Si bien des problèmes écologiques auxquels nous sommes confrontés ne relèvent pas de la responsabilité individuelle, il n’empêche qu’aussi vrai que les petits ruisseaux font les grandes rivières, les musicien·nes peuvent aussi contribuer à leur petite échelle à faire un geste pour la Planète.
Dérèglement climatique, épuisement de la biodiversité et des ressources, pollution par les plastiques et les métaux lourds : les problèmes écologiques auxquels nous faisons face aujourd’hui sont légion et comme dans tous les secteurs d’activité humaine, il y a moyen de limiter la casse verte dans la pratique musicale. Et puisque le GIEC comme l’ONU tirent la sonnette d’alarme sur le sujet (pour en savoir plus, consultez les vidéos en annexe à la fin de cet article), voici quelques pistes à suivre pour être un·e musicien·ne plus écolo, sachant que :
- Nombre de bonnes pratiques écologiques reposent sur l’économie de ressources comme d’énergie, ce qui sera également vecteur d’économies pour vos finances.
- Le plus petit geste dans le sens du respect de l’environnement sera toujours un gain pour les colocataires, humains et autres animaux, mais aussi végétaux, de cette bonne vieille planète Terre.
Notez par ailleurs que les différents points abordés ici visent moins à stigmatiser ou culpabiliser les un·e·s ou les autres (j’avoue avoir moi-même été concerné et l’être encore par certains des comportements ci-dessous) qu’à faire réfléchir et voir comment l’on peut, simplement et à sa petite échelle, aller dans le bon sens. L’idée, ce n’est donc pas d’être parfait, mais de faire de son mieux pour devenir un·e musicien·ne plus conscient des impacts écologiques de sa pratique, ce qui implique pour l’essentiel de faire la chasse au gaspillage et à la surconsommation de ressources ou d’énergie.
Et concrètement, cela passe par des gestes ou comportements simples, comme à quelques renoncements qui n’entraveront en rien votre bonheur musical.
Résister au GAS (à effet de serre)
Réduit à l’acronyme GAS, le Gear Acquisition Syndrom est le terme anglo-saxon définissant l’achat compulsif de matériel et c’est un mal qui frappe de nombreux·euses musicien·ne·s. Parce que le marketing comme la publicité nous encouragent à penser que tel nouvel instrument, plug-in ou matériel va révolutionner notre façon de faire de la musique, notre créativité ou la qualité audio de nos productions, nous sommes tous·tes poussé·e·s à acheter toujours plus, à entasser des kilos et des kilos de matériel ou de logiciels qui, bien souvent, prennent la poussière sur une étagère, ou dorment sur un coin de notre disque dur… Et pourtant, outre le fait que cette surconsommation est mauvaise pour l’environnement, que ce fatras d’objets vous encombre, cette accumulation est aussi néfaste à la créativité : quand on a peu de matériels ou de logiciels, on est obligé de faire avec ce que l’on a, et c’est la créativité qui nous permet de compenser cette économie de moyens. Nombre de musicien·ne·s vous raconteront d’ailleurs qu’après avoir passé des années à entasser des équipements, ils ou elles ont fini par tout revendre, non par besoin financier, mais parce que le trop de matos ou de plug-ins nuit à la créativité : à avoir trop d’options, on finit par hésiter entre mille voies sans progresser réellement dans sa pratique. Il est par ailleurs un peu navrant de voir certain·e·s acheteur·euse·s compulsif·ive·s se ruer sur la nouvelle version de tel effet, tel contrôleur ou tel synthé tellement plus puissante que la précédente alors qu’ils n’ont jamais exploité plus de 20% de cette dernière…
Ne nous le cachons pas : il y a aussi souvent une affaire de paresse cachée derrière cette débauche d’achat. Il est en effet plus facile de se leurrer en se disant qu’on jouera comme Slash en achetant sa guitare, son ampli et ses effets, plutôt qu’en travaillant ses plans sur la première guitare venue. Il est aussi plus facile de s’imaginer qu’on va avoir miraculeusement un son « professionnel » grâce à tel ou tel plug-in plutôt que de s’entraîner des milliers d’heures à mixer des morceaux et ainsi progresser à partir des plug-ins de base qu’on trouve dans sa STAN et qui sont souvent excellents… Dans le sillage de cette paresse, on trouve également des achats qui manquent complètement de rationalité : mettre 2000 euros dans une paire d’enceintes quand on a une pièce non traitée acoustiquement qu’on pourrait améliorer avec quelques centaines d’euros de travaux est ridicule ! Acheter un Vox AC-30 quand on est guitariste d’appartement est ridicule ! Acheter une interface audio avec 8 préamps et 16 sorties quand on fait juste du beatmaking et des prises voix est ridicule ! Acheter un câble de 12 mètres quand on fait de la musique dans une pièce de 4 mètres de long est ridicule !
