Proposant avec Logic l’un des meilleurs rapports qualité/prix du marché, Apple pourrait se contenter de gérer ce positionnement que personne ne semble en mesure de lui disputer. Ce n’est pourtant pas le cas, comme le prouve cette mise à jour en version 10.4 qui, en dépit de sa gratuité, comprend tant de choses qu’elle aurait pu s’appeler Logic XI.
Si la plupart des STAN généralistes sont vendues entre 400 et 600 euros dans leur version pro, deux éditeurs ont complètement cassé les prix au cours de ces dernières années, de sorte que le marché se retrouve désormais coincé entre le marteau d’un Reaper à 60 euros (ou plutôt de la faucille, sans prosélytisme aucun) et l’enclume d’un Logic à 230 euros… Il ne manquerait plus qu’un Sonar devienne freeware pour compliquer un peu plus la donne pour les autres. ;-)
Et ce n’est certainement pas avec cette version 10.4 de Logic Pro, proposée gratuitement à tous les possesseurs du logiciel, que les choses vont s’arranger. Alors qu’on n’était pas forcément sûr du réel intérêt d’Apple pour l’audio pro il y a encore quelques années, qu’on se demandait si le vénérable séquenceur n’allait pas être délaissé au profit d’un Garageband autrement plus grand public, force est de reconnaître que l’éditeur fait son taf depuis le rachat et le fait même très bien. Les nouveautés de cette nouvelle mouture sont en effet nombreuses et pour certaines, elles sont de tailles, comme nous allons le voir.
Le clic pour les nuls
La première grande nouveauté de cette 10.4 tient dans la capacité de Logic à enregistrer les fluctuations de tempo d’un enregistrement sous forme d’automations sur la piste tempo, de manière à pouvoir les utiliser sur la globalité du projet : chaque microaccélération ou microralentissement se répercute ainsi sur le reste des pistes, de sorte qu’une batterie virtuelle ou une boucle se calera à la perfection avec une partie de gratte qui prend des libertés avec le clic. Vous me direz que c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres et que c’est bien plutôt la partie de guitare qu’il faudrait éditer ou réenregistrer. Oui, mais non.
D’abord, parce que certaines fluctuations du tempo participent du groove d’un morceau (le cas typique de l’accélération au moment du refrain pour donner plus d’entrain à celui-ci), ensuite parce qu’il n’est parfois pas possible de refaire les prises au clic (le cas d’un enregistrement live sur lequel on voudrait ajouter des programmations par exemple), enfin parce que certains musiciens vont complètement perdre leurs repères et jouer mal si on les confronte à un clic auquel ils ne sont pas habitués. Bref, c’est une possibilité intéressante qu’on retrouvait jusqu’ici dans Melodyne et qu’on est heureux de voir débarquer dans Logic car elle permettra dans bien des cas de simplifier l’édition comme la programmation au sein du logiciel. Et ce n’est pas la seule.
Si tu reviens, j’annule tout
Comme beaucoup de STAN désormais, Logic permet d’annuler/rétablir toutes les opérations effectuées sur la console de mixage ou dans les plug-ins, ce qui, mine de rien, apporte beaucoup de confort au quotidien. On dispose même d’un historique d’annulation listant toutes les opérations et qui permet en un clic de revenir à x étapes en arrière… puis x étapes en avant. Et cerise sur le gâteau : cet historique est sauvegardé avec le projet, contrairement à ce qu’on voit sous Cubase ou Studio One par exemple.
L’unique bémol tient à la dénomination des opérations dans le menu édition comme dans l’historique. Dans le le menu Editer, seul le nom de la commande est rappelé (Annuler Drive par exemple, sans savoir de quel plug-in il s’agit ni sur quelle tranche on le trouve) alors que l’historique d’annulation est plus complet : on trouve ainsi le nom de la piste, suivi du nom du plug-in, suivi du réglage concerné. C’est déjà nettement mieux même si Apple pourrait encore améliorer tout cela en reprenant les codes couleurs des pistes, en indiquant la valeur du réglage, voire en usant de pictos pour repérer au premier coup d’oeil ce qui concerne un contrôle de plug-in, un contrôle de console ou encore de l’édition.
