Quel guitariste cinéphile ne s’est pas poilé devant la fameuse scène du film « This is Spinal Tap » lors de laquelle Nigel jette sa guitare de rage parce que le système sans fil dont il était si fier, au lieu de restituer son solo, capte la radio de la base militaire où le groupe se produit ?
(Pour ceux qui ne connaissent pas, stoppez immédiatement la lecture de cet article et jetez-vous sur ce faux documentaire fort amusant, vous apprendrez beaucoup sur vous même).
Heureusement, depuis 1984, la technologie « wireless » a beaucoup progressé, notamment en fiabilité, et les guitares n’ont (presque) plus rien à craindre. Quant aux guitaristes-divas, ils sont apaisés et même aujourd’hui chouchoutés par Audio-Technica qui leur décline tout spécialement son SYSTEM 10 (au format rack habituellement utilisé pour les dispositifs HF) sous la forme bien plus familière d’une pédale.
« KRKR…Tango Charlie… »
Est-ce que ce changement de format était bien justifié ? Il est vrai qu’avant, on était assez inquiet de voir notre rack traîner de manière instable sur la poignée de notre tête d’ampli, alors que, celle-ci étant posée sur un baffle 4X12, il nous fallait encore une alim’ assez longue ou une rallonge pour l’atteindre. Il est sûr que posée au sol, la pédale/récepteur ne tombera pas plus bas. Et puis le cordon de l’alimentation 12V (fournie, avec un embout européen et un autre anglais) est vraiment long, 2 mètres à vue de nez. On pourra quand même l’alimenter en 9 V si on a un bloc pour plusieurs pédales, ce qui devrait ravir les possesseurs de pedalboard. Ils seront encore plus satisfaits d’apprendre que, même si la pédale a déjà deux gros patins antidérapants (elle reste complètement immobile sur parquet glissant), deux bandes de velcro prédécoupées sont encore fournies pour la fixer sur nos planches.
La pédale parait dans l’ensemble très solide, la coque noire et les vis des deux sorties jack sont en métal, et pourtant pas si lourde. Les deux boutons au-dessus du footswitch sont plats et nous ne risquerons pas de les abîmer ou d’appuyer dessus par mégarde. Il en est de même pour le petit switch de la face haute, assez enfoncé pour ne pas se déplacer suite à un faux mouvement. Les deux antennes sont quant à elle internes, ce qui nous évitera de les shooter en faisant l’acrobate. Si le footswitch avait été moins bruyant (on en fait des plus « silencieux » et plus fiables aujourd’hui), c’eût été un sans-faute.
Nous émettrons, c’est le cas de le dire, plus de réserves concernant l’émetteur, aussi appelé UNIPAK. Il est certes très léger et assez petit, ce qui est un vrai plus quand on doit le porter tout le concert à la ceinture ou sur sa sangle, mais son plastique un peu cheap n’est vraiment pas rassurant. La fine pince en métal qui sert à le fixer à l’air fragile, mais d’apparence seulement, elle est en fait solidement accrochée. Pas sûr qu’elle soit la première à céder en cas de « stress test »…
Un jack de 90 cm nous est fourni pour brancher la guitare à l’émetteur, ce qui est bien assez long même pour les guitares les plus larges. Son embout en métal à 4 broches me rappelle un peu les embouts des manettes de la console NEC à laquelle je jouais ado. Et j’en ai pété un paquet… Ceci dit, une fois relié à notre boitier, le câble est solidement attaché et il n’y a pas de raison de l’abîmer. S’il nous arrivait par malheur de le perdre ou de casser une des broches, nous pourrons toujours le racheter (trouvé à moins de 30€). Enfin, un sac de transport assez grand, aux couleurs de la marque, nous est encore offert. On trouvera ça sympa même si l’on constate qu’il ne protègera pas le matériel.
Que le récepteur ne fonctionne pas avec des piles, mais avec une alimentation secteur, ce n’est pas plus mal. En revanche, l’émetteur aura besoin de deux piles AA 1,5 V qui ne sont pas fournies et ça, je n’aime pas du tout. Leur utilisation n’est plus si courante et j’ai eu de la chance de retrouver des piles rechargeables au fond d’un tiroir pour faire ce test (bien entendu, chers lecteurs, j’en aurais acheté rien que pour vous. Mais comprenez mon désarroi qui est le même que celui d’un acheteur potentiel : on a un nouveau jouet et on ne peut pas jouer avec tout de suite, c’est assez agaçant).
En fait nous n’avons toujours pas la réponse à notre question initiale. Le faible encombrement et la sécurité ne justifient, malgré tout, pas complètement le format stompbox. Quoi d’autre alors ?
