Aujourd'hui, je vous propose un article consacré à la captation des instruments à cordes, exercice ô combien difficile en situation Home Studio…
Alto et violon
Comme le laisse suggérer le titre de cette section, nous ne traiterons pas ici de la contrebasse et du violoncelle. En effet, si vous me faites l’honneur de suivre cette série depuis le début, vous savez pertinemment que la question de la contrebasse a déjà été réglée lors d’épisodes publiés il y a bientôt quatre ans de cela… Or, afin d’essayer de faire au plus court pour une fois, je vous invite à relire attentivement ces articles puisqu’ils constituent une bonne base de travail pour l’enregistrement du violoncelle. De fait, le gabarit, le registre et la position de jeu de ces deux instruments sont suffisamment proches pour que vous puissiez extrapoler les techniques de prise de son de l’un à partir de celles spécifiques à l’autre.
Ainsi, nous allons plutôt nous concentrer sur le cas de l’alto et du violon. Ces derniers partagent également beaucoup de caractéristiques qui influencent grandement la façon de les enregistrer. Tout d’abord au niveau du registre. L’alto évolue grosso modo entre 130 Hz et 2 kHz, avec des harmoniques montant au-dessus de 5 kHz, alors que le violon navigue entre 196 Hz et 3 kHz, avec des harmoniques dépassant les 15 kHz. Par conséquent, si le bas médium ne pose aucun problème, car peu directif, il faudra bien faire attention dans le haut du spectre puisque ces fréquences se propagent de façon directionnelle.
Ensuite au niveau du gabarit. Le petit format de ces instruments les rend facilement mobiles. Du coup, les altistes et les violonistes ont une plus grande tendance à la bougeotte que leurs collègues violoncellistes et contrebassistes, ce qui ne manquera pas de compliquer la vie de l’apprenti technicien du son.
Forts de ces constats, certains choix s’imposent quant à la captation sonore. Premièrement, afin de limiter l’influence des éventuels mouvements du musicien sur le son enregistré, il convient de placer le micro utilisé suffisamment loin de la source. Un bon point de départ se résume à disposer ledit micro à un bon mètre de l’instrument en dirigeant sa capsule vers la table d’harmonie. En jouant sur cette distance à l’instrument, vous doserez le ratio entre le son d’attaque du frottement de l’archet sur les cordes et le sustain des notes. Notez d’ailleurs au passage qu’un placement trop proche est le principal fautif lorsque le rendu sonne de façon caricaturale avec une tendance au « crin-crin » qui n’a vraiment rien d’esthétique.
Deuxième point d’importance, la qualité de la réponse en fréquences hors axe du micro choisi sera primordiale de façon à éviter les problèmes de changement de timbre tout au long de la prise. Vous n’êtes pas sans savoir que plus un micro est directionnel, moins sa réponse en fréquences hors axe est fidèle, avec notamment un déficit plus marqué dans le haut du spectre. De surcroit, les micros à petit diaphragme sont bien souvent plus stables à cet égard que les modèles à large membrane, surtout en entrée / milieu de gamme. Moralité, mieux vaut privilégier au sein de votre parc micro un modèle omnidirectionnel ou bidirectionnel à petit diaphragme afin d’obtenir une captation la plus constante possible à l’égard du timbre. Croyez-moi sur parole et soyez extrêmement vigilant sur cette question du timbre, cela vous évitera des heures et des heures d’arrachage de cheveux à essayer de rattraper l’irrattrapable à l’occasion du mixage.
Corollaire de ces deux premiers points, la distance de placement ainsi que la directivité du micro employé impliquent une présence relativement marquée de l’empreinte sonore du lieu d’enregistrement au sein du résultat global… Comme d’habitude, l’acoustique de votre Home Studio sera donc le nerf de la guerre lors de l’enregistrement d’un alto ou d’un violon. Il est bien entendu possible de limiter la casse en utilisant quelques astuces que nous allons aborder sur le champ, mais ne vous attendez tout de même pas à des miracles si votre Home Studio résonne comme une salle de bain…
Pour commencer, un micro bidirectionnel judicieusement placé de façon à ce que sa réjection sur les côtés pointe vers les surfaces murales les plus réfléchissantes peut grandement améliorer l’ordinaire. L’usage d’un micro à ruban peut également s’avérer salvateur puisqu’ils sont pour la plupart bidirectionnels et surtout moins agressifs dans le haut du spectre. Le rendu sonore sera donc moins pollué par les réflexions aiguës et, cerise sur le gâteau, votre alto ou votre violon aura un son plus doux, ce qui est souvent un atout en la matière, mais cela dépend bien entendu de l’orientation artistique que vous souhaitez donner à vos cordes au sein du morceau en cours de production.