Bref, le GAS est l’ennemi du musicien et de la musicienne : non content de ruiner, il rend moins créatif, pousse à ne pas progresser et, accessoirement, bousille l’environnement (eh oui, car on coupe des arbres pour fabriquer des guitares comme on utilise des métaux lourds difficilement recyclables pour les interfaces audio). Tant de bonnes raisons de ne pas y céder.
Ça ne veut pas dire pour autant ne pas s’intéresser à ce qui sort et qui pourrait vous apporter des choses ni refuser de se faire plaisir. Cela passe par de simples questions avant tout achat : est-ce que j’en ai vraiment besoin ? Est-ce que c’est adapté à mon niveau de pratique comme à mon environnement ou mon projet ? Est-ce qu’au delà de satisfaire mon envie du moment, je pense que je serais content·e dans six mois d’avoir succombé à mon désir de posséder tel objet ou logiciel ? Et surtout : qu’est-ce que je vais en faire concrètement ? L’idée d’acheter une chose sans avoir de projet préalable la concernant est le meilleur moyen de tomber dans les travers du GAS. Imposez-vous par exemple d’avoir une idée de compo ou d’usage d’un matériel ou d’un logiciel avant de l’acheter, et vous verrez que vous mettrez moins souvent la main au portefeuille…
Prendre soin de son matériel
Plus vous prenez soin de vos équipements, plus ils dureront et moins vous aurez à en racheter, et donc moins on en fabriquera de nouveaux en puisant dans les ressources de la planète. En général, tous les produits sont livrés avec un manuel dont une partie vous détaille les précautions d’usage pour une utilisation optimale : ce n’est pas la lecture la plus passionnante qui soit, mais ça peut valoir le coup d’y jeter un œil.
De manière globale, outre le fait de ne pas jeter violemment votre matériel par terre, on trouvera la plupart du temps les mêmes recommandations concernant la température ou l’humidité, ce qui peut impliquer de ne pas mettre votre guitare sur un mur froid parce qu’il donne sur l’extérieur ou près d’un chauffage, tout comme d’utiliser si nécessaire des petits sacs de sels absorbant l’humidité pour ranger les matériels sensibles (micros, etc.).
Évidemment, votre matériel durera d’autant plus longtemps qu’il est à l’abri de la poussière. Faites le ménage donc, en proscrivant tout produit dépoussiérant ou toute lingette jetable : un simple chiffon humide fait très bien la blague, et si vous devez venir à bout d’une tâche récalcitrante, le vinaigre ménager sera votre ami…
Notez-le enfin : certains matériels se rangent, comme les micros donc, mais aussi les câbles. Et un câble, ça ne se roule pas comme une corde d’escalade ou un cordon de service à raclette. Apprenez à rouler correctement un câble : outre la grande satisfaction que cela procure lorsqu’on le fait et l’aura de professionnel que cela vous donnera, vous ne le garderez que plus longtemps.
