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Test du NF-1 de Modor Music - Digital original

8/10

Cette année, il pleut des synthés. En plein revival analogique, une jeune société belge lance son premier synthé, numérique de la tête aux pieds. Voyons jusqu’où va l’originalité…

« Vous devriez visi­ter Anvers, rien que pour l’en­droit », disait Coluche. C’est là qu’est née la société Modor Music, dont le tout premier produit vient tout juste d’être lancé : le NF-1, un synthé numé­rique au format module rackable. Pour commer­cia­li­ser la machine, Modor a fait appel à www.turn­lab.be, bien connue des amateurs de synthés d’hier et d’aujour­d’hui. Lancer un synthé numé­rique en plein revi­val analo­gique est un peu culotté, surtout quand c’est un premier essai. Mais c’est en ligne avec l’am­bi­tion de faire quelque chose de nouveau. Les grands fabri­cants ont plutôt tendance à amor­tir leur R et D sur de longues périodes, si bien que la plupart des nouveau­tés ont un goût de déjà enten­du… Mais avec le NF-1, c’est tout le contraire, puisque sa raison d’être le pousse déli­bé­ré­ment à s’écar­ter des stan­dards, que ce soit pour le look, la concep­tion ou les sono­ri­tés. Alors, écou­tons cette nouvelle histoire belge, en espé­rant qu’elle soit bien bonne…

Candi­dat sérieux

Lorsque nous avons reçu le NF-1, nous avons tout de suite été impres­sion­nés par la taille et le poids de la machine : 48 × 27 cm pour 5,8 kg, c’est du lourd ! La carcasse est entiè­re­ment métal­lique, en acier plié peint en blanc et noir. Cela inspire confiance d’em­blée.

Modor Music NF-1

Le panneau avant est large et géné­reux, avec pas moins de 44 rota­tifs (dont un poten­tio­mètre volume/inter­rup­teur secteur et un enco­deur cranté) et 20 boutons pous­soirs. Les commandes sont nombreuses, bien dimen­sion­nées et idéa­le­ment espa­cées ; leur posi­tion­ne­ment oblique étonne un peu, mais ne nuit pas au plai­sir de les tripo­ter ; cela contraste avec la rigueur extrême du place­ment des poten­tio­mètres du Domi­nion 1, qui nous rendait visite en même temps (lui, c’est pour les amateurs d’angles droits, surtout ceux à 90 degrés…). Les poten­tio­mètres sont garnis d’un capu­chon en plas­tique léger, qui recouvre un axe métal­lique très sensible à la rota­tion : certains lui trou­ve­ront une résis­tance trop faible ; il y a 3 tailles de poten­tio­mètres (suivant la fréquence poten­tielle d’uti­li­sa­tion ou le degré d’im­por­tance), la plus grande étant vrai­ment grande. Les boutons pous­soirs, façon Matrix-12/Modal 002, sont de qualité. Les textes séri­gra­phiés en noir sur fond blanc auraient gagné à être plus gras, pour une meilleure visi­bi­lité. En partie supé­rieure droite, on trouve un affi­cheur rétro-éclairé 2 × 16 carac­tères, qui sert à visua­li­ser le nom des programmes, les para­mètres en cours de modi­fi­ca­tion et les commandes cachées (nous y revien­drons en détail).

Modor Music NF-1

Ques­tion posi­tion de jeu, c’est fromage et dessert chez Modor, puisque le NF-1 est livré (en plus du manuel en anglais très bien fichu) avec des flancs en bois et des équerres métal­liques ; on peut donc l’ins­tal­ler indif­fé­rem­ment à plat ou dans un rack 6U. Les vis four­nies sont un peu cheap et le frai­sage des flancs en bois aurait pu être plus soigné. Le NF-1 s’in­tègre parfai­te­ment dans un rack, puisque le construc­teur a eu l’ex­cel­lente idée de placer toute la connec­tique sur un panneau en retrait. Connec­tique d’ailleurs très rudi­men­taire : sorties gauche/droite stéréo niveau ligne (mais pas de sortie casque), duo de prises pédales (main­tien et volume/modu­la­tion), trio MIDI et borne pour alimen­ta­tion externe de type bloc à l’ex­tré­mité (9V/600 mA). Propo­ser une alimen­ta­tion externe simpli­fie la vie, mais c’est une faute de goût, vu la haute qualité de la machine. Les possi­bi­li­tés MIDI sont complètes, puisqu’on peut émettre/rece­voir tous les CC utili­sés par les para­mètres internes, dumper les programmes et mettre à jour l’OS. À l’in­té­rieur du Modor, c’est du DSP56725 de chez Frees­cale (ex Moto­rola) : la machine est 100 % numé­rique et c’est parfai­te­ment assumé par le construc­teur (cf. inter­view en fin de test). 

