Parce que le SM58 demeure le micro le plus vendu au monde, l’arrivée d’un nouveau microphone dynamique chez Shure éveille assurément l’intérêt, surtout quand il embarque une nouvelle technologie.
C’est en janvier dernier, dans les allées du NAMM en Californie, que Shure, le géant américain du microphone, présentait son nouveau bébé à la technologie novatrice : le micro dynamique cardioïde KSM8 équipée du système « Dualdyne » à double diaphragme. Conçu principalement pour le chant sur scène, le KSM8 devrait, selon le fabricant, s’adapter à tout type d’environnement grâce à sa capsule brevetée intégrant donc deux diaphragmes très fins (un actif, un passif) et un système de flux d’air inversé. Par ce biais, Shure promet ainsi de réduire l’effet de proximité tout en offrant une directivité homogène avec une réponse en fréquence des plus naturelles.
Sur le papier, il serait donc possible grâce au KSM8 de réduire l’utilisation des différents traitements (égalisation, compression…) couramment mis en œuvre pour diminuer les effets indésirables des micros dynamiques, et donc de diminuer l’impact de la chaîne audio pour éviter l’altération du signal original. C’est en tout cas ce que la marque affirme dans sa documentation.
Cette promesse a toutefois un prix relativement élevé par rapport à ce qu’on peut déjà trouver sur le marché (autour de 500 € ). Et alors que Shure est déjà leader du micro de scène dynamique avec son légendaire SM58, il s’agit de voir comment ce petit nouveau se positionne face aux références qui ont fait leurs preuves depuis de longues années, non sans s’être préalablement arrêté sur cette fameuse technologie Dualdyne.
Dualdyne, qui es-tu ?
Alors que la technologie de la capsule Unidyne III (qui équipait, et équipe toujours les micros de la gamme SM) était constituée d’un simple diaphragme avec une suspension pneumatique, la nouveauté avec la capsule Dualdyne vient de l’ajout au sein de la capsule d’un second diaphragme. Or, il ne s’agit pas de deux diaphragmes actifs captant chacun une partie du spectre (comme sur l’AKG D202 par exemple), mais bien d’un diaphragme actif qui capte l’ensemble du spectre audio et d’un autre diaphragme passif qui va jouer, lui, sur la chaîne des résistances du transducteur.
En plus de cette particularité, la capsule intègre un système de flux d’air à entrée latérale inversée (Note de Los Teignos : On se croirait dans Star Trek, là, non ?). Le son entre dans le microphone par les orifices d’entrée latéraux et traverse le second diaphragme arrière, avant d’atteindre le diaphragme avant. Ce second diaphragme situé dans le réseau de résistances empêche partiellement les basses fréquences d’entrer dans la capsule, générant une réponse naturelle dans le grave et permettant, de la sorte, un meilleur contrôle de l’effet de proximité.
Avec un micro traditionnel, plus l’utilisateur se rapproche, plus les basses augmentent (c’est l’effet de proximité), et pour contrer ce phénomène, on aménage une forte bosse de présence centrée autour de 4/5kHz (très perceptible sur le SM58 par exemple). A priori, la technologie à double diaphragme rendrait superflue cette accentuation dans le haut du spectre, au profit d’un rendu plus naturel.
Cette réponse en fréquences plus équilibrée du microphone à double diaphragme permettrait également au chanteur de se déplacer plus librement sans avoir à respecter une certaine distance par rapport à la capsule pour éviter des variations de la tonalité.
Reste à voir ce qu’il en est sur le terrain.
