Sorties au premier semestre 2020, lors du NAMM, les deux nouvelles interfaces audio SSL 2 et 2+ signent l’entrée de Solid State Logic dans le marché de l’interface pro/grand public : mais réussissent-elles le pari de s’élever au niveau de qualité auquel nous ont habitués leurs célèbres consoles ? Et sauront-elles faire leur place dans un marché déjà bien fourni ?
Il faut commencer cet article en signalant qu’en plus des fonctions classiques d’une interface audio, ces deux petites nouveautés embarquent un circuit analogique (nommé 4K) d’imitation de la signature sonore « chaude » (comprenez : riche en distorsion harmonique) qui a fait la popularité des consoles 4000 G. Il y a donc, de la part du constructeur, la volonté de s’inscrire dans un patrimoine, en proposant un produit actualisé et « griffé » SSL. Bien évidemment, la comparaison directe avec une console 4000 G est impossible. L’appréciation de la simulation proposée par ses interfaces sera donc laissée à ses utilisateurs : certains d’entre eux auront peut-être accès à l’original… Profitons donc plutôt des mérites propres aux interfaces testées, d’autant plus qu’elles n’en manquent pas.
Déballage
La première chose qui nous frappe, en découvrant les interfaces, c’est leur mélange de solidité et de légèreté. Solidité, car, en ce qui concerne la construction, elles mêlent le plastique bien rigide pour l’entourage et le métal en façade arrière et supérieure, façades sur lesquelles tous les ports, connectiques et contrôles sont fermement fixés. Légèreté, car avec un poids de 880 grammes pour la SSL 2 (et, légèrement plus lourd, 900 grammes pour la 2 +), les interfaces sont facilement portables. Sur ce point déjà, le fabricant touche juste. En plus, elles sont entièrement autoalimentées par le port USB-C, en voilà une bonne idée.
Du point de vue des accessoires, en revanche, c’est minimal : les interfaces sont chacune accompagnées de deux câbles (USB-C vers USB-C et adaptateur USB-C vers USB-A), un guide de démarrage rapide… et c’est tout. On se permettra de remarquer qu’on aurait pu espérer une pochette pour les utilisations nomades, cela aurait bien complété l’effort général de portativité.
Esthétiquement, on retrouve le style des consoles SSL, avec les boutons gris à capuchons colorés, en plastique certes, mais solides. Bonne idée du constructeur à notre sens : adopter un profil général proche des concurrentes (Antelope ou UA, par exemple) mais en rappelant sa signature personnelle par une touche discrète et distinctive. On ajoutera, non pas une critique, mais plutôt une crainte en ce qui concerne la façade supérieure : le métal brossé, très élégant, laisse craindre les rayures (à voir avec le temps…). Les deux interfaces fonctionnent en USB 2.0 (sur port USB-C, je sais, je me répète…).
Prise en main
Nous avons jugé sensé d’effectuer un seul test pour les deux interfaces étant donné leur similarité. Comparons donc leurs façades supérieures : sur les deux appareils, on retrouve une configuration similaire, avec deux voies, commutables en entrée ligne-instrument-micro, avec chacune son potard de gain, plus un commutateur pour l’émulation 4K. Chaque voie possède également son VUmètre à LED, et un bouton pour l’alimentation fantôme. Le principe de la sélection d’entrée est simple : de base, l’interface est configurée pour l’entrée micro, sauf si l’entrée ligne est commutée ; lorsque le bouton Hi-Z est enfoncé en plus, l’impédance d’entrée ligne est adaptée pour des sources instrument (guitare, basse…). Vers le centre de la façade supérieure, on trouve l’habituel « gros bouton » pour régler le niveau de monitoring. Sa taille nous a paru satisfaisante pour un réglage nuancé. Pour l’instant, tout est pareil entre les deux appareils…
C’est à la droite de ce bouton que l’on repère la première variation : sur le modèle 2 on trouve seulement un potentiomètre pour le mix entrée/USB, commutable en mono ou stéréo, et l’atténuateur pour le monitoring casque ; la SSL 2+ offre, quant à elle, un autre atténuateur pour un second monitoring casque, auquel peuvent être assignés les canaux de sortie 3 et 4. Résultat : on bénéficie de deux monitorings casque indépendants, et même de deux mix différents, une très bonne idée pour une « simple » desktop.