Sous la main

L’un des argu­ments de vente du NF-1 est sa géné­reuse façade couverte de commandes. La prise en main est fran­che­ment immé­diate pour toute mani­pu­la­tion directe. Nous l’avons dit, les commandes sont bien dimen­sion­nées, bien espa­cées et bien clas­sées. L’écran reflète le nom et la valeur du para­mètre en cours d’édi­tion, que ce soit une commande interne, un contrô­leur qui bouge ou un CC MIDI reçu (excel­lente idée pour ce dernier cas, on comprend tout de suite ce qu’il se passe venant de l’ex­té­rieur, ce qui fait du NF-1 un excellent analy­seur de CC MIDI). Dommage que les poten­tio­mètres ne fonc­tionnent qu’en mode saut, mais c’est déjà sur la liste du futur OS. Le NF-1 étant déci­dé­ment origi­nal (et nous aurons encore l’oc­ca­sion de le consta­ter), quelques détails ergo­no­miques sont bons à mention­ner : lorsqu’une section comprend plusieurs modules qui partagent les mêmes commandes (oscil­la­teurs, enve­loppes), on trouve des sélec­teurs : habi­tuel­le­ment, la sélec­tion est exclu­sive (appuyer sur [OSC2] sélec­tionne l’OSC2 et désélec­tionne celui précé­dem­ment sélec­tionné) ; pas sur le NF-1 : sélec­tion­ner un tel para­mètre le cumule avec le ou les autres de la même espèce, si bien que tous les para­mètres communs sont édités en même temps ; inutile de dire qu’on a vite fait de ruiner ses réglages en deux temps trois mouve­ments. Modor devrait peut-être recon­si­dé­rer la chose, en acti­vant par défaut le mode d’édi­tion exclu­sive et en permet­tant l’édi­tion commune lorsqu’on appuie simul­ta­né­ment sur plusieurs sélec­teurs de modu­les…

Modor Music NF-1

Si on joue l’es­sen­tiel du temps avec les commandes en façade, il est parfois néces­saire de passer par les menus. Et là ça se gâte : le prin­cipe est de choi­sir une page menu avec la touche idoine et de l’édi­ter avec les 2 rota­tifs à gauche de l’écran (enco­deur et poten­tio­mètre). Jusque-là, tout va bien. Mais pour entrer dans une des 9 pages menu, c’est comme au ball-trap : on appuie sur la touche [Menu] et on a une seconde pour appuyer de nouveau dessus pour chan­ger de page. Si on rate la page cible, on recom­mence ! Jamais vu un truc aussi capil­lo­trac­té… Les 9 menus concernent le char­ge­ment d’un programme, sa sauve­garde, son nom, son initia­li­sa­tion (merci), l’ac­cès aux para­mètres de synthèse addi­tion­nels, l’ac­cès aux para­mètres système (canal MIDI, accor­dage global, filtrage des Program Change/CC/Sysex), le réglage des formants du filtre (nous y revien­drons), le tempé­ra­ment du programme (+/- un quart de ton pour les 12 notes d’une octave) et l’en­voi du (des) programme(s) via Sysex MIDI. On peut chan­ger de programme sans effa­cer le patch en cours d’édi­tion, c’est pratique pour compa­rer les sons (quand on a compris comment bien utili­ser le menu de char­ge­ment). Il n’y a pas de mode Panel reflé­tant la posi­tion physique des commandes (c’est à l’étude). Les para­mètres de synthèse addi­tion­nels sont le pano­ra­mique, le volume du patch, la vitesse du LFO (normal/rapide), la source de la modu­la­tion du Pitch par le LFO (LS&H, S&H, LFO2, LFO1) et le mode de jeu (Poly, Mono, Legato). Dommage d’avoir planqué ici le volume et le pano­ra­mique de patch ! Tout bien réflé­chi, de 9 menus, on pour­rait aisé­ment réduire à 3 : les para­mètres de synthèse addi­tion­nels (ceux cités grou­pés avec les formants du filtre et le tempé­ra­ment), la gestion des programmes (char­ge­ment, sauve­garde/nom, initia­li­sa­tion, dump) et les para­mètres système globaux.