« …A Alpha Bravo…KRKRR… »
Comme mentionné plus haut, notre pédale a deux sorties jack, appelées A (comme Alpha) et B (comme Bravo). Nous pourrons donc nous en servir comme d’une A/B box : on branchera une sortie sur un ampli et la seconde sur un autre, comme le font souvent nos guitaristes préférés qui préfèrent le son clair d’un ampli et le son saturé d’un autre. Quand le mini switch de la face haute est en position « A or B », le footswitch alterne les deux sorties (avec une diode chacune, verte quand la sortie est active, rouge quand elle est coupée). Dans la position « A mute », les deux sorties sont activées, ce qui nous permet de bénéficier du mix des deux amplis en parallèle. Une pression du commutateur au pied rend alors la sortie A silencieuse pour nous permettre, par exemple, d’y brancher un tuner et de nous accorder discrètement sur scène.
Le seul inconvénient de tout ça étant que, si l’on se sert d’un pedalboard, il faudra choisir un des deux amplis, à moins d’avoir un jack en Y.
« …KRIII…Cible verrouillée… »
Le concept d’une pédale Système HF/A/B Box parait excellent, vérifions ce qu’il donne en situation. Pour allumer la pédale, il suffit de brancher son alim’ à la prise de courant, il n’y a pas de bouton de mise en marche. Je me suis alors demandé quelle serait la réaction de l’appareil et surtout celle de l’ampli si on le débranchait d’un coup, ce qui arrive parfois en live avec nos stompboxes. Le résultat est un petit grésillement inoffensif, pas le gros pop et le buzz d’un jack classique, qu’on éteigne ou qu’on rebranche. J’ai cependant trouvé le temps de rallumage et de reconnexion entre l’émetteur et le récepteur un peu long, une bonne douzaine de secondes, soit à peu près une éternité en concert.
En introduisant les piles dans l’UNIPAK, j’ai trouvé un mini tournevis en plastique clipsé à l’intérieur. Il permet de tourner une petite molette pour régler le niveau de sortie au cas où nos micros enverraient un peu trop (une diode « peak » s’allume sur le récepteur si c’est le cas, mais ça n’est jamais arrivé pendant le test, même avec des humbuckers actifs à haut niveau de sortie). Tout cela, encore une fois, parait fragile et la marque japonaise en est bien consciente puisqu’elle précise dans la notice de ne pas trop forcer dessus. Oui, parce qu’il y a une notice, enfin un papier à déplier, en anglais uniquement (en cherchant dans la section « support » sur internet, je n’ai pas trouvé de manuel en français non plus). Pour être honnête, il n’y en a pas vraiment besoin, notre appareil est Plug & Play. On allume l’émetteur en appuyant longuement sur le bouton (on l’éteint de la même manière), le récepteur cherche les deux meilleures fréquences, verrouille automatiquement la plus stable, et hop ! On est prêt à jouer. Quand l’UNIPAK est en état de marche une diode verte s’allume sur sa face haute. Pour faire taire notre instrument, il suffit d’appuyer sur le bouton et la diode passera au rouge. Tout ceci se fait rapidement et sans aucun bruit, ce qui est très avantageux entre deux morceaux quand notre ampli a tendance à beaucoup souffler. Si on a peur de bypasser le son par mégarde, on pourra toujours enclencher le « MUTE LOCK » qui désactivera cette fonction.
Les professionnels ont souvent besoin de plusieurs guitares en concert (acoustiques, électriques, ou accordées différemment). Audio-Technica y a pensé puisque notre pédale peut recevoir jusqu’à 8 émetteurs (pas en même temps, bien évidemment). Il faudra alors les appairer. La manœuvre est décrite sous la pédale, bonne chance si elle est déjà fixée sur votre planche ! Heureusement, elle est très simple à retenir : il faut appuyer sur le bouton SYSTEM ID sur le récepteur et choisir un chiffre de 1 à 8 qui s’affiche sur l’écran LCD en clignotant. Il faut ensuite laisser le doigt appuyé sur le bouton PAIR, toujours sur le récepteur, dont la diode clignotera à son tour. Dans les trente secondes, on laisse appuyé un autre bouton PAIR, à l’intérieur de l’émetteur cette fois-ci. Et voilà ! Ils communiquent et nous n’aurons plus vraiment besoin de refaire l’opération (à moins qu’on veuille changer d’ID pour chaque émetteur). Si plusieurs boitiers sont connectés, le récepteur donne la priorité au dernier allumé. Voilà un gros gain de temps en concert lors des changements de guitares (combien de fois, en stress lors des transitions, je me suis pris les pieds dans le câble ou j’ai simplement oublié de le rebrancher ! Le SYSTEM 10 peut nous épargner bien des tourments.)
