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Culture / Société
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Le Mois vert d'Audiofanzine 2024 - Trente jours pour réfléchir aux interactions entre l'audio et l'environnement

Pour la deuxième année, Audiofanzine fait son Mois vert : un mois consacré à l’information et à l’échange autour des problèmes environnementaux, pour mieux en comprendre les différents aspects comme pour voir les interactions de ce dernier avec le monde de la musique et de l’audio.

Le Mois vert d'Audiofanzine 2024 : Trente jours pour réfléchir aux interactions entre l'audio et l'environnement
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Après le succès de la première édition en 2023, le Mois vert est désor­mais un rendez-vous annuel. Évidem­ment, ce n’est pas forcé­ment par plai­sir que nous ouvrons l’es­pace édito­rial d’Au­dio­fan­zine aux théma­tiques envi­ron­ne­men­tales, mais par devoir civique et pour répondre à l’ap­pel du GIEC qui réclame aux médias d’in­for­mer le public sur les boule­ver­se­ments à l’œuvre et sur l’im­pact qu’ils ont déjà et vont avoir sur nos vies dans les prochaines années. Sur la conscience aussi que certains aspects de nos modes de vie pèsent lourd dans la balance envi­ron­ne­men­tale, la musique dans son ensemble n’échap­pant pas à la règle…

Deman­dez le programme !

Comme l’an passé, la chose passera évidem­ment par des articles et des inter­views, certaines en vidéo, mais elle passera aussi par le retour du concours « Le gros loto des petites annonces » qui permet­­tra à un·e vendeur·euse de maté­­riel d’oc­­ca­­sion de gagner le double d’une de ses ventes, et à un·e ache­­teur·euse de se voir rembour­­ser son achat via notre service Looper, l’idée étant de promou­­voir l’achat et la vente d’oc­­ca­­sion pour favo­­ri­­ser une écono­­mie réel­­le­­ment circu­­laire où l’on réuti­­lise plutôt que de jeter.

grosloto

Elle passera égale­ment par un enga­ge­ment pris au terme de ce mois pour finan­cer une opéra­tion écolo­gique en fonc­tion des affi­chages publi­ci­taires du site : toutes les 60 000 bannières affi­chées, nous nous enga­geons à finan­cer la plan­ta­tion d’un arbre, ce qui est une façon comme une autre pour Audio­fan­zine d’in­ves­tir ce qu’il gagne pour faire œuvre utile. L’an dernier, l’opé­ra­tion avait permis de parti­ci­per à la plan­ta­tion d’une haie d’arbres frui­tiers dans la commune de Roin­ville en Essonne. Et comme le montre cette vidéo, les arbres ont été plan­tés et bien plan­tés : il ne reste plus qu’à ce que le temps fasse son œuvre désor­mais…

Quant à savoir si tout cela relève du green­wa­shing, disons qu’en explo­rant ses propres contra­dic­tions comme celles de l’in­dus­trie qui le nour­rit, Audio­fan­zine n’a pas grand chose à y gagner. Mais ce sera à vous d’en juger au terme de ces trente jours comme pour l’an dernier, sachant qu’une ques­tion brûle les lèvres de certains :

C’est quoi le rapport avec l’au­dio et la musique ?

Aucun du point de vue de la musique en tant qu’art, si l’on consi­dère qu’elle est chevillée à l’homo sapiens depuis la nuit des temps et devrait l’être jusqu’à sa fin : tant qu’il y aura des hommes et des femmes sur Terre, ceux-ci devraient conti­nuer de chan­ter, frap­per des peaux ou souf­fler dans des roseaux…

Si en revanche on ques­tionne, comme nous l’avons fait l’an dernier, l’ave­nir de la musique live telle qu’on la conçoit actuel­le­ment dans les gros festi­vals, celui de l’im­pact de la musique à l’heure du numé­rique ou encore celui de la fabri­ca­tion d’ins­tru­ments ou maté­riel audio, la réponse est nette­ment moins évidente. Or, la ques­tion ne se pose pas seule­ment à ce loin­tain et téné­breux hori­zon 2100 d’au­tant plus pratique que personne ou presque parmi nous ne sera en vie pour le voir, elle ne se pose pas seule­ment à l’autre bout d’un tiers-monde si souvent en proie aux catas­trophes qu’on n’y prête même plus atten­tion, elle se pose aussi ici, dès main­te­nant et pour les décen­nies à venir…

Fabriquer une inter­face audio entiè­re­ment en France, avec des maté­riaux et des compo­sants français serait impos­sible : pas seule­ment pour des raisons de compé­tences et d’in­fra­struc­tures, mais simple­ment parce que nous n’en avons pas les ressources et ne les aurons jamais. 

Pourquoi ? Parce que les forêts brûlent aussi chez nous, que l’eau douce s’y raré­fie au point de créer de premières pénu­ries, que la pollu­tion y tue chaque année et qu’on le découvre avec stupeur, au gré des tensions géopo­li­tiques qui s’in­ten­si­fient actuel­le­ment autour des ques­tions d’éner­gies et des ressources s’ame­nui­sant : la France, tout comme l’Eu­rope, est loin d’être souve­raine dans quan­tité de domaines, ce qui compro­met sa capa­cité d’adap­ta­tion aux évolu­tions envi­ron­ne­men­tales et la rend extrê­me­ment dépen­dante de ce qui se produit dans les pays qui l’ali­mentent en ressources minières et éner­gé­tiques. Voudrions-nous fabriquer une inter­face audio entiè­re­ment en France, avec des maté­riaux et des compo­sants français, que ce serait impos­sible : pas seule­ment pour des raisons de compé­tences et d’in­fra­struc­tures, mais simple­ment parce que nous n’en avons pas les ressources et ne les aurons jamais. C’est une simple ques­tion de géolo­gie.