Terri­toires inso­lites 

Modor Music NF-1

Le NF-1 permet de créer une palette sonore assez vaste, allant des nappes planantes aux percus­sions FM, en passant par les évolu­tions harmo­niques subtiles et les ambiances flûtées. Il y a 448 mémoires réins­crip­tibles (14 banques de 32 sons). Par la variété de timbres qu’il peut géné­rer et les possi­bi­li­tés de modu­la­tion, le NF-1 rappelle plusieurs synthés, tout en conser­vant une iden­tité propre : il excelle dans les sono­ri­tés FM type DX, les textures addi­tives type K5000 et les évolu­tions vecto­rielles type SY35. Autant de machines à la program­ma­tion complexe voire catas­tro­phique, là où le NF-1 est beau­coup plus facile à domp­ter, avec l’im­mense majo­rité de para­mètres direc­te­ment sous la main. En y réflé­chis­sant bien, peut-être que le Fizmo d’En­so­niq (un OVNI lui aussi) serait la machine dont le NF-1 se rappro­che­rait le plus, que ce soit au plan sonore ou ergo­no­mique.

On peut aussi créer des sons de cordes ou de cuivres, mais ils ont moins d’im­pact, de présence et de rondeur que ceux créés sur des synthés VA type Nord, Nova­tion, Roland ou Korg. La même impres­sion que nous avait laissé le Blofeld, en fait. À tel point que nous avons souvent abusé du poten­tio­mètre de drive, pour redon­ner du mordant et du niveau audio (après tout il est là pour cela). De même, les basses claquantes typées Moog ne sont pas le domaine de prédi­lec­tion du NF-1. Mais n’est-ce pas cela qu’on cherche, un son alter­na­tif issu d’une program­ma­tion paisible ? La section effets joue bien son rôle d’em­bel­lis­se­ment sonore, parfai­te­ment inté­grée, en parti­cu­lier le chorus qui apporte une belle largeur stéréo. Comme toute machine numé­rique, une recherche d’ar­te­facts type alia­sing ou quan­ti­fi­ca­tion s’im­pose : le NF-1 se comporte bien tant qu’on ne fran­chit pas un certain seuil de fréquence lors d’in­ter­mo­du­la­tions audio ; sinon, gare aux borbo­rygmes, gargouillis et autres gémis­se­ments numé­riques. Quant aux effets de quan­ti­sa­tion, on les entend sur la coupure du filtre à réso­nance élevée ; cela se limite toute­fois au manie­ment du poten­tio­mètre, car les modu­la­tions via les enve­loppes ou les LFO sont tout à fait lisses.

01 AttackS­trg
00:0000:42
  • 01 AttackS­trg 00:42
  • 02 Bonx Bass 00:41
  • 03 Disto4 00:23
  • 04 ModW Bibbr 00:20
  • 05 RDV2 00:16
  • 06 Ring Pad 00:22
  • 07 PWMPWM 00:47
  • 08 Stabs Dry 00:20
  • 09 Stabs Chorus 00:19
  • 10 Stabs Chorus Delay 00:20
  • 11 Twinkles 00:38
  • 12 Fluty 00:33
  • 13 EP 00:18
  • 14 Voice Bed 00:30
  • 15 Voice Solo 00:22
  • 16 Ze Horror 00:27

Moteur V8

Le NF-1 est capable de géné­rer une poly­pho­nie de 8 voix tota­le­ment numé­riques. La sortie est en 16 bits/44 kHz, mais le moteur interne tourne prin­ci­pa­le­ment en 24 bits (même 48 bits dans le filtre à formants). La machine est hélas mono­tim­brale et il semble que cela restera ainsi.

