Enrichissant sa série Studio Effects, Native Instruments s’attaque aux EQ et compresseurs du roi de la console, en particulier ceux de ses séries 4000 E et G.
Initiée avec Reflektor, continuée avec les Vintage Compressors, la série Studio Effects de l’éditeur Native Instruments est donc prolongée par la Solid Mix Series, ensemble regroupant un compresseur, un EQ et un compresseur de bus. Il n’échappera à personne, après avoir vu les interfaces et les spécifications, que la source d’inspiration de Native est le fabricant anglais SSL, et plus particulièrement les séries 4000 E et G.
L’apparition dans le monde numérique d’émulations des plus fameux éléments des consoles n’a pas tardé, et l’on ne compte plus les reproductions virtuelles du fameux Bus Compressor, des EQ des séries E ou G. Waves, URS, UA, Sonnox, Cytomic (liste non exhaustive), jusqu’à la marque elle-même avec ses Duende, ont tenté d’approcher le son mythique de ces éléments, et c’est Native qui s’y attelle aujourd’hui avec sa Solid Mix Series.
Introducing Solid Mix Series
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Le téléchargement des trois plugs de la Solid Mix Series, compatibles Mac et Windows, s’effectue après achat sur le site de l’éditeur (199 euros, disponibles uniquement sous forme de bundle). L’ensemble est installé via la procédure habituelle (Service Center, numéro de série, etc.). Rien de particulier à signaler, les trois plugs se retrouvent dans l’onglet Components, dans les catégories Dynamics pour les Solid Buscomp et Solid Dynamics, et dans EQ pour le Solid EQ. Eh oui.
La documentation est installée dans le dossier Native Instruments des Applications, en anglais uniquement, ce qui devient une manie chez Native et peut être parfois pénible. Native s’est donc fendu de trois manuels, suffisant pour prendre en main les plugs, mais sans plus, ni historique, ni réelle mise en perspective.
Voici venu le temps d’un aveu : je n’ai pas de SSL 4000 à la maison, et ne pourrai donc pas effectuer de comparaison directe… En revanche, ce test mettra en face des plugs Native la version Universal Audio des éléments disponibles. C’est parti.
Des fréquences
Façade grise, boutons de couleurs (Native a visiblement retenu la version Black Knob de l’EQ série E, conçue avec George Martin), on se retrouve en terrain connu, la configuration ne laissant pas non plus de doute : filtres passe-haut HPF (de 31 à 600 Hz) et passe-bas LPF (de 3 kHz à 48,9 kHz !) accessibles après ouverture de la sous-fenêtre du bas (symbole triangle sur la droite de l’interface), deux shelving LF et HF, (fréquence et gain) et deux paramétriques LMF et HMF (fréquence, gain et facteur Q). La particularité des shelving est de pouvoir basculer en mode semi-paramétrique, grâce au bouton Bell, qui change le comportement de la plage d’EQ de plateau à cloche. Autre réglage, fondamental quant au type de son, le sélecteur permettant de choisir entre EQ de type série G et série E. Le comportement des LF et HF se verra doté d’une courbe plus douce, tandis que les HMF et LMF seront eux dotés d’un Q constant quel que soit le réglage de gain en mode E. En mode G, les pentes des LF et HF sont plus raides, et la largeur de bande variera selon le réglage de gain. Conséquence, l’un pour le travail de précision, l’autre pour des corrections plus souples. Le ± 20 dB des réglages de gain correspond à celui des séries G, les séries E n’offrant que ± 15 dB.
Dernier élément de réglage, un menu déroulant offrant 14 présets, de correction pour la grosse caisse, au « chatoiement » sur bus stéréo (il s’agit bien sûr d’un très léger boost en fréquences hautes). Le tour du plug est terminé, ne reste qu’à le faire entendre. Tout de même avant cela, je renvoie à deux choses concernant les EQ et l’implémentation d’une simple fonction de transfert (je les avais déjà mentionnées dans le test des Focusrite Midnight) : d’abord le livre L’audionumérique de Curtis Roads pour les types de filtres et d’EQ et leur comportement, notamment au niveau des rebonds, de la phase et autres effets induits (les lecteurs assidus d’AF connaissent l’importance du bouquin et l’histoire de sa dernière version française) et puis ce site, rhythminmind dont l’auteur a publié un très édifiant papier (en anglais seulement) sur les EQ paramétriques logiciels (voir aussi la discussion sur Audiofanzine à ce sujet).
Comportement
Afin de comprendre comment travaille chaque version de l’EQ, voici quelques exemples sonores sur un bruit blanc, accompagnés de leur analyse fréquentielle via captures d’écran dans FreqAnalyst Pro de Blue Cat Audio (donc sur lesquelles les éventuels problèmes de phase ne seront pas lisibles), selon différents réglages. Ceux qui voudront entendre le résultat sonore le pourront aussi. D’abord, prenons notre bruit blanc.
