Dis moi ce que tu lis.
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Nantho Valentine


Anonyme

Evelio Rosero.
Les armées. C'est vraiment étonnant. Rarement le qualificatif tragi-comédie aura été plus adéquat. Ça oscille entre la tragédie, celle des personnages et de la Colombie et des passages très légers. Au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture on plonge dans l'horreur, on sombre avec le personnage principal, avec ça et là quelques éclairs d'humour.
La vie pourrait sembler idyllique à San José, petite bourgade colombienne, où Ismael, un vieil instituteur à la retraite, coule des jours paisibles avec sa femme Otilia. A la grande honte de celle-ci, il passe ses journées à cueillir des oranges et à épier sa belle voisine qui se prélasse nue au soleil. Mais lorsque des bandes armées que rien ne distingue – paramilitaires, guérilleros, narcotrafiquants – font irruption, tout se déglingue. Des habitants sont sauvagement assassinés, d’autres enlevés, des rançons sont réclamées par les ravisseurs, la peur règne sur les esprits. Ismael commence à perdre la mémoire et la raison, il ne retrouve plus le chemin de la maison, ne reconnaît plus les visages, il s’égare dans ses souvenirs et dans les rues du village à la recherche de sa femme qui a disparu. Les habitants s’enfuient, mais il décide de rester au milieu des ruines pour attendre le retour d’Otilia, sa seule et dernière boussole.
Vieillard titubant, pathétique, bredouillant, mais révolté jusque dans son propre délire, Ismael est le narrateur de ce chaos sanglant où le village de San José apparaît comme un concentré chauffé à blanc d’une Colombie ravagée par la violence et les prises d’otages.
Rosero règle ses comptes, tout en finesse, avec la Colombie des paramilitaires, des narcos et de la guerilla.

Deuxième bouquin, Le carnaval des innocents.

Le docteur Justo Pastor Proceso a tout pour être heureux. Il est gynécologue dans une petite ville du sud de la Colombie, il a une résidence secondaire, une femme coquette, deux filles et un hobby : enquêter sur la véritable histoire de Simón Bolívar.
Pour le carnaval de décembre 1966, il décide de frapper un grand coup en faisant construire un char burlesque qui révélera la face cachée de Simón Bolívar : le Libérateur s’est attribué des victoires sur des champs de bataille où il n’a jamais mis les pieds, a trahi ses amis, menti sans pudeur, enlevé et violé des petites filles à peine nubiles.
Pareille offense au héros national ne passe pas inaperçue : on crie au scandale, les notables se liguent contre lui, on attaque l’atelier à l’arme à feu. Pour couronner le tout, en pleine folie carnavalesque, il découvre que sa femme le trompe (avec un général et quelques autres), ses filles le méprisent et ses amis se servent de lui.
On quitte le vaudeville pour la farce, mais le drame n’est jamais loin. Dans la Colombie de la fin des années 60 on préfère vivre dans le mensonge plutôt que de remettre les mythes en question.
Dans ce roman à la fois ironique et totalement tragique, Evelio Rosero confirme son très grand talent de styliste et de raconteur d’histoires.
Mis à part les 10 premières pages un peu fastidieuses sur les tourments du "héros", Rosero s'en prend cette fois au mythe de Bolivar, ça lui sert aussi à offrir une description à charge de la Colombie de la fin des années 60, de la curaille hypocrite en passant par les jeunes bourgeois s'engageant sur le chemin de la guerilla. Et le flingage en règle de Bolivar est un régal.
L'écriture est sympa, les traductions sont signées de François Gaudry, donc de qualité.
Gros coup de coeur pour cet auteur. Le côté farce tragique toute en finesse est détonnant.
Ce sont, hélas, les deux seuls ouvrages disponibles en français.
Une ou deux fois par an je découvre une heureuse surprise, Rosero en est.

