Certains connaissent Synchro Arts grâce à VocAlign, leur logiciel sorti il y a presque 15 ans et permettant de synchroniser deux performances vocales, parlées ou chantées, d’une façon simple et transparente. Nous profitons de la sortie de la troisième mouture de ReVoice Pro, version survitaminée de VocAlign et porte-étendard de Synchro Arts, pour un test en bonne et due forme.
Si les différentes versions de VocAlign permettent d’aligner automatiquement des voix ou des instruments (monophoniques), ReVoice Pro 3, proposé au prix de 448,80 €, permet quant à lui beaucoup plus de choses… Au menu : transferts plus ou moins rigoureux de la hauteur, du vibrato, de l’inflexion et du niveau, édition manuelle, possibilité de créer automatiquement un doublage de piste, protéger les transitoires, le tout sans restriction temporelle ou du nombre de pistes.
Le logiciel, compatible Mac et Windows, est « standalone » et devra être lancé parallèlement à votre STAN (si vous en utilisez une, bien sûr). Un bouquet de plug-ins permettra à l’utilisateur de faire dialoguer son séquenceur préféré avec ReVoice Pro 3, que ce soit au moment des transferts de fichiers (l’aller et le retour entre votre STAN et le logiciel de Synchro Arts) ou à l’écoute via un plug-in servant à monitorer le logiciel via votre séquenceur. Pratique, mais on verra par la suite que toutes les STAN ne sont pas logées à la même enseigne.
Une version de démonstration de 14 jours est disponible, mais il vous faudra, comme pour utiliser le logiciel complet, une clé iLok…
Entre gris clair et gris foncé
Une fois ReVoice Pro lancé, nous nous retrouvons face à une fenêtre sombre, oscillant entre le noir et le gris foncé, dont le fonctionnement rappelle celui de la majorité des séquenceurs. Les différentes pistes s’empilent horizontalement, avec un curseur de lecture qui défile de gauche à droite. Les réglages de volume, pan, solo et mute se font à gauche de chaque piste (une petite fenêtre de mixage est disponible si vous préférez), et à droite de l’interface se situent les réglages vous permettant de modifier l’affichage des informations concernant l’énergie, l’audio et le pitch.
En bas de l’interface se situent les informations et les commandes de transport, avec la possibilité d’afficher le temps, les samples ou le time code, de mettre en boucle un passage et de retourner à la dernière position à chaque fois que l’on appuie sur la barre d’espace. Autant dire que ces deux fonctions sont très pratiques lorsque l’on est en pleine édition… Il y a aussi un master volume, un bouton permettant de lancer les processus de rendu (aucun processus n’est temps réel ici) et un dernier permettant de connecter la sortie de ReVoice au plug-in de monitoring chargé dans votre séquenceur. Si le look de l’interface est un peu daté, le logiciel reste facile à appréhender, surtout pour ceux habitués aux séquenceurs audio. On notera quand même que certaines fonctions comme le « mute » mettent quelques secondes à s’activer réellement quand on clique dessus et l’interface n’est pas des plus fluides, du moins sur notre MacBook Pro Retina.
L’importation de fichiers se fait simplement par glisser/déposer à partir du gestionnaire de fichiers de votre OS, et ReVoice Pro vous demande s’il doit respecter le Time Code inclus dans le fichier ou la position où vous avez déposé le fichier dans la timeline. L’exportation se fait via le menu « Export Audio » et vous donne la possibilité de n’exporter que ce qu’il y a entre les deux marqueurs de début de fin, de sélectionner les pistes à exporter, et de les sortir en plusieurs fichiers séparés ou en un seul fichier multicanal. Plutôt cool, donc, même si vous ne pourrez pas sortir un mix, il faudra le faire dans votre séquenceur. On a noté une petite maladresse : si vous ne mettez pas l’extension « .wav » à la fin du nom du ou des fichiers, ReVoice Pro exportera des fichiers sans extension. Rien de rédhibitoire ici, vous pourrez ensuite rajouter les extensions dans l’explorateur de fichiers de votre OS, mais avouez que c’est un peu ballot…
D’une manière générale, l’interface du logiciel est assez simple à prendre en main et efficace, mais elle demeure assez vieillotte. Est-ce que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures ? Ce que nous allons voir plus tard…
APT, mais ça sent pas
La caractéristique phare de ReVoice Pro 3 répond au doux nom de APT, pour Audio Performance Transfer. Le but de cette fonction est d’extraire certaines caractéristiques d’une piste audio (qui servira de « guide »), comme le pitch, le vibrato, le niveau et le timing, et d’appliquer ces données au contenu d’une autre piste (qui sera la cible). Une troisième piste sera alors créée et contiendra le signal audio de la piste cible, modifié plus ou moins drastiquement par certaines caractéristiques de la piste « guide ». On pourra évidemment doser certains paramètres, comme la limite du pitch, les différentes tolérances d’alignement temporel ou de pitch, etc. Il sera ensuite possible de sauvegarder ses présets de les rappeler plus tard.
