A la question « quand sortira le successeur de la série S-700 ? », Roland aime répondre « c’est fait, c’est le XV-5080 ! » Comment, un synthé avec de la Ram d’échantillons sans entrée audio en guise de sampleur ? Et pourquoi pas…
Bon nombre de musiciens souhaitent disposer d’une grosse banque de sons instrumentaux de qualité. La fabriquer soi-même demande des connaissances en prise de son, des musiciens, du matériel et du talent. Ce n’est donc pas à portée de tout le monde, ce qu’a bien compris Roland en créant le XV-5080. Le constructeur a segmenté la demande en matière d’échantillons entre ceux qui samplent eux-mêmes des boucles rythmiques et ceux qui utilisent des sections instrumentales multisamplées comme base. Si les premiers ont surtout besoin de fonctions de synchronisation au tempo, de découpage, de Stretch et de contrôle temps réel, les seconds plébiscitent la polyphonie, le multisampling automatisé, le bouclage facile et les sorties audio multiples…
Bref, cela revient à fabriquer deux machines différentes tant sur le plan logiciel que matériel. D’où le VP-9000 pour les fondus de la boucle. Mais le constructeur japonais s’est rendu compte que les boulimiques du multisample utilisaient souvent des banques toutes faites, dont la magnifique collection de CD-Rom pour les échantillonneurs S-700. Il manquait donc une machine capable de gérer beaucoup d’échantillons en Rom et d’en charger en Ram. Le XV-5080, avec sa polyphonie de 128 voix, sa Rom extensible à 384 Mo et sa Ram extensible à 128 Mo, est l’illustration parfaite de cette réflexion rondement menée…
Conception réussie
Embarqué dans un rack 19 pouces 2U, le XV-5080 dispose d’un panneau simple et convivial. Cela est dû en particulier à son LCD 320 × 80 pixels surplombant une rangée de 6 touches à fonction variable, permettant une navigation aisée et une édition claire. A droite de l’écran, on retrouve la griffe Roland : alphadial encodeur, touches de mode de jeu, de sélection des parties multitimbrales, des banques de sons et de palette sonore. Cette dernière permet de modifier de manière transverse un paramètre donné sur les quatre Tones d’un programme ou de les muter / sélectionner. Le LCD affiche alors les paramètres sous forme matricielle, un plus appréciable. A droite, une fente permet d’accueillir une carte SmartMedia de 2 à 128 Mo pour sauvegarder toutes les données programmes, y compris la Ram d’échantillons. Une belle ergonomie…
Tout aussi complète, la face arrière comporte 4 paires de sorties analogiques stéréo, 4 prises Midi dont 2 entrées (32 parties multitimbrales obligent !), 2 sorties numériques coaxiale et optique, une entrée Wordclock, le R-BUS (interface propriétaire 25 broches capable de véhiculer 8 sorties audio numériques 24 bits aux appareils compatibles) et une prise SCSI 25 broches. Rien à redire !
Encyclopédie sonore
Le XV-5080 est un lecteur d’échantillons qui repose sur une Rom équivalente à 64 Mo en 16 bits linéaires, extensible à 384 Mo (voir ci-dessous*). Il renferme 1024 programmes d’usine non éditables dont une banque GM2, certains provenant de la série JV, d’autres entièrement nouveaux. Parmi ces derniers, des pianos acoustiques et électriques bien faits, en particulier les programmes stéréo à deux niveaux de vélocité. La panoplie d’orgues est très complète, passant du B3 distordu au Farfisa tout plat. Les guitares sont une réussite, à croire que Roland s’en est fait une spécialité, en particulier les Martin, dont la vélocité permet de varier l’attaque sur la corde avec réalisme.
