Dis moi ce que tu lis.
- 6 547 réponses
 - 292 participants
 - 250 645 vues
 - 183 followers
 
Nantho Valentine
Anonyme
C’est bien senscritique.com ? Tu t’en sers pour choisir tes livres ?
SensCritique, c'est surtout un forum avec des milliers d'internautes très différents. Avec un peu de temps, on repère certains critiques qui collent bien á sa propre façon de voir les choses, on peut même s'abonner á leur fil. Et vu la joli brin de plume de certains, leur culture et la qualité de leur reflexion, ça vaut le coup de jeter un œil sur le site de temps en temps.
Je m'en sers parfois avant de me lancer dans un livre ou dans un film. Je m'en sers surtout pour découvrir. Imaginons que je veux me regarder quelques bons films d'horreur cette semaine : il y aura bien des dizaines de listes et de tops avec parfois des critiques super fouillées pour me guider ! Et si la semaine prochaine, je veux plutôt trouver de bons bouquins par des auteurs maghrébins du 20eme siècle, eh bien je trouverai aussi des conseils.
Du coup, je ne peux que t'inviter á tester toi-même, par exemple en lisant des critiques sur tes œuvres favorites. Tu liras probablement de belles choses... mais aussi certaines critiques bien dispensables.
[ Dernière édition du message le 08/04/2018 à 16:18:56 ]
Dr Pouet
Anonyme

Le faste des morts
Kenzaburo Oé
Japon 1957 - 1963
Recueil de trois nouvelles de cet auteur dont je n'avais jamais rien lu auparavant.
Le Faste des morts
1957
Un jeune étudiant en littérature française trouve un petit boulot d'une journée dans un hôpital. Le travail consiste à transférer des cadavres flottant dans une cuve vers une autre. Il se retrouve avec une étudiante en littérature anglaise, présente pour les même raisons que lui, et le gardien de la morgue, habitué à la tâche.
Éh ben pour une entrée en matière je dois dire que j'ai trouvé cette nouvelle très réussie. Si le contexte est un peu glauque l'écriture est assez sensuelle puisque l'imaginaire des cinq sens est mis à contribution avec de belles descriptions d'ambiances, de lumières, de touchés, de sons, d'odeurs et autres visions. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à "La jeune fille suppliciée sur une étagère" ou "Un spécimen transparent", tous deux de Akira Yoshimura . Outre l'introspection menée par le contact du narrateur avec les morts il y a aussi une grille de lecture sociale avec les différentes hiérarchies qui se présentent au fil du récit.
Le ramier
1958
Dans une maison de redressement il y a les règles officielles et celles officieuses définies ceux qui y sont internés. Un jour un incident prends place dans la cour de l'établissement et donne à une bande d'adolescent l'idée d'un nouveau jeu.
Cette nouvelle est plus brutale et à l'instar de l'ambiance de la maison de redressement, les traits poétiques de l'écriture sont aussi rares que les moments agréables entre les quatre murs. Violence et pression psychique, homosexualité plus ou moins consentie, difficulté d'être soi dans un environnement très fermé et cadré soit par l'administration soit par les camarades. J'imagine bien un court-métrage car certaines scène sont quasiment données (lumière, cadrage, expression et jeu d'acteur).
Seventeen
1963
C'est le soir de ses 17 ans mais on n'a rien fait de spécial pour lui. Ni ses parents, ni son frère aîné ne le lui ont souhaité son anniversaire. Seule sa soeur un plus âgé le lui a souhaité. En même temps, mis à part se sentir coupable de passer une bonne partie de sont temps à se masturber il ne fait rien qui lui permettrait d'avoir une meilleure estime de lui-même. Sa rencontre inattendue avec un de ses camarades en-dehors du lycée va lui donner une opportunité de briller personnellement et socialement.
On a là une nouvelle en trois petites parties dont le dénouement est plutôt inattendu. Entre-temps on aura eu l'occasion d'avoir un instantané d'une famille japonaise de l'après-guerre, de l'ambiance politique et sociale de la même époque. De là le protagoniste nous livre ses introspections décrivant son mal-être avec gravité mais aussi un certain humour "à l'insu de son plein gré" pour le lecteur, car lui vit plutôt certaines choses comme des humiliations. Bref, beau portrait de l'adolescent mal dans sa peau, qui n'a pas d'estime de soi et ne peut compter sur personne autour de lui pour faire remonter ce dernier.
Plutôt une bonne découverte de l'auteur dont j'ai acheté quelques livres vraiment pas chers. Si il est difficile d'identifier un style depuis une traduction j'ai toutefois noté pas mal de traits poétiques qui viennent alléger des contextes plutôt lourds et difficiles.
Souvent les personnages perçoivent une lumière, une couleur du ciel, un élément saisonnier ou autre phénomène naturel contrastant avec la préoccupation du moment.
La sexualité ou les questions d'ordre sexuel est exprimée sans détours et d'une manière crue quelques fois.
Dans ces récits tout est à la première personne. Ni le narrateur ni les autres personnages n’ont de patronymes mais plutôt une fonction parentale/filiale (père, mère, sœur, frère) ou une fonction professionnelle/administrative (professeur, gardien, docteur, étudiant…).
L'action pourrait se dérouler presque n'importe où sur terre, mais il se trouve que tout se déroule au Japon et on ne le sens que par de petites touches "subliminales".
Je pense que c'est également bien traduit (André de Ceccatty et Ryoji Nakamura) et certaines idées sont bien rendues:
La vie quotidienne d’une femme enceinte fourmille d’espoirs négatifs.
Ily avait là quatre tables. L’une d’elle brillait doucement.
C’était une nuit de printemps : sous la voûte obscure, un autre ciel se déployait, de couleur rosée, qui semblait le redoubler.
Une allumette, dégageant une odeur secrète.
Un regard de doux mépris.
Réflexion du gardien de la morgue:
Le cadavre que j’ai étiqueté l’année de la naissance de mon fils, qui a lui-même déjà un fils, est toujours là, au fond de la cuve et il n’a pas beaucoup changé de couleur. Je ne peux pas me passionner. Quand on voit tous ces morts, on a du mal à se passionner pour ses enfants qui grandissent.
Bref, je pense que ce recueil est une bonne façon de découvrir cet auteur.
