Voici que nous parvient la quatrième incarnation du piano électromécanique selon AAS. Voyons ce que nous réserve la nouvelle mouture de l’une des rares émulations du genre à base de modélisation.
Pour beaucoup, les Rhodes et Wurlitzer restent des rêves d’instruments originaux, peut-être les derniers instruments à clavier ne faisant pas appel à une production électronique du son, mais électromécanique, donc à base de pièces en mouvement, de marteaux, de tuning forks, etc. Pour qui a goûté l’expérience unique du jeu sur un Rhodes (il faut que je fasse remettre en état le mien) ou un Wurlitzer, c’est l’ensemble son et clavier qui compte, tant le toucher est particulier, peut-être ce qui fait le plus défaut quand on pilote des émulations, qu’elles soient à base d’échantillons ou de modélisation. Mais il faut bien reconnaître que les progrès sont impressionnants en termes de restitution, de sensations, comme en ont témoigné à des degrés divers les instruments réalisés par Scarbee, feu AIR avec Velvet, les éditeurs (disparus) Devine Machine et Mokafix Audio avec OTR-88 et Blue Reeds/Glue Reeds, GSI et son MrRay73, Emagic avec l’evp-88, Native et son Elektrik Piano, Modartt avec l’extension Electric pour Pianoteq ou encore les récents produits de Gospel Music ou XLN Audio. On trouvera ici un comparatif de quatre pianos virtuels à modélisation, le test du Velvet de Digidesign et celui d’Addictive Keys. Je ne pourrai malheureusement pas parler des derniers claviers Rhodes, n’ayant pas eu l’occasion de poser les doigts dessus, ni des récents Roland, Clavia (mon expérience remonte au premier Nord Electro, et elle fut loin d’être concluante, mais c’était en 2001, il y a prescription…) ou produits d’autres marques, on se contentera donc des versions sous forme logicielle pour nos chers Mac et PC.
Apparu en 2002, le Lounge Lizard fête ses dix ans avec sa quatrième version, les nouveautés semblant nombreuses. En piste !
Introducing Applied Acoustic Systems Lounge Lizard 4
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L’avantage de la modélisation, c’est en général le faible poids des logiciels l’utilisant. LL4 n’échappe pas à la règle, puisque l’application ne pèse qu’à peu près 15 Mo, autant dire que le téléchargement depuis le site de l’éditeur s’effectue en quelques secondes. Le tarif est de 199$, 39$ depuis une version précédente (de LL EP-1 à LL EP-3, merci AAS) et 99$ depuis le Lounge Lizard Session. L’instrument est disponible en application autonome (standalone) et sous forme de plug-ins AU, VST et RTAS, 32 et 64 bits suivant les formats et hôtes, pour Mac (à partir d’OS 10.5) et Windows (XP SP2, 7 et 8).
L’autorisation s’effectue grâce au numéro de série obtenu lors de l’achat, via la fenêtre d’autorisation incluse dans le logiciel, et par un système de challenge-réponse. La connexion s’effectue sur le serveur d’AAS et l’autorisation est immédiate en faisant un copier-coller de la réponse. On peut autoriser deux ordinateurs simultanément, un renouvellement étant possible après 90 jours (si l’on en veut plus, il suffit d’expliquer son cas à l’éditeur).
On the Rhodes again…
L’interface graphique a été entièrement reconçue afin, entre autres, d’accueillir les nouveaux réglages et fonctions. Première modification d’importance, le navigateur de présets est désormais intégré, éloignant LL EP-4 de son ascendant Tassman. La barre supérieure regroupe donc le champ Voices (73 par défaut, 32 sur le LL EP-3, y aurait-il sérieuse optimisation ? Rien de moins sûr, un même accord sur le même préset montre 2,8 % de conso CPU sur l’EP-3 et 5 % sur l’EP-4), un réglage d’accord, le bouton de Volume général et les crête-mètres (adieu le gros knob et les indicateurs à aiguilles vintage), l’indicateur Midi, un Undo/Redo, trois boutons d’accès à autant de fenêtres de réglages (une de plus que LL EP-3) et enfin et surtout les deux champs de sélection de présets, l’un donnant accès aux banques (au nombre de sept), certaines étant communes avec LL EP-3, mais contenant pour la plupart des présets différents.