D’ailleurs, les fondus sur la vélocité confèrent au XV-5080 réalisme et musicalité. Les programmes d’usine tirent pleinement parti de la nouvelle architecture sonore à quadruple crossfade stéréo. C’est le cas des guitares nylon avec slide, des saxes soft / hard au top de l’expressivité et des basses acoustiques et électriques dont la dynamique est surprenante. Ceux qui trouvaient les machines Roland un peu molles seront convaincus au premier coup d’oreille par la pêche naturelle des basses et leads synthétiques. La collection de sons synthétiques est aussi vaste que l’on peut l’attendre d’un constructeur qui a autant œuvré pour la musique électronique. Quant aux sets de percussions, ils offrent une liste exhaustive, comme d’habitude.
*Sons à profusion
8 slots Rom peuvent accueillir 4 cartes SRJV 16 Mo et 4 cartes SRX 64 Mo. La collection comporte aujourd’hui 19 cartes SRJV et 4 cartes SRX.
Développée avec Spectrasonics, la SRX-01 est dédiée aux batteries acoustiques, avec 24 kits complets renfermant des grosses caisses, caisses claires, hi-hat, toms et cymbales. Échantillonnés le plus souvent en stéréo et sans compromis, les samples sont sublimes, surtout ceux avec quatre niveaux de vélocité. Résultat, l’ensemble de batteries le plus réaliste jamais mis en boîte.
La SRX-2 est dédiée à un grand piano de concert stéréophonique capté sur quatre niveaux de vélocité et deux ambiances de prise de son. Réalisme, propreté, transitions inaudibles, cette banque est époustouflante. Seul regret, le fortissimo commence trop tard à notre goût, ce qui nous a valu un recalibrage de quelques programmes ; rien de bien grave…
La SRX-3 comprend des instruments de studio multiéchantillonnés très proprement : un piano acoustique stéréo, un Rhodes, un B3, des guitares, des basses, des flûtes, des saxes, des ensembles de cuivres, des chœurs et des percussions. La force incontestable cette carte est l’utilisation simultanée de samples stéréo à multiples niveaux de vélocité. Mention spéciale pour le chœur d’enfants, une banque assez rare et cette fois bien rendue.
La SRX-4 reproduit avec une grande fidélité des sections stéréo de cordes. Au menu, ensembles complets, altos, violons, violoncelles et contrebasses joués avec différentes techniques, marcato, tremolo, staccato ou encore pizzicato. Seul reproche dans cette ensemble de grande classe, un peu de souffle parfois audible sur certains aigus de la grosse section mais assez facile à masquer.
Lecture multi-niveaux
Avec ses 128 voix de polyphonie et 32 canaux multitimbraux, le XV-5080 est un poids lourd. Un programme est l’arrangement de 4 couches sonores stéréo groupées 2 à 2 suivant l’une des 10 structures ordonnant leurs filtres respectifs (série ou parallèle) et leur éventuelle interaction (booster ou modulation en anneau). Chaque couche utilise un multiéchantillon mono ou stéréo puisé dans la Rom (interne ou externe) ou dans la Ram d’échantillons. De base, on dispose de plus d’un millier de multiéchantillons : l’intégralité des ondes du JV-2080, celles du JD-990 et 50% de nouveaux échantillons. Ces derniers proposent d’ailleurs des boucles plus longues et des points de montage plus nombreux, ce qui les rend encore meilleurs.
Chaque couche possède une fenêtre de tessiture / vélocité avec crossfades hauts / bas, un filtre résonant multimode très sélectif et une section ampli avec panoramique modulable. En plus d’une FM interne, les modulations sont assurées par 3 enveloppes multisegments, 2 LFO à 11 formes d’ondes synchronisables au tempo et une matrice de modulation 4 sources / 16 destinations. Les sources sont constituées de nombreux contrôleurs physiques et Midi, des enveloppes, des LFO, du tracking et de la vélocité. Enfin, un système de bus permet d’envoyer chaque couche vers une sortie audio (mono ou stéréo) ou le multieffets, avec départs séparés vers le chorus et la réverbération. La machine renferme 128 emplacements pour les programmes utilisateurs. C’est peu, un grand merci au lecteur Smartmedia avec accès direct aux programmes sur la carte.