Anonyme

Le jeu du siècle
Kenzaburô Oé
1967
Il y a quelques années, Takashi a profité de la tournée de sa troupe de théâtre aux États-Unis pour s'évanouir dans la nature. Entre-temps, son frère aîné Mitsusaburo s'est marié. Il a un bébé né avec un retard mental. Puis un jour Takashi revient au Japon. Qu'a-t-il fait tout ce temps aux États-Unis? Pourquoi est-il revenu?
C'est un roman assez copieux, et arriver à la fin des 458 pages demande quelques efforts, car il y a des tunnels de quelques pages, tout particulièrement celles sur l'histoire des ancêtres des deux frères qui m'ont semblé laborieuses car trop détaillées pour "pas grand chose". Par contre j'ai beaucoup apprécié tous les personnages, leurs personnalités, leurs particularités physiques ou psychologiques et leurs états d'esprit ainsi que les visions et réflexions dans cette histoire un peu complexe. Tout est très bien rendu car très bien écrit et certainement bien traduit là encore par René (et pas André comme je l'ai noté dans la chronique précédente) de Ceccatty et Ryoji Nakamura. Les traits poétiques côtoient les scènes dures, voire gores.
Bien qu'un peu exigeant, je me suis toutefois laissé prendre par le livre, l'histoire et je retournais à la lecture avec curiosité. À condition de couper un peu ici ou là, il y aurait même moyen d'en faire un film.
Quelques extraits pour illustrer le style ainsi que quelques belles trouvailles d'écriture:
Le mort dont les innombrables cellules[...] se détruisaient sans cesse , avec vivacité et délicatesse.[...] Le corps continuait à pourrir avec arrogance, affichant une redoutable présence, la plus intense de sa vie de vingt-sept ans.
Il me regarda de ses yeux noirs qui ne voulaient absolument rien signifier, avec une douceur qu'aurait une plante, si elle était pourvue d'yeux.
C'était une rêverie en un éclair évaporée, comme une bulle dans un liquide. Une fois passé, ce genre de rêverie n'a sur l'homme qu'elle a surpris plus aucun effet, d'autant moins qu'elle a été conçue en silence. Nous n'avons qu'à attendre sa fin avant que les plis de notre cerveau n'en soient blessés. Si on y parvient, on peut échapper à son fiel, en attendant qu'elle revienne à l'attaque avec une évidence telle qu'on ne peut que l'accepter comme une expérience impérieuse.
Elle traversa l'air tiède et sombre de la pièce.
Quoiqu'elle affleurât aux rebords du gouffre, la nuit restait immobile, suspendue.
Son visage triangulaire, crispé, était raviné de larmes qui scintillaient dans le tremblement des rayons du tube cathodique.
L'adolescent partit d'un rire léger mais d'une gaieté infantile, ce qui acheva de me le rendre antipathique.
Mitsusaburo à propos de son oeil mort:
C'était un accident dégoûtant, absurde. [...]une bande d'écoliers excités m'a lancé des pierres[...] Frappé à l'oeil, je suis tombé sur le pavé, sans rien comprendre à ce qui m'arrivait. Mon oeil droit était crevé dans le sens de la longueur, cornée et iris, et avait perdu la vue.[...]J'ai attribué un autre rôle à cet oeil sans lumière. J'ai comparé cet oeil privé de fonction à un oeil qui s'ouvrfe sur les ténèbres intérieures au cerveau. Il voit toujours ces ténébres emplies de sang, plus chaude que ma température ordinaire. J'ai aussi engagé un garde forestier dans ma nuit intérieure pour m'imposer l'exercice de m'observer moi-même.
Dans mon sommeil, j'entendis à travers le domaine des ténébres qui m'entouraient le corps un bambou craquer, brisé par le gel. Ce son, comme mué en ongle d'acier, me lacérait et laissait une cicatrice sur ma tête chaude assoupie.
C'est que mes oreilles sentaient que la neige étaient devenue authentique [...]Menacé par une mort aussi cruelle et antisociale, le corps étendu dans les ténèbres insonores sous des couches successives de neige, à quoi pourrait-il bien penser? Se confinait-il dans le silence ou continuait-il son monologue?
De même que les sons étaient étouffés par la neige, la neige incessante semblait absorber la linéarité du temps[...] dela même manière, la neige raréfiait la présence noire et sauvage de la forêt environnante.
Je pensais alors à une vérité absolue qui, une fois dite, ne laisserait à celui qui l'aurait prononcée d'autre issue que d'être tué, de se tuer, de sombrer dans la folie ou de devenir un monstre inhumain.
Or, le fait même qu'un écrivain doive recourir au cadre d'une fiction, pour pouvoir dire des choses incroyablement horribles, périlleuses, honteuses, tout en préservant sa sécurité, voilà qui sape, en son fondement même, son travail. Du mois pour l'écrivain lui-même, quand il a exprimé une vérité vitale, il a conscience d'être capable de dire n'importe quoi pourvu que ce soit en terme de fiction, ce qui lui assure l'immunité contre le venin qu'il sécrète.
Mais elle plissa davantage encore ses yeux tournés vers la neige, comme un nombril au milieu d'une chaire gonflée, en mangeant ses lèvres minces et en pointant ses oreilles qu'on aurait dites couvertes de sales écailles, bref en ayant tout l'air d'une pleine lune pourvue de deux poignées.
En attendant qu'au fond de l'obscurité qui s'installait se décomposât sur ma rétine l'image résiduelle de Takashi couché sur le dos.
[ Dernière édition du message le 16/04/2018 à 10:36:45 ]
Anonyme

Une affaire personnelle
Kenzaburô Oé
Japon 1965
Bird a 27 ans. Il a un petit boulot de répétiteur dans un lycée. Son rêve: partir en Afrique de l'Est. Il est d'ailleurs en train d'acheter des cartes routières de la région. Mais au fond de lui il sait que cet achat dérisoire reflète une illusion, un mensonge qu'il essaye encore de croire car en réalité, à quelques kilomètres de là, sa femme est en train d'accoucher. Toutes ses économies serviront à élever cet enfant à venir. Mais un évènement soudain va le mettre devant un dilemme.