Et puisqu’on parle de plug-in, l’heure est venue de faire un tour des nouveautés qu’on trouve du côté du bundle… et elles sont nombreuses. La visite commencera du côté des réverbes…
J’ai encore réverbe d’elle
Avant de détailler les nouveaux effets de cette version 10.4, notons que Space Designer, l’excellente réverbe à convolution de Logic, a fait l’objet d’une refonte d’interface en flat design qui, si elle améliore grandement la lisibilité et l’organisation des différentes commandes tout en proposant des contrôles plus maniables sur écran tactile, n’est sans doute pas la plus grande réussite esthétique d’Apple. On se consolera vite en découvrant que Space Designer a désormais une petite soeur du nom de Chromaverb, une réverbe algorithmique venue épauler les EnVerb et SilverVerb, voire les remplacer si l’on considère qu’elle est beaucoup plus polyvalente sans être beaucoup plus complexe à utiliser et qu’elle sonne surtout beaucoup mieux.
Reprenant le même look que Space Designer, mais en l’agrémentant d’un visualiseur digne d’un économiseur d’écran, Chromaverb propose pas moins de 14 algorithmes de réverbération et des contrôles extrêmement simples à prendre en main. Taille, densité, prédélai et déclin (réglables à la milliseconde ou en synchro), distance, Dry/Wet : tous les contrôles classiques d’une réverbe vous attendent sur l’écran principal aux côtés d’un Damping EQ permettant de régler graphiquement l’amortissement des ondes réverbérées. D’autres paramètres plus avancés sont réunis dans l’onglet Details, notamment un EQ en sortie et tout ce qui concerne les modulations et l’image stéréo de l’effet. Chromaverb est livrée avec un vaste ensemble de presets permettant de se faire une idée de son champ d’applications… qui est vaste et parfaitement complémentaire des ambiances réalistes que l’on peut obtenir avec Space Designer. Voici d’ailleurs quelques exemples pour vous faire une idée :
- Chromaverb Flute dry 00:09
- Chromaverb Flute DenseRoom 00:08
- Chromaverb Flute LargeAmbience 00:08
- Chromaverb Flute OrchestraChamber 00:08
- Chromaverb Flute OrchestraHall 00:10
- Chromaverb Drums Dry 00:16
- Chromaverb Drums DrumChamber 00:16
- Chromaverb Drums DrumsAmbience 00:16
- Chromaverb Drums LargeStudioDrumsRoom 00:16
- Chromaverb Drums ReflectiveHall 00:16
- Chromaverb Vocals dry 00:11
- Chromaverb Vocals VocalAmbience 00:12
- Chromaverb Vocals VocalChamber 00:12
- Chromaverb Vocals VocalPlate 00:12
- Chromaverb Vocals VocalRoom 00:12
- Chromaverb Vocals 80sGoldenGate 00:12
Petit détail intéressant : Chromaverb dispose d’une fonction Freeze permettant de suspendre la réverbe, ce qui s’avère idéal pour créer facilement des nappes atmosphériques. Bien vu !
Les EQ de naguère
En marge de cette réverbe, Apple nous propose aussi trois modélisations d’égaliseurs Vintage (un Neve, un Pultec et un API), histoire de compléter la gamme d’émulations amorcée avec les différents modèles de compresseurs intégrés à Compressor en version 10.1. Contrairement aux égaliseurs présents dans Logic (et notamment au Channel EQ et au Linear Phase EQ) dont le but est d’offrir le traitement le plus anonyme et précis possible à des fins correctives, les trois bougres ont pour ambition d’apporter une patine propre au caractère de chacun. Un caractère qui repose tout autant sur les courbes des filtres utilisés que sur la génération de distorsion, sachant qu’Apple nous laisse la main sur le dosage de cette dernière comme sur son profil à choisir parmi 3 : Smooth, Punchy et Silky qui correspondent en fait aux modélisation des étages de sorties des 3 EQ mais que vous pouvez utiliser dans l’un ou l’autre à votre convenance. Bref, on est là pour colorer et ça colore, à plus forte raison si l’on pousse le réglage en question.