Réparer son matériel
Évidemment, tout s’use et tout se casse au bout d’un moment et il y a quantité d’équipements qui sont difficilement réparables, notamment les plus technologiques et les moins chers. Ceci étant dit, il y a quand même quantité de matériels qu’on peut réparer soi-même ou faire réparer : casques dont une seule oreillette ne fonctionne parce qu’on a marché sur le fil, câble présentant un faux contact, alim de synthé défectueuse, potentiomètres qui font apparaître des crachotements à l’usage, guitare qui frise ou manque de justesse, PC qui ne démarre plus.
Selon les cas, vous pourrez au prix de quelques recherches sur Internet, dont Audiofanzine, trouver des solutions simples pour diagnostiquer les problèmes simples, et trouverez même des tutos pour vous expliquer comment faire ceci ou cela… Un PC qui ne démarre plus, ça peut être simplement lié à un encrassement du ventilateur qu’un coup d’aspirateur réglera. Un casque hémiplégique, c’est parfois juste l’affaire d’une petite soudure sachant qu’il n’est pas sorcier d’apprendre à se servir d’un fer à souder…
Les gestes sont souvent très simples dans la plupart des pannes et il vaut mieux s’assurer qu’on ne peut rien faire avant de tout mettre à la poubelle et de racheter. Si toutefois vous ne vous sentez vraiment pas l’amê d’un·e bricoleur·euse, n’hésitez pas à consulter un réparateur ou une réparatrice qui vous établira un devis. Si c’est moins cher que l’appareil neuf, ça vaut le coup. Et si ça coûte le prix de l’appareil neuf ? Eh bien c’est à vous de voir ce que vous privilégiez entre votre conscience écologique et l’envie d’en avoir pour votre argent…
S’intéresser aux composants, matériaux et à la conception d’un matériel
Un casque comme le HD-25 de Sennheiser est un modèle de durabilité dans la mesure où tous ses composants (câbles, arceaux, mousses, HP, etc.) peuvent être achetés en pièces détachées, mais ce n’est pas la cas de quantité de casques qui, une fois abîmés, devront être rachetés… Voici un détail qui peut avoir son importance à l’heure du choix… Parmi les bons élèves, on pourra citer RME aussi qui continue de mettre à jour les drivers pour ses plus vieux produits, ou encore Metric Halo qui, par le biais d’interfaces modulaires, permet d’adapter ses vieux produits aux connectiques modernes.
Au-delà de ça, cela va sans dire : en termes de « recyclabilité », comme souvent de solidité, le bois et le métal sont souvent plus écologiques que le plastique cheap…
Bien évidemment, pour ce qui est de la lutherie, on pourra aussi se renseigner sur les bonnes pratiques en matière de choix des bois, sachant que certains luthiers font montre d’un réel engagement pour produire des instruments vertueux sur le plan écologique.
Et encore une fois, il s’agit d’être réaliste et honnête avec vous-même : quand vous achetez 35 euros un kit comprenant un bras articulé, un micro à condensateur à large membrane, un filtre anti-pop, un câble et une interface USB, que pensez-vous faire ?
Une super bonne affaire en étant plus futé·e que ceux qui achètent des micros trois fois plus cher ? Ou juste acheter du matériel dont le prix dérisoire ne s’explique que par une qualité exécrable et une éthique de fabrication à vomir ?
Les choses, lorsqu’elles sont correctement fabriquées sur les plans qualitatifs et éthiques, ont un prix. Si vous ne pouvez pas vous permettre de dépenser ce dernier, envisagez de renoncer à leur possession en attendant de pouvoir vous le permettre…
Acheter de la qualité quitte à mettre sensiblement plus cher
Oui, les produits de qualité sont souvent les plus chers, mais ils sont aussi les plus durables, ce qui est important pour l’environnement sachant qu’en 2017, on estimait que chaque Français·e produisait 513 kg de déchets par an, soit 1,4 kg de déchets par jour.
Investir dans du matériel ou des instruments cheap dont on sait qu’on va les jeter à court ou moyen terme parce que, comme tous les produits de mauvaise qualité, ils ne sont pas conçus pour durer ni pour être réparables est donc parfaitement contre-productif.