Modor Music NF-1

Chaque voix consiste en une chaîne d’os­cil­la­teurs, filtres, ampli et effets, avec un bon paquet de modu­la­tions. Comme nous allons le voir, les modules font preuve d’ori­gi­na­lité et de person­na­lité qui font sortir le NF-1 des sentiers battus. Chaque voix possède 3 oscil­la­teurs en tous points iden­tiques, 1 géné­ra­teur de bruit et 1 modu­la­teur en anneau. Les ondes sont calcu­lées en temps réel. Chaque oscil­la­teur peut géné­rer 10 ondes distinctes (non cumu­la­tives) : on retrouve, en entrée, les 3 grands clas­siques de la synthèse sous­trac­tive (triangle, impul­sion et dent de scie) parce qu’elles le valent bien ; leur contenu harmo­nique est variable et modu­lable. S’en­suit une onde auto­syn­chro­ni­sée carrée, qui ne consomme donc pas d’os­cil­la­teur supplé­men­taire, bien vu ! Les 6 ondes suivantes sont un peu plus barrées, avec un spectre variable et modu­lable. À commen­cer par 3 ondes de bruit : Sonar­noise est un bruit passé dans un filtre passe-bande dont on peut modu­ler la réso­nance ; Wind­noise est un bruit de souffle passé dans un filtre en peigne dont on peut atté­nuer les fréquences basses ; Arca­de­noise est une émula­tion de la puce SID équi­pant les jeux d’ar­cade des 80’s.

Viennent ensuite 2 ondes FM (FM et Feed­back FM) compo­sées de 2 sinus (un porteur et un modu­la­teur), dont on peut régler indé­pen­dam­ment le ratio en multiple de la fonda­men­tale (jusqu’à 8x la fréquence fonda­men­tale pour le porteur et 16x pour le modu­la­teur), comme sur un DX (exemples de ratios : 1:2, 3:1, 8:7, 4:13…) ; l’onde Feed­back FM possède une boucle de feed­back addi­tion­nelle sur le modu­la­teur. Vient enfin une onde addi­tive, où les harmo­niques sont ajou­tées à diffé­rents rangs multiples de la fonda­men­tale (1, 2, 3, 4… jusqu’à 16 fois la fréquence – avec déca­lage possible du rang harmo­nique initial de 1 à 8). Pour chaque onde, on peut ajus­ter la hauteur (réglage gros­sier sur +31/-32 demi-tons et fin sur +/-1 demi-ton) et la varia­tion (largeur d’im­pul­sion, pitch de l’onde synchro­ni­sée, filtrage interne, FM, contenu harmo­nique… tout ça dépend du type d’onde initial). Cette varia­tion est modu­lable par le LFO1 et les enve­loppes (ENV1 > OSC1, ENV2 > OSC2 et ENV3 > OSC3). Le pitch global (3 oscil­la­teurs) est modulé par l’en­ve­loppe 1 et une source LFO à choi­sir dans le menu (diffé­rents LFO ou un S&H). Le géné­ra­teur de bruit est de couleur blanche et la modu­la­tion en anneau concerne les oscil­la­teurs 2 et 3. Les 5 sources sont ensuite mélan­gées dans un mixeur avant d’at­taquer, ensemble, les filtres. 

Parole de filtres

Modor Music NF-1

La section filtres du NF-1 est l’un des points forts de la machine. Elle a été tout parti­cu­liè­re­ment soignée. On dispose de 2 filtres indé­pen­dants, confi­gu­rables en série ou en paral­lèle. On commence par un filtre à formants haute réso­lu­tion, plutôt rare sur un synthé maté­riel. Le dernier que nous ayons testé était celui du Sola­ris. Mais le NF-1 va plus profond dans ce domaine, tout en permet­tant une édition aisée. Le prin­cipe est d’ac­cen­tuer certaines fréquences audio pour géné­rer des voyelles. Le filtre à formants du NF-1 est basé sur 3 posi­tions de voyelles program­mables, entre lesquelles on peut faire du morphing, à la main ou via des sources de modu­la­tion. Pour ne pas partir de zéro, la machine offre 10 voyelles pré-program­mées (pour ceux que ça inté­resse, le manuel, télé­char­geable sur le site du construc­teur, donne les tables de fréquences des 4 formants utili­sés pour chaque voyelle) ; mais on peut aussi fabriquer son propre trio de voyelles, en para­mé­trant le niveau global et les 4 fréquences de formant (via le menu). La posi­tion entre les 3 voyelles peut être direc­te­ment modu­lée par le LFO3 ou l’en­ve­loppe 3 (modu­la­tions bipo­laires), mais aussi via une matrice dont nous repar­le­rons. On peut doser entre le signal envoyé dans le filtre et le signal direct ; là encore, c’est modu­lable. Ce filtre a été parti­cu­liè­re­ment soigné, avec sa réso­lu­tion de 48 bits permet­tant d’as­su­rer une qualité tip top ; un compres­seur/limi­teur auto­ma­tique permet de main­te­nir le filtre en place lorsqu’il devient instable, une déli­cate atten­tion pour nos oreilles et nos gamelles. Les résul­tats permettent une nouvelle fois de sortir des sentiers battus, quand on commence à faire évoluer les fréquences en temps réel.

