Après une année 2022 qui aura été, pour beaucoup, l’occasion d’une prise de conscience des problèmes climatiques, l’heure est à la recherche de solutions concrètes pour renégocier au plus vite le rapport de l’humanité à la Nature. Et les musiciens comme les autres sont amenés à se questionner sur le sujet, d’où ce Mois vert…
C’est quoi, ça ? Un Mois vert ?
Disons que c’est une trentaine de jours pendant lesquels Audiofanzine s’engage à planter un arbre tous les 60 000 affichages de bannière de pub : une façon de réinvestir le chiffre d’affaires du site dans la nature en participant humblement à un projet écologique. Plus précisément, il s’agira pour nous d’aider, via notre partenaire MyTree, à la plantation d’une haie d’arbres fruitiers en Essonne (Pommier sauvage, poirier sauvage, merisier, cognassier, noisetier, alisier torminal, groseiller à maquereaux, cassissier, framboisier, sauge officinal, genêt à balais, argousier, arbousier et laurier-tin) pour favoriser la biodiversité et reconnecter les habitants à la nature… Un projet local, donc, qui vise précisément à rappeler à l’homme les vertus de l’environnement nourricier…
Mais ce Mois à vert, c’est aussi un mois où nous comptons mettre en avant un certain nombre de contenus et d’événements en rapport avec l’environnement.
Demandez le programme !
Le mois de mars sera l’occasion d’un concours de « field recording » sur le thème « Samplez la nature » avec pour objectif de constituer collectivement une banque de sons qui sera disponible en licence Creative Commons à l’issue de l’opération. Réalisée en partenariat avec Bridge Audio, Zoom, Lewitt, Antelope, Arturia et Cordial, ce concours sera évidemment l’occasion de gagner, sur un tirage au sort, de nombreux lots (micros, interface audio, services, etc).
Autre concours de ce mois de mars, « Le gros loto des petites annonces » permettra à un·e vendeur·euse de matériel d’occasion de gagner le double d’une de ses ventes, et à un·e acheteur·euse de se voir rembourser son achat via notre service Looper, l’idée étant de promouvoir l’achat et la vente d’occasion pour favoriser une économie réellement circulaire où l’on réutilise plutôt que de jeter.
En marge de ces deux concours, l’idée sera surtout de vous proposer des articles sur le sujet de l’écologie : des interviews, des reportages, des dossiers sur des sujets liés à l’impact de la musique sur l’environnement comme l’inverse…
C’est là une façon comme une autre de répondre à l’appel du GIEC qui réclame l’aide des médias pour expliquer les tenants et les aboutissants du réchauffement climatique et de la transition écologique, mais un moyen aussi de questionner, avec vous, l’avenir de la musique et de l’audio dans un monde en plein bouleversement.
Du greenwashing ? Ce sera à vous d’en juger en fin de mois, même si, pour tout vous avouer, il n’y a pas de réel enjeu d’image à faire cela pour Audiofanzine. Du coup, voyez plus ça comme une démarche citoyenne et la volonté de lever un peu le nez de nos séquenceurs, de nos claviers et de nos guitares, car nous sommes persuadé·e·s que c’est ce qu’il convient de faire en pareilles circonstances, parce que l’avenir proche de la musique et de l’audio est concerné par ces problèmes, tout comme l’avenir des musicien·ne·s, notre avenir à chacun…
2022 : année zéro du sursaut ?
Sécheresses, incendies, inondations, ouragans, pénuries, records de températures : il est vrai que l’année 2022 a été suffisamment riche en événements pour que l’opinion publique, à peine remise de la pandémie de COVID, prenne largement conscience des problèmes environnementaux pointés par les scientifiques depuis des décennies. Cette prise de conscience s’est jouée sur plusieurs niveaux :
- On s’est enfin rendu compte que les problèmes écologiques sont mondiaux et qu’ils se posent sur tous les continents comme en France. Les forêts qui brûlent, les sècheresses, la pollution de l’air, ça se passe à l’autre bout du monde mais ça se passe aussi ici.
- On a réalisé que ces problèmes n’allaient pas attendre bien sagement l’an 2100 pour se manifester, et c’est pour cela qu’on parle d’urgence : ça se passe déjà maintenant.
- On a enfin compris que l’enjeu écologique n’est pas de sauver de gentils pandas seulement, des abeilles ou même la Planète (qui a encore, en tant que gros caillou dans l’espace, quelques milliards d’années devant elle), mais que c’est aussi le sort de l’humanité qui est en jeu…
Dans le sillage de ces questionnements, la liste des coupables de ces catastrophes est vite arrivée sur toutes les lèvres et dans toutes les conversations : le réchauffement climatique, dû à l’émission massive de gaz à effet de serre, due elle-même aux activités humaines. Or, si cette chaîne de responsabilités fait l’objet d’un écrasant consensus scientifique et si le réchauffement climatique est d’autant plus préoccupant qu’en dépit des déclarations d’intentions, rien de significatif n’a été entrepris que les émissions de gaz à effet de serre continuent de grimper, il n’est hélas qu’un des problèmes écologiques auxquels nous devons faire face.