Si le forme est plus légère que dans le livre précédent, le fond est assez lourd avec de multiples questions morales et sociales. Il y a plusieurs traits qui font écho au livre précédent sans que les deux soient reliés. Juste des petits détails identiques: âge, handicap physique, enfant à naître ou nouveau-né, alcool, sexe. Les personnages sont bien définis et leurs comportements ou attitudes décrit avec précision. Ce qui les rend très palpables et "visibles". Bird est l'exemple parfait du anti-héros.
Il y a des détails touchants et bien amenés. Certains dialogues manquent de relief, mais ils sont assez peu nombreux pour ne pas nuire à l'histoire. Peut-être pas un livre exceptionnel d'un point de vue littéraire, mais une histoire captivante qui vous tiendra en haleine jusqu'à la fin.
[ Dernière édition du message le 19/04/2018 à 19:56:23 ]
Dr Pouet
Est-ce que tu mets aussi tes critiques sur sens-critique ?
Anonyme
Sinon j'ai effectivement une certaine cadence de lecture, mais c'est parce que je prends le temps de lire tous les jours. Et puis il y a des livres qui se lisent plus ou moins vite. C'est un peu comme le footing pour certain: je ne peux pas passer une journée sans, excepté certaines petites périodes durant lesquelles je ne lis plus rien.
[ Dernière édition du message le 20/04/2018 à 08:48:58 ]
Dr Pouet
[dans l’avion]
Ma voisine de fauteuil est une jeune Canadienne avec une tête d'Anglaise. Elle ose à peine me dire qu'elle est employée chez Microsoft :
— je travaille pour Satan, me glisse-t-elle avec un clin d'oeil et un accent à reconduire Céline Dion à la frontière.
Elle a passé deux semaines en Espagne, où elle n'a rien trouvé de mieux à faire que « du shopping ». Elle dit qu'elle est contente mais aussi qu'elle est contente de rentrer parce que «deux semaines toute seule, c'est long ».
Comme elle me saoulait, je me suis reconcentré sur mon écran. Un Jean Claude Van Damme plus aware que jamais devait éclater pas mal de tronches pour venger un ami lâchement assassiné par un cartel mafieux. J'engageai la conversation avec mon autre voisin, qui s'avéra êre un Argentin plein d'attentions.
— C'est très dangereux notre ville d'arrivée, beaucoup de violence. Il ne faut jamais se promener seul, me prévint-il.
— Les gens disent ça dans toutes les villes du monde, non ?
— Peut-être, mais là-bas c'est pire.
Jean-Claude Van Damme était dans une sale passe. Blessé, il était entouré par une dizaine de types patibulaires armés de gourdins et de couteaux qui souhaitaient clairement le finir. Cela dit, je ne m'inquiétais pas beaucoup pour lui. J'observai avec quelle maestria Jean-Claude s'en sortait en essayant de noter quelques feintes de corps et autres coups tordus utiles pour se débarrasser de quelqu'un qui en veut à votre vie.
J'ai fermé les yeux et Lara Croft est venue me supplier de la sodomiser, vigoureusement de pré-férence. Je me suis vu dans l'obligation de décliner l'offre de la cyber-gourgandine. J'ai une mission à accomplir, je ne peux pas me permettre de me disperser. Je caressai donc la joue de la bougresse dévastée par mon refus et me réveillai avec une solide érection. Mes voisins m'ont regardé d'un oeil inquiet, il se peut que j'aie hurlé des insanités pendant mon sommeil.
Dans les premières pages de « Gringoland » de Julien Blanc-Gras :
[ Dernière édition du message le 22/04/2018 à 17:16:59 ]
oryjen
C'est beau.
Ca donne espoir en l'avenir, malgré TOUT.
--------------------------------------------------------------------------------
L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
Dr Pouet
Je pense que ça te ferait marrer aussi !
C’est juste l’intro, après il sera vraiment en voyage.
la cyber-gourgandine
J’adore.
[ Dernière édition du message le 22/04/2018 à 18:24:24 ]
oryjen
--------------------------------------------------------------------------------
L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
Dr Pouet
[ Dernière édition du message le 22/04/2018 à 18:24:58 ]
Anonyme
J'ai mis des années et des années avant de me décider à le lire, et encore je l'aurais fait uniquement parcequ'il est également nancéien (un bled à côté de Nancy en fait) : à tort ou à raison, je fuis comme la peste les oeuvres écrites en français par des français, considérant que c'est comme au ciné ou pour les séries, ultra binaire.
Soit c'est génial, ce qui est incroyablement rare, soit de la grosse daube, ce qui est incroyablement courant.
Bref je commence le bouquin à reculons, et uniquement pacreque ma daronne a passé le weekend à me bourrer le mou comme quoi fallait que je le lise.
Et j'ai commencé à le lire en espérant que ça soit aussi nul et pompeux que du d'ormesson, avec un type bombardé grand écrivain alors qu'il écrit comme kapam, la sympathie en moins.
Bon ben en fait, passées les 15 premières pages, je me suis vite aperçu que c'était pas de la petite littérature, et en fait j'ai lu le bouquin d'une traite.
- sur la forme : c'est super bien écrit. Ca rappelle le style de Barjavel en forme, avec des mots et expressions très dures dnas leur substance, mais toujours adoucies par un humour omniprésent, des jolis mots, des allitérations, etc.
Parfois y a carrément la gouaille d'un Céline.
- sur le fond : c'est quand même putain de hardcore. Là j'ai qu'une envie, aller déboulonner la plaque de l'avenue foch ou du boulevard joffre, et de chier dessus.
A choisir ça me genêrait moins que la France soit remplie de rues du maréchal pétain.
(j'en dis pas plus sur l'intrigue, pour ceux comptant le lire ou voir le film, que Claudel a adapté et réalisé lui même)
[ Dernière édition du message le 22/04/2018 à 18:26:25 ]
.: Odon Quelconque :.
https://fr.audiofanzine.com/le-pub-des-gentlemen/forums/t.8152,dis-moi-ce-que-tu-lis,post.9406632.html
Un émerveillement à chaque page feuilletée au hasard.