8 émetteurs, c’est la classe, mais ça l’est beaucoup moins quand on sait qu’un UNIPAK coûte 142,80 €, surtout vu sa tête… Moitié moins cher aurait été un prix plus juste.
Pour ne pas se perdre entre eux, un écran LCD intégré sur le côté affiche leur SYSTEM ID. Il disparait 30 secondes après pour économiser des piles, leur autonomie en marche étant de 7 h environ, ce qui est correct. Enfin, un indicateur clair et lumineux à 3 barres situé sous l’écran de la pédale nous précise leur état afin de ne pas se trouver à court de jus en plein show.
« ..KRR…Mission accomplie… »
Notre appareil « travaille dans la gamme de fréquences des 2,4 GHz, loin des interférences TNT » comme le dit la brochure. C’est la même gamme de fréquences que les appareils WIFI, il est donc conseillé d’en être le plus éloigné possible (9 m minimum). Moi j’aime pousser les produits dans leurs derniers retranchements, je l’ai donc essayé posé sur ma Freebox, télé allumée. Il n’y a pas d’interférences si l’on n’est pas trop loin du récepteur. Au bout de 6 m, il décroche.
Ensuite, j’ai évalué la distance de réception en situation « normale ». Pour cela j’ai demandé à la copine de mon petit frère* de jouer à l’assistante blonde (mute mode ON, pour ne pas subir ses bavardages intempestifs) et de descendre les étages de mon immeuble avec une Music Man Luke. Nous avons constaté que la connexion était perdue au bout d’une vingtaine de mètres (dans l’escalier, entre deux étages), mais avec, il est vrai, deux portes et deux murs dont un bien épais sur le chemin. Un étage plus bas, sur le pallier sous mon appart’, la connexion repartait, mais n’était pas stable. On peut imaginer, dans des conditions idéales, que la distance annoncée de 30 m sans obstacle est parfaitement plausible. Et 30 m sur scène, c’est largement assez (les 20 m avec obstacles aussi), sauf si on s’appelle Slash et qu’on joue le solo de « Paradise City » à Tokyo (Pour les curieux, à 5:34 sur la vidéo )
Je me suis ensuite amusé avec la fonction A/B. Le passage d’un ampli à l’autre est parfaitement silencieux, mais on sent un petit retard quand on alterne, c’est léger, mais quand même audible, ce qui peut être gênant en concert. J’ai noté aussi une très légère latence dont je n’ai pas pu mesurer la durée. Je n’y avais pas du tout fait attention lors des premiers essais, elle doit donc être vraiment très courte (ou alors c’est dans ma tête…).
Pour finir, le signal digital est traité en 24bit/48kHz ce qui devrait donner de bons résultats sonores. Vérifions : pour cela j’ai enregistré (Gibson Les Paul Boneyard > Marshall JVM410H canal Crunch > Simulateur de HP Two Notes Torpedo Live > Carte son RME Fireface 802) deux extraits, d’abord avec un jack de très bonne qualité puis avec le SYSTEM 10. Ensuite, par curiosité, j’ai alimenté l’appareil en 9 V avec l’alim’ de mon pedalboard et j’ai ajouté deux effets, une disto BOSS DS1 et une TC Electronic Corona Chorus, sur le son clair du Marshall.
- 1 guitare jack 00:19
- 2 guitare system10 00:19
- 3 guitare fx jack 00:18
- 4 guitare fx system10 00:18
Je trouve le rendu de notre pédale vraiment bon, le son gagne en aigus et en présence. Avec les effets, je trouve que le son est paradoxalement plus mat et moins équilibré, mais l’avis de mes oreilles étant totalement subjectif, j’attends le votre dans les commentaires !
« …Retour à la base…KRKRIIIII….Terminé. »
Ce SYSTEM 10 pour guitare est une vraie satisfaction. D’une part, c’est à ma connaissance le seul système HF en pédale (le Shure GLXD16 et le Samson Airline sont aussi dans ce format) à faire A/B Box. Ce n’est assurément pas un simple gadget, mais un vrai outil de travail pour le guitariste professionnel, avec des caractéristiques techniques très correctes et une excellente ergonomie (quelle simplicité d’emploi !). Même le prix (382,80 €, mais 329 € en moyenne sur internet) n’est pas trop effrayant, au-dessus des premiers prix, moins performants, et en dessous des avions de chasse (« …krkr…Roger.. »), moins originaux. L’absence de piles et la fragilité de l’UNIPAK nous rappelleront pourtant que ce produit n’est pas encore parfait. Mais c’est déjà un très bon début qui mérite les encouragements d’Audiofanzine. Comme le diraient les gars de Spinal Tap perdus dans les couloirs des salles de concert : « Rock’N’Roll !!! »
*Énorme merci à Manon pour son aide précieuse, sa patience, et sa gentillesse lors du test !
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