Ceci étant, il ne s’agit pas seule­ment d’évoquer la façon dont les contraintes envi­ron­ne­men­tales vont peser sur nos vies et notre passion, mais aussi comment ces dernières ont un impact sur l’en­vi­ron­ne­ment. Il se trouve en effet que notre mode de vie, axé sur la consom­ma­tion effré­née de biens et de services, a un lien direct avec la dégra­da­tion de l’en­vi­ron­ne­ment à l’œuvre et que lorsqu’on fanfa­ronne par exemple sur les 4,6% de réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre au plus haut sommet de l’État Français en voulant jouer les élèves modèles, on se garde bien de comp­ter les émis­sions des entre­prises françaises qui ont délo­ca­lisé leurs usines à l’étran­ger, en Asie notam­ment… (Il s’agira de voir si le CNM, en charge de dres­ser actuel­le­ment le bilan carbone de l’in­dus­trie musi­cale française dans son ensemble, évitera ou non ce biais métho­do­lo­gique.)

On se garde bien aussi de parler des sujets préoc­cu­pants comme l’eau douce ou la pollu­tion des sols, l’ef­fon­dre­ment de la biodi­ver­sité qui, en conjonc­tion avec le réchauf­fe­ment, favo­rise le passage des virus des animaux à l’homme.

L’ex­trac­tion d’une tonne de lithium réclame deux millions de litres d’eau douce

On se garde bien encore de souli­gner que l’ou­ver­ture prochaine de mines de lithium en France, stra­té­giques pour la tran­si­tion éner­gé­tique, présen­tera néces­sai­re­ment quelques menus incon­vé­nients : en dehors de la pollu­tion qu’elle génère (de toutes les acti­vi­tés humaines, l’ex­trac­tion est la plus dévas­ta­trice pour l’en­vi­ron­ne­ment), cette extrac­tion réclame 2 millions de litres d’eau douce par tonne de lithium… Est-on certain d’être toujours aussi enthou­siaste vis-à-vis d’une Groove Machine propo­sant de faire de la musique dans le jardin sans alim secteur ? D’en­ceintes de moni­to­ring ou de casques sans aucun fil ? Il s’agira de se repo­ser la ques­tion lorsque la paysan­ne­rie nous expliquera sous peu qu’elle manque d’eau pour faire pous­ser le blé qui nour­rit, cepen­dant qu’il se pour­rait bien que, quelle que soit notre soif, nous nous rendions compte alors que le lithium ne se boit pas…

On se garde bien de dire enfin qu’au­cune forme d’éner­gie n’est verte et qu’ex­traire des mine­rais, les trans­for­mer en maté­riaux et construire des éoliennes, des panneaux solaires, des centrales hydro­élec­triques ou des centrales nucléaires, on ne sait pas le faire autre­ment qu’avec du char­bon, du gaz et surtout du pétrole. Par la force des choses, parce que les sources d’éner­gie qui ont assuré les progrès fulgu­rants de l’hu­ma­nité depuis le XIXe siècle s’épuisent comme quan­tité de mine­rais ou même l’eau douce, notre rapport à l’éner­gie et à la puis­sance qu’elle apporte va donc chan­ger, et nous allons arri­ver, face aux fini­tudes du monde physique, par devoir faire des choix pour l’usage de toute chose qui devien­dra rare, à commen­cer par l’eau… Et vous le compren­drez aisé­ment : il n’est pas sûr que la construc­tion d’équi­pe­ment musi­cal et audio soit long­temps une prio­rité dans ce contex­te…

Le grand rétro­pé­da­lage de 2023

Il est d’au­tant plus impor­tant de se poser ces ques­tions quand le bilan de l’an­née 2023 s’avère pour le moins exécra­ble… Les 1,5° d’aug­men­ta­tion que nous visions pour 2100, nous les avons quasi atteints cette année et nous avons gaillar­de­ment battu le record de tempé­ra­ture océa­nique égale­ment… En dépit de beaux discours, nous avons aussi pulvé­risé le record des émis­sions de gaz à effet de serre, en cause dans la méca­nique du réchauf­fe­ment, avec 40,9 milliards de tonnes. Selon l’ONU, ces émis­sions devraient au mieux bais­ser de 2% en 2030 alors que les États signa­taires des Accords de Paris s’étaient enga­gés à les bais­ser de 43%… Or, vu les tendances actuelles, les 2% ne sont même pas acquis. Et c’est sur ce point d’ailleurs que 2023 aura été le plus sinistre : le renon­ce­ment.

En dépit de beaux discours, nous avons pulvé­risé cette année le record des émis­sions de gaz à effet de serre, en cause dans la méca­nique du réchauf­fe­ment, avec 40,9 milliards de tonnes.

arcachonCes faits et records sont en effet choquants, mais l’aber­ra­tion semble plus grande encore lorsqu’on constate que cette année, tout en se féli­ci­tant que la sortie des éner­gies fossiles soient pour la première fois évoquée à une COP (!), la plupart des grands pays impliqués dans la lutte contre le réchauf­fe­ment, ou pour la préser­va­tion de l’en­vi­ron­ne­ment de manière plus géné­rale, ont fait machine arrière : alors que le président améri­cain ne prend même plus la peine de se rendre à la COP, l’Al­le­magne a cessé de soute­nir la tran­si­tion vers les véhi­cules élec­triques pour mieux relan­cer la voiture ther­mique, et au Royaume Uni comme en France, au mépris des enga­ge­ments pris avec des trémo­los dans la voix, on auto­rise sans vergogne de nouveaux forages pétro­liers ou gaziers, y compris dans le bassin d’Ar­ca­chon

laterSur le plan de la pollu­tion, on recon­duit l’usage de pesti­cides nocifs tandis que la mise à jour de la régle­men­ta­tion euro­péenne REACH visant à inter­dire des substances chimiques dont il a été avéré qu’elles sont extrê­me­ment nocives pour la santé humaine comme pour l’en­vi­ron­ne­ment, a été aban­don­née sous la pres­sion des lobbys pétro­chi­miques.

