Pourquoi tant de groupes écrivent en anglais ?
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thierrax
Voilà ma question :
Pourquoi écrire en anglais quand ça n'est pas sa langue maternelle ?
Entre les groupes français qui ont un nom anglais et les groupes français qui chantent en anglais...
Perso ça me fait pitié. Je trouve que notre langue c'est à nous de la faire sonner (ok c'est moins chantant que l'anglais) c'est pas aux autres.
Alors je crois que l'anglais c'est la facilité quand on n'a rien à dire ou plutôt quand on ne veut pas articuler.. C'est plus pratique pour faire du yogourt mais au final si c'est pour faire lalala en chewing gum... et bien je ne vois pas l'intérêt de vivre en france et de parler français.
Franchement, vous parlez anglais avec vos potes ou votre famille ?
Bon alors pourquoi chanter en anglais ?
Ok pas mal de standards sont en anglais et pas mal de mes chansons préférées sont en anglais aussi mais il ne faut pas confondre. Ce sont des chansons d'auteurs anglophones...
Nous on vit en France mais c'est à croire qu'on a honte de notre langue.
C'est sur que quand les textes ne vallent rien autant chanter en anglais : comme ça personne ne comprend mais il ne faut pas perdre de vue que c'est pas le but.
Si le chant sert juste à faire une mélodie alors on peut le réduire à lalala lilili louloulou
les ouh ouh ça sonne bien ça ;)
Alors j'attends vos réactions parce au'il me semble que c'est une manie ça.
Derrière l'anglais il me semble que c'est aussi un moyen de se préserver... C'est tout de suite moins intime (pour un français), on a l'impression que c'est quelqu'un d'autre qui chante.
BRef assumez vos textes s'ils le vallent et chantez en français :
Ceci était un message à caractère "pétage de plombs" destinés aux perdus qui ne savent pas écrire et préfère se cacher derrière la langue de shake c'est pire ;)
Merci d'avance pour vos réactions
jerome snail
Perso je joue sur marque japonaise, alors bon...
Edit : et d'ailleurs si quelqu'un pouvait m'expliquer le rapport
Guitariste de nagsnail, premier album "Éphémères" disponible !
Ecoutez-le, téléchargez-le, commandez-le sur http://www.nagsnail.com
[ Dernière édition du message le 11/08/2010 à 22:31:47 ]
Anonyme
Citation :
A ce moment là, pourquoi tant de groupes jouent de la guitare électrique , de la basse et de la batterie et tout ça de marque Amerloque ou English .
Parce que les marques françaises n'ont pas encore perçé, malheureusement.
Citation :
Pourquoi ils utilisent des accords d'une musique Rock Anglaise avec des sonorités Outre-manche et le jeux de scène qui va avec ?
Parce qu'on copie souvent ce que l'on a écouté. Et nous ne leurrons pas, c'est celle qui fait vendre actuellement avec la nouvelle scène française et patrick sebastien avec son tournage de serviette.
Citation :
Parce-qu'il ne savent pas jouer de l'accordéon, de la viole ou du bignou ?
Sûremen! c'est plus compliqué à jouer et moins fun devant une jolie donzelle
Citation :
Parce-qu'ils ne sont pas 'capables' de comprendre la culture musicale aux racines Françaises ?
Si si, ils la comprennent mais s'en suit un complexe d'infériorité et pensent qu'ils ne savent pas écrire en français alors qu'ils le pourraient.
Pourquoi nous portons tous à 90% des Jeans au lieu de pantalon en tergal ? Parce-que nous ne rentrons pas dans les pantalons en tergal ?
moi je suis plutôt sarwel ou djelaba
Le français moyen ( dont moi) est nul en anglais. Et en plus, il maîtrise mal la langue de Molière. Alors écrire en anglais, c'est parfois une façon de se cacher sachant que peu de gens vont ouvrir le dico de traduction pour vérifier ce que monsieur raconte dans sa chanson.....Dommage. Il y a de l'auto-censure.
Bref, vaste débat (raie zi)
Bascombe
J’ai lu attentivement cette discussion passionnée, qui tente de répondre à une question que je me pose depuis longtemps, à vrai dire depuis à peu près le temps que cette discussion existe mais, honte à moi, je ne connaissais pas Audiofanzine.
