C’est donc ça : il faudra à chaque fois attendre 3 ans entre deux versions de Studio One. Même si l’éditeur a été plus que généreux dans ses mises à jour gratuites depuis la version 3, voyons si cette attente a été récompensée.
Neuf ans se sont écoulés depuis la première version de Studio One présentée au Musikmesse 2009 et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’équipe de développement qui en a la charge (des anciens de Steinberg bossant sur Nuendo pour la plupart) a plutôt bien fait le job en enrichissant considérablement le logiciel sans trahir sa force première : la simplicité. Dès sa première version, l’ambition initiale de Studio One n’était pas en effet de proposer la STAN la plus complète qui soit, à même de séduire tous les publics, de l’ingé son au spécialiste de son à l’image, mais de cibler la création et production musicale en fournissant un environnement pensé pour gagner du temps et limiter au maximum les frictions entre la naissance d’une idée et sa réalisation. Concrètement, on sentait dès la première version du logiciel que les développeurs avaient consciencieusement observé toute la concurrence, choppant au passage les bonnes idées bien sûr, mais se demandant pour chaque fonction s’il n’y avait pas moyen de faire plus rapide ou plus simple : « Combien faut-il faire de clics dans Cubase, Pro Tools ou Logic pour faire telle ou telle chose ? 5 ? 6 ? Essayons de le faire en 2 ou 3 ! ».
Résultat : même s’il serait faux de présenter Studio One comme un produit révolutionnaire dans la mesure où il a repris quantité d’idées à droite ou à gauche, force est d’admettre qu’il fait partie de la nouvelle vague des séquenceurs généralistes qui ont réformé le marché, aux côtés de Reaper et Tracktion notamment, et que son souci du flux de production (le « workflow » comme l’appellent les anglophones) a soufflé un vent de fraîcheur au milieu des usines à gaz qu’étaient devenus la plupart des dinosaures de la séquence, obligeant ces derniers à se remettre en question sur ce point. Or, ce faisant, le logiciel de Presonus s’est même payé le luxe d’innover : entre l’espace de mastering intégré, les Musicloops, les Sketchpad ou encore les MixFX, Studio One propose quelques originalités réellement intéressantes même s’il est loin d’être parfait ou exhaustif. En effet, bien que l’essentiel des fonctions dédiées à l’écriture, la production, l’édition, le mixage ou encore la mastering soient là, le soft manque encore de quantité de choses qu’on trouve chez la concurrence. Inutile de dire, donc, qu’on a hâte de voir ce que ses concepteurs ont prévu pour cette quatrième version dont l’icône est désormais blanche et noire alors qu’auparavant elle était… noire et blanche.
On clique donc sur cette dernière et…
On regarde le test vidéo suivant :
…ou on lit ce qui suit, les deux n’étant pas incompatibles. ;-)
On ne change pas un graphisme qui gagne ?
C’est un peu la déception à l’ouverture du logiciel, car, mise à part l’ouverture d’une nouvelle fenêtre de Scan des plug-ins VST2/VST3 (ce Scan est désormais fait par un composant logiciel externe, ce qui, selon les développeurs, devrait apporter plus de stabilité), on jurerait se retrouver face à Studio One 3 : même écran d’accueil, mêmes couleurs, mêmes options, même distribution de l’interface lorsqu’on est dans un morceau… L’interface de Studio One 3 étant plutôt bien pensée, on comprend le choix de ne pas changer « une équipe qui gagne », mais après trois ans d’attente de cette nouvelle version, on s’attendait à plus de surprise.
À bien y regarder toutefois, on distingue quelques menus changements : certaines typos légèrement agrandies, quelques contrastes et proportions revus, un nouveau pictogramme sur chaque tranche de console pour indiquer si des inserts, envois ou mixFX y sont utilisés et une palette de couleurs plus harmonieuse pour la coloration de pistes ainsi que des nouveaux thèmes favorisant les contrastes élevés. Bref, on est très loin d’une révolution, mais, mises bout à bout, une foule de petites choses rendent le logiciel plus agréable à utiliser. On remarque surtout une nouvelle icône qui surmonte l’inspecteur et qui lorsqu’on clique dessus nous donne accès à la Chord Track.
Bon pour accords
La première grosse nouveauté de cette version 4, c’est en effet l’ajout d’une piste d’accords telle qu’on en trouvait dans Logic Pro 9 (mais plus dans Logic Pro X), et qu’on la trouve aujourd’hui dans Cubase. À quoi ça sert ? À changer d’un seul coup tous les accords d’une ou plusieurs pistes ; je vous explique.
Le logiciel est désormais capable d’extraire les accords utilisés dans n’importe quel clip et d’inscrire ces accords sur une piste dédiée. De la sorte, vous pourrez ensuite changer les accords sur cette piste pour qu’automatiquement les changements harmoniques se répercutent sur toutes les pistes dont l’option ‘Follow Chords Track’ a été activée. Après avoir détecté les accords sur cette piste :
J’ai ainsi pu transformer ma progression en :
ou encore ça :
Et évidemment, cette piste accord peut servir à piloter l’ensemble de l’arrangement, plusieurs pistes étant liées à la piste Accords. Écoutez l’arrangement original puis sa transformation avec la piste Accords :
- MixOriginal 00:08
- MixNewChords 00:08
Voyez que ça marche plutôt bien. Cependant, si ces changements d’accords n’ont rien d’étonnant sur des parties MIDI, soulignons que Studio One est la seule STAN du marché à faire la même chose avec de l’audio, ce qui peut rendre de fiers services pour du prototypage rapide de morceau, voire plus si affinités.