Plutôt que de s’acheter tel produit ou instrument bas de gamme à 100 balles, mieux vaut donc continuer d’économiser pour s’acheter quelque chose de plus qualitatif et qui durera plus longtemps, parce qu’il est mieux construit, avec de meilleurs matériaux ou qu’il est plus réparable…
Vous me direz que tout le monde ne peut pas se permettre cela ? Sans doute, encore que ce qu’on observe le plus souvent même chez des revenus moyens, c’est la tentation de privilégier la quantité à la qualité : acheter cinq pédales de guitare cheap plutôt qu’une de qualité, par exemple, pour assouvir le besoin d’amasser.
Mais à considérer le seul point de vue économique, convenons qu’acheter tous les deux ans un produit dont la durée de vie est de deux ans aura vite fait de coûter plus cher que d’acheter un produit capable de durer 20 ans.
Acheter d’occasion
Vous avez besoin de tel instrument ou tel matériel. Soit ! Il y a 50 ans, on ne se posait pas la question : on allait acheter ce dont on avait besoin au magasin du coin, neuf. Mais sachant que le neuf implique toujours plus de production, que la production consomme toujours plus de ressources et d’énergie, pourquoi ne pas considérer le marché de l’occasion ? Certes, vous n’aurez pas de garantie la plupart du temps et peut-être une durée de vie du produit moindre (et encore, ce n’est pas le cas sur quantité de produits), mais vous l’achèterez moins cher d’une part, et ne ferez aucun dommage à l’environnement de l’autre.
Or, nous vivons pour le marché de l’occasion une époque formidable puisqu’outre les vide-greniers et brocantes qu’on trouve ça et là aux beaux jours, outre les enseignes spécialisées dans ce commerce (Cash converters, etc.), Internet regorge de sites permettant de trouver du matériel ou des instruments de seconde main : eBay, Le bon coin, Reverb, et Audiofanzine bien sûr, sachant que la plupart proposent des services de tiers de confiance pour sécuriser la transaction, tel que Looper : l’acheteur·euse paye au tiers de confiance le prix réclamé par le·la vendeur·euse et ce n’est qu’une fois qu’il·elle a accusé réception du matériel en état conforme à la vente que le·la vendeur·euse est rétribuée par le tiers de confiance qui se prend sa petite com’ au passage. Voilà qui évite quantité d’arnaques et offre en outre d’autres services : paiement en plusieurs fois, etc. Mentionnons enfin l’existence d’enseignes spécialisés dans le reconditionnement comme Backmarket, et qui proposent du coup une garantie sur les produits vendus.
Bref, l’occasion ne présente que des avantages ou presque, et ce bien au-delà du seul matériel musical ou audio. Et c’est surtout un moyen de recycler. Et recycler, c’est bien.
Vendez d’occasion, échangez ou donnez !
Il n’y a rien de plus stupide que de garder un matériel qu’on n’utilise plus en sachant que dans le même temps, quelqu’un qui en a besoin va l’acheter neuf, avec tout ce que cela a d’impact en termes de ressources et d’énergie.
Faites donc le tri et mettez en vente ce dont vous ne vous servez plus : vous récupérerez et de l’argent et de l’espace, en ayant le plaisir d’avoir fait une bonne action et le bonheur de quelqu’un. Vous pouvez également faire des échanges, sachant que la personne qui est intéressée par ce qui vous encombre, est peut-être aussi en possession de quelque chose qui vous intéresse et l’encombre. Si vous vous sentez philanthrope, songez par ailleurs à donner les choses, que ce soit à vos ami·e·s, voisin·e·s ou une association…
Enfin, vous pouvez vous rendre dans une ressourcerie (un lieu où sont collectés tous les objets et matériaux dont leurs propriétaires n’ont plus besoin pour valoriser et les revendre ou les donner) ou, en dernier recours, dans une déchetterie, soit un lieu où l’on collecte les éléments recyclables (ce qui n’a rien d’une décharge, soulignons-le).