Pour ce qui est des façades arrières, on y découvre deux entrées combo Jack 6,35 mm TRS-XLR. En revanche, les sorties diffèrent : sur les deux modèles, 2 sorties sur Jack TRS, avec en plus sur la SSL 2+ une paire de sorties non symétriques (sur fiches RCA, recevant le même mix que les sorties sur Jack TRS) et une deuxième, pour un mix parallèle gérable depuis la STAN, sur les sorties 3 et 4. Le constructeur semble avoir pensé aux DJ, qui le remercieront. Les utilisateurs du format MIDI seront également de la partie, avec des ports entrée et sortie sur le modèle SSL 2+. Attention toutefois, pas d’entrées/sorties digitales sur ces interfaces ! Un manque, qui n’est pas unique dans la gamme de prix de la SSL 2, mais qui surprend plus sur la SSL 2+.
Nous sommes donc face à deux interfaces simples mais assez complètes pour des utilisations en home-studio quotidiennes (surtout la 2+). Pour l’installation de l’interface sous Windows, il est nécessaire de télécharger un driver alors qu’elle est directement reconnue sous Mac. Pour finir, parlons chiffres : ces deux interfaces sont proposées aux prix recommandés de 194 euros (modèle 2) et 269 euros (modèle 2+).
Benchmark
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision (lien). Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
Nous publions les tests effectués sur la SSL 2+, en sachant que nous avons obtenu des résultats très similaires sur le modèle inférieur.
Latence : à 32 échantillons, nous obtenons une latence de 2,22 ms en entrée, et 2,49 ms en sortie pour les deux interfaces. A 64 échantillons : 2,95 ms et 2,49 ms.
Commençons donc avec les entrées ligne :
Comme d’habitude, on injecte un signal de 1 V RMS, en ajustant le gain pour le meilleur résultat en THD, et pas d’atténuation en sortie moniteur.
Linéarité : excellente, à ±0,045 dB. On remarque aussi des résultats presque absolument similaires sur les deux voies, ce qui est toujours un gage de grande qualité (bonne sélection des composants). Un peu inférieur à ce que nous avions obtenu avec la Scarlett 2i2 G3 mais, dans une toute autre gamme de prix, l’Audio Zen Tour Synergy Core ne faisait pas aussi bien.
THD : en dessous de 0,005 % sur la plupart du spectre de fréquence, c’est correct, assez typique de ce que l’on trouve dans cette gamme de prix. En revanche, ce que je remarque surtout, c’est que la courbe est bien stable, mis à part quelques pics à partir de 5 kHz.
Rapport Signal/Bruit : 97,281 dB, un résultat très estimable, comparable à ce que l’on obtient chez Focusrite, par exemple.
A noter : les résultats sont en tout point similaires sur la sortie RCA.
Même conditions de test, mais avec le bouton 4K enclenché. On remarque tout de suite une différence forte, en particulier dans le haut du spectre :
Linéarité : on remarque une déviation assez marquée, avec un boost du haut du spectre (à partir de 1 kHz, annoncé par le constructeur). Visiblement, l’option 4K fait ce qui est promis !
THD : là, on décolle complètement, avec une moyenne entre 2 et 5 %. Il faut, bien entendu, garder en tête que la distorsion est un élément intrinsèque et volontaire de cette émulation. Même conclusion donc que sur les émulations de préampli de la Symphony Desktop : les tests objectifs de THD touchent à leurs limites quand l’appareil est fait pour distordre.
Rapport Signal/Bruit : malgré toutes ces déviations, le résultat reste assez similaire avec ou sans la fonction 4K, avec une différence de 96,817 dB. Excellent !