« What is full of redundancy or formula is predictably boring. What is free of all structure or discipline is randomly boring. In between lies art. » (Wendy Carlos)
Anonyme

M/T et l'histoire des merveilles de la forêt
Kenzaburô Oé
Japon 1986
Quatrième de couverture:
Il était une fois un village au fond d'une vallée, dans l'île de Shikoku. C'est là que jadis se sont rassemblés des fuyards, bannis hors de la ville du château. Ils y ont fondé une société autonome de rebelles. La forêt les entoure, peuplée de forces mystérieuses : les «merveilles». Une rivière capable de détruire une armée entière. Un déluge qui dévaste la terre. Un chef, surnommé le «destructeur», des filles de l'île des «pirates», des villageois qui ressemblent aux démons de l'enfer bouddhiste, une géante, des vieillards qui disparaissent dans les nuées au clair de lune et un enfant né avec une malformation, marque fatale des «merveilles de la forêt». Kenzaburô Ôé nous raconte l'histoire de son village natal, telle que la psalmodiait sa grand-mère. Bouleversant hommage à son fils, c'est aussi une réflexion brillante sur la structure des révoltes et les sociétés autarciques.
Ça commence plutôt bien avec cette première page:
Pour penser la vie d'un homme, il est nécessaire de tracer un plan qui ne se contente pas de partir de sa naissance, mais qui remonte plus haut encore et qui ne s'arrête pas non plus le jour de sa mort, mais qui s'étende au-delà. La venue d'un homme au monde ne devrait pas se réduire à sa naissance et à sa mort. Il naît dans le grand cercle des gens qui l'englobent et, encore après sa mort, il devrait y avoir quelque chose qui subsiste.
Mais entre les quelques premières pages et le dernier chapitre comptant 65 pages j'ai vraiment eu du mal à m'intéresser au récit étalé sur 432 pages. Un peu comme dans "Le jeu du siècle", l'auteur nous perd ici plus encore dans un luxe de détails doublés de répétitions. On peut saluer la rigueur et l'imagination débordante de Kenzaburô Oé mais tout ça finit par alourdir le propos et perdre le lecteur que je suis. Bien sûr il y a de belles choses sur le fond (très riche) et la forme, mais trop peu pour moi. On retrouve aussi des symboliques récurrentes, déjà lues ailleurs. Il faut tirer son chapeau à De Ceccatty et Nakamura pour avoir traduit si précisément ce roman assez dense et exigeant que je déconseillerais à quelqu'un voulant découvrir Kenzaburô Oé.
Anonyme

L'homme-boîte
Kobô Abé
Japon 1973
Quatrième de couverture:
Cet homme qui a enfoui sa tête et le haut de son corps dans une boîte en carton n'est pas un Diogène cynique réfugié dans un tonneau par mépris de l'humanité.
Tourmenté et solitaire, c'est un anti-héros, un être mythique dont le mal profond est l'impuissance, et pour qui la boîte, à la fois sécurisante et protectrice, est un écran placé entre lui et les autres, destiné à le protéger des contraintes de la société... Ecrit dans une langue dense, drue, dépourvue de sentimentalisme, ce roman a eu un immense succès au Japon, avant d'être traduit dans une quinzaine de langues.
Pas facile de résumer ce livre mais on aura compris qu'il s'agit là d'histoires ayant à voir avec l'homme-boîte au sens général. Un phénomène social imaginé par l'auteur. Il ne s'agit pas d'un récit à proprement parlé, mais de diverses situations plus ou moins liées entre elles. La forme est donc assez irrégulière avec des chapitres narratifs, d'autres constitués de dialogues ou encore d'idées plus ou moins relatives au sujet. C'est quelques fois assez direct mais d'autrefois assez surréaliste, poétique et absurde avec une petite dose d'humour. Il est bien évidemment beaucoup question de voir, d'être vu sans être vu, de cacher son regard et de se cacher du regard des autres mais il y a bien d'autres choses encore. Je dois avouer qu'au début, le côté surréaliste m'a rapidement ennuyé. Mais c'était sans compter sans quelques îlots poétiques vraiment merveilleux qui m'ont poussés à aller jusqu'au bout. Il faut donc saluer la traduction de Suzanne Rosset. C'est donc un roman au charme étrange, qui ne laisse pas indifférent si on accepte de se laisser porter. Moins barré que Rendez-vous secret, mais résolument plus abstrait que La face d'un autre (tous les deux du même auteur). Pour lecteur averti.
Quelques extraits ci-dessous vous permettront j'espère d'apprécier les qualités littéraires de Kobô Abé:
Le canon du fusil puis la boîte firent un bruit ressemblant à un bas de pantalon humide secoué avec un manche de parapluie.
Depuis ce matin, la pluie ne cesse de tomber, et le ciel sombre de la nuit trace comme une ligne au niveau du sol.
Bien qu'on ne puisse y attacher aucun prix, chacun sait que le reflet du verre a une étrange fascination:
sans qu'on s'en rende compte, on est amené à pénétrer un monde où le temps a une autre dimension.
Elle avait une démarche bleutée et légère échappant à tous les horizons comme un ciel immense.
Ce cou éphémère, pâle et transparent.
La blouse blanche de l'infirmière avait pour effet d'arrêter le temps.
[...]de légers sourires, sculptés dans un air durci, éphémères et vulnérables
comme si ils avaient été colorés avec un pinceau de lumière.
Un phototgraphe...c'est un voyeur...sa spécialité, c'est de percer des trous,
où qu'il soit. Sa nature est bien vile.
Mais ce genre de regard est comme si on vous retirait quelque chose au couteau,
comme si on déchirait les vêtements que vous portez.
Mais quel genre de chute peut faire un poisson de mer?
Je n'ai jamais entendu parler de la chute d'un poisson !
Un poisson finit toujours par remonter et flotter à la surface de l'eau.
[...]C'est une chute renversée. Oui, une chute dans l'autre sens...une chute à l'envers.
[...]Le faux-poisson a décidé d'attendre. Sa volonté, fût-elle teintée du bleu de l'océan,
finit par pâlir.[...]Il se noya dans l'air et mouru.
Oui...la regarder nue, et la dépouiller encore plus de sa nudité
jusqu'à voir une nudité au-delà de la nudité...
C'était une nudité déjà contemplée par quelqu'un d'autre.
Une nudité légère comme si elle flottait dans l'eau.
Une légère vapeur se glissait à la naissance de la cuisse
dont le devant était doucement effleuré par la brise comme une ombre.