À l’aise sur scène
Pour notre test, nous avons tout d’abord décidé d’emmener le KSM8 en studio de répétitions et sur une scène en extérieur pour le mettre en situation réelle. Et il faut reconnaître que le résultat est assez bluffant, à tel point que le chanteur du groupe voulait garder le micro pour leurs prochaines dates, ce qui n’était malheureusement pas possible. L’atténuation des plosives et la linéarité hors axe sont tout à fait étonnantes, mais surtout le respect du spectre grâce à la diminution de l’effet de proximité rend réellement l’ensemble du son plus propre et plus facile à traiter à la console. Dans son ensemble le son nous a paru plus doux (surtout dans la gamme des 3–5 kHz) et moins dur que celui du SM58 que nous utilisons traditionnellement avec ce chanteur, sans pour autant diminuer la présence de la voix dans le mix. Ni plus ni moins sensible au larsen, le micro nous a semblé par contre légèrement plus sensible aux manipulations et aux chocs que notre bon vieux Shure, mais rien de très gênant…
En définitive, pour le live, nous avons trouvé le KSM8 très agréable à utiliser que ce soit pour notre chanteur ou que ce soit, pour nous, à la console. Nous avons aussi noté une sorte de chaleur dans le bas du spectre qui semble particulièrement à son aise avec une voix plutôt chaude, ce qui était exactement le cas de notre chanteur du jour. Suite à nos autres tests, nous avons trouvé que le mariage avec des voix plus « hautes » était moins pertinent, même si le son dans ce cas demeure plus que correct.
Et côté studio ?
En studio, nous avons évidemment choisi de comparer des enregistrements du micro de référence approchant les caractéristiques du KSM8 : le Shure beta 58. Les deux micros sont préamplifiés via un API 3124 puis sont convertis par un Aurora 16 de Lynx Technology. Notez que les gains ont été ajustés, pour une comparaison à niveau sonore égal.
- AliceB58 00:43
- AliceE845 00:46
- AliceKSM8 00:40
- AmelieB58 00:37
- AmelieE845 00:40
- AmelieKSM8 00:38
- JayB58 00:39
- JayE845 00:38
- JayKSM8 00:36
Première observation fondamentale : le micro reproduit la voix de manière fidèle. C’est équilibré et naturel, avec un son plutôt chaud. La courbe de réponse semble plutôt droite et aucune zone du spectre ne semble artificiellement flattée. En comparant le KSM8 aux autres, on constate que le niveau de sortie est légèrement plus élevé que la plupart des autres micros dynamiques de notre studio.
C’est avec les prises de voix de femmes que nous nous sommes rendu compte que le KSM était plus adapté aux voix chaudes. Sur ces dernières, nous sommes en effet un peu gênés par un bas-médium plus présent et nous avons senti un manque dans le haut du spectre au-dessus de 3 kHz. Rien de grave, rassurez-vous. Disons que c’est une affaire de goût.
Ce qui saute en revanche aux oreilles, comme au moment de notre test en live, c’est la bonne gestion de l’effet de proximité. Le KSM subit indéniablement beaucoup moins les méfaits de ce dernier sur le rendu du spectre d’un chanteur qui braille à même la capsule.
La deuxième chose plutôt étonnante que nous avions notée lors du concert avec notre chanteur tient dans le fait qu’il conserve un son plutôt clair et naturel, même en s’éloignant de 30 voir 40 cm du micro. À la différence de la plupart des micros chant dynamiques, le KSM8 se distingue ainsi par la conservation de la sonorité de la source même lorsque celle-ci est désaxée. C’est une sacrée qualité sur scène pour les chanteurs instrumentistes qui ne cessent de se plaindre de devoir se tordre sur scène ou en studio pour chanter dans le micro.
Conclusion
Ce micro gère très bien l’effet de proximité, comme l’annonce Shure, à la fois collé comme éloigné de plusieurs dizaines de centimètres. Des corrections seront probablement nécessaires pour s’adapter au chanteur, mais elles seront minimes.
Dans les circonstances de live où la musique peut parfois être forte dans le fond, la voix reste devant et ne se fait jamais envahir. Elle reste intelligible et risque de convaincre bon nombre de diffuseurs et d’artistes.
Seul petit bémol, le KSM8 a l’air sensible aux chocs si le chanteur le cogne ou le rentre brutalement dans sa suspension : autant le savoir. Mais cet aspect ne saurait en rien entacher la belle réussite de ce nouveau micro. Un grand bravo à Shure.
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