Après ces nombreuses pages, il paraît évident que le débat du “pour ou contre” est vain, car c’est la sensibilité de chacun qui est en jeu. Pour autant, la question du pourquoi reste intéressante. Qu’est ce qui peut pousser quelqu’un à écrire dans une autre langue que sa langue maternelle ? Je vous propose une petite synthèse, en toute subjectivité comme il se doit. Je précise que bien qu'étant un peu musicien je ne suis ni auteur ni professionnel de la musique et que je donne ici un avis de simple auditeur. Merci d'avance à ceux d'entre-vous qui auront la patience de me lire.
Je pars du postulat que l’auteur des textes de chanson n’est pas anglophone, et il faut commencer par donner une définition de travail de ce terme. Par anglophone, j’entends un individu de langue maternelle anglaise, et par langue maternelle, j’entends par défaut la langue dans laquelle l’enfant a été baigné dès le plus jeune âge, en général par l’écoute d’au moins l’un de ses parents. On évacuera donc d’office le cas d’un auteur anglophone écrivant pour un groupe basé en France, évoqué ici ou là dans ce fil, mais qui est sans objet dans le cadre de la discussion.
* Le débat linguistique
Je passe rapidement sur l’idée qu’une langue serait plus propre qu’une autre à transmettre certaines idées. Le français serait ainsi plus analytique, l’anglais plus empirique, l’italien plus musical, l’allemand plus rude... Il me semble qu’ici on plaque des préjugés que l’on a préalablement sur les peuples, et auquels on a par la suite associé leur langue. À titre personnel, je trouve par exemple que l’allemand est une langue musicale et douce, avec ses h et le ch de « ich » et dich ». Ce qui a été dit dans ce fil à propos des opéras de Mozart suffit à trancher ce débat.
Un autre argument récurrent est qu’une langue avec accents toniques comme l’anglais est plus propre à la musique binaire. Je ne crois pas. À mon sens cela constitue une contrainte d’écriture supplémentaire, car pour une chanson en anglais il est impossible de placer un accent musical sur une syllabe inaccentuée. C’est d’ailleurs l’une des erreurs commise par les francophones qui écrivent en anglais. Voir par exemple la chanson « Universal traveler » du groupe Air où des accents tombent sur la seconde et la quatrième de universal, ce qui fait un effet, comment dire, assez bizarre. À mon sens, le français, où les accents toniques sont inexistants ou peu perceptibles, offre une plus grande souplesse. On peut ainsi accentuer, musicalement cette fois, la syllabe de son choix. On pourra dire qu’un texte anglais écrit suggère plus facilement un rythme. Oui et non. Je pense que les accents toniques font qu’il est sans doute plus difficile de concevoir séparément l’un et l’autre. Cela obligerait peut-être à une plus grande attention à la cohérence entre paroles et musique. Quoi qu’il en soit ça me semble un argument assez mineur.
J’ai lu également des choses sur les diphtongues en anglais, en substance que l’on peut grâce à elles faire durer les syllabes, ce qui serait impossible avec nos voyelles brèves en français. Il faut étendre cette idée aux voyelles longues au sens large, pas seulement les diphtongues. Mais est-ce vraiment impossible de faire traîner les brèves ? Je pense que non, et pour s’en convaincre il suffira de constater que les anglophones, lorsqu’il s’agit de chanter, peuvent également faire traîner les brèves. Un seul exemple suffit à le montrer : « isn’t she loooooovely, isn’t she preeeeeeeety ». Dans cette ligne, deux brèves sont allongées. Ce qui reste vrai, c’est que ce sont des syllabes accentuées, mais encore une fois cela constitue plutôt une contrainte d’écriture. Il se trouve que les contraintes peuvent s’avérer fécondes, en ce sens qu’en limitant le choix de l’artiste, elles peuvent le pousser à plus de créativité, mais c’est un débat qui dépasse le propos de cette discussion : ici je veux dire simplement que l’idée selon laquelle il serait généralement plus facile d’écrire une chanson en anglais pour des raisons propres à la phonologie me paraît injustifiée.
Toujours au chapitre phonologique, ont également été développés des arguments relatifs à l’intonation. Il est vrai qu’un locuteur anglophone utilise une gamme de fréquences plus importantes qu’un francophone. Il me semble évident toutefois que dans le cadre de la chanson, la limite est constituée par la tessiture de l’interprète. Serge Gainsbourg a fait chanter ses interprètes très haut en français, et pour rester chez le même auteur, Dani descend très bas dans « Boomerang ». Je ne vois pas ce que cela a à voir avec la langue.
