Lancées en décembre dernier, ces deux nouvelles interfaces marquent l’entrée du constructeur américain sur le terrain de l’ultra-compact, et des prix cassés. Conçues pour répondre aussi bien aux attentes des home studistes que des créateurs de contenu digital (streaming, podcasting) ou encore de la simple écoute de musique, les petites Solo et Duo arrivent cette semaine sur notre banc d’essai.
Dans ce test, nous nous pencherons en même temps sur les deux nouvelles M-Audio, car au premier abord leurs différences sont principalement quantitatives. La question se pose : la seule différence réside-t-elle dans les options, ou dans la qualité des circuits ? Dans cette optique, nous essaierons de voir si le test révèle des différences soniques.
Avant de commencer, on notera que ce constructeur avait déjà sorti, fin 2019, la série Air, dont les interfaces les plus petites (Air 192/4 et 192/6) ressemblent à ces nouvelles Solo et Duo. Toutefois, et pour attaquer cet article avec un ordre d’idée financier, on notera que la Solo se vend au prix modique (conseillé) de 54 € (contre 108 € pour la Air 192/4) et la Duo à 58 € (contre 128 € pour la 192/6). On a donc affaire à des « produits d’appel », qui semblent plus fait pour les débutants souhaitant se lancer dans le home studio. Pourraient-ils aussi intéresser les plus chevronnés qui cherchent une solution portable à bas prix ?
Avant d’aller plus loin dans ces considérations, procédons au déballage.
Déballage et prise en main
La première chose qui frappe en déballant ces interfaces, c’est leur poids. Je ne suis pas sûr d’avoir déjà vu des appareils aussi légers (300 g pour la Solo, 365 g pour la Duo) ! On découvre rapidement que cela tient aux matériaux : châssis inférieur en métal très fin, et face supérieure en plastique. On dit souvent qu’il ne faut pas se fier aux apparences, certes, mais on n’aura du mal à ne pas trouver le résultat un peu « jouet ».
Un détail négatif attire tout de suite notre regard : une partie des connectiques ne sont pas des embases visées sur le châssis, elles sortent pas des trous et leur seule fixation tient donc dans leurs soudures sur le circuit imprimé. C’est le cas, en particulier, des sorties, des potentiomètres et des sorties casque. Ce type de montage réserve parfois de mauvaises surprises car, à la longue, les soudures peuvent se fendiller sous l’effet de l’utilisation, occasionnant des faux contacts.
De plus, cela rend le boîtier particulièrement ouvert aux infiltrations de poussière. Sur la photo suivante, on voit que sous chaque bouton de potard se situe un trou révélant carrément le composant et le circuit imprimé. Ajoutons que cette sensation générale de manque de robustesse est complétée par l’absence avec l’interface d’un sac de protection pour le transport. C’est un peu regrettable pour un modèle nomade.
Maintenant, faisons le tour en détail des interfaces. Sur la face avant, on trouve les entrées : pour la Solo, une entrée ligne/micro sur combo XLR/jack 6,35 mm et une entrée ligne/instrument sur jack 6,35 mm, la différence étant l’impédance d’entrée commutable. Sur la Duo, les deux entrées sont identiques (combo XLR/jack 6,35 mm, avec options micro, ligne ou instrument). Sur les deux interfaces, on trouve aussi un interrupteur pour l’alimentation fantôme 48V (pour les entrées micro), et une sortie casque (sur jack 3,5 mm pour la Solo, jack 6,35 mm pour la Duo). Pour finir, tout à droite sur la face avant, un inverseur permet de sélectionner le mode de monitoring : direct ou USB. Sur la Solo, le monitoring direct est mono, la Duo offre l’option stéréo en plus.
