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Culture / Société
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Death after live ? La musique live à l’heure des problèmes environnementaux

Secteur ô combien rentable pour l’industrie de la musique, le Live ne cesse de voir toujours plus gros, toujours plus grand. Pour quel bilan sur le plan de l'environnement ?

La musique live à l’heure des problèmes environnementaux : Death after live ?
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le Pub sociétal : Czrbon-monitor-2022-emissionsAu coeur de la problé­ma­tique clima­tique depuis qu’un large consen­sus scien­ti­fique a montré le rapport entre les acti­vi­tés humaines et l’ex­trême rapi­dité du réchauf­fe­ment de la planète, les émis­sions de gaz à effet de serre sont deve­nues le sujet écolo­gique numéro 1 à l’échelle inter­na­tio­nale. Sous l’im­pul­sion du GIEC et de l’ONU et dans le contexte des accords de Paris visant à limi­ter le réchauf­fe­ment à 2° dans les prochaines décen­nies, chaque pays comme chaque secteur d’ac­ti­vité est depuis 2015 sommé de réduire ses émis­sions jusqu’à atteindre le fameux « zéro carbone »…

Où en est-on en 2023 ? He bien, disons que, pour l’heure, les accords de Paris sont un bel et cuisant échec puisque seul COVID a permis de dimi­nuer provi­soi­re­ment les émis­sions mondiales mais que ces dernières sont repar­ties de plus belle, en dépit de toutes les belles paroles tenues par nos diri­geants. Tandis que l’es­poir des 2° s’ame­nuise sévè­re­ment, l’État Français a d’ailleurs été condamné à deux reprises par la Justice Française pour inac­tion clima­tique…

Pour justi­fier cette inac­tion, on entend souvent dire que la France n’émet que 0,9% des gaz à effets de serre au niveau mondial, de sorte que son action ne serait pas déci­sive par rapport à celle de la Chine ou des USA. Ce qu’on oublie de dire toute­fois, c’est que ce chiffre est terri­to­rial et ne prend pas en compte les émis­sions géné­rées par l’im­port/export comme par la produc­tion dépor­tée à l’étran­ger : le fameux Made in Asia qu’on trouve au dos de quan­tité de produits fabriqués par des entre­prises françaises n’est ainsi pas consi­dé­ré… En vis-à-vis de ce 0,9% parfai­te­ment illu­soire, on appré­ciera le fait qu’on attri­bue à la seule entre­prise Total 0,8% des émis­sions mondiales de gaz à effet de serre… Et la percep­tion du « bon » résul­tat terri­to­rial français est d’au­tant plus remise en cause lorsqu’on le ramène à la démo­gra­phie : « 5 tonnes par habi­tant » nous dit le Minis­tère de la tran­si­tion écolo­gique… « 11,2 tonnes » nous dit l’ADEME en se basant sur la consom­ma­tion des Français, ce qui est sensi­ble­ment plus qu’un Chinois… 

le Pub sociétal : shiftprojectrapportBref, il y a du boulot à faire en France, comme ailleurs, et puisque notre pays se targue d’être un pays de culture, il va sans dire que l’in­dus­trie de la culture française doit elle-aussi se poser la ques­tion de son empreinte envi­ron­ne­men­tale, à commen­cer par son empreinte carbone. C’est juste­ment ce qu’a fait The Shift Project, l’as­so­cia­tion créée en 2010 par Jean-Marc Janco­vici, l’in­ven­teur du bilan carbone, Gene­viève Férone-Creu­zet et Michel Lepe­tit. Le Shift Project entend être un groupe de réflexion qui, au travers d’études et de recom­man­da­tions, vise à éclai­rer et influen­cer le débat sur la tran­si­tion éner­gé­tique. Si l’asso s’est notam­ment fait connaître en chif­frant l’im­pact du secteur numé­rique sur les émis­sions de gaz à effet de serre, elle s’est plus récem­ment inté­res­sée au domaine parti­cu­lier de la culture, abou­tis­sant à un rapport de 209 pages synthé­tisé en 19 pages