Pianorgans et Electronica and Warped font leur apparition, et l’on retrouve Rhodes, Wurlitzer, Custom Electric Pianos et Classic Tracks (cette dernière présentant exactement les mêmes présets). Le switch Manage ouvre une sous-fenêtre dans laquelle on créera, modifiera, effacera, copiera banques et présets, avec la possibilité de renseigner diverses infos, le tout étant possible via de simples glisser-déposer, bravo. La navigation est bien plus pratique que précédemment, ça n’a l’air de rien, mais un navigateur bien conçu est toujours un gain de temps non négligeable, d’autant que celui-ci bénéficie aussi de la reconnaissance des Program Change Midi.
Fenêtres à gogo
Nouvelle venue, Play présente des raccourcis vers les fonctions les plus importantes de la page Edit, ainsi que les principaux paramètres des effets. Autres nouveautés, un mini clavier virtuel permet de « jouer » à la souris l’instrument et surtout Character, proposant cinq différentes configurations sonores (ampli, cabinet, préamp, micro, magnéto). Voici un exemple de l’action de ces présets sur le son, d’abord un Rhodes maison basique (sans aucun effet), puis Amp, Crystal, Phat, Groovy et Luxy.
La fenêtre Edit présente les réglages familiers aux utilisateurs du Lounge Lizard, les différents modules permettant de faire exactement ce que l’on veut en termes de sound design autour des principes de production du son des pianos électro-mécaniques. On ne les redétaillera pas ici (pour cela, se reporter au comparatif précédemment évoqué, et plus particulièrement ici), il suffira de dire qu’on peut agir sur toutes les caractéristiques du marteau, de la tuning fork (diapason asymétrique pour le Rhodes, lamelle pour le Wurlitzer), du micro (Rhodes ou Wurlitzer), de l’étouffoir et du trémolo, permettant au choix l’effet Suitcase ou Wurlitzer.
Enfin, FX regroupe les dernières nouveautés, notamment un EQ remplaçant l’ancien paramétrique trois bandes et un compresseur, l’apparence des deux ayant de faux airs de SSL. Deux filtres shelves haut et bas et deux paramétriques composent l’EQ, avec activation de SideChain (choix déterminant le signal de commande du compresseur). Le compresseur offre les classiques Threshold, Ratio, Attack, Release et Gain, plus de crête-mètres à tous les étages. Un bouton Pre déterminera si le compresseur est en sortie directe du module piano, ou s’il passe après l’EQ, auquel cas le bouton SC de ce dernier décidera du signal de commande envoyé dans le compresseur (audio filtré ou analyse directe du module piano). Ces deux nouveaux venus permettent de sculpter encore plus efficacement les sons, notamment en jouant, de façon pas toujours réaliste, mais assez plaisante, sur la gestion de la dynamique.
Les effets ont, selon l’éditeur, reçu un rafraîchissement, ce qui fait qu’un même préset d’un piano à l’autre pourra montrer des différences plus que subtiles. Notons aussi que les valeurs de l’EP-3 sont toutes basées sur la fourchette standard 0–127 (à l’exception des EQ, volume en dB, et quelques autres paramètres en %), alors que celles de l’EP-4 sont en Hz, en dB, en valeurs avec trois décimales, ce qui fait que seule l’oreille permet d’effectuer des réglages identiques, du moins le plus proche possible.
Pour finir, quelques exemples de sonorités disponibles.
Bilan
Même si cette version n’est pas une remise à plat des précédentes versions, le Lounge Lizard EP-4 y gagne cependant beaucoup. D’abord par le navigateur, changement d’importance, enfin convivial et pratique, et la qualité de la nouvelle interface. Ensuite avec les deux nouveaux effets, EQ et Comp, et le travail effectué sur les anciens : on profite à la fois d’un son plus tranchant, plus incisif, ou plus rond avec des chorus et flanger assez réussis. Le limiteur en sortie est aussi une bonne idée, la modélisation, à l’inverse du sample ou d’autres techniques pouvant de façon soudaine produire des pics d’une très grande amplitude. On ne comprend en revanche pas la disparition du Midi Learn, qui se faisait d’un clic droit sur le paramètre visé… De même pourquoi avoir enlevé le Recorder interne, et les possibilités de micro-accord ? La mise à jour étant vraiment abordable, et deux versions pouvant cohabiter sans problème, la question trouve vite une réponse.
Ceux qui ne disposent pas d’une précédente version trouveront là une des solutions les plus convaincantes utilisant la modélisation, avec le grain et la dynamique typiques des produits de l’éditeur. Une version de démo permet de se faire son propre avis, la navigation dans les très nombreux présets donnant immédiatement envie de jouer, ce qui est très bon signe.
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)