Le second filtre est de type multi­mode réso­nant à 2 pôles. Il offre les modes passe-bas, passe-bande, passe-haut et Notch. La réso­nance va jusqu’à l’auto-oscil­la­tion, où elle produit une onde sinus non sifflante, sans alia­sing, tant que les formes d’onde ne sont pas tour­men­tées ou que le drive n’est pas élevé (sinon le filtre se met à hurler). En ajus­tant le suivi de clavier, on peut jouer avec la réso­nance seule. Pous­ser la réso­nance n’écrase pas les autres fréquences présentes. La fréquence de coupure est direc­te­ment modu­lable par le suivi de clavier, le LFO2 et l’en­ve­loppe 2 (modu­la­tions bipo­laires). Les 2 filtres peuvent être routés en série ou en paral­lèle. En série, la sortie du mixeur des oscil­la­teurs est routée vers le filtre à formants ; le para­mètre Mix de ce filtre permet de doser la partie du signal filtré/non filtré, la somme de ces deux signaux passant alors dans le filtre multi­mode 2 pôles. En mode paral­lèle, la sortie du mixeur est envoyée aux 2 filtres, qui traitent sépa­ré­ment le même signal ; le para­mètre Mix dose la balance des signaux à la sortie des deux filtres. Tous les mixages sont modu­lables. Le signal passe ensuite par la section ampli, où il peut être accen­tué par un Drive final ; on peut égale­ment doser le volume et le pano­ra­mique, dommage que ce soit via le menu. Comme nous l’avons dit rapi­de­ment, les 8 voix peuvent être jouées en mode Poly, Mono ou Legato. Le mode Mono ne coupe pas les segments de Release d’en­ve­loppe. Un poten­tio­mètre Glide permet d’ajus­ter le temps de porta­mento entre les notes ; il fonc­tionne dans tous les modes de jeu des voix, donc en poly­pho­nie, en mono perma­nent et en mono unique­ment lorsque les notes sont liées. Sympa… 

Modu­la­tions matri­cielles

Le NF-1 permet de modu­ler l’en­semble de ses para­mètres conti­nus. Pour cela, on dispose des contrô­leurs physiques, des CC MIDI, de 3 LFO, d’un S&H et de 4 enve­loppes. Les LFO travaillent dans une large plage de fréquences : de 0,1 à 10 Hz en mode normal et de 2 à 200 Hz en mode High, vivent les modu­la­tions audio ! Les 2 premiers LFO offrent des ondes triangle, dent de scie, carrée et sinus. Le LFO1 est indé­pen­dant pour chaque voix. Le LFO2 peut être synchro­nisé à l’hor­loge MIDI. Le LFO3 est un vibrato trian­gu­laire dont l’am­pli­tude est assi­gnée à la molette de modu­la­tion. Enfin le géné­ra­teur de S&H crée des paliers aléa­toires ; il est assi­gnable via la matrice, dont nous n’al­lons plus tarder à parler, et le menu… Dans le menu, on peut bascu­ler en mode LS&H, un S&H dont les paliers sont adou­cis.

Modor Music NF-1

Pour­sui­vons avec les enve­loppes. Le Modor en offre 4, pré-assi­gnées au Pitch, au filtre multi­mode, au filtre à formants et à l’am­pli. Elles sont bien sûr toutes réas­si­gnables via la matrice dont nous allons vrai­ment finir par parler… Elles sont de type 4 temps (T)/3 niveaux (L), ce qui en complique un peu l’uti­li­sa­tion. Heureu­se­ment, les 7 para­mètres sont direc­te­ment acces­sibles en façade, avec des plus gros boutons pour les ADSR. En réglant T2 à zéro et L1/L2 à 127, on se retrouve en ADSR. Nous avons trouvé ces enve­loppes un peu molles ; on contourne ce problème en auto-modu­lant les temps d’en­ve­loppe via la matrice, mais ça ne le fait pas assez et ça mange un cordon ; il faudrait un mode Boos­ter (comme sur la vitesse des LFO) pour pouvoir créer des sons qui déboitent plus. Des possi­bi­li­tés de bouclage d’en­ve­loppes seraient aussi les bien­ve­nues…