Le climat : une urgence écologique parmi d’autres
Soucieux d’avoir une image d’ensemble des problèmes environnementaux, 26 chercheurs émanant de différents pays ont identifié neuf limites planétaires qui définissent l’habitabilité de la planète Terre pour l’espèce humaine, neuf limites au-delà desquelles notre habitat deviendrait ouvertement hostile (rappelons que le GIEC estime que le réchauffement climatique engage la survie de 3,3 milliards de personnes). Et le changement climatique n’est que l’une de ces neuf limites, sachant que sur les huit qui sont chiffrables, nous en aurions déjà franchi six…
De quoi parle-t-on ? De changement climatique donc, mais aussi d’érosion de la biodiversité, de changement d’utilisation des sols, d’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, de la perturbation du cycle du phosphore et de l’azote, de l’acidification des océans, de l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère, de l’appauvrissement de l’ozone dans la stratosphère et du cycle de l’eau douce…
Or il faut bien comprendre que tous ces problèmes sont liés entre eux, qu’ils entretiennent une relation systémique : plus il faut chaud par exemple, moins il y a d’eau potable et plus les arbres brûlent… mais moins il y d’arbres et d’eau, plus il fait chaud… et les arbres poussent d’autant moins bien s’ils sont arrosés par une eau polluée dans un sol pollué, tandis que tout cela va avoir un impact sur les animaux dans l’arbre comme sur les poissons dans l’eau, sur leur maladies, qui deviennent aussi parfois les nôtres…
Et comme nous le disions auparavant, il faut bien comprendre que si les accords de Paris nous ont habitués à considérer la lointaine date de 2100, ces différents problèmes se manifestent déjà et vont plus se manifester encore à mesure que les années passent. L’ONU avertit ainsi que d’ici 2030, la moitié du globe connaitra des pénuries d’eau potable. tandis que nous venons de passer le mois de février le plus sec depuis 1959, ce qui laisse à craindre bien des choses pour l’été.
« Pas de panique ! », nous dit-on ici ou là : l’ingéniosité de l’être humain et son génie technologique sauront bien trouver une solution à tout cela, même dans des délais aussi courts. À supposer que cela soit vrai car aucune solution n’a pour l’heure été convaincante au point de se déployer, à supposer que la géopolitique nous permette de la déployer, on s’aperçoit toutefois d’un autre problème : les réserves de certains matériaux nécessaires à notre ingénierie baissent dangereusement, certains étant même en voie d’épuisement…
Tandis qu’aucune industrie ne prévoit autre chose que de construire toujours plus en puisant toujours plus dans les ressources de la planète et en consommant toujours plus d’énergie, tandis que tous les états parlent de construire des éoliennes, des panneaux solaires et des voitures électriques pour tenir les engagements des accords de Paris, nombre d’experts mettent en doute que nous puissions matériellement et énergétiquement réaliser tout cela, à plus forte raison dans des délais aussi courts. Inutile de dire que si l’avenir de la voiture électrique est déjà incertain, tout comme celui des smartphones, on voit mal les fabricants de matériel audio et les facteurs d’instruments de musique revendiquer des ressources et de l’énergie, au nom du loisir, qui seront accaparés par des secteurs plus vitaux.
Musique, environnement, et vice et versa…
Le contexte comme les enjeux étant posés, il convient ainsi d’en revenir à notre questionnement pour ce Mois vert. D’un côté, il s’agira de s’interroger sur l’impact de l’industrie musicale et audio sur l’environnement. De l’autre, il s’agira de voir comment les contraintes environnementales pourraient peser sur le devenir de la musique et de nos équipements, d’autant qu’un certain nombre de réglementations et de lois sont déjà votées et vont quelque peu changer la donne (REACH, CITES, AGEC, etc.)… Il s’agira enfin de savoir comment nous pouvons, en tant que musicien·ne·s et passionné·e·s de l’audio, anticiper les changements à venir et effectuer, nous aussi, notre « transition écologique »…
Si nous avions déjà commencé à répondre à ces questions dans notre petit guide du musicien écolo, il va sans dire que chaque grand domaine de l’industrie musicale mérite qu’on s’y attarde. C’est ainsi que nous examinerons isolément, au travers de différents articles, les cas particuliers de la musique Live, celui de la musique enregistrée à l’heure de la dématérialisation, et enfin celui de la fabrication de matériel audio et d’instruments de musique, examinant les problèmes comme mettant en valeur ceux qui tentent d’y apporter des réponses…
« Et Audiofanzine, là-dedans ? » demanderez-vous. Qu’en est-il des engagements réels du site ? Ce Mois vert n’est-il pas lui aussi une forme de gentil greenwashing ? Est-ce que Red Led et Los Teignos ne se déplacent qu’en trottinette ? Est-ce que Neo Alchemist est végan ? Est-ce que Momiok et Nero ont un compost et des toilettes sèches chez eux ? Toutes ces questions sont d’autant plus légitimes qu’avant d’aller inspecter la paille dans l’œil du voisin, il faut d’abord balayer devant sa poutre…
Audiofanzine, le petit site bleu vert ?