Elle avait dû retirer ses sous-vêtements peu de temps avant. Elle les avait enlevés,
les avait enroulés et jetés en boule à ses pieds.[...]
Les petits sous-vêtements noirs étendaient leurs pattes comme une araignée morte.
Tous mes muscles étaient prêts à jaillir comme des étincelles.
Écoute...tu es beaucoup plus nue quand tu commences à retirer tes vêtements
que quand tu les as complétements retirés.[...]Une nudité en train de s'accomplir
une action encore plus purement nue que la simple nudité.
Elle est dans une position où elle attend d'être contemplée avec intensité.
Un noir intense comme un ascenseur qui chute ! Un noir sans fond qu'on pouvait
voir même une fois yeux fermés.
En fait, auparavant, j'étais terriblement empoisonné par les nouvelles.
Je me demande si vous pouvez comprendre ce que je veux dire. Je ne pouvais calmer
mon inquiétude si il n'y avait pas constamment des nouvelles fraîches[...]
Pourquoi en quelque sorte, pourquoi tout le monde recherches les nouvelles et les transformations
du monde de cette façon...afin de le connaître à l'avance et d'être prêt en cas d'urgence?
Avant, c'était ainsi que je pensais. Mais c'est une vaste comédie ! Les gens écoutent les nouvelles
pour se tranquilliser. Aussi importante que soit la nouvelle qu'on leur fait entendre,
ils l'écoutent et restent parfaitement vivants. La véritable grande nouvelle, c'est l'annonce
de la fin du monde...je crois que c'est l'ultime nouvelle. Bien entendu, tout le mondre désire l'entendre.
Car l'homme, alors, ne sera pas seul à quitter le monde. Quand j'y pense, mon intoxication
venait de ce que j'avais un ardent désir d'entendre cette ultime émission.
Un oeil regarda. Un oeil sans expression qui ne faisait que regarder.
Un oeil insolent qui me forçait à être vu et à ne pas voir.
On avait l'impression de caresser le bas d'un oeuf avec une paume
de main enduite de crème de beauté.
[...]
Elle avait l'allure d'un appareil de précision
de petit format qui ne donne pas l'impression de dépenser d'énergie.
Elle me donna un léger coup d'oeil...si léger qu'il aurait pu flotter ainsi
une demi-journée dans l'espace.
Un slip fin, couleur d'eau, incroyablement petit, mordait dans la chair de ses hanches.
Elle plia légèrement les jambes et mit les paumes de la main le long des flancs,
dans la position de quelqu'un qui va plonger, mais on avait la sensation
de quelque chose de plus comique. Ses mouvements l'un après l'autre, teintés
de lumière et d'obscurité, traçaient des volutes dans l'air, sculptant un univers spécial.
Un sentiment de tristesse s'empara de moi, comme si j'attrapais un rhume.
Je n'ai besoin que d'une chose pour sortir de la boîte [...]une paire de pantalons.
Des pantalons...Si seulement j'en avais, je pourrais parcourir le monde !
[...]une société éclairée ressemble à une société-pantalon.
Tu regardes en l'air, face au mur, en tendant les oreilles pour entendre les bruits
à travers le plafond. La peur fige l'expression de ton visage comme une couche de vernis
passée au pinceau. Le vernis, vite sec, craquelle ta peau de petites rides comme une crêpe.
Tu es beaucoup trop nerveux. Pourquoi ne peux-tu pas te tenir plus près de la réalité?[...]
Maintenant tu regardes le bord de la plaque épaisse posée sur le bureau: un bleu pur,
privilège du néant qui anéantit toute notion de distance.
Un bleu infini teinté de vert. Couleur dangeureuse qui incite à la fuite.
Tu te noies dans le bleu; ton corps s'y engloutit pour l'éternité.
Tu te souviens du nombre de fois où tu as été tenté.
Le bleu du sillon gonflant l'hélice d'un bateau...
l'eau stagnante d'une mine de soufre abandonnée...
des pelletées bleues de mort-aux-rats comme des bonbons gélatineux...
l'aube violette qui se lève lorsqu'on attend le premier train destination nulle part...
le verre teinté des lunettes d'Amour distribuées par la société d'encouragement au suicide ou,
si tu préfères, par le Club spirituel de l'euthanasie.
Le verre est teinté avec la fine membrane du pâle soleil d'hiver qu'un technicien habile
décolle avec soin. Seuls ceux qui portent ces lunettes peuvent apercevoir la gare de départ
de l'express sans retour.
La couleur de la pluie qui enrhume les pauvres...la teinte de l'heure où tombent
les rideaux des passages souterrains...la couleur de la montre donnée en récompense des succès
aux examens et qui a été portée au mont-de-piété...la couleur de la jalousie
jetée sur l'évier en inox de la cuisine...la couleur du premier matin de chômage...
la couleur de l'encre d'une vieille carte d'identité qu'on ne peut plus utiliser...
la couleur du dernier ticket de cinéma acheté par le candidat au suicide...
la couleur du trou rongé pendant des heures par la forte alcalinité
de l'anonymat, de l'hibernation, de l'euthanasie.
Peut-être ne me croiras-tu pas, mais tout ce que j'ai écrit jusqu'ici est sans doute le produit
de mon imagination, et pourtant ce n'est pas faux. Un mensonge trompe et t'éloigne de la vérité,
mais l'imagination peut servir de raccourci y conduisant.
Un violent désir de gratter ses souvenirs avec ses ongles.
Le monde était empli de la douceur éternelle d'un samedi soir.
Il regarda la rue au-delà du champs du miroir , et la rue lui rendit son sourire.
Le bruit de la porte qui se ferme était empli d'une profonde compassion.
L'efficacité des mots, c'est l'affaire d'une distance de deux à cinq mètres, quand on a conscience de l'autre comme d'une personne différente.
Le cadran de la montre s'use inégalement.
L'endroit le plus abîmé,
c'est autour du chiffre huit.
Parce qu'il a été fixé avec des yeux qui abrasent deux fois par jour,
assurément.
[ Dernière édition du message le 04/05/2018 à 23:00:36 ]
Anonyme
sqoqo
Merci Kumo
oryjen
Ici Kôbô Abé montre une étonnante capacité à figer le temps pour contempler l'instantané de l'improbable bestiole pris juste avant qu'elle ne s'efface après son coup de mâchoires ravageur au plexus.