Bref, loin d’or­ga­ni­ser la sobriété appe­lée par le GIEC, les élites poli­tiques et écono­miques sautent à pieds joints sur l’ac­cé­lé­ra­teur, culti­vant l’am­bi­va­lence d’un discours concerné et d’une atti­tude de déni décom­plexé : « II n’y a jamais eu de poli­tique clima­tique propre­ment dite. Il y a plutôt des enga­ge­ments qui ont été pris et sur lesquels on revient, commente avec neutra­lité Xavier Arnauld de Sartre, direc­teur de recherche au CNRS, spécia­liste de l’éner­gie. Au lieu de dire qu’on va arrê­ter de faire du fossile, on ne le dit plus et on conti­nue à en faire, car on n’a jamais arrêté de le faire. »

france2050De fait, en France, on admet désor­mais qu’on doit se prépa­rer à un réchauf­fe­ment de 4 °C… pour l’ins­tant… Voyez d’ailleurs ce que nous promet cette trajec­toire en 2050 sur la carte ci-contre, sachant qu’alors 50% des forêts seront alors expo­sées à un risque élevé d’in­cen­die et que deux milliards de mètre cube d’eau manque­ront « si la demande reste stable » (Source : groupe de travail inter­mi­nis­té­riel sur les impacts du chan­ge­ment clima­tique, l’adap­ta­tion et les coûts asso­ciés). Or, rien qu’avec nos nouvelles mines de lithium, elle ne le sera pas…

Quant aux motifs qui se tiennent derrière ce chan­ge­ment de discours, ils sont simples : le seul moyen sûr que nous proposent pour l’heure les scien­ti­fiques pour lutter contre le réchauf­fe­ment et les problèmes envi­ron­ne­men­taux tient dans la sobriété et la décon­som­ma­tion (une solu­tion que nous avons pu éprou­ver à grande échelle lors des confi­ne­ments il y a quelques années, où la nature a timi­de­ment repris son souffle avec l’ar­rêt d’une grande partie de nos indus­tries). Opter pour cette décrois­sance orga­ni­sée compro­met toute­fois la perfor­mance écono­mique et menace la survie de quan­tité d’en­tre­prises, avec tout le chômage et la dégra­da­tion sociale que cela implique, de sorte que les déci­deurs sont téta­ni­sés à quelque échelle que ce soit. Ce para­doxe s’est brillam­ment illus­tré au cours du dernier Black Friday où l’ADEME et le minis­tère de l’En­vi­ron­ne­ment ont réalisé une campagne publi­ci­taire pour inci­ter les gens à ache­ter moins de neuf pour vanter les mérites de la réuti­li­sa­tion, de l’oc­ca­sion comme de la répa­ra­tion.

devendeurOr, la campagne a évidem­ment provoqué un tollé du côté des commerçants qui l’ont logique­ment vue comme un appel à compro­mettre leur acti­vité, de sorte que le gouver­ne­ment a dû présen­ter ses excuses pour sa maladresse tout en main­te­nant la diffu­sion. Les contra­dic­tions de la sorte sont nombreuses, et il ne fait aucun doute qu’elles expliquent en grande partie l’in­ac­tion des socié­tés contem­po­raines qui ont bâti tout leur système de valeurs à l’in­verse. Après avoir habi­tué des popu­la­tions entières à l’idée que le confort maté­riel et la consom­ma­tion de biens ou de services était la première source de bonheur, après avoir placé le PIB ou le pouvoir d’achat comme des indices de réus­site des nations, il est bien diffi­cile de remettre en ques­tion la consom­ma­tion et la produc­tion sans passer pour un mauvais gouver­ne­ment. Dès lors, lorsqu’un Janco­vici évoque assez réalis­te­ment l’idée de devoir limi­ter à l’ave­nir l’ac­cès de chacun à l’avia­tion, on s’in­digne ça et là en hurlant au liber­ti­cide, comme si l’avia­tion, entre autre  consom­ma­tion, était un droit consti­tu­tion­nel. Ce droit n’a rien toute­fois d’uni­ver­sel quand on sait que 80% de la popu­la­tion mondiale n’a jamais pris l’avion cepen­dant que pour reve­nir à la musique, on le sait : l’es­sen­tiel des émis­sions des gaz à effets de serre d’un grand festi­val tient en premier lieu dans le trans­port et le trafic aérien qu’il génè­re… On peut donc utili­ser des gobe­lets consi­gnés et servir des repas vegan dans ces évene­ments, aucun ne pourra jamais prétendre au zéro carbone dans la musique tant qu’il accueillera des artistes et des touristes aéro­por­tés.

meadow21Par ailleurs, les écono­mistes sont formels : s’il n’est pas jugulé, le réchauf­fe­ment frap­pera d’au­tant plus dure­ment les écono­mies, au point même que certains, dans le sillage du rapport Meadows publié par des cher­cheurs du MIT dans les années 70, prophé­tisent un effon­dre­ment mondial du système entre 2030 et 2040 : non seule­ment l’éco­no­mie mondiale serait alors rava­gée, mais nous n’au­rions alors rien anti­cipé pour nous adap­ter à la nouvelle donne envi­ron­ne­men­tale.