Abordons le volet sémantique, avec un premier débat sur la richesse (ou inversement, la pauvreté) du vocabulaire d’une langue par rapport à l’autre. On a lu des choses amusantes à ce sujet dans ce fil, et le plus amusant est que l’argument est parfaitement réversible : pour certains, l’anglais est moins riche en lexique donc on n’a pas à s’embêter à choisir entre de nombreux synonymes, tandis que pour d’autres, l’anglais est plus précis donc il permet mieux d’exprimer les nuances… Il me paraît évident que dans le contexte de la chanson, chaque langue possède suffisamment de ressources lexicales pour exprimer toutes les nuances de la pensée. Et si les mots viennent à manquer, les auteurs peuvent toujours avoir recours à la métaphore. La discussion sur le nombre de mots dont dispose chaque langue est assez futile. À tous ceux qui auraient cependant la naïveté de croire qu’il y a moins de mots en anglais qu’en français, je recommande la lecture de ce lien : http://www.guichetdusavoir.org/ipb/index.php?showtopic=9699.
Bien plus décisif est le lexique dont l’auteur dispose pour écrire sa chanson. Je ne nie pas qu’on puisse avoir recours à des dictionnaires pour écrire, mais enfin il me semble que « les mots pour le dire » viennent plus facilement à l’auteur qui en dispose de façon active. Croire que l’on peut écrire de bons textes dans une langue étrangère apprise tardivement (je veux dire après l’âge de six ans), me paraît difficile à soutenir.
On cite souvent les écrivains « étrangers » ayant fait une carrière en langue anglaise pour se convaincre du contraire, mais quand on connaît leur biographie on constate qu’ils sont multilingues. Joseph Conrad, avant d’écrire en anglais, a ainsi passé 20 ans en mer, dont 16 années au service de la marine anglaise. Vladimir Nabokov, issu d’une famille aisée qui employait des gouvernantes étrangères, parlait couramment l’anglais (et le français d’ailleurs) dès son plus jeune âge. Samuel Beckett était un spécialiste de langues étrangères qui a vécu très longtemps en France. Bref autant de mauvais exemples. Écrire dans une langue étrangère, quel qu’en soit l’objet, présente toujours une difficulté supplémentaire pour l’auteur.
L’idée qu’une écriture pauvre ou incohérente est constitutive des genres musicaux envisagés ici ne tient pas la route. Nul besoin de citer des groupes de métal utilisant une langue élisabéthaine, le texte rock ou pop peut être simple, mais simple n’est pas synonyme de faible. Quant à faire de l’absurde, on peut y arriver dans sa langue maternelle sans problème, voir Philippe Katherine par exemple.
Un artifice rhétorique fréquent dans cette discussion consiste à (mal, faut-il le préciser) traduire une chanson de l’anglais vers le français pour montrer que les paroles d’origine sont faibles. Si en tant que francophones nous jugeons certaines chansons en anglais idiotes ou faibles au plan des paroles, c’est souvent tout simplement parce que, faute d’une connaissance linguistique et culturelle suffisante, nous sommes incapables d’en percevoir les subtilités, les allusions, les connotations. Et ce n’est pas une mauvaise traduction qui va y changer grand chose, elle ne fera, au mieux, qu’accentuer la littéralité de notre compréhension. Le fait même d’avoir à traduire dans notre langue pour tenter de comprendre nous range déjà dans la catégorie de ceux qui ne maîtrisent pas bien la langue en question.
Pour clore ce premier chapitre je retiendrai le seul argument de nature linguistique qui me semble fondé parmi ceux que j’ai lus dans ces pages, celui de la prédominance des monosyllabes en anglais. C’est un fait admis par les linguistes, et dû au fond lexical d’origine germanique. Il paraît légitime de dire que toutes ces petites pièces du puzzle lexical dont dispose l’auteur facilitent le travail lorsqu’on compose dans le cadre contraint de la métrique. Ce critère serait bien sûr à nuancer selon les locuteurs, car si l’anglais dispose de plus de mots courts que le français, ce n’est pas forcément le cas du locuteur non natif en anglais.