--------------------------------------------------------------------------------
L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
Anonyme
Le Tatouage
Junichirô Tanizaki
C'est un court recueil de nouvelles ayant d'après moi le thème de la révélation de quelque chose de caché au fond de chacun des personnages. Ces révélations sont mises à jour par une sensualité "accidentelle", qui tombe sur les personnages alors que ces dernier ne s'y attendaient pas. Il y a également un érotisme subtil mais déterminant.
Le Tatouage
1910
Seikichi est un tatoueur exceptionnel et donc très couru. Mais il a une obsession: trouver la femme dont le corps, la beauté et l'esprit sauront accueillir la plus aboutie de ses oeuvres, celle dans laquelle il mettra toute son âme. Un jour il aperçoit un pied de femme dépassant d'un palanquin. Son intuition lui permet de déduire qu'un pied comme celui-ci appartient à une femme d'une beauté exceptionnelle, celle-là même qu'il cherche depuis un certain temps. Mais le palanquin s'en va. Comment retrouver cette personne? Par un hasard étonnant, cette femme elle-même viendra le trouver trois ans plus tard. Comment la convaincre de se faire tatouer?
Une nouvelle courte mais d'une intensité particulière. Au départ j'ai regretté sa brièveté, mais avec le recul je l'ai "comprise" et acceptée. Un film (Le Tatouage de Yasuzo Mamsumura 1966, avec la ravissante Ayako Wakao

La ravissante Ayako Wakao:

Les jeunes garçons
1911
Un jour, en rentrant de l'école, Eichan est abordé par Shinhichi, fils de bonne famille et souffre-douleur de la classe. Ce dernier, accompagné d'une servante, l'invite le jour-même à la fête qu'il organise pour une divinité. Eichan est un peu surpris, car s'il n'a aucune animosité à l'égard de ce camarade de classe, il n'a pas non plus d'affinité spéciale pour lui. Il se demande donc pourquoi il a été désigné. Mais d'autres surprises l'attendent une fois arrivé à la fête.
Plus développée que la précédente, elle nous entraîne dans l'inattendu et on va de surprise en surprise. J'imagine bien le livre illustré par Takato Yamamoto par exemple.
Le secret
1911
Désirant prendre un peu de distance avec son entourage, un homme décide de se retiré dans un quartier de Tokyo qu'il ne connaît pas très bien, histoire de se ressourcer, se retrouver. Afin de ne pas se faire repérer, le soir il sort déguisé. Puis un soir il a une idée un peu saugrenue qui s'avère tout à fait pertinente. Quelle est donc cette idée?
Si j'ai aimé tout le développement, j'ai toutefois été déçu par l'enjeu final et la chute.
Ces trois nouvelles sont écrites dans un style plus classique que celui d'Abé Kôbô et j'ai pris plaisir à les lire. Ça m'a également permis d'apprécier encore plus cet auteur que j'ai toujours un peu de mal à cerner. Traduction de Cécile Sakai, spécialiste de Yasunari Kawabata et Marc Mécréant dont j'ai aimé la traduction de "Le Pavillon d'Or" de Mishima.
Javier Guante Hermoso
L'homme-boîte
Kobô Abé
Japon 1973
Quatrième de couverture:
Citation :Cet homme qui a enfoui sa tête et le haut de son corps dans une boîte en carton n'est pas un Diogène cynique réfugié dans un tonneau par mépris de l'humanité.
Tourmenté et solitaire, c'est un anti-héros, un être mythique dont le mal profond est l'impuissance, et pour qui la boîte, à la fois sécurisante et protectrice, est un écran placé entre lui et les autres, destiné à le protéger des contraintes de la société... Ecrit dans une langue dense, drue, dépourvue de sentimentalisme, ce roman a eu un immense succès au Japon, avant d'être traduit dans une quinzaine de langues.
Pas facile de résumer ce livre mais on aura compris qu'il s'agit là d'histoires ayant à voir avec l'homme-boîte au sens général. Un phénomène social imaginé par l'auteur. Il ne s'agit pas d'un récit à proprement parlé, mais de diverses situations plus ou moins liées entre elles. La forme est donc assez irrégulière avec des chapitres narratifs, d'autres constitués de dialogues ou encore d'idées plus ou moins relatives au sujet. C'est quelques fois assez direct mais d'autrefois assez surréaliste, poétique et absurde avec une petite dose d'humour. Il est bien évidemment beaucoup question de voir, d'être vu sans être vu, de cacher son regard et de se cacher du regard des autres mais il y a bien d'autres choses encore. Je dois avouer qu'au début, le côté surréaliste m'a rapidement ennuyé. Mais c'était sans compter sans quelques îlots poétiques vraiment merveilleux qui m'ont poussés à aller jusqu'au bout. Il faut donc saluer la traduction de Suzanne Rosset. C'est donc un roman au charme étrange, qui ne laisse pas indifférent si on accepte de se laisser porter. Moins barré que Rendez-vous secret, mais résolument plus abstrait que La face d'un autre (tous les deux du même auteur). Pour lecteur averti.
Quelques extraits ci-dessous vous permettront j'espère d'apprécier les qualités littéraires de Kobô Abé:
Citation :Le canon du fusil puis la boîte firent un bruit ressemblant à un bas de pantalon humide secoué avec un manche de parapluie.
Citation :Depuis ce matin, la pluie ne cesse de tomber, et le ciel sombre de la nuit trace comme une ligne au niveau du sol.
Citation :Bien qu'on ne puisse y attacher aucun prix, chacun sait que le reflet du verre a une étrange fascination:
sans qu'on s'en rende compte, on est amené à pénétrer un monde où le temps a une autre dimension.
Citation :Elle avait une démarche bleutée et légère échappant à tous les horizons comme un ciel immense.
Citation :Ce cou éphémère, pâle et transparent.
Citation :La blouse blanche de l'infirmière avait pour effet d'arrêter le temps.
Citation :[...]de légers sourires, sculptés dans un air durci, éphémères et vulnérables
comme si ils avaient été colorés avec un pinceau de lumière.
Citation :Un phototgraphe...c'est un voyeur...sa spécialité, c'est de percer des trous,
où qu'il soit. Sa nature est bien vile.