Sans même parler de ces sombres pers­pec­tives, on relè­vera l’aug­men­ta­tion bien réelle des prix auxquels sont confron­tés les Français comme les habi­tants des autres pays, et qui, au-delà du secteur de l’éner­gie, touche aussi les produits alimen­taires comme les instru­ments de musique ou le maté­riel audio qui nous inté­ressent. Et si d’au­cuns pointent du doigt tel ou tel conflit qui serait la cause de notre infla­tion, ou encore les restes des conges­tions dues à COVID, il est des voix pour dire que cette hausse de prix n’a rien de tempo­raire, parce qu’elle est aussi liée à des raisons autre­ment moins épiso­diques telles que le réchauf­fe­ment clima­tique.

crisedurizDans ce sillage, en se souve­nant de ce qui s’est produit en Russie puis dans le Magh­reb en 2010, on compren­dra l’inquié­tude mondiale concer­nant les mauvaises récoltes en riz, l’ali­ment de base de la moitié de l’hu­ma­nité, celle-là même qui four­nit l’es­sen­tiel de nos ressources et fabrique nos médi­ca­ments comme la plupart des nos objets, dont nos instru­ments et équi­pe­ment audio… Promettre aux Français telle ou telle augmen­ta­tion du pouvoir d’achat est donc assez illu­soire, dans la mesure où plus les années vont passer, plus ce sera au climat, aux problèmes envi­ron­ne­men­taux et à la géopo­li­tique mondiale de dicter les lois, non de la demande, mais de l’of­fre… Or, si comme l’an­nonce l’ONU, la moitié de la popu­la­tion mondiale sera en stress hydrique à comp­ter de 2030, on peut raison­na­ble­ment s’at­tendre à ce que cela se ressente dans le prix d’un paquet de riz comme dans celui d’une pédale d’over­drive verte, d’une inter­face audio rouge ou d’un micro à boule argenté, comme dans leur dispo­ni­bi­li­té… « Nous vivons la fin de l’abon­dance » a prévenu notre président. « C’est que le début, d’ac­cord, d’ac­cord » répond Fran­cis Cabrel…

Et Audio­fan­zine là-dedans ?

Audio­fan­zine peut se targuer de faire un Mois vert et de plan­ter des arbres, il n’en est pas moins aussi empê­tré dans ses contra­dic­tions que le reste de la société. Le prin­ci­pal modèle écono­mique qui a pour l’heure permis son exis­tence (c’est à dire qui paye ses frais de fonc­tion­ne­ments dont une douzaine de salaires en plus de pres­ta­taires) repose en effet sur ses contrats avec des maga­sins parte­naires et la vente d’es­paces publi­ci­taires qui sont attrac­tifs parce qu’il est pres­crip­teur d’achat. Même s’il ne faut pas le réduire à cela, car il est aussi vecteur d’échanges et d’ap­pren­tis­sage, qu’il est une base de données en même temps qu’une somme de connais­sances et un lieu de rencontre, le site génère donc une consom­ma­tion qui va à rebours de ce que préco­nisent l’ADEME ou le GIEC.

il y a le plus souvent une adéqua­­tion entre le prix d’un produit, sa dura­­bi­­lité et son éthique de fabri­­ca­­tion, d’un point de vue écolo­­gique comme humain.

Lors de ses débuts, il y a 24 ans, nous étions nombreux à igno­rer les impacts systé­miques d’une acti­vité comme la nôtre : il était facile alors de s’émer­veiller sans culpa­bi­lité devant telle nouvelle console dantesque ou telle guitare fabriquée avec des bois extrê­me­ment rares, tel synthé cloné pour un dixième de la valeur de l’ori­gi­nal, miracle de la démo­cra­ti­sa­tion. Un quart de siècle plus tard, tout cela pose plus de problèmes de conscience, car il est devenu extrê­me­ment diffi­cile d’igno­rer qu’il y a le plus souvent une adéqua­tion entre le prix d’un produit, sa dura­bi­lité et son éthique de fabri­ca­tion, d’un point de vue écolo­gique comme humain.

Le clone d’un synthé bien connu à 300 balles devient ainsi extrê­me­ment diffi­cile à juger si l’on consi­dère qu’il sonne très bien et permet à des musi­ciens désar­gen­tés d’ac­cé­der à un instru­ment légen­daire, point de vue légi­ti­me­ment retenu par notre testeur, mais qu’il met la société qui a créé le synthé origi­nal dans l’em­bar­ras (son récent rachat n’est sans doute pas étran­ger à cela), qu’il est quasi irré­pa­rable, qu’il n’aura jamais la durée de vie de l’ori­gi­nal (un répa­ra­teur nous l’a confirmé) et qu’on ne sait pas trop ce qui se cache sur le plan écolo­gique ou éthique derrière sa fabri­ca­tion… La tension est toute aussi vive lorsqu’il faut arbi­trer le plai­sir d’al­ler applau­dir un artiste inter­na­tio­nal que l’on adore dans un grand festi­val comme le Hell­fest ou les Vieilles Char­rues, et la conscience qu’on a du coût envi­ron­ne­men­tal de la chose : c’est un peu comme le plai­sir de fumer une ciga­rette en sachant que le cancer du poumon sera collec­tif et touchera l’en­semble du vivant, du péru­vien qui n’a jamais entendu parler de l’ar­tiste comme du festi­val, au papillon qui n’a pas même conscience de l’exis­tence de l’hu­ma­ni­té…