[ Dernière édition du message le 04/01/2018 à 12:09:36 ]

oryjen

Edit: Apparemment tu peux l'avoir à la FNAC:
https://livre.fnac.com/a10837818/Olivier-Enselme-Trichard-Le-nordique
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 04/01/2018 à 16:49:09 ]

Will Zégal



chapolin



Anonyme



Anonyme

Paris 1952. L'auteur, petit voyou parisien alors âgé de 26 ans, a été diagnostiqué "tubard".
Direction l'hôpital pour ce qu'il nommera lui-même une "hostobiographie".
Ça commence fort avec des petits feux d'artifices d'argot qui pètent ici
et là. Ça charme, ça fait le boulot, ça shred mais au bout d'un moment, un peu saoulé
par la forme on a envie de passer à autre chose.
L'auteur se présente: ancien résistant au côté du Colonel Fabien; ayant combattu en Alsace;
vivant de petits vols, combines et autres magouilles, il a déjà fait de la prison.
L'hôpital de l'époque n'en est, selon lui, pas si éloigné que ça par certains aspects.
Mais bon ça cause, ça cause mais on a envie de passer à autre chose
car on s'ennuie un peu. Et la lecture est rendue pénible
par la mise à page avec force paragraphes sans retour à ligne, sans air.
Le tout écrit petit.
Il faudra attendre les environs de la page 100 pour que l'auteur commence
à nous faire le portrait de ses camarades de chambré, du personnels soignant, des ambiances.
Il rend les personnages attachants et on suit toute cette faune de paumés, de clodos,
d'anciens résistants, collabos, d'obsédés sexuels, de communistes, de syndiqués, de cathos, d'artistes ratés, d'homos, de mythomanes, des petites gens banales, de petits vieux perdus et les premiers immigrés venus d'Afrique noire, du Maghreb et d'Asie.
Petite sociologie de l'hôpital public des années 50 qui ne manque pas d'intérêt.
Outre la tuberculose, ils ont tous un autre point commun: la bouteille.
Les gars ont beau être à l'hôpital ils trouvent toujours des combines
pour faire rentrer du vin. Une autre époque.
Ne connaissant pas tous les mots d'argots j'avais toujours
mon téléphone à portée de main pour vérifier le sens exact d'un mot
ou d'une expression, ce qui m'a régulièrement fait sortir du récit.
Un peu gênant.
Pour la forme il n'y a pas que de l'argot. L'auteur a son style et
on peut trouver ici ou là quelques réflexions qui ne manquent pas
d'intérêt. Il y a également par certains moments
de petits choses rappelant un tout petit peu Céline.
N'en n'ayant jamais lu, un ami m'a également dit que ça ressemblait un peu à San Antonio.
L'auteur a eue de multiples vies et est arrivé à la littérature après la trentaine.
Pour un type venu du petit banditisme il faut donc saluer la conversion et la qualité
de l'écriture, même si personnellement dans un genre voisin je préfère René Fallet.
Autre époque également puisque certains propos sur les femmes,
les homos ou les immigrés ne passeraient probablement plus aujourd'hui.
Le livre fini un peu subitement et nous laisse un peu sur notre faim.
C'est pas mauvais mais ça n'est pas le livre de l'année. Ça a un peu vieilli
selon moi. J'en relirai certainement à l'occasion mais ne courrais pas me faire l'intégrale.
[ Dernière édition du message le 21/01/2018 à 23:05:15 ]

Anonyme


chapolin


http://classiques.uqac.ca/classiques/Alain/dieux/alain_les_dieux.pdf

Anonyme

Il y a aussi Mourir d'enfance, je crois un de ses derniers bouquins, sur sa mère. Critique unanime à la sortie, son chef d'oeuvre. N'oublions pas que Boudard était un authentique "fils de pute". Faudra que je le lise un jour.
Voilà sûrement son plus beau livre. La représentation s'achève, les clowns et les truands se dégriment et Mourir d'enfance se termine avec des pages magnifiques, où l'auteur souhaite qu'on l'enterre dans « un jardin de [son] coeur », non loin de la route : « Une torpédo s'arrêtera ... en descendra une jeune femme, une très jeune femme, en robe courte, coiffée à la garçonne... Un léger, léger fantôme... rien que pour moi au royaume des ombres... » Alphonse, poète de la déchirure et petit cousin de François Villon.

Vince_

Orygen > Déjà la pochette envoie du lourd niveau dessins / illustrations / couleurs

c'est pas trop cher ?
Les racines chrétiennes, ça a l'air passionnant aussi, mais peut être un peu moins accessible


chapolin

Les racines chrétiennes, ça a l'air passionnant aussi, mais peut être un peu moins accessible
Pas commencé à lire car sur autre chose et c'est ce que je me disais, mais j'ai picoré un peu dedans et c'est bien écrit du peu que j'ai pu voir, de manière pas professorale mais qui raconte plutôt une histoire ...