* Les arguments culturels
J’ai ri plusieurs fois en lisant des arguments selon lesquels le patrimoine poétique français serait d’un poids plus lourd absolument que le patrimoine poétique anglophone. Cette ignorance de la tradition littéraire de langue anglaise est d’une naïveté confondante. Ce serait faire injure à de nombreux génies que de commencer ici une liste du canon poétique en anglais. Bien entendu, ce qui est en cause ici, c’est le bagage du parolier, et non le patrimoine de la langue en question. Dans la plupart des cas, le poids de l’héritage littéraire français est naturellement ressenti comme plus lourd par un parolier francophone. Écrire en anglais permet alors assurément de s’en affranchir. Pourtant, c’est également souvent un argument inverse qui est avancé, en substance que face à l’héritage de chanson en langue anglaise, il est naturel de produire dans cette langue, par un processus d’imitation. Il y aurait ainsi une culture jugée inhibante (pour résumer celle de l’école, auquel il conviendra d’ajouter le canon de la chanson française dite “à texte”), et d’un autre côté une culture stimulante (la contre-culture populaire, essentiellement de langue anglaise). Quoi qu’il en soit, s’adonner à l’écriture en anglais à ce motif s’assimile à une stratégie d’évitement, tout-à-fait assumée d’ailleurs par nombre d’intervenants dans ces pages. Il ne s’agirait pas d’un rejet de la culture française, mais plutôt d’une incapacité à l’assumer en tant qu’auteur. C’est une idée intéressante, mais qui tient plutôt au volet psychologique de la question.
Un autre argument culturel récurrent concerne la définition du rock ou de la pop. Dans une acception restreinte du terme, l’un ou l’autre comporterait la langue anglaise dans son cahier des charges, et le passage à une langue étrangère introduirait un décalage si fort qu’il dénaturerait le genre. De même, la salsa ne serait plus salsa si elle n’est pas chantée en espagnol. Ici encore, quelques exemples doivent toutefois permettre de sortir aisément de cet argument. Philippe Katherine, Etienne Daho ne sont-ils pas “pop” ? Du côté du rock, c’est souvent Noir Désir qui est cité par les uns, et rejeté par les autres, qui le rangent dans la catégorie de la chanson “à texte”. Je ne peux pas ici, et d’ailleurs je n’en ai pas les compétences, entrer dans une définition du rock, mais pour moi il ne fait aucun doute qu’une bonne partie de la production de Noir Désir répond aux critères généralement admis pour ce genre. Un autre nom peut-être, qui me semble-t-il n’a pas été avancé, est Mademoiselle K. Faites écouter ses chansons à des non francophones et demandez-leur dans quelle catégorie on pourrait la ranger, ça m’étonnerait qu’ils appellent cela juste de la chanson. En réalité cet aspect du débat est loin d’être le plus intéressant. A l’époque d’iTunes il est de bon ton de faire des catégories, mais ne peut-on pas avoir le même débat en parlant tout simplement de “musique amplifiée avec des paroles” ?
Dans ce fil on a également évoqué l’exotisme provoqué par un accent étranger. Le charme d’un accent étranger est indéniable. Chaque individu y est plus ou moins sensible, et si on s’est lassé de la prononciation française de Jane Birkin avec les années, on est encore séduit par la reprise de l’Aventurier par Nada Surf ou les innombrables reprises de ça plane pour moi par des anglophones. On peut donc aisément en conclure qu’un accent français en anglais, par l’exotisme qu’il apporte, est un atout pour une chanson. Je pense que c’est le calcul de Air dans leur album Talkie Walkie. Je ne sais pas si c’est volontaire ou si c’est le phrasé de l’écriture qui veut ça, mais ils ont réussi à donner un accent français au texte alors qu’ils ont été chercher une interprète américaine. C’est curieux j’aimerais bien savoir si c’est voulu ou pas, mais le résultat, c’est précisément cette « French touch » séduisante. L’accent français est très perceptible sur la chanson « Run » par exemple. En la matière, la frontière entre l’exotisme et le ridicule est assez ténue, en particulier si ça se double d’erreurs sémantiques, voire syntaxiques dans le pire des cas. Et même si Jane Birkin a fait largement carrière là-dessus, on peut douter de la pertinence de l’accent étranger comme posture esthétique de long terme pour un groupe. Aucun artiste ne souhaite devoir son succès à son exotisme. On veut être apprécié pour ce que l’on fait, voire ce que l’on est, mais certainement pas uniquement en tant qu'exote. Mais il faut de toute façon distinguer écriture et interprétation, en nous concentrant sur le premier aspect puisque c’est lui qui a suscité la discussion.