Mais ces contra­dic­tions ne doivent pour autant pas justi­fier l’in­ac­tion, et si notre entre­prise est depuis quelque temps déjà en complet télé­tra­vail et que nous privi­lé­gions le train pour nos rares dépla­ce­ments, nous nous efforçons aussi de progres­ser sur les fonc­tion­na­li­tés promou­vant la dura­bi­lité : outre une refonte ergo­no­mique de certains pans de nos petites annonces, on notera qu’il est désor­mais possible de s’abon­ner par e-mail à une recherche dans ces dernières. Envoyer plus d’e-mails, c’est assu­ré­ment alour­dir notre bilan carbone, mais c’est un prix qu’il nous semble valoir le coup pour favo­ri­ser la réuti­li­sa­tion tant elle est primor­diale face aux grandes limites qui sont celles du secteur du recy­clage comme de la gestion des déchets…

sm57C’est aussi dans cette optique que nous avons entre­pris cette année la publi­ca­tion de tests de micros ou de casques de réfé­rence, en marge des produits qui font l’ac­tua­lité, valo­ri­sant ainsi des produits qui sont recon­nus pour leur qualité, leur dura­bi­lité et que l’on peut ache­ter neufs… ou d’oc­ca­sion. Et nous nous sommes aussi essayés cette année à mieux penser nos dépla­ce­ment en terme de produc­ti­vité : au cours du mois de février, le tour­nage de quatre repor­tages/inter­views a pu ainsi être réalisé avec un seul dépla­ce­ment par train pour deux personnes à Bordeaux…

Enfin, nos déve­lop­peurs pour­suivent toujours leurs efforts d’op­ti­mi­sa­tion : outre un nettoyage de tout le code CSS/JavaS­cript utilisé par le site, on notera que les vidéos embarquées disposent désor­mais d’un système de Lazy Loading qui dimi­nue par trois le char­ge­ment de JavaS­cript. Bref, ce sont là des petites choses pour sauver un peu de bande passante ou d’ener­gie, mais à l’image du fameux coli­bri, il s’agit de faire sa part du mieux que l’on peut. Comment ça : vous n’avez jamais entendu parler du coli­bri ?

Le chant du coli­bri face à l’ef­fet du témoin

colibriUn jour, dit la légende, il y eut un immense incen­die de forêt. Tous les animaux terri­fiés, atter­rés, obser­vaient impuis­sants le désastre. Seul le petit coli­bri s’ac­ti­vait, allant cher­cher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agita­tion déri­soire, lui dit : « Coli­bri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »

Et le coli­bri lui répon­dit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

Kitty Genovese in her 1961 mugshotCette jolie légende est souvent reprise par de nombreux écolo­gistes pour expliquer l’im­por­tance de tout geste, si petit et modeste soit-il. On l’ap­pré­ciera en regard d’une histoire vraie, nette­ment moins jolie : le 13 mars 1964, Kitty Geno­vese fut violée et assas­si­née en pleine rue à New York, sous le regard d’une demi-douzaine de voisins. Durant les quarante minutes qu’a duré l’abo­mi­nable agres­sion, aucun n’a tenté de la secou­rir ni même d’ap­pe­ler les secours, sans trop savoir pourquoi ou au seul motif de ne pas vouloir être impliqué… Choqués par la chose, des socio­logues et psycho­logues ont alors entre­pris des recherches sur le sujet et ont mis à jour un phéno­mène qu’on appelle désor­mais « effet du témoin » ou « effet spec­ta­teur », suivant lequel, face à une situa­tion d’ur­gence, plus il y a de témoins, moins la proba­bi­lité que l’un d’entre eux inter­vienne est grande. Or, c’est exac­te­ment ce que l’on observe concer­nant l’ur­gence écolo­gique à l’échelle des indi­vi­dus (l’ex­pé­rience a été démon­trée par des psycho­logues sur le sujet écolo­gique avec un homme jetant une bouteille en plas­tique en pleine rue : plus il y a de témoins, moins la chance que la chose lui soit repro­chée est grande), des entre­prises, ou des pays.

cover-r4x3w1200-5ce23f5687615-7cdf2bae63ff191f0f0dc6566082ea8f11334606-jpgLa France ne bougera pas tant que les USA ne le feront pas, et ces derniers ne feront rien avant la Chine qui estime pour sa part que c’est aux Occi­den­taux que le premier geste échoit. À l’échelle de l’in­di­vidu, beau­coup confessent en France qu’ils n’ar­rê­te­ront pas de prendre l’avion épiso­dique­ment tant que Bernard Arnault utili­sera son jet privé, alors que son usage à lui seul ne repré­sente rien face au trafic aérien touris­tique français, ce qui lui permet de se dédoua­ner à son tour. 

Et sur ce modèle s’en­suit une dilu­tion de la respon­sa­bi­lité qui explique en partie, entre autres biais cogni­tifs et facteurs sociaux car nous ne sommes pas seule­ment les jouets de nos cerveaux, l’in­com­pré­hen­sible absence de réac­tion de l’hu­ma­nité face au plus grand péril qu’elle ait jamais connu. Nous sommes dans le wagon de métro bondé, notre mère la Terre se fait violer à l’autre bout, et tout le monde regarde ailleurs…

Dès lors, pour reve­nir à nos moutons élec­triques, l’in­dus­trie de la musique est-elle la plus désas­treuse des indus­tries qui soient du point de vue envi­ron­ne­men­tal ? Évidem­ment non si on la compare à celle des trans­ports ou de l’ex­trac­tion minière dont elle dépend toute­fois. Pas plus qu’Au­dio­fan­zine n’est le site le plus désas­treux qui soit sur le web. Mais l’un comme l’autre, comme chacun et chacune d’entre nous, ont le choix d’exer­cer un pouvoir de nuisance comme d’amé­lio­ra­tion du monde, de pour­suivre sa dégra­da­tion ou au contraire de l’ai­der à se répa­rer, et ce pouvoir, si petit soit-il, n’est pas rien en regard du grand tout comme de la morale et du juge­ment que porte­ront sur nous nos héri­tiers et héri­tières dans quelques années seule­ment.

