Le bruit est-il vraiment un problème ? Après tout, le souffle des bandes analogiques a quasiment disparu. Et nous possédons maintenant des convertisseurs 24 bits offrant des rapports signal/bruit bien supérieurs à celui d'un CD. Ronflement de faible niveau ? De nos jours, les signaux possèdent des niveaux suffisamment élevés pour couvrir les bruits que les câbles sont susceptibles de reprendre, d'autant plus que le blindage des câbles audio est de plus en plus fiable. Oui, quel monde magnifique que le monde sans bruit...
Mais c’est sans compter sur le ronronnement d’une climatisation, les parasites des micros d’une guitare, l’électronique bruyante d’un piano électrique vintage, la fréquence d’oscillation à 15 kHz d’un écran cathodique ou le bruit incompressible de votre préampli à lampes préféré. Finalement, le bruit continue d’être un problème, et il faut encore faire avec. Voici comment.
Règle d’Anderton relative à la réduction de bruit
Elle tient en une phrase :
« La réduction de bruit fonctionne d’autant mieux que les signaux en ont le moins besoin. »
On peut se débarrasser facilement d’un léger souffle mais il est impossible de supprimer une grande quantité de bruit sans perdre, ou tout du moins altérer, une partie du signal lui-même ; rien ne peut sauver un signal extrêmement chargé en bruit. Et cette loi a un corollaire :
« On réduit le bruit à l’aide de nombreuses petites étapes de traitement, pas en une seule fois. »
Minimisez le bruit chaque fois que c’est possible : supprimez un dB ici, un autre là, chaque réduction s’ajoutant aux autres ; vous finirez certainement par utiliser une combinaison des sept techniques suivantes :
Optimisation du niveau
Comment ça marche : le paramètre le plus important est le rapport signal/bruit puisque tout le monde sait que « plus de signal = moins de bruit ». Le but de l’optimisation du niveau est d’alimenter le système avec le plus de signal possible (sans distorsion).
Comment faire : commencez par les choses simples, par exemple vérifiez que l’atténuateur de votre micro n’a pas été activé par erreur. Si possible, ouvrez entièrement le bouton de volume des instruments (avec les instruments numériques, cela peut aussi améliorer la résolution audio).
Si vous utilisez volontiers l’effet de proximité des micros, sachez que les sources possédant un grave important vous forceront peut-être à baisser le gain d’entrée du préampli micro. Si votre micro possède un filtre coupe-bas, activez-le pour pouvoir augmenter le niveau dans le préampli micro (sauf si cela vous empêche d’obtenir le son voulu, bien entendu). De même, utilisez un filtre anti-pop pour atténuer les « plosives » (consonnes occlusives) qui pourraient causer des problèmes similaires.
Dans le même ordre d’idée, un chanteur gérant bien son éloignement par rapport au micro génère un signal de niveau plus homogène qui permet d’augmenter le gain d’entrée. Enfin, maîtrisez vos instruments de mesure : la LED de surcharge d’un canal de console peut s’allumer lorsque le niveau du signal dépasse zéro ou fonctionner de façon plus traditionnelle en s’activant dès que le signal atteint –6 dB. Surveillez les formes d’onde dans votre logiciel de MAO pour savoir si un phénomène d’écrêtage apparaît lorsque la LED de surcharge s’allume ou si vous pouvez encore pousser le niveau d’un ou 2 dB.
Désavantages : vous ne pourrez augmenter le niveau que dans la mesure où aucune distorsion n’apparaît.
Avantages : pas besoin d’équipements spéciaux pour ces traitements.
Travailler avec des filtres
Comment ça marche : cette technique « brute de décoffrage » utilise un filtre passe-bas à pente raide pour supprimer des fréquences très hautes où l’énergie du souffle tend à s’accumuler. Le son de certains instruments ne possède qu’une faible énergie dans le haut du spectre de sorte que vous pourrez supprimer une partie du souffle sans dégrader exagérément le signal (illustration 1).
De même, un filtre coupe-bas à pente raide peut réduire le bruit basse-fréquence. Le filtre de votre micro ou de votre tranche de console peut ne pas être suffisamment pentu ; il faut au moins 24 dB/octave. Par ailleurs, un filtre notch très étroit à 60 ou 50 Hz (selon le pays où vous résidez) pourra atténuer la fréquence fondamentale d’un ronflement secteur.