Melting pot
Le XV-5080 est capable de charger des échantillons en Ram à partir d’un périphérique SCSI ou d’une carte Smartmedia, au format Roland S-700, Akaï S1000/3000 et Wave. Une page spéciale d’édition leur est consacrée, permettant entre autres une action sur l’accord, la tessiture, le mode de lecture et le bouclage. On peut affecter 88 échantillons par couche sonore. Il manque à notre goût une fenêtre d’assistance au bouclage et quelques fonctions exotiques de traitement. Dans sa structure, ce mode ressemble au mode Rhythm dans lequel les formes d’ondes peuvent être arrangées en kits. Pas moins de 4 couches stéréo de 88 notes peuvent y être programmées, avec des traitements séparés par touche et par couche presque identiques au mode Patch. Bien vu ! En vérité, seuls les LFO et la matrice de modulation sautent, ce qui n’est pas trop grave pour des percussions. Chaque percussion peut être envoyée vers la sortie de son choix ou le multieffets et dispose d’envois séparés vers le chorus et la réverbération. On trouve ainsi 16 kits en Rom et 4 kits utilisateur, un peu maigre…
En mode Performance, le XV-5080 permet de regrouper jusqu’à 32 programmes – parmi lesquels un maximum de 2 kits de batterie – et leur affecter les canaux Midi de son choix. Grâce aux 2 entrées Midi, on contrôle 2 ensembles de 16 canaux indépendants. Chaque canal dispose de réglages de tessiture, accordage, volume, panoramique, sortie audio, départs effets et filtres Midi ultra complets. 64 performances en Rom côtoient 64 emplacements utilisateur. Dans ce mode, le XV répond sans broncher avec un délai minimal.
Réédition attendue
Les 4 L-CDX sont une compilation des 12 CD-Rom développés à l’origine par Roland pour les samplers de la série S-700, avec qui ils sont parfaitement compatibles. Certaines banques montent jusqu’à 32 Mo, la norme étant plutôt voisine de 5 ou 6 Mo.
Le L-CDX-01 reprend les sons de kits de batterie et de guitares/basses de deux CD originels. On y trouve de magnifiques sons de batteries acoustiques dans des styles aussi variés que pop / rock / jazz / balais avec des cymbales claires et longues. Les boîtes à rythmes TR sont également de la partie, ainsi que des sons électro / techno. Côté guitares et basses, nous avons été impressionnés par la musicalité et la chaleur de l’ensemble. Surtout les guitares acoustiques, avec leur attaque précise, leur tenue parfaitement maîtrisée et leurs points de montage bien choisis. Sans compter une belle sélection de basses électriques très chaudes pour tous les styles musicaux.
Le L-CDX-02 est dédié aux claviers des années 60 et 70. Reprenant les sons de deux CD de l’ancienne collection, ils mettent en scène des instruments aussi célèbres que Mellotron, Chamberlin, Wurlitzer, Clavinet, Rhodes ou B-3. Les grosses banques de 32 Mo possèdent bien souvent quatre niveaux de vélocité pour un rendu époustouflant. Les B-3 sont très complets, avec pas mal de registres différents, des versions avec Leslie lent / rapide en fondu, percussion… On entend même le crossover des roues phoniques. Très jouable !
Troisième larron, le L-CDX-03 est un double volume dédié aux sons de vents et cuivres, reprenant quatre des CD originels : vents orchestraux, sections de cuivres, saxophone et cuivres solo. Moins impressionnant que les CD précédents, on y trouve toutefois un maximum de multiéchantillons bien capturés. Les sections de cuivres sont variées et puissantes mais les saxes solos restent un peu en retrait, trop formatés et passe-partout pour être expressifs.