Passons maintenant à l’entrée micro.
Comme d’habitude, j’envoie un signal de 100 mV RMS, et règle le gain pour le meilleur résultat en THD, sans atténuation en sortie.
Linéarité : là aussi la linéarité est excellente avec un résultat de ±0,073 dB sur chaque voie. On remarque également des résultats exactement similaires sur les deux voix, toujours un bon signe.
THD : Ici, on est dans du vraiment très bon, meilleur que l’entrée ligne, avec une THD plongeant sous les 0,002 % sur la majorité du spectre. Comme sur les autres entrées, un résultat qui dévie au dessus de 2 kHz, mais en restant très acceptable.
Rapport Signal/Bruit : 95,416 dB.
Je note rapidement : en appliquant l’émulation 4K, on remarque des résultats similaires à l’entrée ligne, c’est-à-dire un boost du signal au-dessus de 1 kHz et une THD élevée, mais un rapport signal-bruit inchangé.
La commutation de l’entrée ligne en mode haute impédance pour s’adapter aux signaux guitare et basse donne des résultats excellents, proches de ceux de l’entrée ligne du point de vue de la linéarité, mais plus élevé du point de vue de la THD, qui augmente de façon significative dans le bas du spectre :
Le rapport signal-bruit, quant à lui, baisse un peu en qualité, à 61,129 dB.
Je me permets une conjecture : je pense que ces petits défauts viennent du fait que le sélecteur d’impédance d’entrée s’applique à une entrée ligne, alors qu’un signal de micro d’instrument à corde délivre, en moyenne 200 à 500 mV RMS en sortie, loin de la norme ligne. On est donc obligé de vraiment pousser le gain, ce qui occasionne plus de souffle. Je pense qu’une boîte de direct active avant l’interface pourrait aider. On peut aussi enclencher l’option haute impédance sur l’entrée micro, mais là, la sensibilité sera un peu élevée pour des micros punchy… Bref, on doit bien dire que ces SSL ne proposent pas d’entrées vraiment dédiées aux signaux d’instrument.
Pour finir, nous testons la sortie casque :
Linéarité : comme souvent, le résultat est un peu moins bon que la sortie moniteur, à ±0,0453 dB, avec une déviation entièrement située au-dessus de 2 kHz.
THD : là aussi les résultats sont plus élevés en particulier dans le bas du spectre en dessous de 100 Hz, avec une moyenne tournant malgré tout à 0,005 %, donc un résultat très bon.
Rapport signal-bruit : très correct pour une prise casque, à 85,504 dB.
Une dernière chose à noter : tout au long de ce test, j’ai été frappé par la très grande précision des VUmètres à LED, qui passe vraiment dans le rouge exactement quand la saturation commence (vérifié à l’oscilloscope par votre serviteur).
Conclusion
Pour commencer, je note que le modèle SSL 2+, s’il me semble évidemment plus désirable, n’enlève rien à son petit camarade, la SSL 2, qui contient vraiment tous les éléments nécessaires pour une pratique basique du home studio (j’insiste sur « basique », qui signifie pour moi enregistrement, traitement et mixage de signaux analogiques, instruments ou voix). La qualité sonore est également au rendez-vous sur les deux appareils, ce qui fait de la SSL 2 un bon investissement pour quelqu’un souhaitant aborder les bases d’une pratique de home-studiste, sans les limitations sonores de l’entrée de gamme. A partir de ce modèle, la 2+ augmente les possibilités (MIDI), et les utilisations (DJing) mais reste clairement ancrée dans un modèle établi, principalement axé sur l’analogique. Alors, ce qui semble manquer, malgré tout ? Les E/S numériques, bien sûr, qui sont présentes sur d’autres interfaces au même prix, et qui permettent de diversifier les modes d’utilisation de ce genre d’appareil. Il reste donc une marge d’expansion claire pour Solid State Logic mais, malgré cela, nous avons trouvé que SSL, qui n’est pas exactement une marque débutante, s’offrait des débuts solides dans le monde du home-studio.