Comment faire : insérez un filtre derrière l’entrée du signal. Une variante légèrement plus sophistiquée consiste à enregistrer en favorisant délibérément les hautes fréquences, par exemple en utilisant un micro dont la réponse possède une forte bosse d’apport de présence. Lorsque vous atténuerez légèrement le haut du spectre pour réduire le souffle, le signal retrouvera une réponse en fréquence plus équilibrée.
Désavantages : en supprimant des hautes fréquences, on peut réduire la brillance du son ; en supprimant des basses fréquences, on peut amaigrir le son.
Avantages : vous avez certainement un égaliseur de qualité correcte, donc pas d’investissement nécessaire. Cette technique possède des variantes, par exemple l’utilisation d’un filtre contrôlé par une enveloppe. Ce procédé ressemble au travail avec un noise gate (voir ci-dessous) car l’intensité du traitement dépend du signal d’entrée. Avec un niveau d’entrée élevé, le filtre laisse passer les hautes fréquences. Avec un niveau d’entrée faible, le filtre supprime les hautes fréquences et, normalement, une partie du souffle.
Travailler avec des noise gates
Comment ça marche : pour cette technique traditionnelle, réglez le niveau seuil juste au-dessus du niveau du souffle. Lorsque le niveau du signal source est inférieur au seuil, l’effet ferme la porte (gate) et aucun signal, y compris le souffle, n’atteint la sortie. Dès que le niveau du signal d’entrée passe au-dessus du seuil, la porte s’ouvre pour laisser passer le signal. Le bruit est toujours présent mais il est largement masqué par le signal, à condition que ce dernier possède un niveau suffisant. Certains noise gates (illustration 2) possèdent d’autres fonctions comme le traitement sélectif en fréquence, une option « Lookahead » pour que l’effet se déclenche juste avant le transitoire ou un paramètre de maintien (Hold) définissant la durée d’ouverture minimale de la porte.
Comment faire : placez le noise gate après la sortie du signal à nettoyer. Si la source alimente un préampli à gain élevé ou un compresseur, vous pourrez envisager d’insérer le noise gate avant l’étage de gain pour que le bruit ne soit pas amplifié avec le signal.
Désavantages : étant donné que l’état du noise gate (fermé/ouvert) dépend de l’évolution du niveau du signal, des changements soudains peuvent devenir audibles dans le son. Si le signal tourne autour du niveau seuil, un effet de « hachage » pourra même apparaître en raison des passages répétés d’un état à l’autre du noise gate.
Avantages : augmentez le temps d’attaque pour adoucir la transition de fermé à ouvert et le temps de déclin pour adoucir la transition de ouvert à fermé (et empêcher l’effet de « hachage »). Une autre méthode consiste à appliquer une réduction de niveau d’environ 10 dB plutôt que de laisser la porte du noise gate se fermer totalement. Ainsi, en passant d’un état à l’autre, on alterne entre le bruit existant et un montant de bruit moindre, ce qui permet des transitions plus discrètes.
Travailler avec l’expansion
Comment ça marche : l’expansion est l’inverse de la compression. Sous un niveau seuil donné, la réponse de l’amplificateur n’est plus linéaire de sorte qu’une faible baisse du niveau d’entrée entraîne une forte réduction du niveau de sortie. Pour l’atténuation du bruit, le résultat ressemble à celui obtenu avec un noise gate car des portions de souffle sont confinées à la partie basse de la plage dynamique.
Comment faire : l’expansion fait généralement partie des processeurs de contrôle de la dynamique qui possèdent une section de compression. Pour réduire le souffle, choisissez un niveau seuil juste au-dessus du niveau du souffle puis utilisez un Ratio très élevé, par exemple 10:1 ou plus. Ainsi, chaque diminution relativement faible du niveau d’entrée engendre une forte baisse du niveau de sortie (illustration 3).
Désavantage : lorsque le niveau du bruit est relativement élevé, l’expansion engendre des problèmes similaires à ceux des noise gates.
Avantages : les expanseurs possèdent généralement des réglages d’attaque et de déclin (Decay) qui permettent d’obtenir un traitement plus naturel.