On finit en apothéose avec la matrice de modu­la­tion à 7 cordons virtuels, permet­tant de relier 7 sources (parmi 16) à 7 desti­na­tions (parmi 59) avec quan­tité d’ac­tion bipo­laire. Ceci se fait rapi­de­ment grâce aux 3 boutons et 2 rota­tifs autour de l’écran. Les sources sont les 3 LFO, les 4 enve­loppes, la vélo­cité, le suivi de clavier, la molette de modu­la­tion, le Pitch bend, la pédale de volume (ou CC#7 MIDI), un géné­ra­teur aléa­toire, le S&H, le LS&H (expliqué ci-dessus) et la pres­sion. La liste des desti­na­tions est impres­sion­nante : le Pitch de chaque oscil­la­teur ou le Pitch global, les varia­tions d’os­cil­la­teur, leurs niveaux, le volume, le pano­ra­mique, la fréquence du filtre, sa réso­nance, la posi­tion du filtre à formant, son mix, le Drive, le volume du modu­la­teur en anneau, tous les para­mètres de toutes les enve­loppes, la vitesse des LFO et du S&H, les harmo­niques du porteur et du modu­la­teur FM et tous les para­mètres d’ef­fets… bref, tous les para­mètres conti­nus de la machine ! Il y a telle­ment de para­mètres sympa­thiques à modu­ler dans le NF-1 qu’on aime­rait vrai­ment avoir plus de cordons, genre 16. D’au­tant qu’il n’y a ni arpé­gia­teur ni séquen­ceur, alors siou­plait Monsieur Modor ! 

Effets doubles

Modor Music NF-1

De nos jours, les synthés numé­riques intègrent pour la plupart une petite section effets. Le NF-1 ne déroge pas à la règle, avec deux effets sépa­rés : un chorus/flan­ger stéréo et un délai. Le chorus/flan­ger est un filtre en peigne modulé, qui prend le signal et l’ajoute plein de fois avec un court délai (quelques centièmes de seconde), la vitesse du délai étant modu­lée par un LFO. Sur le NF-1, on peut direc­te­ment régler la balance Wet/Dry, le temps de délai, la profon­deur de modu­la­tion, la vitesse de modu­la­tion et le feed­back (posi­tif/néga­tif). Le second effet est un délai mono. On peut direc­te­ment régler la balance Wet/Dry, le temps de délai (jusqu’à 750 ms), le feed­back (pour accen­tuer le nombre de répé­ti­tions et leur volume), le filtre (type passe-bas 1 pôle pour atté­nuer les aigus comme sur un écho à bande) et la synchro­ni­sa­tion à l’hor­loge MIDI. Lorsque cette dernière est acti­vée, le poten­tio­mètre [Time] règle la divi­sion tempo­relle, de 1/2 à 1/16e de notes. Dommage qu’il n’y ait pas de réverbe, mais mieux vaut pas de réverbe qu’une mauvaise réverbe. Ici, on a la qualité, en parti­cu­lier le chorus bien utile pour réchauf­fer et élar­gir certains types d’ondes.

Vœux de succès

Le NF-1 est un OVNI dans notre galaxie synthé­tique. Avec ses boutons dispo­sés en oblique, ses oscil­la­teurs singu­liers, son filtre à formants peu courant et ses modu­la­tions souples, ce géné­reux module étonne par ses sono­ri­tés origi­nales et variées : un peu de VA certes, mais aussi un mélange de FM, d’ad­di­tif et de spectres. On peut à juste titre lui repro­cher le moteur mono­tim­bral, tout comme l’ab­sence d’ar­pé­gia­teur, de séquen­ceur ou d’en­trée audio ; mais c’est sur l’er­go­no­mie des menus que le NF-1 doit surtout progres­ser. Bref, pour celui qui veut sortir du sempi­ter­nel VA avec un instru­ment inso­lite, sympa à utili­ser et bien construit, le NF-1 est à consi­dé­rer sérieu­se­ment. Nous lui souhai­tons le franc succès qu’il méri­te…

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  • Modor Music NF-1
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Inter­view de Marcel Belmans, fonda­teur de Modor Music

Lors de notre test, nous avons beau­coup appré­cié l’hu­mi­lité et la dispo­ni­bi­lité de Marcel Belmans, 36 ans, fonda­teur de la société Modor Music et concep­teur du NF-1. Il a genti­ment et rapi­de­ment répondu à nos ques­tions. En plus, il s’est donné la peine de commu­niquer avec nous dans un excellent français, alors qu’il est néer­lan­do­phone (mais c’est bien connu, les Néer­lan­do­phones savent parler toutes les langues !).