Ce n’est pas parce vous vous sentez insi­gni­fiant et impuis­sant face à ces enjeux colos­saux que vos actions ne pèsent pas : souve­nez vous de ce qu’on dit du batte­ment d’ailes du papillon…

Le fait d’abattre un arbre dans une forêt tropi­cale pour fabriquer une guitare porte-t-il seul la respon­sa­bi­lité de ces problèmes ? Évidem­ment non. Mais c’est une allu­mette de plus jetée dans le brasier dont s’oc­cupent les coli­bris… Le fait de ne pas abattre cet arbre résorbe-t-il l’in­cen­die ? Non, mais c’est toujours ça de moins que les coli­bris auront à éteindre, en atten­dant que le reste des animaux sortent de leur stupeur. Sachant cela, on peut porter plus d’at­ten­tion au bois de la guitare qu’on achète comme à sa réelle utilité quand on dispose déjà de plusieurs guitares en plus de celle là : il ne s’agit nulle­ment de décou­ra­ger qui que ce soit de faire de la guitare dans de bonnes condi­tions, mais de souli­gner que toute action a des réper­cus­sions et qu’aussi vrai que notre liberté s’ar­rête là où commence celles des autres, il convient d’agir en conscience car la consom­ma­tion décom­plexée ne peut plus être à l’ordre du jour si nous voulons un futur viable. Ce n’est pas parce que nous nous trou­vons devant un buffet à volonté et que nous pouvons théo­rique­ment tout manger, qu’il faut pour autant le faire… Il faut au contraire ques­tion­ner l’exis­tence même d’un tel buffet. Et, à l’in­verse, ce n’est pas parce nous nous sentons insi­gni­fiants et impuis­sants face à ces enjeux colos­saux que nos actions ne pèsent pas : souve­nez-nous de ce qu’on dit du batte­ment d’ailes du papillon…

Bref, c’est tout l’es­prit de ce Mois vert que chacun d’entre nous puisse mesu­rer l’éten­due de l’in­cen­die comme sa capa­cité à lutter contre, et à surtout combattre cette passi­vité qui veut que le sort soit déjà jeté, ou cette autre passi­vité qui consiste à s’en remettre à la seule sagesse des états ou au seul génie des géants de la tech­no­lo­gie qui nous sauve­raient, sachant que quan­tité de civi­li­sa­tions avant la nôtre, des grecs jusqu’aux romains en passant par les aztèques ou les égyp­tiens, on fait ce pari et qu’elles l’ont perdu… Il y a d’ailleurs beau­coup à dire là dessus sur ce point en évoquant les solu­tions qui sont à notre portée.

Des solu­tions simples aux problèmes complexes ?

Si on laisse de côté ceux qui nient le désastre envi­ron­ne­men­tal en dépit des preuves physiques au pied de leur porte, des chiffres et des courbes qui nour­rissent chaque année quan­tité de rapports venus des quatre coin du monde, et qu’on exclut aussi les plus pessi­mistes des collap­so­lo­gistes qui pensent que l’hu­ma­nité vit ses derniers instants, on avance en géné­ral trois grandes voies pour amoin­drir les effets du problème : 

La sobriété

sobriete-heureuseC’est la solu­tion préco­ni­sée par le GIEC, l’ADEME et par l’écra­sante majo­rité des scien­ti­fiques, qui expliquent que s’il sera impos­sible d’évi­ter bien des catas­trophes, bien des morts de famine, de guerre ou de mala­die, on peut limi­ter les dommages en consom­mant moins de ressources et moins d’éner­gie. On parle alors de sobriété, qui est un mot poli­tique­ment correct pour évoquer la décrois­sance, un concept qui n’est assu­ré­ment pas du goût de tout le monde car personne n’aime entendre son méde­cin lui dire du jour au lende­main qu’il faut arrê­ter de manger ça ou ci ou de se livrer à telle acti­vité, fut-ce pour sa santé…

Ainsi même si la sobriété n’est pas forcé­ment la cari­ca­ture de retour en arrière que certains voudraient en faire, elle n’en réclame pas moins un réel effort pour se déta­cher de certaines choses super­flues et se concen­trer sur l’es­sen­tiel. Ce même essen­tiel d’ailleurs que quan­tité d’entre nous avaient mieux cerné lors du premier confi­ne­ment.

Et si l’on en croit les mêmes scien­ti­fiques, il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas de créer la décrois­sance de toutes pièces mais de l’an­ti­ci­per pour ne pas en souf­frir le moment venu car elle est inéluc­table : souve­nez vous, il ne peut y avoir de crois­sance infi­nie dans un monde aux ressources finies. Or, nous sommes en train d’aper­ce­voir la fini­tude de nombre de nos ressources. Concrè­te­ment, cela veut dire qu’en France métro­po­li­taine, on peut d’ores-et-déjà arrê­ter de manger des mangues ou des bananes car il vien­dra un jour où nous n’y aurons plus accès de toutes façons, pas plus qu’à quan­tité d’ar­ticles qui garnissent les étals de nos maga­sins. Choi­sir de restreindre soi-même sa consom­ma­tion, c’est de fait se prému­nir du manque ensuite, même si cela est plus facile pour certaines choses que pour d’autres : se passer de mangue se conçoit assez faci­le­ment, se passer de café ou de tabac est une autre affai­re…

Or, souli­gnons-le à toutes fins utiles : ça n’im­plique pas de renon­cer au plai­sir, mais juste de trou­ver son plai­sir ailleurs car soyez en sûr, un accord de Mi est tout aussi inté­res­sant sur une guitare fabriquée près de chez vous avec du bois local que sur une guitare venue de l’autre côté de la planè­te… Certes, vous rêvez peut-être du modèle exact utilisé par votre idole : mais c’est cette néces­sité là qu’il faut sans doute ques­tion­ner dans une démarche de sobrié­té… 