Voyez cette boucle de batterie, d’abord Dry puis égalisée via l’EQ Neve (coupe-bas à 50 Hz, atténuation de 3dB à 60 Hz sur le low shelf, boost de 3 dB en cloche sur les médiums à 1,6 Khz et boost de 3dB sur le high shelf) en débrayant la distorsion, en montant la distorsion à 4, puis en mettant la distorsion à fond :
- EQ Drums Dry 00:15
- EQ Drums LC50 L603 M163 H3 NoDist 00:15
- EQ Drums LC50 L603 M163 H3 Dist4 00:15
- EQ Drums LC50 L603 M163 H3 Dist11 00:15
Comme on pouvait l’imaginer, la pâte s’épaissit sérieusement avec la distorsion qui, malgré les grosses atténuations dans les graves, permet de récupérer de la matière dans cette partie du spectre… tandis que le volume monte aussi. Voici donc une comparaison en ajustant les niveaux de sortie avec distorsion débrayée et distorsion activée à 4 :
- EQ Drums NeveDist0 Vol 00:15
- EQ Drums NeveDist4 Vol 00:15
Notons-le : Apple propose pour chacun des trois EQ un mode à phase linéaire, de sorte que vous pourrez les utiliser pour le mix comme le mastering. C’est bien d’y avoir pensé.
N’ayant jamais été l’heureux propriétaire d’un des trois égaliseurs en question, je ne me prononcerai pas sur le réalisme des modélisations. A titre indicatif, voici toutefois la même égalisation réalisée sur l’EQ Neve Apple et sur l’EQ Neve d’IK Multimedia :
- EQ Drums NeveApple 00:15
- EQ Drums NeveIK 00:15
Je vous laisse seul juge en la matière, sachant que si ces plug-ins sont basés sur le même modèle d’EQ, ils ne modélisent pas pour autant le même exemplaire de ce dernier, ce qui peut être source de bien des différences.
Convenons cependant que ces EQ se montrent très complémentaires de ceux qu’on trouvait dans Logic, et qu’ils comblent un manque au sein d’une collection de plug-ins qu’il est désormais dur de prendre en défaut si ce n’est sur le terrain des multieffets créatifs. Et ça tombe bien car c’est précisément sur ce terrain qu’Apple va nous gâter en ressuscitant deux vieilles connaissances dont on était sans nouvelle depuis trop longtemps.
Chameau bas
Flanqués d’une toute nouvelle interface graphique et rebaptisés Step FX et Phat FX, les multieffets CamelSpace et CamelPhat de Camel Audio (entreprise rachetée en 2015 par Apple et à laquelle on doit Alchemy) débarquent ainsi dans Logic pour donner un peu de folie à un bundle très complet, mais manquant un tantinet d’outils originaux.
Phat FX vise, comme son nom l’indique, à sonner plus gros. Vu que cette notion est très relative, précisons que le plug-in comprend un filtre passe-bande et un filtre multimode résonnant, une distorsion dotée de plusieurs algorithmes, un module d’effets à modulation, un exciter dédié aux basses, un compresseur et une section de modulation comprenant un suiveur d’enveloppe et deux LFO. On a ainsi tout ce qu’il faut pour gonfler un son un peu trop malingre ou le salir de façon plus ou moins drastique, sachant que le chaînage des modules peut être modifié.
De son côté, StepFX est plus orienté vers les effets rythmiques : au centre de ce dernier, on trouve en effet un séquenceur à pas susceptible de piloter différents paramètres des modules du logiciel : delay, réverbe, filtre multimode résonant, effets à modulation et distorsion. Comme son ancêtre CamelSpace, c’est assurément un plug-in taillé pour animer les sons trop statiques tels que les nappes ou les cordes avec des effets de découpage et de répétition, mais il pourra aussi faire des merveilles sur les sons courts.
Même si les interfaces conçues par Apple pour ces plug-ins ne sont pas renversantes sur le plan esthétique et tendent à se ressembler un peu trop, soulignons qu’elles ont le mérite d’être claires et pensées pour le tactile, d’autant que StepFX comme PhatFX proposent un pad XY librement assignable. En songeant à ce qu’on trouve aujourd’hui chez des éditeurs comme Sugarbytes ou Cableguys, on aurait certes adoré que l’éditeur emmène encore un peu plus loin ces deux ressuscités, que ce soit au niveau du contrôle ou des effets embarqués, mais reconnaissons qu’en l’état, ces deux plug-ins amènent un vrai plus créatif à la section d’effets de Logic.
Voyez d’ailleurs ce que vous pouvez en attendre, sachant que, passées les huit premières mesures sans traitement, StepFX anime les nappes que vous entendez à gauche tandis que PhatFX s’occupe des arpèges à droite, et que l’un comme l’autre sont utilisés sur la toute fin du morceau. Ultime précision : en dehors de la boîte à rythmes qui est un Drummer et de la basse qui est un Retro Synth, tous les sons de cette démo sont issus des nouveaux presets d’Alchemy qui déboulent dans cette version 10.4 au milieu de nombreux autres instruments.