Citation :Mais ce genre de regard est comme si on vous retirait quelque chose au couteau,
comme si on déchirait les vêtements que vous portez.
Citation :Mais quel genre de chute peut faire un poisson de mer?
Je n'ai jamais entendu parler de la chute d'un poisson !
Un poisson finit toujours par remonter et flotter à la surface de l'eau.
[...]C'est une chute renversée. Oui, une chute dans l'autre sens...une chute à l'envers.
[...]Le faux-poisson a décidé d'attendre. Sa volonté, fût-elle teintée du bleu de l'océan,
finit par pâlir.[...]Il se noya dans l'air et mouru.
Citation :Oui...la regarder nue, et la dépouiller encore plus de sa nudité
jusqu'à voir une nudité au-delà de la nudité...
Citation :C'était une nudité déjà contemplée par quelqu'un d'autre.
Citation :Une nudité légère comme si elle flottait dans l'eau.
Citation :Une légère vapeur se glissait à la naissance de la cuisse
dont le devant était doucement effleuré par la brise comme une ombre.
Citation :Elle avait dû retirer ses sous-vêtements peu de temps avant. Elle les avait enlevés,
les avait enroulés et jetés en boule à ses pieds.[...]
Les petits sous-vêtements noirs étendaient leurs pattes comme une araignée morte.
Citation :Tous mes muscles étaient prêts à jaillir comme des étincelles.
Citation :Écoute...tu es beaucoup plus nue quand tu commences à retirer tes vêtements
que quand tu les as complétements retirés.[...]Une nudité en train de s'accomplir
une action encore plus purement nue que la simple nudité.
Citation :Elle est dans une position où elle attend d'être contemplée avec intensité.
Citation :Un noir intense comme un ascenseur qui chute ! Un noir sans fond qu'on pouvait
voir même une fois yeux fermés.
Citation :En fait, auparavant, j'étais terriblement empoisonné par les nouvelles.
Je me demande si vous pouvez comprendre ce que je veux dire. Je ne pouvais calmer
mon inquiétude si il n'y avait pas constamment des nouvelles fraîches[...]
Pourquoi en quelque sorte, pourquoi tout le monde recherches les nouvelles et les transformations
du monde de cette façon...afin de le connaître à l'avance et d'être prêt en cas d'urgence?
Avant, c'était ainsi que je pensais. Mais c'est une vaste comédie ! Les gens écoutent les nouvelles
pour se tranquilliser. Aussi importante que soit la nouvelle qu'on leur fait entendre,
ils l'écoutent et restent parfaitement vivants. La véritable grande nouvelle, c'est l'annonce
de la fin du monde...je crois que c'est l'ultime nouvelle. Bien entendu, tout le mondre désire l'entendre.
Car l'homme, alors, ne sera pas seul à quitter le monde. Quand j'y pense, mon intoxication
venait de ce que j'avais un ardent désir d'entendre cette ultime émission.
Citation :Un oeil regarda. Un oeil sans expression qui ne faisait que regarder.
Un oeil insolent qui me forçait à être vu et à ne pas voir.
Citation :On avait l'impression de caresser le bas d'un oeuf avec une paume
de main enduite de crème de beauté.
[...]
Elle avait l'allure d'un appareil de précision
de petit format qui ne donne pas l'impression de dépenser d'énergie.
Citation :Elle me donna un léger coup d'oeil...si léger qu'il aurait pu flotter ainsi
une demi-journée dans l'espace.
Citation :Un slip fin, couleur d'eau, incroyablement petit, mordait dans la chair de ses hanches.
Elle plia légèrement les jambes et mit les paumes de la main le long des flancs,
dans la position de quelqu'un qui va plonger, mais on avait la sensation
de quelque chose de plus comique. Ses mouvements l'un après l'autre, teintés
de lumière et d'obscurité, traçaient des volutes dans l'air, sculptant un univers spécial.
Un sentiment de tristesse s'empara de moi, comme si j'attrapais un rhume.
Citation :Je n'ai besoin que d'une chose pour sortir de la boîte [...]une paire de pantalons.
Des pantalons...Si seulement j'en avais, je pourrais parcourir le monde !
[...]une société éclairée ressemble à une société-pantalon.
Citation :Tu regardes en l'air, face au mur, en tendant les oreilles pour entendre les bruits
à travers le plafond. La peur fige l'expression de ton visage comme une couche de vernis
passée au pinceau. Le vernis, vite sec, craquelle ta peau de petites rides comme une crêpe.
Tu es beaucoup trop nerveux. Pourquoi ne peux-tu pas te tenir plus près de la réalité?[...]
Maintenant tu regardes le bord de la plaque épaisse posée sur le bureau: un bleu pur,
privilège du néant qui anéantit toute notion de distance.
Un bleu infini teinté de vert. Couleur dangeureuse qui incite à la fuite.
Tu te noies dans le bleu; ton corps s'y engloutit pour l'éternité.
Tu te souviens du nombre de fois où tu as été tenté.
Le bleu du sillon gonflant l'hélice d'un bateau...
l'eau stagnante d'une mine de soufre abandonnée...
des pelletées bleues de mort-aux-rats comme des bonbons gélatineux...
l'aube violette qui se lève lorsqu'on attend le premier train destination nulle part...
le verre teinté des lunettes d'Amour distribuées par la société d'encouragement au suicide ou,
si tu préfères, par le Club spirituel de l'euthanasie.
Le verre est teinté avec la fine membrane du pâle soleil d'hiver qu'un technicien habile
décolle avec soin. Seuls ceux qui portent ces lunettes peuvent apercevoir la gare de départ
de l'express sans retour.
Citation :La couleur de la pluie qui enrhume les pauvres...la teinte de l'heure où tombent
les rideaux des passages souterrains...la couleur de la montre donnée en récompense des succès
aux examens et qui a été portée au mont-de-piété...la couleur de la jalousie
jetée sur l'évier en inox de la cuisine...la couleur du premier matin de chômage...
la couleur de l'encre d'une vieille carte d'identité qu'on ne peut plus utiliser...
la couleur du dernier ticket de cinéma acheté par le candidat au suicide...
la couleur du trou rongé pendant des heures par la forte alcalinité
de l'anonymat, de l'hibernation, de l'euthanasie.