Le néo-malthu­sia­nisme

Dans le sillage des obser­va­tions de l’éco­no­miste Thomas Malthus qui avait remarqué les problèmes que pouvait poser la démo­gra­phie en regard d’une planète aux ressources forcé­ment limi­tées, les néo-malthu­sia­nistes pensent que toute la solu­tion au problème tient dans le contrôle de la démo­gra­phie galo­pante de l’hu­ma­nité, laquelle a doublé sa popu­la­tion en cinquante ans seule­ment. De fait, soit en lais­sant les guerres, famines et épidé­mies faire leurs œuvres, soit en instau­rant un contrôle des nais­sances, nous serions tirés d’em­bar­ras.

À suppo­ser que la chose soit possible (aucun animal n’est jamais parvenu à gérer lui-même sa ferti­lité à l’échelle de l’es­pèce, la repro­duc­tion rele­vant de l’ins­tinct, même si l’on a observé à l’échelle de l’hu­ma­nité, que le levier le plus effi­cace pour ralen­tir la nata­lité tenait dans la condi­tion et l’ac­cès à l’édu­ca­tion des femmes), elle est effec­ti­ve­ment inté­res­sante sur le sujet de l’ar­ti­fi­cia­li­sa­tion des sols et notam­ment de la défo­res­ta­tion : plus les êtres humains sont nombreux, plus ils prennent de place pour leur habi­tat comme leurs cultures, ce qui parti­cipe du réchauf­fe­ment et de l’ef­fon­dre­ment de la biodi­ver­si­té…

emissionsrichespauvresIl convient toute­fois de tempé­rer la perti­nence de cette solu­tion quand les plus grands respon­sables des problèmes envi­ron­ne­men­taux dans leur ensemble ne se trouvent ni dans les pays ni dans les couches sociales où l’on fait le plus d’en­fants. C’est même tout l’in­verse : selon Oxfam, 1% des plus riches (77 millions de personnes) émet­traient à eux seuls autant de gaz à effet de serre que les 66% les plus pauvres (5,1 milliards de personnes), soit 16% des émis­sions globales.

En admet­tant qu’il faille rabo­ter la popu­la­tion mondiale, c’est donc plutôt vers le sommet le plus riche qu’il faudrait commen­cer, sachant que quelle que soit en outre la poli­tique de nata­lité qu’on applique ici ou là, elle ne règle­rait pas pour autant les problèmes de pollu­tion de l’air, de l’eau et des sols, ni même les prochaines pénu­ries d’eau.

Enfin, on le notera : si la démo­gra­phie des pays les plus défa­vo­ri­sés s’écroule, ce qui va vrai­sem­bla­ble­ment se produire vu qu’ils ne sont pas armés comme nous le sommes pour survivre au réchauf­fe­ment et se trouvent en première ligne de ses désa­gré­ments, il convient une nouvelle fois de rappe­ler que ce sont pour l’es­sen­tiel ces gens qui collectent nos ressources et fabriquent les biens que nous consom­mons…

Le techno-solu­tion­nisme

Dernière solu­tion : la tech­no­lo­gie ! C’est assu­ré­ment la plus sédui­sante en regard de l’aus­té­rité propo­sée par la sobriété ou le néo-mathu­sia­nisme, car c’est la seule qui semble conci­lier avenir et crois­sance écono­mique, en nous deman­dant de rester bien assis dans notre fauteuil et de profi­ter à plein de la société de consom­ma­tion. C’est donc tout natu­rel­le­ment vers elle que se tournent la plupart des élites poli­tiques et écono­miques pour nous assu­rer des lende­mains qui chantent, qu’il s’agisse de nos chefs d’état ou des plus grands leaders indus­triels, GAFAM en tête.

cliquezHélas, force est de consta­ter que si le techno-solu­tio­nisme est promet­teur, c’est juste­ment parce qu’il n’est fait que de promesses, et que les promesses, c’est bien connu, n’en­gagent que ceux qui les croient. En vis-à-vis de chaque rapport faisant état du déla­bre­ment envi­ron­ne­men­tal, on trouve ainsi une multi­tude d’an­nonces avançant que telle nouvelle décou­verte dans le secteur des nano­tech­no­lo­gies, des biotech­no­lo­gies ou encore de l’IA « pour­rait », à terme, permettre de faire ceci ou cela qui serait très inté­res­sant d’un point de vue écolo­gique. On élabore même des plans dignes de livres de science fiction, avec des para­sols gigan­tesques gravi­tant en orbite de la Terre pour lui faire de l’ombre tandis que d’autres scrutent de poten­tielles planètes jumelles de la nôtre qui se trou­ve­raient à des années lumières de nous… Nous qui peinons déjà à nous rendre sur la Lune… Face à tous ces condi­tion­nels, admet­tons-le toute­fois : pour l’heure, aucune montagne n’a accou­ché ne serait-ce que d’une souris, et si les géants de la tech affichent tous l’am­bi­tion du zéro carbone pour passer pour de bons élèves de l’éco­lo­gie, aucun d’entre eux ne commu­nique sur sa consom­ma­tion d’eau astro­no­mique ou son impli­ca­tion dans diverses pollu­tions. On a même, grâce à leur bon concours tech­no­lo­gique, décou­vert une nouvelle forme de pollu­tion : celle des satel­lites en orbite terrestre

le Pub sociétal : iaeauLa plus parfaite illus­tra­tion de cela nous vient du boom de l’IA survenu l’an passé. Si cette inven­tion peut à plus d’un titre être consi­dé­rée comme un tour­nant majeur pour l’hu­ma­nité, tout comme la décou­verte du feu ou l’in­ven­tion de l’im­pri­me­rie, si son poten­tiel est réel­le­ment enthou­sias­mant à certains endroits, elle n’en brille pas moins pour l’heure par son côté contre-produc­tif sur le plan écolo­gique.

