sur prise XLR), deux entrées instrument/ligne (à l’avant sur prise jack 6,35 mm TRS) et deux sorties ligne (sur jack 6,35 mm TRS aussi).
Les nouveautés à l’avant sont les suivantes :
- Un bouton sélect, qui permet de choisir si l’on applique les différentes fonctions à l’entrée 1 ou 2 ou, en laissant appuyé un peu plus longtemps, aux deux entrées couplées.
- La fonction Auto, fondée sur un DSP, qui règle le gain automatiquement (voir le benchmark)
- La fonction Safe, fondée sur le gain hybride (mi-analo pour la majorité du gain, mi-numérique pour les 6 dB supérieurs du gain, peu importe son réglage), qui balaye le signal à une fréquence de 96 kHz pour détecter toute approche du niveau de saturation, et adapte le gain numérique en temps réel.
- La fonction Air, qui se dédouble dans la Gen 4 : mode « presence », qui booste les fréquences vers l’aigu, mode « presence + drive » qui ajoute à cela un creux dans les médiums, et de la saturation.
De plus, on notera que le commutateur +48V affecte les deux entrées simultanément.
Après le gros potentiomètre d’atténuation de niveau de sortie, on trouve le sélecteur « direct » qui permet d’envoyer le signal directement depuis la sortie des préamps vers les sorties monitoring et casque (pratique pour une écoute sans latence), avec la possibilité de monitoring mono (au centre) ou stéréo (chaque entrée panée au maximum gauche et droite). C’était déjà présent dans la Gen 3, ils l’ont gardé, c’est bien vu.
Les affichages à LED autour des potentiomètres, nommés Dynamic Gain Halos, fonctionnent maintenant de la façon suivante : sans signal, on contrôle le réglage de gain avec l’illumination progressive d’un bandeau blanc ; avec du signal, même illumination mais avec le code vert-orange-rouge habituel ; un fois le réglage stabilisé, l’affichage montre la modulation du signal d’entrée (vert-orange-rouge). C’est simple et efficace. Autour de l’atténuateur de monitoring, on peut seulement vérifier la modulation du signal en sortie.
Et, pour finir, la sortie casque avec son réglage de gain.
A l’arrière :
- On trouve désormais les entrées XLR micro (à l’avant sur la Gen 3). Est-ce mieux ? Moins bien ? On devine en tout cas que c’est un choix qui permet de conserver une petite taille générale, tout en incluant plus de boutons de fonction sur la face avant sans la rendre impraticable. C’est un choix pragmatique donc.
- Puis les sorties monitoring
- La prise USB-C pour l’auto-alimentation
- Une prise d’alim 5V (alim non fournie) pour libérer la prise USB-C principale, de façon à utiliser la 2i2 avec un téléphone ou une tablette.
Pour ce qui est du design, on appréciera le fait que les entrées à l’avant soit réunies sur un côté, ce qui fait que même avec deux gros jack fichés dedans, on atteint encore aisément les différents boutons de fonction qui se trouvent à côté. Sur la Gen 3, les différents boutons étaient répartis entre les entrées, c’était moins facile. Donc, chapeau !
Logiciel et bundle
Le bundle ne change pas, on le connaît, c’est le même que pour la Gen 3, et il a l’avantage d’être plutôt généreux, on y trouve entre autres :
- Ableton Live Lite
- Pro Tools Artist + l’intégralité des plugins Pro Tools, le tout gratuit pendant 3 mois, puis en abonnement à 25 % de réduction.
- Auto-Tune en mode Access
- LX480 Essentials de Relab, 4 émulations de réverbe
- l’émulation d’ampli Softube Silver Jubilee 255 de Marshall
- les banques de sons Addictive Drums 2 et Addictive Keys
- et tous les plugins Focusrite
De plus, on a accès à un petit logiciel mixer, très simple, qui ne contrôle que les entrées, mais qui diversifie les possibilités d’approche de son installation, selon les préférences de chacun.
C’est simple, ultra facile à prendre en main… Bref, on n’a rien trouvé à redire.
Benchmark
Précisons-le d’abord, la Scarlett 2i2 Gen 4 travaille dans une résolution max de 24 bits/192 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
Le buffer sur 32 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 5.760 ms
Le buffer sur 64 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 8.254 ms
Le buffer sur 128 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 15.147 ms
Le buffer sur 256 samples en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 26.916 ms
Le buffer sur 32 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 4.406 ms
Le buffer sur 64 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 5.073 ms
Le buffer sur 128 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 7.406 ms
Le buffer sur 256 samples en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 14.073 ms
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision. Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
ANNONCE : à partir de ce test, nous ajouterons la mesure de distorsion d’intermodulation. Je vous laisse découvrir ci-dessous les explications.