* Les motifs commerciaux
Ici il me semble à vous lire, car je ne connais pas tous les groupes cités , que dans le meilleur des cas c’est indifférent en ce qui concerne les ventes à l’étranger. On trouve des groupes francophones chantant en anglais qui s’exportent bien (peu), et l’on trouve aussi des groupes francophones chantant en français qui s’exportent bien (peu). D’après les retours sur ce fil, les producteurs étrangers n’ont pas l’air très favorables aux groupes francophones chantant en anglais. Notons au passage que la stratégie des groupes français qui ont adopté l’anglais est en général celle d’un profil très bas (désolé pour cet anglicisme). Peut-on dire que Daft Punk chante en anglais ? Faire un tube avec quatre mots passés à la moulinette d’effets vocaux l’assimilant à une ritournelle machinale, ça n’est pas vraiment s’exprimer dans la langue de Shakespeare. L’approche de Air est aussi très minimaliste en termes de paroles. A vrai dire on sent très bien chez eux la difficulté d’un groupe qui sait à peu près faire de la musique mais qui est paralysé par les paroles. Avoir Gainsbourg comme principal modèle peut certes donner des complexes – mais aussi des idées quand on pense à son approche dans Harley-David-Son-Of-A-Bitch ou encore Lemon incest.
Utiliser les mots anglais juste pour leur musicalité. C’est le pari de la chanson « Run », toujours sur l’album « Talkie Walkie ». Le mot « run », et plus tard le mot « go », y sont répétés en étant progressivement déformés pour devenir des éléments non verbaux, des notes. J’y vois la tentative des auteurs d’échapper au dilemme de l’écriture dans une langue trop chargée de signification, la fuite, le masque dont il est si souvent question. Dans le parcours de ce groupe, on sent toute la difficulté qu’a suscité le passage aux paroles. Comme s’il leur avait fallu faire des chansons avec des paroles pour sortir du ghetto de la musique électronique et espérer toucher le grand public, mais qu’ils ne savaient pas vraiment le faire, voire qu’ils n’en avaient pas vraiment envie, et ça donne le résultat bizarre qu’est « Talkie Walkie », avec ce titre en français qui sonne anglais sans en être (on dit walkie talkie en anglais). Walk, la marche, ce processus binaire qu’on pourrait assimiler à la musique, et talk, cette parole que le secteur du disque impose à cause du format « radio ».
Je fais une parenthèse pour rappeler que l’anglais n’est pas le refuge absolu ici. Les Beatles l’ont montré avec Michelle et Across The Universe (déjà tous deux cités dans ce débat) mais encore plus avec Sun King, où ils utilisent des mots espagnols de façon non verbale, pour suggérer le soleil sans doute. Ça fonctionne « le temps d’une chanson, » mais donner à ce genre de fantaisie une dimension programmatique, et s’exprimer systématiquement dans une autre langue que la sienne, est un pari esthétique d’une toute autre ampleur.
Bien sûr on ne peut faire de généralisation, et il conviendrait de traiter chaque groupe au cas par cas. The D∅, par exemple, ne peut pas être pris comme exemple de la situation qui est discutée ici. Ils sont passés à l’émission One Shot Not l’autre soir, impossible de savoir que la chanteuse est française même si elle a un petit accent, pas un accent français d’ailleurs. Donc oui je crois que quelqu’un qui parle avec cette aisance peut sans doute être crédible comme interprète, et pourquoi pas comme parolière en anglais.
Phoenix sont la seule exception que je connaisse de groupes avec un niveau de français assez quelconque (écoutez leurs interviews en anglais), ayant réussi à atteindre une certaine crédibilité. Bon il faudrait que j'écoute leurs paroles plus attentivement, j’avoue ne pas y avoir prêté beaucoup d'attention, je suis totalement emporté par leurs lignes de basse. Le problème est que pour un groupe comme Phoenix (ou quelques groupes car il y en a sans doutes d’autres), combien de groupes ridicules comme Revolver et leur insupportable « get around town, gentlemen » ? Sans parler des innombrables groupes amateurs présents sur Myspace où l’anglais catastrophique fait l’effet d’un repoussoir immédiat… Il y a des petits jeunes dans mon coin qui ont monté un groupe dans le cadre d'une école de musique. Ils ont commencé avec des reprises, la diction faisait mal aux oreilles mais bon... Maintenant ils ont commis une chanson qui s'appelle "after the end's world" (sic). J'ai un peu mal pour eux, car malheureusement ce "nonsense" est involontaire. En plus il y a pas mal d'Anglais dans ma région. Il faut être lucide, percer à l’étranger avec un mauvais anglais et des paroles indigentes, ça n’est pas gagné.