D’abord parce qu’elle consomme une quan­tité fara­mi­neuse d’eau douce et de terres rares et que de l’aveu de Sam Altman lui-même, il va falloir produire beau­coup plus d’éner­gie pour la déve­lop­per, de sorte qu’elle va très forte­ment augmen­ter l’em­preinte envi­ron­ne­men­tale du secteur numé­rique.

Ensuite parce qu’en vis-à-vis d’usages vertueux mino­ri­taires (recherche scien­ti­fique, méde­cine), elle est pour l’heure essen­tiel­le­ment utili­sée pour produire encore et toujours plus de conte­nus, qu’ils soient textuels ou multi­mé­dias, une énorme partie ne présen­tant aucun inté­rêt. Sur le web, on l’uti­lise ainsi à des fins SEO, pour que les robots de Google lisent ce que d’autres robots ont écrit : un entre-soi numé­rique qui en dit long sur ce que nous appe­lons « le progrès ». Conve­nons-en par ailleurs : la surpro­duc­tion humaine étant déjà au cœur des enjeux de la pollu­tion, du réchauf­fe­ment et de la surcon­som­ma­tion de ressources, un enfant de cinq ans compren­drait le côté ubuesque et suici­daire d’ajou­ter un nouveau super moyen de produire encore plus, plus vite, au prix de toujours plus de ressources et d’éner­gie… Et la chose est plus ridi­cule encore lorsqu’on consi­dère que la démo­gra­phie humaine est une problème en regard des ressources limi­tés, mais qu’on y ajoute tout de même de nouveaux humains arti­fi­ciels, dont la première carac­té­ris­tique est de consom­mer chacun beau­coup plus d’eau et de ressources que n’im­porte quel homme ou femme de chair…

Quant à savoir si l’IA peut effec­ti­ve­ment être utile sur le terrain de l’éco­lo­gie, une étude comman­dée par Google estime qu’elle pour­rait réduire de 10% les émis­sions de gaz à effets de serre mondiaux, ce qui est consi­dé­ra­ble… mais au prix de quelle pollu­tion par ailleurs ? De quelle consom­ma­tion d’eau ? Le sujet est bien évidem­ment éludé tandis qu’on peut comp­ter sur l’ef­fet Jevons pour réduire à néant les 10% gagnés…

extraterrestreDe fait, il faut bien l’ad­mettre : entre l’en­fu­mage des géants de la tech et la volonté ferme des popu­la­tions à croire en un Père Noël qui arran­ge­rait tout, le techno-solu­tion­nisme demeure la plus suspecte des trois solu­tions, rien que parce que la tech­no­lo­gie est une partie assez consi­dé­rable du problème écolo­gique. Miser sur lui, ce serait un peu comme expliquer à un ami souf­frant d’un mal incu­rable : «  Tu sais, sur les deux ans qui te restent à vivre, la méde­cine va sans doute trou­ver la solu­tion… »

Mais concé­dons-le : l’IA va peut-être accou­cher de cette équa­tion magique qui change le sable en plomb, puis le plomb en or, et trou­ver comment produire de l’eau douce avec trois cailloux et très peu d’éner­gie, trou­ver même comment régler tous nos problè­mes… À moins que ce ne soit les extra-terrestres qui nous livrent la solu­tion à tout cela : c’est tout aussi possible. Quant à savoir si c’est plau­si­ble…

Nous sommes la solu­tion

Notez à la fin que les trois grandes solu­tions à nos problèmes envi­ron­ne­men­taux ne s’ex­cluent pas les unes les autres, la plupart des spécia­listes à la ques­tion envi­ron­ne­men­tale admet­tant qu’il ne saurait y avoir de tran­si­tion :

  • sans tech­no­lo­gie pensée pour elle (sachant qu’on ne parle pas là de robots futu­ristes ni d’IA pour faire des photo­mon­tages du Pape mais bien de tech­no­lo­gies qui se concentrent sur l’éco­no­mie de ressources et d’éner­gie : comment faire aussi bien avec moins et en rédui­sant les impacts envi­ron­ne­men­taux)
  • sans renon­ce­ment à la surcon­som­ma­tion comme à la surpro­duc­tion et recen­trage sur les besoins essen­tiels
  • sans contrôle de la démo­gra­phie mondiale

Les trois camps n’ont donc pas néces­sai­re­ment à s’op­po­ser : c’est même tout l’in­ver­se…

Parce que les coli­bris, c’est certain, n’y suffi­ront pas. Et qu’il faudra bien à un moment que le peuple entier de la forêt se réveille. Ce peuple, c’est vous autant que moi, tous autant impar­faits que nous sommes et tous autant dépen­dants les uns des autres de ce fait. À chacun et chacune donc de médi­ter l’exemple de ces hommes ou femmes se retrous­sant les manches pour imagi­ner dès aujour­d’hui ce que sera la pratique musi­cale de demain, pour propo­ser des solu­tions concrètes face aux insti­tu­tions téta­ni­sées.

Nous vous en avions présenté l’an passé, et vous allez en décou­vrir d’autres ce mois-ci : une armée de coli­bris qui ne demande qu’à être rejoin­te… Hommage leur soit rendu car ils sont les vrais vision­naires de notre époque !

Sur ce, je vous souhaite un excellent Mois vert !

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