Pour tester cette fonction, nous avons commencé avec une voix parlée. Je me suis filmé en train de parler face caméra, en reprenant le son de la voix via le micro intégré de la caméra. Nous avons ensuite ré-enregistré la même phrase en visionnant la vidéo via le micro-casque Beyerdynamic DT 797. Évidemment, même si nous nous sommes appliqués, les deux prises ne sont pas du tout coordonnées, et si nous mettons la voix réenregistrée directement sur la vidéo, nous nous apercevons bien que le mouvement des lèvres et la voix ne sont pas synchronisés.
Nous avons donc ouvert la prise voix faite avec le micro de la caméra dans une première piste de ReVoice Pro, qui sera la piste « guide ». Nous avons aussi importé la prise voix faite avec le micro-casque Beyer dans une deuxième piste qui sera la piste cible. Nous créons ensuite une troisième piste qui contiendra le fruit de la synchronisation, à savoir le contenu de la piste cible modifiée afin d’être parfaitement synchro avec la piste « guide ». Nous appuyons sur la touche B de notre clavier, une petite fenêtre s’ouvre et nous propose d’accéder aux présets. Nous sélectionnons le préset « Tight timing only », qui ne prend pas en compte le pitch, et cliquons sur « new process ». Afin d’écouter immédiatement le résultat, nous cliquons sur le bouton « rendu », et quelques secondes plus tard, notre synchronisation est faite.
Voici le résultat en vidéo :
Comme vous pouvez le voir, le résultat est assez remarquable, et tout ça sans se prendre la tête avec les réglages, et en sélectionnant simplement un préset d’usine.
Nous avons aussi fait un essai sur une voix chantée et son harmonie. Contrairement à l’exemple vidéo, les deux voix étaient assez bien chantées et synchronisées à la base, mais le traitement de ReVoice apporte un petit surplus de puissance intéressant. Voici le résultat :
- Lead + Back 00:13
- Lead + Back APT 00:13
En plus, voici un extrait du dernier édito de Noël de votre site préféré, nous avons utilisé ReVoice Pro pour synchroniser parfaitement 4 voix entre elles. Ici, nous avons pu utiliser la fonction « Create Multiple Processes », qui permet d’appliquer les trois traitements APT en une seule fois, ce qui fait gagner du temps. Voici le résultat :
- Edito no APT 00:16
- Edito APT 00:16
Le doublage pour les feignants
Si l’APT reste la fonctionnalité la plus intéressante de ReVoice Pro, le logiciel garde quelques autres tours dans son sac, notamment la fonction de doublage automatique.
Parfois, il peut être intéressant de doubler une prise voix afin d’obtenir cet effet si particulier que l’on entend régulièrement sur les enregistrements d’hier et d’aujourd’hui. Mais le problème, c’est qu’il faut refaire une prise, et quand on est un gros flemmard comme John Lennon l’a été dans les années 60, on essaie de trouver une alternative. Les studios Abbey Road avaient d’ailleurs mis au point pour lui l’ADT (Artificial Double Tracking), technique analogique utilisant un magnétophone à bandes afin de créer une copie légèrement modifiée et retardée de la source originale que l’on rajoute au mixage afin de créer un effet similaire au doublage de prise. Un plug-in existe d’ailleurs dans le catalogue de Waves, recréant ce traitement si particulier de l’époque, « Waves Reel ADT ».
Avec ReVoice Pro, point question ici de recréer le son d’une bande analogique, mais seulement de créer une piste de doublage crédible et naturelle. À l’instar du traitement ADT, le processus est relativement simple et il suffit de sélectionner une piste « source » et une piste de sortie. On pourrait sélectionner les deux présets inclus et/ou modifier les différents paramètres permettant de régler le délai moyen, la fréquence de modulation, la profondeur de modulation, gérer les formants, le vibrato ou encore la plage de détection de pitch. Cette fonction existait déjà dans les versions précédentes de ReVoice Pro, mais elle a été améliorée. Le décalage temporel peut désormais être négatif, et un mode à haute résolution a été ajouté.
Nous avons essayé le traitement sur une voix chantée, avec un effet stéréo plus ou moins marqué :
- Lead + Double Sharp 00:13
- Lead + Double Loose 00:13
Le résultat est vraiment très intéressant quand le traitement reste subtil. Sur notre exemple, l’effet marqué l’est peut-être un peu trop. À essayer suivant les sources et le contexte.