Reste bien sûr le marché français, et le paradoxe fondamental qui se dégage de cette discussion : il faudrait écrire en anglais, non pour s’exporter, la belle affaire, mais pour vendre plus en France ! Quelle ironie, après la mise en place des quotas pour permettre à la culture populaire francophone d’exister dans les médias, un groupe aurait plus de chances de se vendre à public français en chantant dans un mauvais anglais que dans sa propre langue.
* Les aspects psychologiques
On le sent à lire nombre de commentaires, ce sont la plupart du temps des arguments psychologiques qui décident. Les arguments linguistiques, culturels et commerciaux servant le plus souvent de prétexte.
L’une des justifications les plus fréquentes pour le choix de l’anglais est celui de l’imitation assumée des modèles. Ceux-ci chantent en anglais, on commence par faire des reprises, et puis on s’essaie à l’écriture musicale, et pour faire comme nos idoles on le fait en anglais. Le résultat est souvent risible, mais c’est une étape naturelle. Le critique littéraire Harold Bloom a publié un livre intitulé The Anxiety of Influence dans les années 70, et qui fait référence dans le domaine de la poésie. Il a dégagé les stades par lesquels les poètes suffisamment forts passent pour se débarrasser du poids des prédécesseurs. Au pastiche de jeunesse succède un combat pour trouver sa propre voix. Toutes proportions gardées, le travail du parolier sous influence anglo-américaine est confronté au même problème, pour peu que l’auteur ait un peu d’ambition. Et alors le choix de choisir comme arme pour cette terrible lutte une langue que l’on ne maîtrise que très imparfaitement ne me paraît pas le choix le plus facile.
Mais il y a ici un biais qui semble échapper à de nombreuses personnes. En effet qui sont les premiers critiques des groupes francophones qui écrivent en anglais, sinon d’autres francophones qui maîtrisent mal la langue, à commencer par eux-mêmes ? Cette impression que « ça sonne bien », n’est-elle pas erronée quand elle émane de gens qui par ailleurs n’ont pas la capacité de juger de la qualité des paroles des chansons écrites par des auteurs anglophones auxquels ils se comparent ? Bien sûr il est impossible d’établir une vérité générale à ce sujet, et chaque groupe a droit à une évaluation spécifique. Mes visites sur Myspace me font penser que peu de groupes ont demandé et tenu compte de l’avis d’anglophones avant de mettre leurs chansons en ligne.
Associé à ce biais on sent parfois un sentiment d’exception chez certains intervenants. Quelque chose qui tient du « oui mais moi c’est différent, je me débrouille bien en anglais ». Certains vont même jusqu’à écrire en anglais dans ce fil pour justifier leur niveau, entreprise d’autant plus amusante quand elle est plombée par quelques expressions idiomatiques artificiellement plaquées et quelques fautes de verbes irréguliers. C’est une chose de pouvoir utiliser une langue au bureau, et une autre de proposer un texte de chanson intéressant. Ici encore il ne faut pas généraliser, mais il est clair que nombreux sont les francophones à surestimer leur niveau d’anglais. D’ailleurs en la matière comme dans bien des domaines, plus on en sait plus on est conscient de ses lacunes.
Par ailleurs, le fait de fuir sa langue maternelle, de porter un masque, de se « déterritorialiser » comme l’a dit justement un intervenant, est une démarche intéressante, propre à l’artiste. J’ai rarement chanté devant un public mais c’est une épreuve psychologique intense, et j’imagine ce que ça doit représenter quand en plus on interprète un texte qu’on a écrit et qu’on présente ainsi à un auditoire. Je comprends que, comme Peter Gabriel ou le chanteur de Marillion dans les années 80, on éprouve le besoin de se grimer. Cet argument de la déterritorialisation par la langue étrangère me paraît cependant tomber quand le phénomène du chant en anglais est aussi massif. C’est alors au contraire se conformer à l’usage dominant, et on est bien loin de la philosophie de Gilles Deleuze dans ce cas. On en revient, pour un exemple plus pertinent de cette étrangèreté choisie, à la singularité d’un Christian Vander, en admettant que sa démarche n’est pas à la portée de tous.