Qu’y apprend-on ? D’abord que la culture, comme n’im­porte quelle autre indus­trie, a un impact envi­ron­ne­men­tal impor­tant sur les ques­tions d’éner­gie et de réchauf­fe­ment parce qu’elle n’est pas qu’im­ma­té­rielle : la culture, ce ne sont pas que des images, des sons et des mots, mais ce sont aussi des bâti­ments, des trans­ports, des supports, des tech­no­lo­gies, de l’éner­gie, qui tous concourent à la pollu­tion, dont l’émis­sion de gaz à effets de serre… On y apprend aussi que l’une des acti­vi­tés cultu­relles les plus domma­geables sur le plan envi­ron­ne­men­tal n’est autre que le spec­tacle vivant, au sein duquel on retrouve les concerts comme les festi­vals de musique…

Gran­deur et misère des festi­vals

impactcarboneÀ défaut de pouvoir faire le bilan carbone d’un événe­ment réel, l’étude tente d’es­ti­mer ce dernier en se basant sur les données commu­niquées par les Vieilles Char­rues sur une édition ayant attiré 280 000 visi­teurs sur quatre jours.

Résul­tat de l’es­ti­ma­tion : 15 656 tonnes d’équi­valent CO2, soit l’équi­valent de 8496 vols Paris-New York… Un résul­tat colos­sal qui s’ex­plique à plus de 79% par les trans­ports que génère un tel événe­ment, l’ali­men­ta­tion et les bois­sons repré­sen­tant 20% du total… Le pour cent qui reste ? L’éner­gie néces­saire et les produits déri­vés…

Du coup, pour réduire signi­fi­ca­ti­ve­ment l’em­preinte carbone du festi­val, le rapport insiste prin­ci­pa­le­ment sur deux éléments : la suppres­sion du bœuf des repas, voire de toute alimen­ta­tion carnée au profit du 100% végan, mais surtout la réduc­tion dras­tique de l’em­preinte des trans­ports en suppri­mant le recours à l’avion d’une partie des festi­va­liers comme des artis­tes…

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Le plus grand parking de France n’est autre que celui du Hell­fest avec 35 ha, et il ne parvient même pas à accueillir tous les véhi­cules des visi­teurs !

le Pub sociétal : parkinghellfetOr, si l’évé­ne­ment génère des trans­ports aériens, c’est prin­ci­pa­le­ment à cause de son succès et de la dimen­sion inter­na­tio­nale qu’il a prise au fil des années. Plus les têtes d’af­fiche sont pres­ti­gieuses, plus le festi­val attire de gens au-delà de sa loca­lité, au-delà du pays… De fait, si l’édi­tion 2023 des Vieilles Char­rues est fière d’ac­cueillir des stars telles que les Red Hot Chili Peppers, Blur, Idles ou Robbie Williams, il ne fait aucun doute que la venue de ces groupes géné­rera toujours plus de trafic aérien, mais aussi plus de trans­port auto­mo­bile pour le commun des festi­va­liers… Et donc plus d’émis­sions de gaz à effet de serre ! Le plus grand parking de France n’est autre d’ailleurs que celui du Hell­fest avec 35 ha, et il ne parvient même pas à accueillir tous les véhi­cules des visi­teurs !

Si nous sommes loin d’être face à un cas aussi ubuesque et cynique que la dernière Coupe du Monde de foot­ball instal­lant des clima­ti­sa­tions en plein désert, il ne fait donc aucun doute que l’am­pleur prise par les grands festi­vals au fil des années est parfai­te­ment contre­pro­duc­tive sur le plan envi­ron­ne­men­tal. On y retrouve ce fameux lien qu’on observe entre la courbe du PIB et les émis­sions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Plus le festi­val est gros, plus il gagne de l’ar­gent et plus il émet des gaz à effets de serre. Pour bien faire, nous explique le rapport, il vaudrait mieux que ce dernier se divise en plus petits événe­ments qui auraient lieu en diffé­rents endroits du terri­toire français, rédui­sant ainsi l’em­preinte des trans­ports.

Dirty smoke on wasted water

Pour juger de l’im­pact d’un festi­val, il faudrait encore prendre en compte les multiples déchets, la dégra­da­tion de sites, la géné­ra­tion d’une pollu­tion sonore qui seront préju­di­ciables aux espèces vivant dans le voisi­nage ou sur le lieu de l’évé­ne­ment, le gaspillage d’eau potable, et même on y revient : la pollu­tion due à l’usage d’une éner­gie fossile.