Citation :Peut-être ne me croiras-tu pas, mais tout ce que j'ai écrit jusqu'ici est sans doute le produit
de mon imagination, et pourtant ce n'est pas faux. Un mensonge trompe et t'éloigne de la vérité,
mais l'imagination peut servir de raccourci y conduisant.
Citation :Un violent désir de gratter ses souvenirs avec ses ongles.
Citation :Le monde était empli de la douceur éternelle d'un samedi soir.
Il regarda la rue au-delà du champs du miroir , et la rue lui rendit son sourire.
Citation :Le bruit de la porte qui se ferme était empli d'une profonde compassion.
Citation :L'efficacité des mots, c'est l'affaire d'une distance de deux à cinq mètres, quand on a conscience de l'autre comme d'une personne différente.
Citation :Le cadran de la montre s'use inégalement.
L'endroit le plus abîmé,
c'est autour du chiffre huit.
Parce qu'il a été fixé avec des yeux qui abrasent deux fois par jour,
assurément.
Ça nous dit pas s’il la baise à la fin
crossroads
]Oui, mais non quoi…
La nana nous raconte sa vie, rencontre Prince à 16 ans, travaille pour lui à 18, se met en couple à 20, se marie à 22.
Bon, je veux bien qu’elle nous fasse croire qu’elle était jeune et naïve, qu’elle a jamais rien vu et pas compris, que les malaises de la star était dû à l’aspirine…
… mais sitôt séparée de Prince, elle se met en couple avec Tommy Lee (oui, le mec des Motley Crue, celui qui niveau poudre fait passer Escobar pour le marchand de sable).
Bref, une belle histoire pour ceux qui veulent y croire.
Instrumental/Ambient/Post-Rock : https://dzeta.bandcamp.com/
Anonyme
Ça nous dit pas s’il la baise à la fin
L'homme-boîte fait toujours un carton.
oryjen
--------------------------------------------------------------------------------
L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
Anonyme

Le Meurtre d'O-Tsuya
Junichirô Tanizaki
Japon 1915
Japon XIXème siècle.
Shinsuke est un jeune commis chez un riche prêteur sur gage.
Ce dernier a une fille, O-Tsuya, jeune également. Le couple
vit son amour en cachette.
Un soir O-Tsuya met a profit l'absence prolongée de ses parents
et mettre à exécution la fugue des amants planifiées depuis quelques temps.
Ils s'en vont.
Trame assez classique du jeune couple séparés par leurs classes sociales
respectives, le poids de la morale et de la société, la nature humaine
dans ce qu'elle a de plus sombre. C'est une nouvelle assez
dense et complète qui vaut bien un roman. Ça ne m'a pas transcendé mais quand même,
il faut reconnaître que Tanizaki maîtrise tous les codes classiques qui rendent le récit efficace
et captivant avec les personnages, les traits de caractères et les situations qui vont bien
une fois le tout balancé dans le shaker. Distrayant.

La Complainte de la Sirène
Japon 1917
Chine du XVIIIème siècle.
Shidao est orphelin, mais il a hérité de l'immense fortune de son père.
Arrivé à l'âge de 25 ans il est blasé par tout ce que son argent peut
lui offrir et sombre dans une espèce de dépression.
Un soir à l'occasion d'une fête populaire qu'il observe depuis son balcon,
il remarque dans la rue un personnage assez mystérieux, aux airs de vagabond.
Un hollandais semble-t-il. Ce dernier ayant également repéré Shidao sur le balcon,
le jeune homme est intrigué et le fait monter dans ses appartements.
On est là dans une trame qui tient du conte et ça marche assez bien je dois dire.
Les principaux protagonistes sont très bien définis.
L'histoire aurait bien pu être inversée géographiquement, avec un vieux
chinois mystérieux débarquant en Hollande.
Certains passages assez poétiques et lyriques sont réellement envoûtants.
Je n'ai pas encore saisi la fin de l'histoire, mais mon imaginaire a été
bien "illustré" par les images proposées. Pas l'histoire de l'année,
mais c'est très maîtrisé et plaisant à lire.
Le Pied de Fumiko
Japon 1919
Tokyo début du XXème siècle.
Unokichi est un jeune étudiant des beaux-arts.
Afin de ne pas se trouver complètement livré à lui-même
il est dirigé vers Tsukakoshi, dit "Le Retraité", un vieux marchand fortuné.
Apparenté à Unikichi, ce dernier ne le connaît que très peu car il a été
mis à l'écart par sa famille pour ses moeurs légères.
Pensez-donc, il a eu plusieurs concubines, et alors qu'il approche
les 60 ans, lui qui est encore fidèle à un art de vie hérité d'Edo,
vient de prendre à son service la belle geisha Fumiko,
âgée d'à peine 16 ans.
Un jour alors que Unokichi lui rend visite, il lui fait une demande a priori
banale: étant étudiant aux beaux-arts et maîtrisant la peinture à l'huile,
pourrait-il faire un portrait de Fumiko?
Ce qui est moins banal, c'est la pose demandée et l'insistance du vieil homme
sur la nécessité que le pied gauche
soit très fidèlement représenté.
Nouvelle étonnante sur la thématique du fétichisme du pied, sujet certainement assez original quand on pense qu'elle a été écrite en 1919. Un long passage sur la description du pied rend le fétichisme très palpable même si l'on n'est pas adepte de la chose, et rien que pour ça la nouvelle est réussie. Le vieux Tsukakoshi est également très attachant.
Dans ses écrits Tanizaki naviguent entre deux pôles: les récits très classiques, au romantisme ostentatoire et les récits un peu bizarres axés sur un érotisme à peine voilé mais ne tombant jamais dans la pornographie.
Lire ça aujourd'hui peut sembler banal, mais je pense qu'à certaines époques aucun auteur japonais
traitaient de ce dont Tanizaki parle dans certaines de ses livres.
Encore en 1956 son livre "La Clef" a fait scandale.
Quelque chose que j'ai particulièrement aimé dans tous ces livres ce sont les références
culturelles (coutumes, habillement, codes sociaux, livres, poètes, peintres et peintures) données soit par l'auteur, soit par les traducteurs.
- < Liste des sujets
 - Charte
 
                            