Deux sites pour vous aider à trouver cela : https://ressourceries.info/ et https://ma-dechetterie.fr/
Quel que soit ce que vous choisissiez, dites-vous qu’il n’y a rien de plus bête que de garder une chose dont on sait très bien au fond qu’on ne l’utilisera jamais, contraignant celui qui en a besoin à l’acheter neuve au détriment de la Planète : c’est aussi cela le gaspillage.
Louer ou emprunter
L’usage d’un matériel, et même d’un logiciel, n’implique par forcément sa possession, à plus forte raison quand on parle d’un usage qui sera anecdotique et non récurrent. Si pour réaliser votre album, vous souhaitez faire vos prises voix avec un Neumann U87, envisagez donc d’en louer un quelques jours plutôt que de l’acheter : cela vous coutera une cinquantaine d’euros pour une journée, en sachant que les tarifs sont dégressifs… Et cela vaut aussi pour les instruments de musique comme pour les équipements de studio ou de sonorisation.
Évidemment, si vous avez dans vos fréquentations un·e bon·ne pote susceptible de vous prêter cela, c’est encore mieux pour vous !
Ne pas abuser des Conditions Générales de Vente
Dans la plupart des cas, la législation comme les conditions générales de vente des enseignes physiques ou en ligne vous permettent de revenir sur un achat et de vous faire rembourser. C’est une excellente chose lorsqu’on se rend compte qu’un produit ne correspond pas à l’usage qu’on pensait en avoir (se rendre compte par exemple que telle interface audio est incompatible avec son ordinateur), mais cela ne doit pas être détourné en plateforme d’essai.
Prenons l’exemple d’une guitare ou d’une boîte à rythmes qui vous fait de l’œil : vous l’achetez en ligne, la recevez chez vous et vous dites que, finalement, elle n’est pas si bien que ça, de sorte que vous la renvoyez pour en acheter une autre. De la sorte, vous aurez généré au moins trois transports, avec ce que cela implique comme coût énergétique (de l’essence, voire du kérosène en cas d’import par avion) et comme matériaux d’emballage (cartons, polystyrènes, plastiques divers), et vous aurez en outre dévalorisé un objet neuf : au retour de l’instrument, l’enseigne ne pourra en effet la vendre que comme Stock-B moins cher.
Que faire pour essayer un instrument ? Vous rendre dans une boutique, pardi. Et s’il n’est pas importé en France ? Eh bien, vous pourriez envisager dans ce cas de ne pas l’acheter. Ce n’est pas parce que tout existe que vous devez accéder à tout. C’est là remettre en question la sacro-sainte liberté de consommer, qui semble aujourd’hui un droit plus fondamental que bien d’autres, mais comprenez que cette dernière va à l’encontre des intérêts de la planète, et donc de nos propres intérêts. Si vous faites venir un objet de l’autre côté du monde, ou même du continent, ou même du pays, pesez bien en tout cas la dette que vous contractez vis-à-vis de la planète dans votre consommation.
Grouper les commandes en ligne
Même si certains gros faiseurs de la vente en ligne vous permettent via un abonnement de ne pas payer de frais de livraison à chaque commande sans montant minimum, tâchez de ne pas abuser de la chose et groupez au maximum vos achats qui seront remisés dans le même carton et feront l’objet d’un seul et unique transport. N’achetez donc pas trois câbles et deux adaptateurs en cinq fois !
Privilégier les revendeurs locaux
De nombreuses boutiques s’en plaignent : certains vont essayer les instruments ou du matériel en boutique pour ensuite les acheter en ligne et gagner quelques dizaines d’euros de la sorte. Faire cela n’est non seulement pas respectueux de l’enseigne qui vous permet de tester le matériel, mais s’avère dommageable pour l’environnement au seul profit d’une petite économie : si vous tenez entre les mains la guitare qui vous plaît, qu’avez besoin qu’un camion vous amène un modèle similaire jusque chez vous de l’autre bout de la France, de l’Europe ou du monde, si ce n’est d’avoir la satisfaction de cramer de prétrole pour quelques dizaines d’euros de vos économies ? Encore une fois, c’est la planète qui paye pour votre seul bénéfice à vous.