AF: Marcel, pouvez-vous nous présen­ter Modor?

MB : la société Modor Music est une toute petite et toute nouvelle entre­prise belge ! Elle a commencé à commer­cia­li­ser son premier synthé, le NF-1, en mars 2015. Nous sommes basés à Anvers, en Belgique. Le nom Modor m’a été proposé par une amie qui a dessiné un premier concept du logo en partant de ce mot. Le mot « Modór » est un vieux mot germa­nique qui signi­fie « Source » ou « Origine » (même racine que « Mother » en anglais ou « Moeder » en néer­lan­dais). Une source de son, une source d’ins­pi­ra­tion, c’était déjà pas mal, non ? Puis j’ai pensé à ce que je voulais créer : des instru­ments très tactiles pour encou­ra­ger la créa­ti­vité dans la concep­tion de nouveaux sons, qui permettent de modi­fier et modu­ler des sons. D’où l’idée de « Sound Modi­fi­ca­tor » – « Sound Modu­la­tor » – « Sound Modor ». 

AF: Qui sont les fonda­teurs et quel est leur parcours avant Modor?

MB : je suis le seul membre de la société Modor, mais je travaille beau­coup avec Maks Konings de Turn­lab. Maks s’oc­cupe de la partie commer­ciale, avec son gros carnet d’adresses de profes­sion­nels (et aussi de moins pro, tout le monde est le bien­venu) dans le monde de la musique élec­tro­nique. Moi, je suis un ingé­nieur, mais pas en élec­tro­nique ou infor­ma­tique, un ingé­nieur géologue. Mais les cours de base d’élec­tro­nique et infor­ma­tique étaient suffi­sants pour faire le reste en auto­di­dacte.

AF: Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la concep­tion d’un synthé?

MB : à chaque période de ma vie, j’ai toujours eu une acti­vité à côté de mon acti­vité « offi­cielle », que ce soit à l’école, pendant les études, au travail… pour stimu­ler la créa­ti­vité. J’ai toujours voulu créer quelque chose par moi-même, avec la liberté d’en faire ce que je voulais. Je jouais de la musique, je construi­sais mes propres petits appa­reils élec­tro­niques, je déve­lop­pais un synthé sur ordi­na­teur… puis un jour, j’ai rassem­blé toutes mes acti­vi­tés. Et j’ai vu que le déno­mi­na­teur commun, c’était la créa­tion d’un synthé à part entière. 

AF: Que signi­fie NF dans NF-1?

MB : « Noises & Formants » ; ce sont les deux aspects du NF-1 les plus diffé­ren­cia­teurs par rapport aux synthés « clas­siques ». Il y a les trois formes d’ondes de type bruit spec­tral, permet­tant de créer des couches qui apportent un certain grain au son ; et il y a le filtre à formants. Ce type de filtre exis­tait déjà avant, évidem­ment, mais on ne trouve nulle part un filtre à formants si facile à utili­ser et si intui­tif. 

Modor Music NF-1

AF: En ces temps de revi­val analo­gique, pourquoi avoir choisi la voix numé­rique?

MB : je ne voulais pas amélio­rer les synthés exis­tants, je voulais faire quelque chose de tout nouveau. Et pour cela, j’ai vu plus de poten­tiel dans le domaine numé­rique. J’ai l’im­pres­sion qu’à une certaine époque, on a arrêté le déve­lop­pe­ment de nouvelles formes de synthèses numé­riques alors qu’on était encore loin d’en avoir atteint le bout. Mais tous les musi­ciens se détour­naient vers les vieux synthés analo­giques. Je me suis toujours demandé si c’était parce qu’on n’ai­mait pas le son des instru­ments numé­riques… Ou plutôt parce qu’on n’ai­mait pas le fait qu’ils étaient impos­sibles à program­mer… Un seul contrô­leur et quatre boutons sur le panneau pour navi­guer dans de vastes systèmes de menus, avec des centaines de para­mètres, sur un petit écran de deux lignes ! Pensez aux synthés FM de Yamaha, au Korg M1, à l’E-mu Morpheus… Évidem­ment beau­coup de gens préfèrent le son analo­gique, mais je suis sûr qu’il y a des gens qui ont tourné le dos au numé­rique par frus­tra­tion, parce que ces instru­ments étaient inuti­li­sables. On se conten­tait de jouer les presets d’usine, avec leur son poli par des super ingé­nieurs du son, mais pas toujours musi­ciens ! Moi je ne veux pas avoir à dire où est le meilleur entre le son analo­gique et le son numé­rique. Cette ques­tion n’a aucun sens, et il n’y aura jamais de réponse défi­ni­tive. Mais à ce jour, je vois plus de poten­tiel de déve­lop­pe­ment dans le domaine numé­rique.

