Dis moi ce que tu lis.

C'est tout simplement n'importe quoi. J'adore 

Je viens de finir D'un Chateau l'autre, de L.F Celine.

Bon, à l'heure où on parle de chefs d'oeuvre pour des auto-biographies écrites par des pucelles de 16 ans ou des bouquins apprenant à se torcher le cul sans les mains, c'est bon de tomber sur une si rare perle.

L'écriture est complètement barrée. Le seul autre bouquin que j'ai lu de lui est Voyage ou bout de la Nuit, qui sur le fond est ahurissant, mais dont le style est plus sobre.

Ce livre parle des années 1945/1950, où Celine voyage de prison en lieu de détention (d'où le titre), avec pour grosse toile de fond son séjour à Sigmaren, avec tout ce que Vichy comptait de gouvernants, ce ramas de loquedus (rofl).

Le ton est incroyablement humoristique et rempli d'autodérision, encore que comportant un intérêt historique non négligeable pour qui s'interesse eux petites histoires insérées dans la grande Histoire. La contrepartie est qu'il faut connaitre la toile de fond et les personnages, tant les références sont nombreuses dans le bouquin.

Tout dans ce libre respire la fin de règne, la déliquescence et le partage en couilles ; par certains aspects il m'a fait penser au film Les 120 jours de Sodome, au thème finalement assez proche.

Dans ce bouquin, on voit aussi toute l'influence que l'écriture de Celine a eue sur Bukowski, avec le recours systématique au style indirect libre.

Salut,

Je suis un gros lecteur par périodes aussi. Mais récemment j'ai été un peu estomaqué par la lecture de La destruction des Juifs d'Europe de Raul Hilberg que je m'étais promis de lire depuis sa sortie en poche. J'avoue, la Shoah par balles et les 1.2 millions de personnes abattues en Ukraine au printemps 1941 par des commandos barbouzes, ça m'avait échappé (l'ampleur du phénomène en tout cas).

Bref après cette lecture pendant laquelle j'ai failli perdre le goût de m'alimenter, j'ai été un peu loin des livres, non pas que ce soit très fort émotionnellement blabla tsoin tsoin, mais juste au delà des mots et de nos petites vies, comme dans un en-dehors radical de la bibliothèque.

Mais avec le temps tout s'en va ou plutôt tout revient, et je me suis consolé comme j'ai pu avec le dernier (torchon) livre de Stephen Hawking qui prouve (tout de même) d'une façon assez originale et convaincante l'existence d'une multitude d'univers en plus du nôtre, puis avec celui d'un autre cosmologiste, Marcelo Gleiser, dont le premier titre en français s'intéresse notamment au pourquoi de l'excès de matière sur l'antimatière dans l'univers, et au pourquoi de l'excès de chiralité gauche dans les acides aminés à la base de la vie, tout en remettant en question l'importance de la supersymétrie dans la complétude du modèle standard et en insistant, donc, sur les irrégularités qui nous entourent.

Un vrai plaisir pour l'esprit. Puis je viens de commencer les lettres de Kafka à Max Brod, où il y a beaucoup de déchet, mais où l'on peut lire des choses magnifiques.

Et ensuite ce sera l'entame du Journal de Stendhal, 1200 pages en poche, ils auraient pu fragmenter ça, mais toujours est-il qu'il parait que c'est pas mal du tout.

Au fait, au sujet de Céline, il faut lire Nord et Rigodon qui sont dans la suite et la même veine désabusée et hallucinatoire de D'un château l'autre. Et pour se rendre compte d'un autre aspect historique de la question, puisque c'est enfin réédité après le scandale de 2009, et en poche en librairie en ce moment, Jan Karski, Mon témoignage devant le monde, où l'on trouve qu'à l'heure où certains (dont Céline) fuyaient en gémissant sur leurs pertes matérielles, d'autres risquaient leur vie dans des organisations parallèles.

Allez ciao bonnes lectures

Citation :

Et pour se rendre compte d'un autre aspect historique de la question, puisque c'est enfin réédité après le scandale de 2009, et en poche en librairie en ce moment, Jan Karski, Mon témoignage devant le monde, où l'on trouve qu'à l'heure où certains (dont Céline) fuyaient en gémissant sur leurs pertes matérielles, d'autres risquaient leur vie dans des organisations parallèles

De toute façon, pour apprécier Celine, faut clairement pouvoir séparer l'homme de l'écrivain, et d'ailleurs, je me demande si pas mal de journalistes et politiques actuels qui lui tapent sur la gueule l'ont lu.

A l'inverse, j'ai lu d'autres écrivains collaborationnistes, comme Brasillach ou Maurras, qui m'ont paru écrire de la merde toute pourrie.