Car pour finir je crois que la raison principale est assez simple et qu’il s’agit d’un phénomène de mode. Et l’idée d’être à la mode, quand on y réfléchit, c’est assez irrationnel. C’est un peu cette idée de se différencier des autres en faisant comme tout le monde. En somme tout se passe comme dans le monde de l’entreprise, où les cadres utilisent les mots anglais parce que ça fait bien, ça fait pro de dire management à la place de gestion, comme si en parlant comme les Américains on allait être aussi bons qu’eux. Ben oui, il n’y a pas que le rock qui vient des States, le business aussi ça a été inventé là-bas non ? Or selon moi l’emploi excessif de jargon, dans quelque domaine que ce soit, sert souvent à masquer un manque de compétences. Et parfois j'avoue que je me demande si les paroles en anglais n’ont pas un peu la même fonction pour de nombreux groupes francophones.
[ Dernière édition du message le 22/04/2011 à 14:16:40 ]
francklechti
Par contre, bon résumé.
Je plussoie
En somme tout se passe comme dans le monde de l’entreprise, où les cadres utilisent les mots anglais parce que ça fait bien, ça fait pro de dire management à la place de gestion, comme si en parlant comme les Américains on allait être aussi bons qu’eux
nouveau cadre sup dans ma boite, à fond dans les expressions anglaises.
gwenmollo
riton_lafouine
comme si en parlant comme les Américains on allait être aussi bons qu’eux
c'est marrant moi j'aurai changé une lettre au mot en gras !!!
whatsernamerockx
La réponse à la question "pourquoi tant de groupes écrivent en Anglais?" est pourtant simple: Parce qu'ils en ont envie! Chacun est libre de faire ce qu'il veut! Moi j'écris en Anglais depuis longtemps, j'ai déjà écrit en français ça sonne pas plus mal, sauf que l'inspiration me viens plus en Anglais puisque j'écoute principalement des groupes Anglo- Saxons. En plus je baigne dans l'anglais à longueur de journée étant donné que je l'étudie donc raison de plus d'avoir plus d'inspiration en Anglais.
Je pense qu'il ne sert à rien de jeter la pierre a ces groupes qui écrivent en Anglais. C'est pas leur langue maternelle, on les comprends pas et alors? Si ça viens du cœur c'est le principal! Tant que c'est fait avec passion peu importe la langue.
Je pense que le truc qui fait râler les "pro-écrire en français et pas dans une autre langue" c'est qu'ils comprennent pas parce qu'ils ne se sont jamais intéressés à cette langue et qu'ils cherchent pas du tout à comprendre => c'est Anglais donc c'est nul. Ou alors ils ont eut un(e) prof d'Anglais traumatisant(e) et depuis ils y sont allergiques. Mais bon a un moment faut grandir aussi...
Je n'ai jamais, jamais écrit de chansons aussi niaises
C'est plus doux que si on mélangeait du beurre et de la mayonnaise.
greggreg
Citation :
Je pense que le truc qui fait râler les "pro-écrire en français et pas dans une autre langue" c'est qu'ils comprennent pas parce qu'ils ne se sont jamais intéressés à cette langue et qu'ils cherchent pas du tout à comprendre =>
Pour ma part c'est l'inverse. Je supporte difficilement l'accent franglais. Quant à la compréhension du texte, c'est justement souvent le problème. Quand tu comprends l'anglais tu t’aperçois que c'est souvent du niveau "4"/3ème anglais renforcé," sur la forme comme sur le fond...
emohint
Concernant le manque de "profondeur" de certains textes en Anglais:
> greggreg: "Quand tu comprends l'anglais tu t’aperçois que c'est souvent du niveau "4/3ème anglais renforcé," sur la forme comme sur le fond...".
Anglais renforcé = Anglais littéraire (Enfin à mon époque), un niveau que même les goupes Anglais/US n'utilisent pas, ou très peu souvent
Et puis en la matière, on a aussi nos boulets en France:
T'écoutes une chanson de Bénabar (M.Meuble style), l'ami des profs de Français et de trentenaires "Chouchou/Loulou Crew" ou le dernier Jean-Louis Aubert... Alors lui les paroles, pas de soucis, " 3 ou 4 fois le même mot en deux phrases, tranquille les textes de merde )))
Enfin,
++
SUMMER 666
[ Dernière édition du message le 06/05/2011 à 18:18:59 ]
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