Plage dynamique mesurée sur l’entrée micro (avec pondération A) : 105.9 dB (nous n’avons pas réussi à obtenir les 120 dB annoncés, mais il faut garder en tête qu’il s’agit de la plage dynamique des convertos de la série RedNet utilisés dans les produits Gen 4, tandis que nous testons tout l’appareil, avec ses parties analo également).
Commençons par les entrées ligne :
Déviation : ±0,057 dB
THD+N : 0,0015 % THD : 0,0008 %
Rapport signal/bruit : 109,401 dB.
Passons aux entrées micro :
Déviation : ±0,250 dB
THD+N : 0,002 % THD : 0,0019 %
Rapport signal/bruit : 110,702 dB.
Distorsion d’intermodulation : –83,640 dB (il s’agit de la distorsion apportée par le traitement de deux fréquences simultanées. Sur le graphique on voit les deux fréquences – 60 Hz et 7 kHz – en bleu foncé, et en bleu clair les fréquences supplémentaires qui apparaissent et constituent une forme de distorsion.)
Le gain max mesuré est de 70 dB (parfaitement raccord avec les 69 dB annoncés).
À ce niveau de gain, on obtient des résultats légèrement moins bon, c’est attendu :
Rien de surprenant, rien de grave non plus, on utilisera rarement les préamplis à un tel niveau de gain.
En mode « AIR », on obtient les résultats suivants:
On voit bien comment la courbe de réponse en fréquence change, avec une montée progressive à partir de 40 Hz, jusqu’à + 4 dB à 20 kHz pour le mode « presence » et un creux important dans le médium pour le mode « presence + drive ». De plus, le contenu harmonique change aussi, avec des « ajouts » harmoniques assez importants dans le grave (entre 50 et 100 Hz), autour de 1 kHz et très fortement de 16 à 20 kHz pour le mode « presence », et une vraie explosion de la THD à presque 10 % à 500 Hz pour le mode « presence + drive ».
J’ajoute à cela les mesures effectuées avec le mode de réglage de gain « auto » :
On voit de façon intéressante que, après avoir réglé le gain manuellement à 22,5 dB pour 100 mV en entrée (réglage qui me permet d’obtenir le meilleur résultat en THD+N), le réglage « auto » recalcule le gain 12.5 dB en dessous, à 10 dB de gain seulement, pour prévenir de la saturation sur les attaques de note. La THD+N s’en trouve donc plus élevée, mais le réglage est moins « au taquet ».
Pour finir, qu’en est-il de la sortie casque ?
En restant sur l’entrée micro, qui a donné de meilleurs résultats…
Déviation : ±0,466 dB
THD+N : 0,03 % THD : 0,01 %
Rapport signal/bruit : 75,541 dB.
Distorsion d’intermodulation : –70,467 dB
Conclusion
J’ai osé le 10. Je sens que cela va créer un débat.
Je m’en explique : la Gen 3 avait reçu un 9 et une mention de la part du grand manitou, notre vénéré RedLed. Cette 2i2 Gen 4, pour une augmentation de prix de départ de 30 % environ (prix qui baissera probablement dans le futur), affiche des résultats similaires en déviation et THD, des résultats meilleurs en rapport S/B, un gain max supérieur, une plage dynamique impressionnante pour une interface de cette gamme, deux nouvelles fonctions de réglage du gain (le réglage automatique, c’est un vrai plus pour attirer des débutants à l’enregistrement et à la production, et l’anti-pic, c’est super pour les streamers en tout genre), des afficheurs à LED plus développés, un contrôle numérique de toutes les fonctions, la possibilité de coupler les entrées, une seconde courbe « AIR » et une fonction Loopback. Et ce que je perçois comme étant, dans l’ensemble, un meilleur design de la face avant. CQFD
Donc la mention « valeur sûre » reste, et la note passe à 10. De toute façon nous ne pouvons pas mettre 9,5, alors on ne va pas chipoter. Nous conclurons donc ainsi, cette Gen 4 n’est pas qu’un rhabillage, elle constitue un vrai pas en avant pour la marque.