Coup de balais dans les Drummers
Les instruments virtuels ne sont pas en reste avec l’apparition d’une nouvelle banque Vision pour Alchemy, a priori orientée vers les ambiances cinématiques, mais utilisable dans quantité d’autres contextes, 18 nouveaux filtres dans Retro Synth et deux nouveaux Drummers dédiés au jeu aux balais.
Qu’il s’agisse de balais frappés dans le style Country/Blue Grass/Indé ou frottés pour faire du jazz ou du blues, les deux nouveaux venus tiennent plutôt bien leurs promesses et comblent un manque évident, sachant qu’ils sont l’occasion pour Apple d’inclure deux nouveaux kits de batterie à la banque de Logic : Blueridge et Speakeasy.
Voici un petit aperçu de ce qu’on à nous offrir les deux nouveaux :
- austin drums 01:07
- tyrell drums 01:07
En matière d’instruments, le plat de résistance tient toutefois dans l’ajout d’une banque de Mellotron et de deux banques de cuivres et de cordes, ce qui fait plaisir à l’heure où nombre de STAN se contentent souvent de nous proposer une collection de sons de base pour couvrir les besoins de la norme GM.
MelloMan
Le Vintage Mellotron permet sans trop de surprise de retrouver les sons les plus emblématiques de l’ancêtre du sampler, à savoir 10 instruments (3 violins, String Section, Cello, Flute, 8 Choir, Male Choir, Female Choir, Boys Choir, Brass et GC-3 Brass) que vous pourrez combiner deux à deux dans une interface évoquant le M400.
Outre le mixage et la transposition indépendant des deux instruments, les réglages se résument à un potard de tonalité et un autre nommé Tape Speed qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire et à ce qu’on trouve sur l’original, ne joue pas sur la vitesse des magnétophones, mais sur la qualité des enregistrements : pas question de l’utiliser pour faire des effets de pitch, mais plutôt pour aller chercher des artefacts typiques de l’enregistrement sur bande. J’avoue avoir du mal à comprendre exactement comment fonctionne le réglage puisqu’en ralentissant ou augmentant la ´vitesse’, on semble favoriser ou non les aigus, ce qui est redondant avec le bouton Tone. Disons qu’à défaut d’un vrai ´Tape Speed’ qui fait ce qu’il dit comme sur l’original, un simple Wow & Flutter aurait été plus pertinent.
Si j’ajoute que la tessiture des patches couvre 88 notes, que les samples sont bouclés et que les bruits mécaniques sont aux abonnés absents, vous aurez compris qu’on est plus face à un ersatz Mellotronesque qu’à une émulation, d’autant que beaucoup de sons légendaires manquent à l’appel, de l’orgue à la mandoline en passant par les bois (autres que la flûte) pour n’en citer que quelques-uns. Bref, on aurait tort de râler sur ce qui nous est gracieusement offert et qui trouvera très probablement son utilité dans plus d’une compo, mais on conviendra qu’on est très loin de ce que propose le M-Tron Pro de G-Force.
Saveur orchestre
De leur côté, les banques de cordes et cuivres sont nettement plus ambitieuses puisqu’elles se déclinent en ensembles comme en instruments solo, avec un nombre respectable d’articulations fournies dans les deux cas.
Mais je sens bien qu’à vous parler de tous ces nouveaux instruments sans vous les faire entendre, je cours le risque de vous faire perdre patience. Voici donc deux exemples utilisant autant les nouveaux Drummers que les Studio Horns, Studio Brass et Vintage Mellotron, avec le recours de la sympathique Chromaverb et de basses elles-aussi issues de la banque de Logic :
- SlowJazz 00:34
- GroovyMello 01:07
Comme vous l’entendez, les cordes et cuivres sont plutôt corrects, le round robin comme les différents niveaux de vélocité gérés permettant a priori d’obtenir des choses réalistes. Pourquoi « a priori » ? Parce que même si les samples sont loin d’être mauvais, le moteur du vieil EXS24 limite sensiblement les possibilités. En l’absence de scripts avancés comme on en trouve dans Kontakt ou Falcon, toutes les articulations reposant sur une progression tonale ou dynamique sont figées. Les swells et crescendos seront ainsi toujours joués à la même vitesse quel que soit le tempo, tandis que les trilles se limiteront au ton ou demi-ton, sans possibilité de jouer sur d’autres écarts. Inutile de dire que, dans ces conditions, les glissandos ne sont pas loin d’être inutilisables, vu qu’on ne peut ni choisir la vitesse du glissé, ni l’écart tonal séparant les deux notes.