Travailler avec la compansion
Comment ça marche : à l’époque des bandes analogiques, la compansion (compression/expansion) était le saint Graal en matière de réduction du bruit. Cet effet compresse le signal avant qu’il passe par un étage bruyant (une bande par exemple). En sortie de bande, le signal est expansé pour restaurer la dynamique d’origine. Ce faisant, le souffle ajouté par la bande est réduit par l’expansion (voir ci-dessus). Par exemple, le système de réduction de bruit dbx ajoutait une compression de 2:1 et une amplification des hautes fréquences du signal entrant. En sortie, il ajoutait une expansion de 1:2 et une atténuation des hautes fréquences proportionnelle à l’augmentation appliquée auparavant.
Comment faire : câblez le compresseur en entrée et l’expanseur en sortie. Pensez à calibrer soigneusement les niveaux sans quoi la compression et l’expansion ne se compenseront pas parfaitement.
Désavantages : parfois, on remarquait un « bruit de modulation » dans le signal ; avec des niveaux mal calibrés, le son tendait à « vaciller » ou à « onduler ». Et lorsque qu’une bande était encodée avec un système de réduction de bruit donné, il fallait un lecteur équipé de ce même système pour pouvoir lire la bande.
Avantages : grâce à l’enregistrement numérique, la réduction de bruit à base de compansion a disparu bien que ses principes survivent dans certains effets guitare et autres équipements analogiques bruyants.
Utiliser l’automation
Comment ça marche : cette méthode de réduction du bruit spécifique aux logiciels de MAO rappelle l’utilisation d’un noise gate. Contrairement au noise gate, qui fonctionne automatiquement, l’automation vous permet de choisir manuellement les moments où le flux de signal est « muté » (muet) et d’ajouter des fondus d’entrée/sortie (fades in/out) pendant les passages bruyants. Cette technique peut donner de très bons résultats.
Ill. 4 : courbe d’automation du volume dans MOTU Digital Performer. Remarquez les temps de fondu courts pour faciliter les transitions entre le silence et le signal.
Comment faire : observez la forme d’onde et créez les mouvements d’automation requis. Aux endroits où le signal musical s’éteint et le bruit apparaît, dessinez la courbe d’automation de sorte qu’elle fasse un fondu de sortie vers le silence, interrompe le signal pendant toute la durée du passage contenant le bruit, puis fasse un fondu d’entrée lorsque le signal réapparaît.
Désavantages : si votre projet comporte de nombreuses pistes à nettoyer, cette méthode manuelle vous prendra beaucoup de temps.
Avantages : grâce à des options proches des paramètres d’un noise gate, certains programmes permettent d’automatiser le processus en convertissant en silence les portions de signal dont le niveau est inférieur à un seuil donné. Cependant, cette technique possède les mêmes limites que les noise gates. Pour gagner du temps, on pourra automatiser la commande Mute en temps réel pendant la lecture du morceau, mais le résultat ne sera pas aussi précis qu’en dessinant des courbes d’automation.
Utiliser les traitements numériques
Comment ça marche : iZotope, Algorithmix, Waves, Sony, BIAS, Steinberg et beaucoup d’autres proposent des solutions logicielles autonomes ou sous forme de plugins qui utilisent des algorithmes sophistiqués pour analyser et supprimer le bruit. Il peut s’agir de souffle, de craquements, de pops, des grésillements d’un disque vinylique, d’un ronflement ou d’un bruit sourd.
Comment faire : ouvrez le programme, chargez le fichier audio à traiter, ajustez les paramètres pour obtenir le meilleur résultat possible puis enregistrez la version nettoyée. Ou bien, insérez un plugin et nettoyez le fichier.
Désavantages : le coût. Certains éditeurs audio, notamment Adobe Audition et Steinberg Wavelab, possèdent des outils de réduction du bruit. Les solutions séparées peuvent coûter plusieurs centaines d’euros. En outre, les nettoyages excessifs peuvent produire des artefacts audibles.
Avantages : les meilleurs de ces logiciels peuvent donner des résultats miraculeux.
Procédez de façon empirique et basez-vous sur votre expérience pour savoir quelles techniques donnent les meilleurs résultats dans une situation donnée. Persévérez et vous serez surpris par le montant de réduction de bruit atteint en utilisant les outils adaptés.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.