Le fait est que les pamphlets de Céline n'ont jamais été republiés que chez d'obscurs éditeurs pirates (belges notamment), et sur le Web plus récemment. On en trouve aussi des originaux (ou disons on en trouvait à une époque) chez Gibert Jeune mais à des prix exorbitants évidemment. Ainsi la séparation de l'homme et de l'écrivain s'est faite tout facilement par l'interdiction de sa veuve de retoucher à ces textes terribles. Tant mieux pour l’œuvre qui est vraiment indiscutable. Mais cela va sans doute changer assez bientôt car il se murmure qu'à la mort de la veuve Céline ces textes pourraient être réimprimés en Pléiade.... On n'en a donc pas du tout terminé avec l'affaire de ce monsieur. 

EstherK > mais tu te cachais où tout ce temps là ? On veut plus de ressentis littéraires de cette trempe !

Je suis sur un écrivain portugais, un certain Antonio Lobo Antunes. On m'a offert un de ses livres de chroniques (ce qu'il écrit quotidiennement lorsqu'il n'est pas occupé à travailler à ses romans), le volume IV. Tout simplement incroyable. Justesse, finesse, sensibilité, esprit. Incroyable. Je scanne une de ses chroniques sur demande, ça fait trois pages.

Citation de a.k.a. :

Je scanne une de ses chroniques sur demande, ça fait trois pages.

moi ça m'intéresse

stp envoie-la moi

Cort et ceux qui voudront : j'ai téléversé (lol) deux des chroniques d'Antunes ici : http://www.megaupload.com/?d=TCD99YVX, ces deux-là m'ont particulièrement touché. Dans l'une d'elle, l'"Épître de Saint Antonio Lobo Antunes au lecteureux", il parle justement de l'envers du roman et du processus qui le pousse à écrire (pour le dire très vite). L'autre, "Comment je suis mort de tes mains", est tout simplement parfaite. Il parle très bien des femmes et de l'amour.

J'ai la ferme intention de m'envoyer tout ce que le bonhomme a pu écrire jusque là, notamment ses romans, qu'il considère bien plus que ses chroniques, publiées par ses filles sans que lui soit forcément 100 % d'accord apparemment. Plutôt excité à l'idée de me lancer dans son oeuvre d'ailleurs.

Les syllogismes sont très bien pour commencer Cioran, mais si on est un peu déprimé c'est une mauvaise idée.

Mon nom est légion, je m'apprête à le lire en BD...

Sinon en ce moment, c'est du polar de gare, Harlan Coben, j'ai pas la force de faire plus d'efforts ces temsp-ci.

Hello

En fait je viens juste de découvrir les fonctions avancées du forum d'A.F., notamment l'excellent Pub des Gentlemen.

Merci pour le lien sur Lobo Antunes, malheureusement il ne marche pas (plus?), Megaupload a du croire à une méchante violation de droit d'auteur.

Je garde un très bon souvenir de la lecture ancienne d'un des romans du début de Lobo Antunes, Connaissance de l'enfer, dans lequel sa vie de médecin dans la guerre coloniale portugaise en Angola lui est un souvenir cauchemardesque maintenant qu'il est devenu psychiatre puis écrivain. Mais je n'ai pas suivi dans la lecture du reste, sans raison, même si les interviews du bonhomme sont toujours un plaisir et que je ne passe pas mon chemin quand j'en vois une. Il a une voix chantante qui vient du portugais et il parle un excellent français, puis c'est un type désabusé, lassé, terriblement lucide sur les enjeux de l'écriture, de la célébration médiatique, et même sur les enjeux individuels de l'interview (quand il parle avec Venstein à la radio par exemple). Avec le grand succès en France, depuis le salon du livre consacré au Portugal, vers 2000, il devient un peu facétieux, coquet même, il est attendu, il le sait, cela gâche un peu la fête. A partir de Bonsoir les choses d'ici-bas en 2003 il invente une écriture du fragment mêlé dans laquelle les voix des protagonistes se mélangent, faisant sauter le cadre habituel de la narration. Il se dit à l'écoute des voix qu'il note. Je ne l'ai pas lu, pas même encore regardé, mais je crois savoir que son dernier livre reprend et intensifie ce procédé.

De Cioran pour finir il y a un gros volume intéressant qui est celui de ses cahiers. On y découvre toute la finesse et la subtilité de l'auteur, tout en aphorismes, qui est capable de dire une chose, son contraire, et la modalité qui justifie le changement d'opinion. J'imagine que le volume Quarto reprend des extraits de ces cahiers.

Allez bonne journée!