À noter : ce sélecteur ne coupe jamais le son parvenant de la STAN. En position monitoring direct, vous entendez le son de vos entrées (en mono ou en stéréo selon l’interface), routée directement à votre sortie monitoring, donc avec une absence totale de latence. Attention toutefois, comme cette position « direct » n’élimine pas le retour de la STAN, vous pouvez facilement vous retrouver avec votre signal sonore d’entrée « doublé » (c’est-à-dire à la fois en monitoring direct et en retour de votre STAN, si vos pistes sont armées par exemple) ce qui peut occasionner de la saturation en sortie. De plus, la sélection du monitoring « direct stéréo » sur la M-Track Duo amène lui aussi son lot de problème (si vous avez vos pistes armées ET panées à votre goût, vous pouvez vous retrouver avec un mélange du panoramique direct et du panoramique en provenance de la STAN, ce qui crée des résultats parfois chaotiques).
Sur la face arrière, on trouve logiquement la sortie stéréo ainsi que le port USB Type B, qui permet à la fois la transmission des données et l’alimentation de l’interface. Sur la Duo, les sorties se font sur jack TRS 6,35 mm, mais sur la Solo, on a affaire à des prises cinch (aka RCA). On a donc, sur la Solo, un signal non symétrisé qui limitera la longueur des câbles en sortie… mais soyons réalistes, personne ne va acheter cette interface pour sonoriser un stade. Disons malgré tout que, d’un point de vue puriste, cela place l’appareil plus dans le domaine des équipements grand public que professionnel.
On résume : face avant très chargée, face arrière presque vide. Certes, le résultat peut paraître un peu étrange, mais c’est surtout dû à l’absence de sorties diversifiées. Car finalement, pour ce qui est de la séparation claire avant = entrées / arrière = sorties, les M-Track ne font que s’inscrire dans la lignée de nombreuses interfaces portables : les UR de Steinberg, la petite Scarlett de Focusrite… En revanche, cela nous semble être une nouveauté chez le constructeur américain, puisque ni la M-Track 2×2, ni sa version mise à jour (Air 192/4) n’avait une ergonomie aussi claire. On n’aime ou pas, personnellement je trouve cela assez évident.
Sur leur face supérieure, les M-Track sont assez sobres. On trouve trois ou quatre boutons rotatifs, à équidistance les uns des autres. Respectivement, de gauche à droite, le gain de l’entrée 1, de l’entrée 2, l’atténuateur du casque (seulement sur la Duo) et l’atténuateur de sortie. Le niveau de sortie ne bénéficie donc pas d’un bouton plus gros (aux réglages plus précis) comme c’est souvent le cas chez de nombreux constructeurs. Les deux gains d’entrées sont accompagnés d’indicateurs de saturation (LED multicolore) et un troisième indicateur s’allume lorsque l’alimentation 48V est active sur les entrées micro.
Outre ces différences d’options, le constructeur affirme utiliser les mêmes préamplis « Crystal » dans les deux modèles. On verra au moment du benchmark si l’on retrouve les mêmes caractéristiques. En revanche, au niveau des sorties, l’absence de signal symétrique sur la Solo implique nécessairement que l’étage de sortie soit assez différent.
Le bundle comprend Pro Tools First M-Audio Edition (avec vingt plug-ins d’effets développés par Avid), le séquenceur MPC Beats de chez Akai, le simulateur d’ampli/baffle Eleven Lite et la workstation Xpand! 2.
Benchmark
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision (lien). Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
À 32 échantillons, nous obtenons une latence de 3,24 ms en entrée, et 3,22 ms en sortie pour les deux interfaces.
Commençons donc avec les entrées lignes de la Solo :
J’envoie un sweep de 1 Vrms dans l’entrée 2, je règle le gain au maximum avant saturation et je mesure le signal aux sorties moniteur 1 et 2, non atténuées. En sortie je mesure à peu près 3 dBu, comme l’indique le constructeur. J’utilise le monitoring USB.
Linéarité : le résultat est correct pour un appareil dans cette gamme de prix. Rien à dire de 50 à 5000 Hz. La baisse en dessous de 50 Hz n’est pas significative, en revanche la pente au-dessus de 5 kHz est plus importante, avec –1,5 dB à 20 kHz. Résultat un peu décevant, mais pas catastrophique, à ±0,938 dB.
