En matière de micro, tout est affaire de compromis. Pour la scène et particulièrement pour le chant, les micros dynamiques règnent en maîtres. Pourtant, cette domination pourrait bien être mise à mal par l'arrivée de micros statiques à main, dont l'Audio Technica AT2010 que nous testons aujourd'hui…
En matière de micro, tout est affaire de compromis. Pour la scène et particulièrement pour le chant, les micros dynamiques règnent en maîtres. Pourtant, cette domination pourrait bien être mise à mal par l’arrivée de micros statiques à main, dont l’Audio Technica AT2010 que nous testons aujourd’hui…
Statique ou dynamique ?
Un micro dynamique est construit avec diaphragme fixé à une bobine elle-même traversant un aimant permanent ce qui forme un électro-aimant. Le diaphragme mis en mouvement par l’air qu’il reçoit bouge et fait bouger la bobine ce qui génère un courant électrique qu’on amplifiera. Les avantages sont un faible coût de fabrication (les pièces ne nécessitent pas une extrême précision), une grande solidité et une bonne résistance aux larsens et aux bruits de manipulation. L’inconvénient, car rien n’est parfait en ce bas monde, c’est que les micros dynamiques sont peu précis. Notamment, l’inertie de leur bobine les rend peu sensibles aux aigus et la relativement faible surface de la membrane peu réactive aux graves.
Un micro statique ou micro à condensateur est conçu différemment. Ici, plus de bobine. Le diaphragme est une très fine membrane de plastique recouverte d’une fine couche d’or et suspendue devant une plaque en métal chargée électriquement. Les deux sont mis sous tension et quand le diaphragme vibre, il fait varier la charge électrostatique de l’ensemble qu’un condensateur va transformer en variation de courant qui sera ensuite amplifié. Le diaphragme est ici beaucoup plus fin (quelques microns) que sur un dynamique et surtout beaucoup plus mobile : le poids (donc l’inertie) de l’ensemble à mettre en mouvement est par conséquent bien plus faible, ce qui rend un micro statique beaucoup plus sensible aux aigus. De plus, la conception permet d’avoir des surfaces de diaphragmes plus grandes, ce qui donne une meilleure sensibilité aux basses. Les avantages sont donc une plus grande sensibilité et précision, notamment aux extrémités du spectre sonore. Les inconvénients sont des coûts de fabrication plus élevés, une plus grande fragilité, mais également une allergie aux poussières (qui alourdissent la membrane) et à l’humidité. Leur grande sensibilité fait qu’ils peuvent facilement générer des larsens et transmettent beaucoup plus les bruits de manipulation. Enfin, ils nécessitent d’être alimentés électriquement, en général soit par une pile, soit par la fameuse alimentation fantôme.
C’est pourquoi les statiques étaient quasiment proscrits pour le chant sur scène au profit des dynamiques. Etaient… Parce que depuis quelque temps ont débarqué quelques « micros statiques à main ». Probablement poussés par la puissance et la qualité croissante des systèmes de restitution sonore, les fabricants ont relevé le défi de faire des micros statiques ayant presque tous les avantages des dynamiques. C’est le cas de l’AT2010.
Présentation
L’AT2010 a été fabriqué à partir de la capsule de l’AT2020, un micro à prise latérale destiné au home studio et gros succès de vente chez Audio Technica (la meilleure vente de micro de sa catégorie aux États-Unis en 2006).
L’AT2010 ressemble à n’importe quel micro chant de scène, à un bête micro dynamique. Une forme idéale pour la prise en mains, mais aussi pour le montage sur les pinces standards. Si l’AT2010 est livré avec sa pince (plutôt réussie), il se monte sans problème sur une pince Shure, par exemple. Et puisque nous en sommes aux accessoires, ajoutons que la boîte contient également une housse souple en similicuir doublé d’un moleton assez épais. Bon point. Un petit bémol du côté de la bague d’adaptation. Sur les pieds de micros, on rencontre deux tailles standardisées de pas de vis, c’est pourquoi les pinces ont un gros pas de vis et une bague pour petit pas de vis. Celle fournie avec l’AT2010 est en plastique. L’avantage est un serrage plus ferme, mais ce choix de matériau fait émettre quelques réserves sur sa durée de vie. Par contre, elle est munie d’une couronne crantée en facilitant l’extraction là où les métalliques nécessitent souvent un outil, fut-ce une pièce de monnaie.
L’aspect du micro est vraiment très propre. Il dégage une impression de qualité, de solidité et fait pro. Il est de taille raisonnable, juste un peu plus volumineux qu’un SM58.
Bref, du point de vue de l’aspect, ce micro est une réussite et a même une certaine élégance.
Comment ça sonne ?