À moins d’écrire dans un certain tempo en ayant en tête les contraintes chromatiques de ces banques, on abandonnera donc l’idée de les solliciter pour des choses trop ambitieuses, sachant qu’elles trouveront plus probablement leur utilité pour bricoler un petit riff ou une nappe dans une chanson pop ou hip-hop. Du coup, Spitfire et VSL peuvent dormir tranquilles : ce n’est pas aujourd’hui qu’Apple va les concurrencer.
Et il va même les aider car l’apparition de ces deux banques tient presque à la volonté de présenter une nouveauté bien plus intéressante et qui concerne la gestion des articulations dans Logic.
Ar-ti-cu-lez !
Le système en question est extrêmement simple sur le plan ergonomique : on sélectionne une note ou un groupe de notes dans le piano roll et on leur affecte via un menu déroulant l’articulation désirée, soit quelque chose de bien plus intuitif pour la programmation que de jouer avec une octave dédiée aux keyswitches ou de devoir étaler un instrument sur plusieurs pistes. Je vous rassure : le système n’est pas limité aux instruments Apple, vu que Logic intègre désormais un utilitaire pour créer vos propres jeux d’articulations (on en trouve même sur le web, que ce soit en gratuit, ou en payant pour quelques instruments virtuels populaires).
L’idée est donc excellente même si sa réalisation est perfectible. En effet, le seul indicateur visuel qui nous est proposé pour voir quelle note a été affectée à quelle articulation repose sur la couleur, ce qui implique d’une part de ne pas pouvoir utiliser la couleur pour autre chose (vélocité, couleur de partie utile lors de l’édition simultanée de plusieurs pistes MIDI), et d’autre part de mémoriser quelle couleur correspond à quelle articulation (ce qui variera d’un instrument à l’autre). C’est si peu pratique qu’on passe son temps à cliquer sur chaque note pour vérifier l’articulation choisie, quand il aurait été si pratique de faire figurer un nom abrégé de chaque articulation ou un pictogramme évocateur juste au-dessus ou au-dessous de la note. C’est d’autant plus bête qu’Apple a prévu la chose pour l’éditeur de partition.
Il y a donc bien des choses à améliorer, même si la fonctionnalité est réellement prometteuse et devrait améliorer le quotidien de plus d’un programmeur MIDI.
Et puis aussi
Il y aurait encore quantité de petites choses à décrire dans cette 10.4 qui, selon l’usage que l’on a de Logic, revêtiront une plus ou moins grande importance. On citera notamment la possibilité d’ajouter des répertoires favoris dans le navigateur de boucles, comme le fait de pouvoir convertir et importer parmi ces dernières n’importe quel fichier audio (avec conversion en Apple Loops évidemment).
Dans les petites attentions qui font plaisir, sachez aussi qu’on dispose désormais d’une commande pour créer automatiquement un fondu en fin de morceau sur la piste Master : ça n’a rien de révolutionnaire sans doute, mais ça peut faire gagner du temps, tout comme ce nouveau mode qui permet, lorsqu’on lie par exemple l’affichage des trois ou quatre premiers plug-ins en insert d’une piste d’afficher automatiquement les trois ou quatre premiers plug-ins d’une autre piste lorsqu’on la sélection, e dans la console : là encore, c’est très bien pensé vu qu’on passe son temps à ouvrir EQ et compresseur sur chacune des pistes au moment du mixage…
La liste de ces petites attentions est longue et fait réellement plaisir, même si tous ces efforts n’empêche pas Logic de présenter encore suffisamment de lacunes et de défauts en regard de ses concurrents.
On peut toujours mieux faire
Précisons en premier lieu que le logiciel n’offre toujours pas d’objets audio comme on les trouve dans Samplitude et chez plusieurs concurrents. Et c’est bien dommage car c’est diablement pratique pour éviter de multiplier inutilement les pistes ou les automations lorsqu’on a juste un effet ponctuel à appliquer. Gageons toutefois que les choses pourraient évoluer avec l’intégration d’ARA 2 qui fonctionne le plus souvent comme une surcouche au niveau du clip même : à vérifier.