25 000 tee-shirts vendus comme produits déri­vés néces­sitent pas loin de 70 millions de litres d’eau

Benja­min Barbaud, le patron du Hell­fest, décrit ce dernier comme « le plus gros chan­tier élec­trique éphé­mère de France ». Avec 300 000 litres de fioul brûlé sur les sept jours de l’édi­tion 2022, le festi­val contri­bue non seule­ment à l’émis­sion de gaz à effet de serre, mais aussi à l’émis­sion de parti­cules fines ou de gaz mortels (dioxyde de soufre, monoxyde de carbone, oxyde d’azote) par exemple.

arrosageSi par ailleurs, the Shift Project ne s’at­tarde pas trop sur les produits déri­vés dans son étude de cas parce qu’il ne s’in­té­resse qu’aux émis­sions de gaz à effet de serre, il convient de souli­gner que les 25 000 tee-shirts de coton vendus par le Hell­fest auront néces­sité pas loin de 70 millions de litres d’eau ! Car oui, tout le monde aime la douceur du coton sans se soucier que sa culture est l’une des plus exigeantes en quan­tité d’eau pota­ble….

Le Water Foot­print Network estime qu’un tee-shirt de 250 grammes va consom­mer 2720 litres d’eau. De fait, si la produc­tion des tee-shirts a un impact minime sur les émis­sions de gaz à effet de serre, elle se traduira pour un festi­val vendant 25 000 tee-shirts par la consom­ma­tion de 68 millions de litres d’eau !

Une quan­tité à laquelle on ajou­tera l’eau gaspillée pour arro­ser les festi­va­liers en pleine cani­cule, alors même que la région était en stress hydrique et qu’on limi­tait la consom­ma­tion des agri­cul­teurs… À la fin, les 800 000 litres de bières consom­més en une semaine par les festi­va­liers passe­raient presque pour un élan de sobrié­té…

Il y a donc sans conteste une réflexion à avoir, à commen­cer sur la période durant laquelle ont lieu les festi­vals car il ne fait aucun doute que les pics de chaleurs de plus en plus intenses et régu­liers auxquels nous sommes confron­tés ne rendent pas l’été propice à de tels événe­ments…

Les festi­vals se mettent au vert

Évidem­ment, la plupart des orga­ni­sa­teurs de ces événe­ments ont conscience de ces problèmes et sont soucieux de l’en­vi­ron­ne­ment. Ils font par consé­quent montre d’une réelle volonté d’amé­lio­rer les choses en pous­sant la consom­ma­tion de nour­ri­ture végan, en instau­rant un système de gobe­lets en plas­tique consi­gnés ou en ramas­sant et triant les déchets lais­sés sur le site… Et il y a mieux : on trouve depuis un certain temps déjà des festi­vals « verts », qui ont été pensés dès leur créa­tion en pleine conscience de l’em­preinte écolo­gique qui est la leur. We love green, Caba­ret vert, Terre du son, Delta festi­val, Climax, Soli­days : ce sont là autant de festi­vals enga­gés qui riva­lisent d’ef­forts et d’in­ven­ti­vité pour mini­mi­ser leur empreinte envi­ron­ne­men­tale.

le Pub sociétal : cabaretvertLa liste des efforts déployés par certains est impres­sion­nante et ne pourra certai­ne­ment pas passer pour du green­wa­shing, d’au­tant que la plupart des orga­ni­sa­teurs jouent la carte de la trans­pa­rence en décla­rant les chiffres de leur bilan carbone lorsqu’il est mesuré. Hélas, si l’on insiste gran­de­ment sur l’usage d’éner­gie verte, de nour­ri­ture locale et bio, l’or­ga­ni­sa­tion de confé­rence ou d’ate­liers de sensi­bi­li­sa­tion à l’éco­lo­gie, ou encore la gestion des déchets est exem­plaire (certains recyclent même les mégots de ciga­rettes), le gros point noir demeure toujours le trans­port et les émis­sions de gaz à effet de serre qu’il occa­sionne.