Audiofanzine.com a été créé en 2000 par la société Bordas SAS, un pur homonyme des éditions bien connues. Et rendons à César ce qui lui appartient, c’est son fondateur Philippe Raynaud qui a été le premier parmi nous à se soucier d’écologie. C’est ainsi que depuis plus d’une dizaine d’années, notre société qui compte une douzaine de collaborateurs et de nombreux prestataires s’est engagée dans le ‘zéro papier’ : nos contrats, factures et bulletins de salaire sont complètement dématérialisés, ainsi que toutes nos archives depuis un an.
Comme pas mal de boîtes Internet, nous avons depuis longtemps eu recours au télétravail jusqu’à ce qu’il devienne total pendant les différents confinements. Mesurant les atouts relatifs du présentiel face aux frais non négligeables qu’occasionnaient ses locaux, l’équipe s’est finalement décidée à ne plus avoir de locaux physiques, passant en 100% télétravail et ne se retrouvant à l’occasion que dans des espaces de coworking ou dans des gites de campagne pour entretenir l’esprit d’équipe. De fait, les dépenses liées au transport des différent·e·s salarié·e·s ont été drastiquement diminuées, au grand profit de l’empreinte carbone de la société.
Notre recours aux transports de longue distance s’est aussi considérablement réduit : finie l’époque où une équipe de six personnes se rendait en avion au NAMM ou au Musikmesse pour y couvrir le salon. Nous privilégions soit une couverture à distance, soit des trajets en train lorsqu’ils s’avèrent nécessaires.
Parlons enfin du site lui-même : moins par vertu à la base que par économie de moyens et application de Nicolas Debarnot, son directeur technique, Audiofanzine.com a toujours bénéficié d’un grand soin quant à l’optimisation de son code propriétaire et de sa consommation en bande passante. Cet aspect profite non seulement aux performances du site, mais en fait également un bon élève en termes d’empreinte carbone si on le couple au fait que notre hébergeur utilise une énergie non carbonée. Sur un an, en dépit du large trafic qui est le nôtre, notre empreinte carbone se situe sensiblement en dessous de celle de trois français moyens, comme en atteste le calculateur www.websitecarbon.com.
En marge de ces aspects techniques, il convient aussi d’examiner les services rendus par Audiofanzine et qui vont dans le bon sens en termes d’écologie. Le comparateur de prix qu’il propose dans sa rubrique d’achat permet ainsi de voir les offres les plus proches de chez soi, pour privilégier l’achat local et limiter le transport. En vis-à-vis de l’achat neuf, la possibilité d’acheter ou vendre d’occasion n’est pas qu’un moyen de faire de bonnes affaires : c’est une façon de favoriser la durabilité des produits et de limiter une surproduction néfaste pour l’environnement dans tout ce qu’elle implique en termes d’extraction, de pollution et de consommation d’énergie… Le site vaut enfin par la qualité de ses tests et de ses conseils en matière d’achat, parce que bien acheter, c’est acheter moins souvent et plus durable.
Alors quoi Audiofanzine ? Élève parfait ? Évidemment non, car nul n’est parfait et bien des choses restent améliorables. L’essentiel de notre empreinte carbone tient ainsi dans nos espaces sur les réseaux sociaux, en raison notamment des vidéos que nous y diffusons… Sans parler de l’aspect attrayant de ces dernières, il ne fait aucun doute que c’est une chose dont nous pourrions difficilement nous passer pour toucher des publics qui ne lisent pas ou ne fréquentent pas le bon vieux web, ce qui est le cas des jeunes générations…
Au-delà de cela, il ne fait aucun doute que le plus lourd impact d’Audiofanzine sur l’environnement tient dans le fait qu’il est prescripteur d’achat, et n’est certainement pas indiqué pour ceux et celles qui sont sensibles aux crises de GAS (Gear Aquisition Syndrom). Conçu autour de l’équipement et ne manquant jamais de relayer comme il se doit les offres d’un Black Friday, il est ce tentateur qui compte sur ses utilisateur·trice·s pour ne pas céder à la surconsommation et rester dans les exigences de sobriété réclamées par le GIEC. Nous aurons toutefois à réexaminer cela lorsque nous évoquerons l’empreinte écologique de la fabrication d’instruments et de matériels audio…
Peut-on faire plus ? Peut-on faire mieux ? Bien évidemment : on le doit même ! Et c’est tout l’enjeu de ce Mois vert que d’échanger autour de ces problèmes, de leurs enjeux et de notre place au milieu de tout cela, pour que chacun mesure l’impact environnemental de sa pratique musicale, comme les tenants et aboutissants de notre secteur dans les prochaines décennies, parce que le XXIe siècle sera vert ou ne sera pas, et qu’il n’y a pas une minute à perdre !