Dans le même ordre d’idée, on ne comprend toujours pas la raison pour laquelle Logic se refuse à gérer le clip gain comme tous les autres logiciels (y compris Final Cut) en proposant une poignée centrale sur chaque clip plutôt que de planquer ça dans une colonne.
Mais il y a plus étonnant encore pour un logiciel aussi ancien : on y trouve aucune possibilité de macro-commande scriptée comme cela existe depuis des lustres dans Cubase et de manière plus aboutie encore dans un Reaper. Quand on sait à quel point cette fonction peut faire gagner du temps au quotidien (et notamment sur les tâches répétitives de l’editing), son absence est difficilement explicable, même si la personnalisation et le ‘tweaking’ n’ont jamais été dans la culture d’Apple, que ce soit sur ses ordinateurs ou iDevices : l’idée a toujours été de créer une ergonomie que tout le monde peut comprendre plutôt que des outils dont chacun peut façonner l’ergonomie, ce qui s’oppose diamétralement à la philosophie d’un Reaper. Disons que cette absence permet à Slate de faire son beurre en proposant un outil pour compenser cela.
Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle on ne dispose toujours pas d’une console en Responsive Design (avec possibilité de redimensionner les différents blocs) ni d’une vraie coloration de tranches car oui, des tranches de toutes les couleurs, c’est moche et n’est sans doute pas « Applesque », mais c’est autrement plus pratique que les minuscules rectangles qu’on nous propose actuellement et qui disparaissent dès qu’on se déplace vers le haut de la table. De fait, à moins d’afficher cette dernière en plein écran (ce qui n’est pas forcément possible sur un Macbook de 15 pouces) ou d’en cacher les trois quarts des composants, il est difficile de voir sur quelle piste sont quels inserts sans faire d’incessant va-et-vient avec la molette de la souris.
Au rayon table de mixage, on pestera toujours également sur la propension des presets d’instruments à créer des bus auxiliaires à foison. C’est ainsi que l’ajout de 6 instruments virtuels dans un projet m’a créé… 5 bus d’effets pour 5 réverbes : une ambiance, une hall, une plate, une small room et une large room ! Il ne manque qu’une réverbe à ressort et on aura fait le tour, ce qui, avouons-le, est parfaitement ridicule d’un point de vue méthodologique. De deux choses l’une du coup, soit Apple devrait revoir tous ses presets pour qu’ils utilisent des réverbes en Insert, soit il supprime toute réverbe de ces derniers, soit, et c’est la solution la plus qualitative, il revoit tous ses presets Instruments pour qu’ils utilisent toujours les 3 mêmes réverbes (une ambiance, une courte et une longue par exemple).Et tant qu’on est à parler de multiplication de bus auxiliaires, précisons que Logic ne gère toujours pas l’insert d’effets post-fader, la seule solution pour contourner cela étant de créer… un envoi vers un bus. Soulignons-le aussi : il n’est toujours pas possible de changer l’ordre des tranches dans la console…
Dans le sillage des problématiques d’instruments et de plug-ins, on regrettera encore que Logic ne dispose pas d’un moyen simple pour faire du split de piste et ainsi bâtir des multieffets ou multi-instruments complexes simplement, tel que Tracktion l’a inventé il y a 14 ans de cela et tels que quantité quantité de concurrents se sont empressés de copier plus ou moins bien (Reason, Live, FL Studio, Studio One, Reaper). Certes, les Stacks répondent partiellement à ce problème en permettant de faire du Layering d’instrument, mais si bien pensé soit ce système pour des regroupements simples de sections lors d’un mix, on sent qu’il n’est pas du tout pensé pour le design d’instruments. Non seulement on ne peut pas imbriquer les stacks, mais on ne dispose d’aucun outil pour faire du split audio : pour faire un split multibande, on est ainsi obligé de dupliquer autant de fois la piste que nécessaire et d’insérer sur chacun des doublons un EQ pour déterminer la zone de split, ce qui est pour le moins rustique. Bref, on est loin de la concurrence sur ce point.