Et si évidemment dans les coins reculés où certains habitent, il est compliqué d’accéder à des revendeurs spécialisés, soulignons que sur ce point, les citadins des grandes villes n’ont aucune excuse : il n’y a aucune raison valable à commander sur Amazon un livre sur l’audio qu’on peut acheter dans la librairie en bas de chez soi sachant que ce dernier aura à coeur de vous le commander pour le rendre disponible sous quelques jours. Et vous n’êtes pas à la minute près, non ?
Privilégier la construction locale
Bien évidemment, en ayant confié toute une partie de son industrie à des pays du tiers monde pour faire chuter les coûts, l’Occident dont la France n’est plus en mesure de fabriquer sur son propre sol quantité de produits, et notamment des produits électroniques. Ce n’est pas toutefois le cas de tous les matériels, et notamment des instruments qui, pour certains, sont non seulement complètement fabriqués en France, mais sont même parfois réalisés avec des matériaux français. Certains luthiers ne travaillent ainsi qu’avec des essences de bois hexagonales, ce qui s’avère non seulement une bonne chose du point de vue de la préservation des essences de bois exotiques (et donc des forêts et donc des populations animales), mais s’avère bien moins coûteux sur le plan énergétique du transport. Devoir importer du bois de l’autre côté du monde est parfaitement irresponsable de ce point de vue, quels que soient les engagements pris pour préserver les forêts où le bois est prélevé. On relativisera toutefois cet impact dans la mesure où la facture d’instruments de musique est une goutte d’eau dans le phénomène de la déforestation, loin derrière l’industrie du meuble, les besoins en bois de chauffe et l’utilisation des sols pour l’habitat, l’agriculture ou l’élevage.
Quant aux produits électroniques, il est aujourd’hui impossible de trouver du 100% français, l’essentiel des composants étant fabriqués en Asie. On pourra toutefois valoriser un assemblage réalisé en Europe, voire en France, dans la mesure où, au-delà de l’éthique économique, cela impliquera moins de transports aériens malgré tout…
Et soyez sûr que la France regorge de constructeurs, comme de développeurs d’ailleurs, de premier plan, grâce notamment à l’excellence des formations dispensées sur le territoire, que ce soit en matière de facture d’instruments, ou encore en matière de R&D grâce à l’influence de l’IRCAM notamment…
Limiter l’usage des piles
Très utilisées pour les pédales d’effets, certains micros, les guitares ou basses actives ou encore certains instruments et accessoires électroniques (accordeurs, etc.), les piles sont pratiques pour un usage nomade, mais elles sont aussi très problématiques sur le plan de la pollution, car elles comportent des métaux lourds qui sont difficilement recyclables et qui sont de véritables poisons pour l’environnement (lithium, cadmium, etc.)
La première règle, c’est donc de ne jamais les jeter à la poubelle lorsqu’elles sont mortes, mais de les apporter dans les collecteurs qu’on trouve dans de nombreux supermarchés.
À choisir d’ailleurs, mieux vaut utiliser des piles rechargeables qui ont sans doute une autonomie un peu moins bonne que les piles jetables, mais présentent le bénéfice d’être longtemps réutilisables…
Le mieux sera toutefois de se passer de piles dès qu’on peut le faire en utilisant des alimentations sur secteur. À moins de jouer dans la rue ou dans un parc, il est rare en effet de ne pas avoir à dispo une alimentation électrique.