THD : Là en revanche, ce n’est pas très bon : jamais en dessous de 0,007 % avec deux grosses zones au-dessus de 0,05 % (et souvent carrément à 0,1%). C’est moins bon que l’AudioBox iOne, la Scarlett Solo ou l’Onyx Producer 2–2, pour donner quelques références.
Le rapport signal/bruit, mesuré à 1 kHz, est de ±84,672 dB.
Les résultats de la Duo sont un peu meilleurs sur la THD, mais relativement similaires dans l’ensemble (linéarité ±0,956 dB, rapport S/B ±82,236 dB). Je suppose (mais ai-je raison ?) que la symétrie du signal de sortie aide :
Les sorties directes des deux interfaces donnent des résultats meilleurs en linéarité (mais pas en THD). Ci-dessous pour exemple la Solo à ±0,275 dB :
Passons à l’entrée micro de la Solo :
Ici j’envoie un sweep de 100 mVrms et je mesure le signal aux niveau des sorties moniteurs, en sélectionnant le monitoring USB.
Petit problème, on constate sur cette entrée un gain trop faible : en ne poussant pas le préampli dans sa zone de début de saturation, nous n’arrivons pas à obtenir plus de 400 mV RMS en sortie (contre 1 V RMS avec la même configuration entrée/sortie sur la Duo).
Linéarité : le résultat est un peu meilleur que pour l’entrée ligne. On note une déviation de 0,264 dB.
THD : Là aussi, c’est un peu meilleur, avec moins de THD dans le bas du spectre, en revanche, au-delà de 4 kHz, on flirte parfois avec les 0,2%.
Le rapport signal/bruit, mesuré à 1 kHz est de ±84,560 dB
L’entrée micro de la Duo a donné des résultats similaires, sauf en gain, où nous obtenions sans problème 1 V RMS en sortie sans avoir à entrer en saturation.
Pour continuer le test, j’ai voulu vérifier la réponse de la sortie casque :
Sur la Solo, en utilisant l’entrée ligne nous obtenons des résultats très corrects (avec une THD similaire à la sortie enceintes).
Sur la Duo, nous avons été surpris par des résultats légèrement moins bons (tout est relatif, on reste dans des différences minimes). La mesure en THD est à l’avenant, avec une bosse importante dans le grave :
Pour finir, voyons les entrées instrument, sur sorties monitoring USB (signal de 200 mVrms en entrée).
Pour la Solo, on reste sur la même déviation légère (±0,264 dB) entièrement située au-dessus de 5 kHz. Pour la THD, voici la courbe obtenue, cohérente avec le reste des mesures :
Quant à la Duo, nous obtenons presque exactement les mêmes résultats avec cette entrée qu’avec l’entrée ligne (voir ci-dessus).
Conclusion
Ces deux nouvelles interfaces M-Audio pose au testeur/chroniqueur le problème typique des appareils d’entrée de gamme : doit-on les juger en fonction de leur prix, ou de leurs qualités intrinsèques ? Si l’on considère le prix particulièrement bas des interfaces, on doit bien reconnaître que leurs résultats (sonores et en latence) sont tout à fait corrects, plutôt typiques de ce que l’on peut obtenir pour une entrée de gamme. On ajoutera que la Duo, pour un prix à peine plus élevé que la Sono, offre une sélection d’entrées plutôt intéressante. En revanche, on n’est bien obligé de leur reprocher une construction qui ne respire pas la solidité, au point de vue des matériaux comme des finitions. De plus les résultats en mesure de THD sont assez médiocres : moins bien que ce à quoi M-Audio nous avait habitués, et ce que d’autres constructeurs proposent (certes à des prix plus élevés). De façon générale, nous dirons que si vous cherchez à découvrir la MAO, enregistrer des démos, vous lancer dans des productions DIY, où à développer des projets audiovisuels débutants, ces deux M-Track offrent une porte d’entrée vraiment peu onéreuse. Toutefois, des utilisateurs un peu plus chevronnés passeront probablement leur chemin.