A la mano
Une nouvelle fonction a fait son apparition dans cette v3 de ReVoice Pro, c’est la « Make Warp Region », qui permet, à l’instar de Melodyne, de modifier le pitch et le placement temporel du fichier audio, qui sera en revanche forcément monophonique. Les changements seront alors directement effectués sur le fichier audio, si vous voulez garder votre fichier original, il sera possible de passer par un processus dénommé « New Warp », qui se chargera d’effectuer les changements sur une nouvelle piste.
L’avantage d’effectuer les changements de pitching et timing directement dans ReVoice Pro est que si la piste que vous modifiez sert de guide à d’autres pistes (Doublage ou APT, par exemple), ces modifications seront immédiatement prises en compte et les pistes associées seront elles aussi modifiées en conséquence. Il suffira alors d’appuyer sur le bouton de rendu, ce qui est plutôt pratique. De même, cela pourra aussi servir à faire de légères modifications sur une piste de sortie, avant de la renvoyer vers votre séquenceur.
Une fois votre piste analysée, vous verrez apparaitre des blocs correspondant à des notes (ou des silences). Libre à vous de déplacer ces blocs sur l’axe des Y pour corriger la hauteur des notes, ou l’axe de X pour corriger le placement temporel. Il sera aussi possible d’élargir ou amincir les blocs sur les deux axes, afin de les écourter, de les rallonger, et diminuer ou augmenter l’amplitude des variations de hauteur (vibratos par exemple).
Sur les fichiers que nous avons importés, la reconnaissance automatique des notes a été très bonne, et nous avons pu apporter les quelques modifications nécessaires sans aucun souci. Si jamais un bloc est mal positionné, rien ne vous empêche de le couper en deux.
Certaines STAN l’ont dans le DAW
Le fait que ReVoice Pro soit une application à part entière peut être pénalisant quand on travaille déjà dans une STAN (ou DAW) : il faut exporter ses fichiers, les traiter dans ReVoice Pro, puis les réimporter. Ce qui peut être long et fastidieux si le nombre de prises à traiter se multiplie. Heureusement, Synchro Arts a prévu le coup et fournit avec le logiciel toute une ribambelle de plug-ins, aux formats Audio Suite pour Pro Tools, VST et Audio Units.
Avec Pro Tools, tout va pour le mieux dans le meilleur du monde, et la STAN d’AVID est clairement favorisée ici. Via le menu AudioSuite, on dispose des plug-ins APT et Doubler. Pour l’APT par exemple, il suffit de sélectionner la région audio que l’on veut envoyer à ReVoice Pro, cocher Capture Guide ou Dub, suivant le besoin, cliquer sur Capture et c’est tout. Pas besoin de lancer la lecture dans Pro Tools ! On envoie donc d’abord le « Guide », puis le « Dub » (la case est d’ailleurs cochée automatiquement), et on retrouve le tout dans ReVoice Pro, avec même le processus APT créé avec le dernier préset sauvé. Pour rapatrier la séquence audio dans Pro Tools, il suffit de cliquer sur le bouton « Spot » (et sélectionner une piste si vous ne voulez pas qu’elle écrase l’ancienne), et voilà. Difficile de faire mieux… Pour le Doubler, le fonctionnement est identique.
Pour Cubase, le drag’n drop fonctionne, ainsi que le copier/coller entre les deux applications. Il faudra juste bien faire attention aux paramètres « Frame Rate » et « Start » ou « Timecode Offset » dans votre DAW et ReVoice Pro, afin de ne pas avoir de problème de décalage. Le tout est bien expliqué dans le manuel en ligne sur le site de l’éditeur, c’est un peu plus compliqué que sous Pro Tools, mais rien d’insurmontable.
Si vous utilisez une autre STAN (acceptant les plug-ins VST ou AU), il faudra alors lancer la lecture pour capture l’audio dans ReVoice Pro. C’est donc forcément un peu plus long et fastidieux. Le plug-in de monitoring est quant à lui disponible aux formats AU, VST3 et RTAS, ce qui le rend compatible avec la majorité des STAN du marché.
Conclusion
Cela faisait longtemps que l’on avait envie de tester ce ReVoice Pro, et il faut admettre que cette troisième version tient toutes ses promesses. Les résultats sont très satisfaisants et obtenus sans se prendre la tête. Il reste néanmoins possible de se jeter dans les différents paramètres proposés, afin de parfaire le rendu final. Le logiciel est désormais compatible avec les plateformes Windows et Mac, et la majorité des DAW disponibles sur le marché. Son prix de 448,80 € le destine cependant à une certaine frange, pour ne pas dire niche, d’utilisateurs qui devront réaliser fréquemment ce genre traitement dans leurs productions pour rentabiliser leur achat.