oryjen

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

Dr Pouet

Il était quand même bien perché, sombre, gorgé d’un immense mépris pour presque toute l’humanité, et assez hypocrite.
[ Dernière édition du message le 31/01/2018 à 02:36:23 ]

oryjen

Quel extraordinaire personnage, tout droit sorti de ses romans en fait!
Je le rapproche auto d'un génie de la peinture comme Caravage, qui en plus d'être un amoureux de la beauté, était aussi voleur et assassin.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

crossroads


Un jeune pars à la recherche d’une guitare mythique
C’est construit comme un roman policier. Pas révolutionnaire au niveau du style et de certaines parties de l’histoire.
Il y a un côté sympa globetrotter, et puis bon, ça parle de guitare et beaucoup de musique.
Vite lu et agréable.
Instrumental/Ambient/Post-Rock : https://dzeta.bandcamp.com/

Rephlx PAK

Interview de Louis-Ferdinand Céline :
Il était quand même bien perché, sombre, gorgé d’un immense mépris pour presque toute l’humanité, et assez hypocrite.
Et plus humain que n'importe quel auteur moderne-caisse à pognon.
Comme le grand Buk en fait... ou Calaferte ou Thompson.

dana12

Et plus humain que n'importe quel auteur moderne-caisse à pognon.
J'ai eu du mal dans certains passages de ses bouquins à trouver l'humanité (Nord, notamment), à part celle qui consiste à s'apitoyer sur son propre sort
Incrédule sur tout, sceptique sur le reste

Anonyme


Pictocube

La crise de la sociale démocratie par Rosa Luxemburg.
C'est bien intéressant, par contre elle a un style de merde Rosa
Tant qu'il y aura des couilles en or, il y aura des lames en acier

Anonyme


La philosophie éternelle
Aldous Huxley
1945
Quatrième de couverture:
Huxley, qui fit le tour du monde en sceptique et expérimenta les drogues en documentaliste, s’est défendu du pessimisme par ces deux formes de l’intelligence que sont l’ironie et le savoir. Cette anthologie de brefs textes de sages et de saints du monde entier, librement commentés, en est un très bel exemple. Des Vedas aux patriarches zen, en passant par saint Augustin ou des mystiques musulmans, Aldous Huxley explique les propos d’hommes et de femmes qui ont obtenu une connaissance immédiate de la réalité et ont tenté d’y rattacher un système de pensée englobant tous les autres faits de l’expérience. Ainsi explore-t-il avec eux la question de Dieu, celle de la charité, de la connaissance de soi, de la grâce et du libre-arbitre, du silence, de la prière, etc. – autant de thèmes de la philosophia perennis, la philosophie éternelle.
Mais qu'est-ce donc que cette philosophia perennis?
Voici comment Huxley la définie:
Philosophie éternelle : l'expression a été trouvée par Leibniz. Mais la chose, cette métaphysique qui reconnaît qu'il y a une réalité qui est la substance même des choses matérielles, de la vie et de l'esprit ; cette psychologie qui voit dans l'âme quelque chose de semblable ou même d'identique à la réalité divine ; cette éthique qui place les buts de l'homme dans la connaissance d'un fondement transcendant et immanent à tous les êtres, cette chose est universelle et immémoriale. Les rudiments de la philosophie éternelle peuvent être trouvés dans les savoirs des peuples primitifs de toutes les régions du monde, et, sous sa forme la plus développée, elle a une place dans les plus grandes religions.
C'est un livre copieux sur des thématiques subtiles qui ne se lit pas à la va-vite et qui nécessite que l'on prenne son temps. Si c'est le cas vous pourrez apprécier la rigueur, la précision et la pertinence non seulement des choix de texte mais également les commentaires de Huxley qui nous donne là une idée de sa profondeur. Ça devait être un sacré bonhomme. Érudit et brillant c'est le genre de livre qui vous tire vers le haut car il fait confiance à votre curiosité, votre intelligence, votre intuition mais aussi votre patience face à la mise en page plutôt monolithique et à la typo assez petite. À lire par toutes personnes intéressées par ces thématiques.
[ Dernière édition du message le 10/02/2018 à 21:09:24 ]

El Migo

Je cherche un vrai bon bouquin sur l'histoire des Cathares, documenté, complet, pertinent, agréable à lire.
Merci.

oryjen

...Cathares, ...//..., complet
... complot!...

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

Anonyme


oryjen


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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

sqoqo

Et relis le Pendule* de Foucault
De mémoire, son intégration des Cathares dans une geste plus globale était assez jouissive

* pour "pendule", mon correcteur m'a imposé d'office "Monde enfumé"

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