Enfin, alors que c’était une fonction présente dans Logic Pro 9, on regrettera que la Chord Track soit toujours aux abonnés absents de cette version 10, la commande de transposition disponible ne compensant absolument pas cette perte (car elle ne permet pas de passer de majeur à mineur par exemple), tandis qu’un petit coup de plumeau graphique sur le fameux environnement MIDI ne serait pas du luxe non plus…
Bref, comme vous le voyez, Logic garde une bonne marge de progression sur quantité de domaines. Et c’est tant mieux pour la concurrence !
Produit d’Apple ?
En version 10.3, Logic pouvait déjà se targuer d’offrir, avec Reaper, le meilleur rapport qualité/prix du marché, suivant qu’on privilégiait d’acquérir une STAN fournie avec un bundle ou non. Aussi n’attendait-on pas une version 10.4 gratuite aussi généreuse et majeure, sachant que chez bien des concurrents, la moitié de ce qui nous est proposé ici aurait fait l’objet d’une mise à jour payante autour des 200 euros. Entre les 6 nouveaux plug-ins d’effets (ChromaVerb, Vintage EQ, StepFX et PhatFX), les nouveaux instruments et presets (Studio Horns, Studio Strings, Vintage Mellotron, Vision pour Alchemy et les deux nouveaux kits/drummers) et les nouveautés de taille en termes de fonctionnalités (Smart Tempo, annulation dans la console et les plug-ins, gestion des articulations au niveau du piano roll et intégration d’ARA 2 qui, en attente de Celemony, n’est pas encore testable), cette version 10.4 est une excellente cuvée.
Bien sûr, cela n’empêche pas le logiciel d’être encore améliorable sur bien des points que nous avons détaillés précédemment, qu’il s’agisse de fonctions manquantes ou de maladresses ergonomiques, mais il serait injuste de mentionner les faiblesses de Logic par rapport à ses concurrents sans souligner ses grandes forces : outre les particularités historiques du logiciel (hyperdraw, environnement, etc.), on mentionnera la qualité globale de l’interface en termes de contraste, lisibilité et rationalité, la stabilité du logiciel et un bundle qui peut se targuer d’être le meilleur du marché. A lui seul, le fabuleux Alchemy vaudrait en effet les 230 euros réclamés pour ce Logic X, sachant qu’il n’est que la partie émergée d’un énorme iceberg d’effets et instruments en tout genre. Et encore ne parlera-t-on pas de l’excellente appli iPad/iPhone proposée pour contrôler le logiciel, ni de la possibilité d’activer ou désactiver des pans entiers de fonctionnalités pour passer d’une sorte de super Garageband qui ne perdra pas le débutant à une STAN qui a de solides arguments pour satisfaire le professionnel.
Le rapport qualité/quantité/prix est tel que cela semble trop beau pour être vrai. Il convient donc de rappeler que cette générosité est avant tout affaire de mercatique et qu’elle s’explique par le fait que le logiciel, autrefois disponible sur PC et Mac, ne tourne plus que sur plateforme Apple depuis le rachat d’eMagic. De fait, nous sommes face à un produit d’appel dont le prix extrêmement agressif fait vendre des ordinateurs, et que c’est sur ces derniers et les achats qu’il généreront ensuite (adaptateurs, accessoires, logiciels divers, voire tablettes et smartphones) que le constructeur fait réellement son beurre. Autant le savoir du coup : adopter Logic, c’est se marier avec Apple qui tourne le dos au PC comme au standard VST et qui peut décider d’une version à l’autre de changer la configuration minimale pour booster ses ventes. C’est d’ailleurs le cas avec cette version 10.4 qui réclame Mac OS 10.12 (Sierra, sorti il y a un an et demi) au minimum pour s’installer, contraignant les utilisateurs de Macs antérieurs à fin 2009 à changer de machine sans que l’on comprenne bien quelle nouveauté de cette 10.4 justifie cela sur le plan technique. C’est de bonne guerre, dira-t-on en regard du prix de Logic et de ses incroyables mises à jour gratuites, mais il vaut mieux avoir conscience de la chose qui peut faire grincer quelques dents.
Au-delà de cet aspect qu’il reviendra à chacun d’apprécier, il faut l’admettre : Logic Pro est plus que jamais un formidable logiciel pour faire de la musique et il nous tarde que Celemony sorte enfin son Melodyne Ara 2 pour voir ce que la chose apportera sur le plan des fonctionnalités. Rendez-vous est donc pris pour cette sortie, ou pour Logic 10.5.