Économiser l’électricité
On ne s’en rend pas forcément compte, mais la plupart des appareils électriques que nous utilisons restent en veille lorsque nous ne les utilisons pas à moins de couper leur alimentation. Et la chose n’a rien d’un détail puisque selon l’ADEME, cette consommation passive représenterait 10% de la facture d’électricité annuelle d’un foyer, soit deux milliards d’euros par an pour les Français…
Premier responsable de cette consommation, l’ordinateur et son écran sont justement au cœur du home studio et il n’y a rien de bien compliqué à les éteindre complètement en mettant un amont une multiprise munie d’un interrupteur…
Évidemment, cette même logique est à répliquer pour tous vos équipements électriques, et notamment les multiples chargeurs… Cela allégera non seulement vos dépenses, mais le gaspillage de l’énergie électrique…
Utiliser la bande passante de manière raisonnée
Si le passage dans le cloud de la musique laisse à penser que ce dernier serait plus écologique que les bons vieux supports physiques polluants, il faut prendre conscience des énormes besoins énergétiques qui sont ceux d’Internet et des plateformes de streaming.
Les milliers de serveurs utiliser pour stocker et acheminer la musique vers les utilisateurs consomment une quantité colossale d’électricité (les ordinateurs et data center représentent 10% de la consommation mondiale en électricité), laquelle peut tout aussi bien provenir de centrales nucléaires, à gaz ou à charbon. Greenpeace tient sur ce point un classement des compagnies les plus vertueuses en la matière, sachant que les concepteurs informatiques comme les architectes réseau travaillent à réduire toujours plus la consommation d’énergie…
De votre côté, vous pouvez également apporter votre petite contribution en téléchargeant sur votre smartphone, votre ordinateur ou votre baladeur MP3 les musiques que vous écoutez régulièrement : ça ne changera rien à votre confort, mais évitera de solliciter le réseau inutilement à chaque fois que vous souhaitez écouter vos disques de chevet… Vous pouvez également envisager pour certains usages de passer en qualité normale et pas HD. Songez enfin à ne pas utiliser Youtube comme jukebox : se servir de vidéos pour écouter de la musique, c’est consommer inutilement de la bande passante, tout comme ne pas désactiver les options de lecture automatique.
Évoquons pour conclure le cas des téléchargements, sachant que les grosses banques de son peuvent consommer beaucoup de bande passante : veillez donc à conserver les installeurs sur un disque dur plutôt que de tout re-télécharger à chaque fois.
Le poids des chambres de serveur sur la dépense énergétique nationale est de l’ordre de 10%, c’est important qu’on le garde tous en tête aussi, la pollution prend parfois des formes très immatérielles …
Les musicien·ne·s sont des citoyen·ne·s comme les autres
Bien sûr, au-delà de la musique, il y a quantité de petites choses à faire pour améliorer son comportement d’écocitoyen·ne ou comprendre les enjeux des problèmes d’environnement qui sont planétaires : c’est-à-dire qu’ils impactent l’autre bout du monde comme notre voisinage le plus proche.
C’est là où s’arrête le domaine de prédilection d’Audiofanzine et où commence celui de médias plus ou moins spécialisés dans ces questions (www.bonpote.com, www.natura-sciences.com), sachant que les médias généralistes semblent enfin s’intéresser au sujet, comme en atteste cet excellent condensé de Julie Tezkratt, étonnamment publié sur GQ.
Ne manquez pas non plus d’aller visiter le site de l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) qui propose de nombreuses informations pratiques sur les économies d’énergie et les conduites éco-responsables.
Conclusion
Cet article enfonce bien sûr bien des portes ouvertes, sachant que l’essentiel tient dans la prise de conscience que nos habitudes de consommation pèsent sur l’environnement et que ce dernier pèse à son tour sur notre avenir proche. Faites donc au mieux pour prendre la chose en compte dans votre pratique musicale comme dans vos choix en matière d’équipement et n’hésitez pas, en commentaire de cet article, à partager vos bons plans et réflexions sur le sujet…
Annexe
Rassemblant 278 scientifiques de tous pays et de toutes spécialités, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) a été créé en 1988 par les Nations Unies en vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade.
À titre d’information, voici deux vidéos réalisées par la journaliste Paloma Moritz sur le sujet du rapport du GIEC, la première tentant de résumer le deuxième volet du sixième rapport…
, …tandis que la seconde est l’interview de Céline Guivarch, économiste et co-autrice du dernier rapport en date.