Autre possibilité : gentiment dompter les mouvements du musicien afin de pouvoir utiliser un cardioïde placé un peu plus proche de la source. Pour ce faire, vous pouvez déjà commencer par demander à l’instrumentiste de jouer assis, ça ne mange pas tant de pain que ça et la plupart se plieront à l’exercice sans rechigner. Ensuite, vous pouvez employer la « demi-ruse » suivante : disposez un micro fantoche légèrement au-dessus du plan de l’instrument à environ quinze centimètres de la jonction entre le corps et le manche, non loin du bras gauche du musicien. Ainsi placé, ce micro devrait être à la périphérie de son regard, ce qui devrait l’inciter à maintenir sa position autant que faire se peut. De plus, il ne s’agit là que d’une « demi-ruse », puisque même si le son capté par ce micro ne sera pas d’une pertinence incroyable la plupart du temps, il pourra s’avérer intéressant lors du jeu en pizzicato, si d’aventure le morceau enregistré en contenait. Pour illustrer mon propos, voici une tentative de schéma avec le micro principal en vert et le micro fantoche en bleu. Merci d’être indulgent avec moi, mes talents d’illustrateur sont loin d’être satisfaisants, j’en suis bien conscient.
Dernière solution à envisager lorsque les conditions d’enregistrement sont loin d’être idéales sur le plan de l’acoustique : l’utilisation de cellules. Pour être parfaitement clair, il s’agit là d’un pis-aller. Le rendu ne sera absolument pas satisfaisant pour des productions tendance classique ou jazz et vous pouvez également oublier les cellules pour toutes musiques où l’instrument aurait un rôle central. Cependant, pour l’habillage de productions « pop » où les cordes ne sont pas à l’avant-scène, cela peut dépanner faute de mieux.
Voilà, avec ces quelques bases, vous devriez pouvoir vous lancer dans la captation des instruments à cordes dans votre Home Studio. Voyons à présent une sélection de micros capables de retranscrire la complexité sonore de ces instruments.
Sélection de micros pour l’enregistrement des cordes
Comme d’habitude, cette sélection n’est d’une part absolument pas exhaustive, car je ne connais bien évidemment pas la totalité des micros existants ; et d’autre part, elle est forcément subjective puisque reflétant mes goûts en matière de captation d’instruments à cordes. Cela étant, elle pourra toujours servir de point de départ aussi valable qu’un autre pour qui débute. Notez également que les lignes qui suivent ne contiennent aucune référence en matière de cellules. Je dois bien avouer que je ne maîtrise absolument pas ce sujet et je serais donc bien en mal de vous de vous aiguiller sur la question. Les rares fois où j’ai eu à me résigner à en utiliser, il s’agissait de cellules appartenant au musicien à enregistrer et je ne suis jamais allé chercher plus loin. Bref, si l’un d’entre vous en sait plus sur le sujet, qu’il n’hésite pas à faire un retour d’expérience dans la section des commentaires de cet article, cela devrait intéresser du monde, à commencer par votre serviteur.
Attaquons donc avec deux statiques omnidirectionnels à petite membrane. Il y a bien entendu l’un de mes chouchous, l’Oktava MK-012, dont le rapport qualité/prix est toujours aussi surprenant. Pour un rendu plus « précis », j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’utiliser des KSM141/SL avec bonheur.
Dans la famille des micros bidirectionnels à ruban, le Royer Labs R-121 est pour moi un « must have » lorsqu’il s’agit de capturer des instruments à cordes. N’ayant pas la chance d’en posséder un moi-même, il m’est arrivé d’utiliser mon SIGMA de Sontronics par défaut sans jamais avoir à en rougir.
Pour finir, voici quelques micros dont l’utilisation sera plus problématique si votre interprète a la bougeotte, mais dont le rendu sonore sur les cordes peut valoir la peine, surtout lorsque l’acoustique du local est pour le moins douteuse. Il y a tout d’abord le fabuleux micro à ruban M160 de Beyerdynamic dont la directivité hypercardioïde et la douceur dans le haut du spectre peuvent vraiment faire des miracles. Pour une pâte sonore plus brillante, l’AKG C451 B est un candidat de choix. En statique à large diaphragme, j’ai obtenu à mes débuts des résultats plus qu’honorables armé d’un Shure KSM32. Enfin, seul micro dynamique de cette sélection, le Sennheiser MD 441 dont l’empreinte vintage peut donner une belle patine « roots » à vos prises tout en restant « classieux », ce qui est tout de même un sacré tour de force !
Bien, c’est tout pour aujourd’hui. Dans le prochain épisode de ce guide de l’enregistrement en Home Studio, nous aborderons la captation des instruments percussifs…