AF: Qu’est-ce qui fait du NF-1 un synthé unique en son genre?

MB : à la base c’est plus ou moins un synthé VA, mais qui n’es­saie pas d’imi­ter le son analo­gique. Je suis allé cher­cher des choses plus atypiques pour étendre le domaine de la synthèse VA. Ce sont bien sûr les « Noises & Formants » dont on a déjà parlé, mais aussi la possi­bi­lité d’in­té­grer de la FM 2 opéra­teurs dans ce système VA, des enve­loppes à 7 para­mètres pour créer des évolu­tions un peu plus complexes et des effets chorus/flan­ger et délai simples mais effi­caces, avec tous les para­mètres direc­te­ment acces­sibles.

AF: Quelles diffi­cul­tés avez-vous rencon­trées et comment les avez-vous surmon­tées?

MB : en fait, la plus grande diffi­culté a été de commen­cer un tel projet, en pensant qu’il devrait un jour être achevé. Après le démar­rage il y a plus ou moins 5 ans, le synthé a grandi lente­ment, pas à pas. Mettre les briques les unes après les autres n’est pas diffi­cile. Et si on conti­nue à ajou­ter des briques, après un certain temps, on a construit une maison !

AF: Qu’avez-vous déjà en tête comme amélio­ra­tions ou nouvelles fonc­tions?

MB : il y aura encore une mise à jour de l’OS (que l’on pourra instal­ler dans chaque NF-1 après coup, pas besoin de diffé­rer son achat…) avec entre autres un mode Snap/Take Over afin d’évi­ter les chan­ge­ments brusques invo­lon­taires quand on touche acci­den­tel­le­ment une commande. Des correc­tions pour des petits bogues… Mais il n’y aura plus de grands chan­ge­ments. L’es­pace mémoire programme est plein à 99 %. Il n’y a plus de place pour de grandes nouveau­tés ou des exten­sions.

AF: Pour vous, qu’est-ce qui signi­fie­rait le succès du NF-1?

MB : je parle­rai de succès quand ça m’aura rapporté assez d’ar­gent pour quit­ter mon emploi (j’ai encore un boulot, disons « régu­lier », dans un bureau d’étu­des…) et que je puisse m’oc­cu­per à 100 % de la concep­tion et de l’as­sem­blage de nouveaux synthés. Ça peut sembler modeste, mais je pense que ça ne sera pas si facile. Modor Music ne devien­dra en aucun cas un géant comme Korg ou Roland. Je veux rester petit et indé­pen­dant. 

AF: Pouvez-vous nous dire un mot sur une éven­tuelle suite au NF-1 ou un autre produit?

MB : pas encore, on va d’abord s’oc­cu­per du lance­ment du NF-1. Mais j’ai déjà réflé­chi à des filtres numé­riques encore beau­coup plus spéciaux… et des types de modu­la­tions plus complexes… J’ai déjà quelques idées, mais ça reste encore assez vague. Un jour, je me mettrai à la créa­tion d’un tout nouveau synthé. Et ce ne sera pas un NF-2 ! 

Notre avis : 8/10

  • La palette sonore sortant des sentiers battus
  • Le plaisir de programmer
  • La qualité de construction
  • Les oscillateurs avec leurs ondes singulières
  • Le filtre à formants peu classique
  • Les modulations très nombreuses
  • Les deux effets intégrés
  • La confortable mémoire utilisateur
  • L’émission/réception de CC MIDI
  • Le monitoring des valeurs internes et externes
  • Le moteur uniquement monotimbral
  • Les enveloppes un peu molles sans artifice
  • Les parasites numériques lors de réglages extrêmes
  • La navigation dans les menus, à revoir
  • Pas d’arpégiateur ou séquenceur
  • Le manque d’entrée audio, de prise casque et d’USB
  • L’alimentation externe très cheap

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