Ensuite comparons les pentes de coupure. Dans le premier exemple, on entendra le LF en mode shelving réglé à 155 Hz, avec un cut de 17 dB. D’abord E, ensuite G.
C’est très subtil, il est en effet très dur d’entendre une action différente (ce qui est un peu normal sur du bruit blanc, pas le plus simple à supporter). Ce que confirme la mesure, en capture A : en blanc le bruit blanc, en rouge le mode E, en vert le mode G (le code couleur sera le même durant tout le test, sauf exception précisée).
C’est un peu plus flagrant avec le HF, où l’on peut clairement voir les différences de pente, je vous fais grâce de l’écoute du bruit blanc, capture B. En revanche, voilà ce que ça donne sur une cymbale, avec les mêmes réglages, un boost de 13,5 dB à 10 kHz, en configuration shelving. D’abord d’origine, ensuite selon E et selon G.
On passe aux paramétriques, avec comme premier exemple, une boucle batterie, qui gagnera à être plus définie.
Les corrections seront relativement légères, pas plus de 3 dB, sauf sur le LF qui monte à 7 dB. Le coupe-bas est réglé sur 75 Hz, la fondamentale de la grosse caisse étant aux alentours de 70 Hz. On entendra d’abord la correction façon série E, puis série G.
Les différences entre les deux modes n’apparaissent pas ici de manière flagrante d’un point de vue fréquentiel (peut-être quelques subtilités au niveau de la phase).
On essaie tout de suite de reproduire la même correction avec le plug UA, qui modélise un Channel Strip série E. Voir la capture C pour les réglages effectués sur l’un et l’autre. On réentendra la version E de Native puis UA.
Sur le UA, les réglages sont moins sollicités pour arriver à un résultat assez proche, et l’image semble moins resserrée, mais là aussi, c’est subtil. Il faut cependant bouger les fréquences, les plugs n’étant visiblement pas calibrés de façon identique.
Pour entendre une différence réelle entre les deux modes chez Native, il faut pousser les réglages, comme ici. E d’abord, G ensuite.
Pour info, voici le type de cloche proposé par les EQ version Native, selon E et G, capture D, avec ces réglages : 2049 Hz/+13,2 dB/Q=2,40. La capture E montre en jaune le « même » réglage sur le plug UA. Notons la confirmation de la différence de calibrage entre les plugs, puisqu’il a fallu centrer le UA sur 2570 Hz pour obtenir la même couverture de fréquences.
Concernant les réponses des deux séries chez Native, on voit que la différence ne tient pas seulement à la largeur de bande, mais aussi au volume. Par acquit de conscience, j’ai aussi mesuré la différence entre les deux en appliquant un offset de 3 dB à l’analyse de la courbe, permettant de rattraper la différence de volume, qui confirme si besoin était la différence de largeur de bande entre les deux modélisations.
Essayons ensuite une EQ en mode série G sur un piano. D’abord le piano d’origine.
Ensuite traité par Native, et par UA (en gardant à l’esprit que UA est censé modéliser une série E).
On travaille réellement dans la finesse, les modifications sont subtiles, avec une tendance à accentuer un peu plus les aigus chez Native. Mais en termes de modification, on peut aussi être un peu plus incisif, sans pour autant rentrer dans la dissection comme certains plugs le permettent. La douceur typique SSL ? Peut-être bien.
Du canal au bus
Commençons par le Solid Dynamics, qui correspond à la section Dynamics de la console originale. On y trouve un compresseur et un expandeur/gate. Native ayant fourni les sections sous forme de plugs séparés, on pourra très facilement placer la section dynamique avant ou après l’EQ. Rappelons que ces choix sont fondamentaux, notamment dans la gestion de la compression. Un compresseur réagissant au signal entrant, on prendra soin d’enlever du signal à traiter les éventuelles fréquences indésirables, notamment ce qui se passe dans le bas, là où l’énergie développée pourrait faire réagir le compresseur de façon intempestive, et dans ce cas EQ avant. Tout comme sur un signal idéal, on pourra avoir envie de rattraper un peu les conséquences de la compression, et dans ce cas EQ après. Et parfois EQ avant et EQ après, ce que permet très facilement le virtuel…
Côté compresseur, on dispose d’un sélecteur Soft/Hard, là où l’original n’était que Soft Knee. Viennent ensuite le Threshold (de –20 à + 10 dB), le Ratio (de 1:1 à l’infini), le Release (de 0,1 à 4 secondes), un sélecteur Fast Attack (permettant de passer sur l’original de 30 ms à 3 ms pour une réduction de 20 dB) et un autre Lin Rel (bascule d’un release logarithmique à un release linéaire). Pas de bouton Make-Up Gain, comme sur l’original la compensation de la perte de gain est automatique.