Dernier opus, le L-CDX-04 est un double CD consacré aux cordes solos, ensembles orchestraux, sections de cordes et percussions classiques, issus de quatre des CD originels. Des larges sections aux petites formations de cordes, des violons aux violoncelles, les ensembles sont bien réalisés. De même, les pêches d’orchestre sont au rendez-vous, très années 80 ! La banque de percussions orchestrales comporte tout ce qui constitue la panoplie symphonique, sans oubli. Seul bémol, les cordes solo sont franchement maladives, unique déception de cette magnifique collection.
Au final, les 4 L-CDX forment une très belle collection, un must. Certes il n’y a pas de chœur, de piano acoustique ni d’instrument éthnique, mais ce qui est là constitue une matière première indispensable. Une très belle réédition qui se laisse (re-)découvrir avec plaisir.
Effets boostés
La section effets du XV-5080, composée d’un multieffets, d’un chorus et d’une réverbération, a été revue et corrigée. Le multieffets stéréo est doté de 90 algorithmes, parmi lesquels des classiques tels que délais, chorus, haut-parleurs tournants, compresseurs, lo-fi, réverbérations, filtres et effets 3D. S’y ajoutent quelques algorithmes COSM dédiés à la modélisation physique de différents amplis guitares, pour un rendu spectaculaire. Certains algorithmes frisent les vingt paramètres, d’autres proposent des effets en série ou en parallèle, certains empilent jusqu’à huit effets… S’y ajoute une matrice de modulation à quatre cordons proposant les mêmes sources que la matrice principale et des destinations au choix parmi n’importe quel paramètre d’effet. Mieux, en mode Performance, on passe à trois multieffets indépendants simultanément disponibles, merci !
Passons rapidement sur le module chorus/délai à 7/8 paramètres pour attaquer la section réverbe, dotée du même DSP que la SRV-3030. Elle dispose de 8 algorithmes dont 6 réverbes et 2 délais. Rien à redire, les résultats sont vraiment à la hauteur. Chaque sortie audio, affectable au choix, est enfin doté d’un égaliseur deux bandes, histoire d’ajouter une touche finale s’il en était encore besoin. A noter que l’écran permet de visualiser graphiquement les routages programmes / effets / sorties, ce qui est d’une remarquable efficacité.
Le petit frère
Moins puissant, le XV-3080 reprend l’essentiel du grand frère, sauf la Ram, avec moins d’extensions et de connectique.
|
XV-5080 |
|
Rom |
64 Mo extensible à 384 Mo (4 SRX + 4 SRJV) |
64 Mo extensible à 256 Mo (2 SRX + 4 SRJV) |
Ram sampling |
extensible à 128 Mo |
Non |
Écran |
320 × 80 pixels édition graphique |
2 lignes de 40 caractères |
Multitimbralité |
32 canaux Midi |
16 canaux Midi |
Multieffets |
réverbération + chorus + multieffets 3 multieffets en mode multitimbral 90 algorithmes, dont simulation COSM |
réverbération + chorus + multieffets 1 multieffets en mode multitimbral 63 algorithmes |
Interface SCSI |
oui, 25 broches |
Non |
Sorties audio |
4 paires stéréo analogiques 2 sorties numériques R-BUS 8 canaux numériques 24 bits |
3 paires stéréo analogiques |
Interfaces Midi |
In x 2 / Out / Thru |
In / Out / Thru |
Boulimie prévisible !
Au final, le XV-5080 est une machine très haut de gamme qui frise la perfection. C’est le lecteur d’échantillons de l’extrême, avec une Rom d’origine très musclée, des possibilités d’extensions importantes et une édition très conviviale qui donne envie de bidouiller. La section effets est une réussite, tout comme le moteur de synthèse étoffé. Seule petite critique, le mode d’édition des samples encore perfectible (vive l’OS en mémoire Flash !) et la taille réduite de la mémoire utilisateur. Heureusement, il y a des parades faciles… Enfin, la réédition des banques de la série S-700 sur CD-Rom est une excellente idée qui complète à merveille le XV-5080 tout en restant fidèle au souci de qualité qui a présidé à la conception de la machine.