Or, comme les masto­dontes dont nous avons parlé précé­dem­ment, ces festi­vals gros­sissent pour la plupart d’an­née en année et jouissent d’une program­ma­tion toujours plus pres­ti­gieuse et inter­na­tio­nale, avec tout ce que cela implique de voiture et d’avion à la clé… Voyez la crois­sance de fréquen­ta­tion de We Love Green :

welovegreenfrequentation

Sachant que ce genre de festi­val joue un rôle impor­tant dans la diffu­sion de l’in­for­ma­tion autour des sujets d’en­vi­ron­ne­ment, il y a de quoi se réjouir de ce succès. Toute­fois, si la progres­sion est constante, le recours au trans­port va de pair, occa­sion­nant toujours plus d’émis­sions de gaz à effet de serre. Dans une grande trans­pa­rence qui les honore, les orga­ni­sa­teur·­tri­ce·s annoncent pour l’édi­tion de 2022 un bilan certi­fié de 1 685 tonnes d’équi­valent CO2, soit presque dix fois moins que ce qui est estimé pour les Vieilles Char­rues par le Shift Project, sur une édition presque trois fois plus grosse en termes de fréquen­ta­tion. Les deux tiers des émis­sions sont attri­buées au trans­port (fret et dépla­ce­ment des festi­va­liers ou artistes) : 60 % rien que pour les dépla­ce­ments aériens de 0,6% des festi­va­lier·è­re·s ! Du coup, les gens de We Love Green insistent sur tous les moyens vertueux de se rendre au festi­val. Une excel­lente démarche qui n’em­pêche pas un constat mathé­ma­tique : plus le festi­val gros­sira, plus il sera inter­na­tio­nal et plus il génè­rera de trans­ports en géné­ral, et de l’aé­rien en parti­cu­lier…

On le comprend dès lors : le bilan sur ce point précis est proba­ble­ment bien meilleur lorsqu’un événe­ment a lieu dans une zone bien desser­vie par des trans­ports en commun décar­bo­nés et qu’il est dimen­sionné pour les habi­tants locaux, sachant qu’il ne fait aucun doute que le plus propre des festi­vals sera toujours le plus petit et le plus local dans sa program­ma­tion comme dans son public. Et cela est d’au­tant plus vrai que nous ne parlons que d’émis­sions de gaz à effet de serre en omet­tant de mention­ner les autres types de pollu­tion liées aux trans­ports, dont l’émis­sion de parti­cules fines dans l’air.

Bref, les festi­vals verts peuvent bien faire tous les efforts du monde en termes d’éner­gie verte, de trai­te­ments des déchets, de nour­ri­ture et de gestion de l’eau, être même des modèles pour les plus grands festi­vals, à moins de pouvoir rempla­cer le parc de trans­port mondial par des véhi­cules élec­triques (à commen­cer par l’avia­tion), il ne tien­dront réel­le­ment leurs objec­tifs qu’en ne gros­sis­sant pas, voire en décrois­sant. C’est la dure loi de la sobriété : il ne faut pas seule­ment faire diffé­rem­ment comme on l’a fait pour régler le problème de la couche d’ozone, il faut faire moins…

De la respon­sa­bi­lité des artistes

Le constat que nous venons de décrire est évidem­ment le même pour tous les énormes festi­vals mais il s’ap­plique aussi aux grandes salles de spec­tacles ou les stades : quand un artiste privi­lé­gie de jouer trois fois au Stade de France ou à la Défense Arena plutôt que de faire 60 plus petites salles dans les régions de France, il oblige quan­tité de gens à venir à lui de plus loin plutôt que d’al­ler vers eux, ce qui augmente signi­fi­ca­ti­ve­ment les émis­sions de gaz à effet de serre ou de parti­cules fines.

rassem­bler 80 000 personnes pour un show demeure un exemple de réus­site sur les plans du busi­ness comme de la culture, alors que c’est un échec envi­ron­ne­men­tal…

Bien conscient de cela d’ailleurs, le groupe Shaka­ponk a ainsi annoncé que sa prochaine tour­née était la dernière, parce que le gigan­tisme live n’a rien d’éco­lo­gique et que la seule façon de régler cela tient dans le fait de penser plus petit, plus humain, plus humble…

« Shaka Ponk était une paren­thèse artis­tique déca­lée au milieu d’une société sérieu­se­ment dysfonc­tion­nelle, fondée sur la consom­ma­tion, l’ex­ploi­ta­tion des ressources de la planète sans jamais la nour­rir en retour » explique le groupe pour justi­fier l’ar­rêt des tour­nées.