Au centre se pose un petit vumètre, dont le manque de précision n’est pas vraiment idéal pour ce type de traitement. On continue avec la section Gate/Expand, avec les sélecteurs de fonction, un Threshold (de –30 à +10 dB), un Ratio (de 0 à 40), et un Release (de 0,1 à 4 secondes). Là aussi, un bouton Fast Attack est disponible, faisant passer le temps d’attaque de 1,5 ms à 100 microsecondes…
Enfin, cachés mais dévoilés par le bouton triangulaire, les ultimes réglages, outre le menu déroulant de présets : un bouton de gain d’entrée (+ 10 dB), un bouton Sidechain, un autre pour lier les modifications aux deux canaux (Link L-R), et un fader Dry en plus du Wet pour effectuer de la compression parallèle directement au sein du plug-in, bravo. Bien sûr, il faudra parfois pratiquer cette variante via un bus, en raison de la souplesse ainsi apportée (possibilité d’EQ, etc.).
Le son du plug est assez doux, avec un son relativement transparent, même si avec des temps d’attaque et release courts, le compresseur rajoute des harmoniques, voir la capture F (en blanc le son de base, en rouge, le signal une fois passé dans le compresseur). Voici quelques exemples audio, le premier sur une guitare dont on veut renforcer le côté incisif.
Compressée d’abord, elle est ensuite « gatée » afin de réduire les résonances qui remontent, les transitoires n’étant pas abîmées grâce aux modes Fast Attack.
Continuons avec une voix, qui sera lissée, afin de rendre son déroulé plus linéaire et grignoter quelques dB pour le mix.
Encore une fois, un comportement assez doux, même si le résultat de la compression permet de remonter sensiblement le volume global.
Passons à la boucle de batterie. D’abord seule, puis subissant une compression raisonnable, plus punchy, suivie d’une autre plus créative.
Même à des réglages extrêmes, on reste dans un champ sonore assez doux, loin des destructions que l’on peut obtenir avec d’autres compresseurs. En cela, il est proche de ce que l’on attend d’un élément censé émuler du SSL. C’est vraiment un compresseur de mix, c’est-à-dire un compresseur auquel on ne demandera pas plus de 4 ou 5 dB de réduction de gain.
Dernier petit exemple, un gate façon 80’s, sur la réverbération d’une caisse claire, calé sur le tempo en jouant sur le Threshold et le Release.
Continuons avec le dernier élément de la Solid Mix Series, le compresseur de bus de la série G, encore un élément qui a fait la gloire de SSL. Au menu, un réglage de Threshold (de –20 à + 20 dB), le Ratio (de 1:5 à 10:1, alors qu’on ne trouve sur l’original que trois réglages, 2:1, 4:1 et 10:1), le Release (de 0,1 à 1,6 seconde et mode Auto) et un Make-Up Gain. On y ajoute un vumètre à aiguille directement repris de l’original, plus les boutons cachés Sidechain, Link L-R, Dry et Wet. Des fonctions et réglages en plus, mais manque l’AutoFade, se déclenchant sur un temps réglable, de une à 60 secondes.
Voyons ce qu’il donne sur une batterie, d’abord non traitée, puis version Native et version UA.
Là encore, subtilité plus que gros sabots (même si on peut le pousser, notamment pour la compression parallèle), et comportement attendu, les éléments sont « glued » comme disent les Anglo-saxons. Et on retrouve aussi bien ce type d’action sur le piano des exemples précédents, qu’il rend un peu plus compact. Piano seul, Native et UA pour finir.
Bilan
Native continue son petit bonhomme de chemin avec ses effets dits de studio. Une réverbe à convolution de bonne qualité, Reflektor, des compresseurs vintage plus que corrects, un effet de traitement de transitoires efficace même si légèrement en dessous de son modèle et maintenant cette série inspirée par le parangon de la console, tous sont réalisés avec une certaine réussite.
On retrouve indéniablement le côté doux et subtil des traitements de la marque anglaise, un peu en deçà des copies d’autres éditeurs, mais sans non plus avoir à rougir du son d’ensemble. Des problèmes de calibration parfois, quelques lourdeurs et ralentissements lors de l’utilisation dans Logic (dus à Guitar Rig ?), des vumètres peu précis, le fait que Guitar Rig ne bascule pas automatiquement en stéréo, ou l’activation par défaut du Gate général sont quelques-uns des reproches à formuler.
Sinon, la Solid Mix Series est un moyen de s’habituer à l’approche sonore et aux fonctions de son inspirateur hardware, et offre une couleur supplémentaire dans son arsenal (assez difficile, voire quasi impossible à atteindre avec les plugs inclus dans votre DAW) à un prix raisonnable au regard de ses concurrents logiciels, d’autant que le Guitar Rig 5 Player est toujours gratuit. Le plug Solid Dynamics est un peu au-dessus des deux autres par la réussite de son intégration Compresseur/Gate/Expandeur, qui offre de nombreuses solutions de traitement dans un seul outil, très simple d’emploi.
Indispensable ? Cela dépendra des attentes de chacun. Intéressant à utiliser ? Oui, sans trop de risques de double emploi, sauf à déjà posséder une suite copiant les mêmes éléments et sources.