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Bien, casque sur les oreilles et c’est parti. Tout de suite, le son est séduisant avec, comme on pouvait s’y attendre de la part d’un statique, une belle présence et clarté dans les aigus. Le son est clair et droit. Évidemment, on est loin d’un micro de studio, mais la performance est vraiment bonne pour un micro destiné à la scène. En comparaison directe avec le SM58, le son est beaucoup plus droit, avec un meilleur équilibre, sans le gros bas de proximité. Quant aux aigus, ils sont bien présents là où ils ont quasiment disparu sur le Shure. L’écoute du résultat permet d’entendre immédiatement que la couleur sonore du SM58 peut éventuellement se défendre sur une voix très grave comme la mienne, mais qu’elle ne facilite pas l’intégration dans le mix. Par contre, la clarté de l’AT2010 rend celle-ci beaucoup plus facile et sur scène, ce n’est pas rien. En test sur le système de diffusion relativement médiocre qui me sert pour les concerts en bars, l’AT2010 permet d’obtenir une voix bien plus claire, se détachant plus facilement dans les orchestrations chargées et rend les paroles plus compréhensibles pour les spectateurs. On peut légitimement penser que l’écart qualitatif sera encore plus intéressant sur les voix aiguës et les féminines. D’autant que les aigus rendus par le micro ne sont pas du tout agressifs.
Par contre, la sensibilité de l’Audio Technica fait tout de suite entendre les bruits de salive, de lèvres et de langues, sans compter les respirations (ma bronchite tabagique est bien audible, par exemple !) Comme annoncé dans ses données commerciales, ce micro vise avant tout les styles musicaux demandant de la précision (jazz, chanson). Et je rajouterais de la maîtrise. Car sa précision ne pardonne pas et les enregistrements me font réaliser à quel point, chantant beaucoup moins depuis quelque temps, ma technique vocale est en berne ! Ce n’est donc pas un produit pour les mangeurs de micros et rois du (hi)pop. Ce micro s’avère exigeant pour son utilisateur, mais aussi un bon outil pédagogique pour perfectionner sa technique vocale.
Démos audio shaker2010sm57_2010first.wav |
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flûte_AT2010.wav | flûte_SM58.wav |
voix_AT2010.wav | voix_sm58.wav |
Ces enregistrements ont été réalisés avec l’AT2010 et le SM58 côte à côte, connectés à un préamplificateur TL Audio C1 puis à une carte son RME. L’enregistrement a été fait en 24 bits / 96 kHz, et les fichiers rendus ensuite en 16 bits / 44,1 kHz. Aucun traitement ni normalisation n’a été appliqué.
Sur scène ?
L’AT2010 tient ses promesses : étonnamment, il ne produit pas plus de larsen qu’un SM58. J’ai même vu le cas, en poussant le volume en balances pour tester les limites, où le SM58 générait un larsen en basses alors que l’AT2010 ne bronchait pas. Il semble moins sensible aux situations de basses « tournantes ». Par contre, il peut s’avérer un peu plus délicat dans les environnements sonores très réverbérants en aigus. Il faut alors bien égaliser la réverbe pour éviter l’accrochage, mais ça se gère sans difficulté. D’autant qu’il est souhaitable de mettre peu de réverbe dans ce genre d’ambiance. Quant aux bruits de manipulations avec le micro en main, si on est loin d’un statique de studio, pas question de jouer au yoyo avec. L’AT2010 est tout à fait utilisable en main, mais ne laisse pas la même marge de manœuvre qu’un dynamique. Le moment le plus délicat étant quand même lorsqu’on l’enlève de la pince ou qu’on l’y remet. Il vaut mieux éviter de le faire si on n’a pas un ingé son en façade pour couper la tranche pendant l’opération.
Et sur d’autres sources ?
Un micro voix ne sert pas toujours qu’au chant. Il n’est pas rare qu’un chanteur pratique des instruments que son micro de voix va être chargé de diffuser. Et puis, il est toujours intéressant d’avoir un micro multifonction pouvant couvrir différents champs d’application. Ça méritait donc quelques tests sur des instruments. Sur ces différents tests, L’AT2010 fait souvent mieux que les dynamiques de référence, mais les différences sont généralement moins flagrantes que sur la voix. C’est tout de même mieux et quand on sait qu’il coûte le prix d’un dynamique… Je n’ai hélas pas pu le tester sur des percussions à peau (Djembe ou congas qu’il doit encaisser avec ses 129 dB de pression acoustique admissible) où il devrait, comme sur les shakers et tambourins, défendre son beefsteak face à un SM57. D’autant qu’il y a un domaine où il semble lui livrer le clou, c’est sur les transitoires. Les percussions gagnent en… percussion. Parfois un peu à l’excès comme sur un tambourin. Quant aux cordes… Dans une situation où un dynamique serait nécessaire, l’AT2010 pourra avantageusement remplacer celui-ci.
Conclusion
Ce micro est une réussite. Il offre une qualité et une fidélité sonore très bonnes si on les ramène à son tarif modeste (à peu près le prix d’un SM58) et présente surtout un son équilibré auquel on a peu à toucher. Il s’avère un bon produit pour la scène où il n’est cependant pas adapté à tous les styles (mais ce n’est pas son but). Il peut même s’avérer un choix judicieux en home-studio pour la réalisation de maquettes en offrant une alternative intéressante aux micros statiques à large membrane premiers prix. Le home-studiste qui ne fait pas de concerts pourra s’intéresser à l’AT2020 dont est issu le AT2010 et qui coûte le même prix. À ceci s’ajoute une présentation qui en fait un objet agréable à utiliser.