D’autres groupes comme Cold­play ou Radio­head se montrent enga­gés dans le fait de réduire le nombre de leurs concerts, d’ache­mi­ner leur maté­riel de façon plus vertueuse ou d’en­cou­ra­ger leurs spec­ta­teurs à utili­ser des moyens de loco­mo­tion moins polluants…

Bref, ça bouge chez certains, même si l’on sent qu’il y a une disso­nance dans le milieu de la musique sur ce qu’on appelle un spec­tacle ou une tour­née réus­sie : rassem­bler 80 000 personnes pour un spec­tacle demeure un exemple de réus­site sur les plans du busi­ness comme de la culture, alors que c’est un échec envi­ron­ne­men­tal…

Un choix de culture aussi…

Et encore pour­rait-on discu­ter de cette réus­site cultu­relle, sachant que s’en­tas­ser sur une pelouse pour regar­der des écrans géants n’est peut-être pas ce qu’on peut imagi­ner de mieux en termes de qualité pour un spec­tacle vivant. Sans même parler des problèmes audi­tifs que cela implique (s’ex­po­ser à de forts niveaux sonores des jour­nées entières voire plusieurs jours est mauvais pour l’au­di­tion), on pour­rait se deman­der si le marke­ting des festi­vals, au-delà de l’am­biance, ne tient pas non plus sur le rapport quan­tité/prix, le fait de pouvoir en voir le plus possible pour le moins cher possible, soit une méca­nique de surcon­som­ma­tion.

Et bien que la plupart des gens préfèrent la proxi­mité des petites salles à celle des grands événe­ments, les tour­neurs et artistes entendent faire des écono­mies d’échelle : quan­tité d’ar­tistes de premier plan ne sont ainsi plus visibles que dans des surpro­duc­tions gigan­tesques…

le concert de 3000 personnes a clai­re­ment plus d’ave­nir que le stade de 80 000 ou le festi­val de 400 000

Il ne s’agit pas ici de jeter bête­ment la pierre à qui que ce soit, toute­fois, car le surin­ves­tis­se­ment du busi­ness live qui pousse à toujours plus de gigan­tisme et de problèmes envi­ron­ne­men­taux s’ex­plique aussi par la façon dont les artistes peuvent aujour­d’hui gagner leur vie, et ques­tionne du coup la part qui revient à ces derniers sur la musique enre­gis­trée ; nous en repar­le­rons… Il n’en reste pas moins que les problèmes que nous venons d’évoquer, en l’ab­sence d’un cadre fixé par les pouvoirs publics, relèvent de la respon­sa­bi­lité de tous les acteurs de la musique live : artistes et tour­neurs bien sûr, mais public égale­ment, sachant que la bonne image de tous sera de plus en plus dure à conser­ver à mesure que les problèmes envi­ron­ne­men­taux se feront plus pres­sants. Rafraî­chir un gentil public à la lance à incen­die aura du mal à ne pas passer pour obscène en regard des désastres qui se profilent : sans parler du mois des records de séche­resse que nous venons de battre et qui n’au­gurent rien de bon pour cet été, l’ONU a récem­ment alerté sur le fait que d’ici 2030 (les sept prochaines années donc !), la moitié du globe sera confron­tée à de graves pénu­ries d’eau potable.

Il convient malgré tout cela de ne pas remettre en doute l’ave­nir de la musique live : à plus forte raison en période diffi­cile, le besoin de jouer et d’en­tendre de la musique est vital pour l’hu­main et il le demeu­rera. Reste que le concert de 3000 personnes a clai­re­ment plus d’ave­nir que le stade de 80 000 ou le festi­val de 400 000. Dans ces condi­tions, pour­rait-on encore applau­dir en France des megas­tars inter­na­tio­nales ? Sans doute pas, à moins que celles-ci ne s’adaptent à cette nouvelle donne et revoient à la baisse leur façon de travailler comme leurs modes de dépla­ce­ment. Penser sobre, local, c’est aussi cela…

Et sans nier les apports de la mondia­li­sa­tion dans le riche métis­sage des cultures, gageons que ce retour au local est aussi une chance, tant dans l’émer­gence de jeunes artistes locaux qui pour­raient jouir de la sorte d’une meilleure visi­bi­lité (et peut-être même mieux gagner leur vie), que dans l’af­fir­ma­tion de l’iden­tité cultu­relle des diffé­rents terri­toires. Il ne s’agi­rait plus d’ap­plau­dir la même Beyonce ou le même Metal­lica en mangeant le même burger et buvant le même cola en tout point du monde, mais de se libé­rer d’une forme d’im­pé­ria­lisme cultu­rel abou­tis­sant à une unifor­mi­sa­tion, ce qui pour­rait redon­ner son sens à l’exo­tisme comme au voyage, pour peu que ce dernier soit évidem­ment raisonné et respon­sable.

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