Voyez ce qu’il advient de cette boucle de guitare :
- GuitarAudioOriginal 00:08
- GuitarAudioChords 00:08
Ou encore de ces brass de synthé :
- SynthOriginal 00:08
- SynthChords 00:08
Évidemment, tout n’est pas parfait, et si l’on perçoit sur ces exemples quelques artefacts de transposition, il est encore des cas où le matériau audio résiste à la détection ou au traitement, quel que soit l’algo choisi (parallel, etroit, bass, scale, universal). Compte tenu de la difficulté de la chose (on parle là de démixage), on ne s’étonnera pas de ces approximations et on accueillera tout de même cette fonction avec enthousiasme, car, outre le fait que l’éditeur aura à cœur d’améliorer ses algos, elle offre un moyen simple et rapide d’explorer des pistes harmoniques, qu’elle fonctionne bien en MIDI et que, pour les cas où l’audio résiste, il nous reste le Direct Note Access de Melodyne (à condition d’avoir la licence de ce dernier…), sachant qu’une version de ce dernier tirant parti de ARA2 devrait débarquer sous peu. Presonus a en outre, comme à son habitude, plutôt bien fait les choses sur le plan ergonomique.
En double-cliquant sur le nom d’un accord, on affiche en effet une fenêtre flottante présentant le cycle des quintes et qui vous permet de définir la fondamentale de l’accord puis son type (majeur, mineur, diminué, augmenté, sus2, sus4 ou Powerchord) que vous pourrez encore modifier en intégrant des intervalles (sixte, septième, neuvième, onzième, etc.) et en ajoutant une basse. Pilotable en MIDI, cette interface est donc plutôt bien conçue même si, à l’usage, on s’aperçoit que l’éditeur aurait pu mieux faire sur le plan fonctionnel.
C’est ainsi qu’on regrette qu’il n’y ait aucune gestion des renversements ou de la direction dans laquelle va se faire la transposition. Si vous changez un accord de Sol en Do par exemple, vous n’aurez aucun moyen de déterminer si les notes doivent être transposées vers le grave ou l’aigu, et vous n’aurez aucun moyen non plus de permuter entre tous les renversements possibles de l’accord. Bref, on est loin de ce que propose un EZkeys à ce niveau, et ce n’est pas le seul grief que l’on peut avoir vis-à-vis de cette Chords Track.
Contrairement à ce qui existe dans Cubase ou Tracktion ou encore des plug-ins dédiés comme Scaler ou Instachord, on ne dispose ici d’aucun assistant pour aider l’utilisateur à bâtir des progressions d’accords et c’est fort regrettable, car l’une des premières cibles de ce genre de fonctionnalités, c’est précisément les gens qui ne sont pas forcément à l’aise avec la théorie musicale…
Enfin, signalons-le : le logiciel refuse d’ajouter des notes à vos partie : de la sorte, sur un accord de trois note, toute la partie intervalle n’a aucun effet, ce qui est très dommage. même si Melodyne est intégré au logiciel, notons que Studio One se garde bien d’utiliser ce dernier pour générer des harmonies… Ou du moins, pas dans cette version 4.0. Une porte a donc été ouverte avec cette Chord Track et on espère que l’éditeur aura à cœur d’explorer toutes les voies prometteuses auxquelles elle peut mener.
En attendant, on se ruera sur deux autres grosses bouchées de cette version : les versions XT du petit sampler SampleOne et du drumsampler Impact par lequel nous allons commencer.
Impact de bal
Quantité de choses ont évolué dans ce dernier, à commencer par l’interface graphique plus vaste, plus nette et faisant usage de la couleur. Non seulement les pads peuvent être associés à une teinte via un nuancier, mais un clic sur le logo Presonus permet de faire défiler différents thèmes graphiques : jaune, rouge, vert, bleu, blanc, etc. Ça n’a rien de révolutionnaire, mais au sein de la grisaille et de l’austérité à laquelle Studio One nous avait jusqu’ici habitués, c’est un petit rayon de soleil qui mérite d’être salué et qui, accessoirement, vous permettra de distinguer différentes instances d’Impact au sein d’un projet.
Au-delà de cette évolution cosmétique, le logiciel se dote bien sûr de nouvelles fonctionnalités à commencer par 8 groupes de 16 pads chacun, sachant que le nombre de sorties audio a été doublé (16 mono + 16 stéréo). Comme dans le précédent Impact, chaque pad peut accueillir plusieurs samples qui pourront être affectés à différentes plages de vélocité ou bien lus aléatoirement, en alternance (round robin) ou simultanément via le nouveau mode ‘stack’. C’est là une très bonne idée pour réaliser des instruments composites sans avoir à utiliser plusieurs pads, d’autant que les enveloppes de volume, de pitch et de filtres peuvent désormais être paramétrées au niveau du pad comme au niveau de chaque sample. De la sorte, on peut par exemple se bâtir un gros son de kick en utilisant un sample pour le son de la batte ou le clic, un autre pour le corps et un dernier pour le sub, en jouant sur les enveloppes de tout ce petit monde. Seul regret de ce point de vue : même si Presonus a significativement amélioré la fenêtre d’aperçu du sample avec des bornes plus visibles, des commandes de zoom et de navigation plus évidentes et la possibilité de gérer l’ordre des samples par cliqué-glissé, il aurait été vraiment agréable de pouvoir aussi gérer les enveloppes de manière graphique en plus des potards et sliders qui nous sont proposés.
Tant qu’on en est à parler de ces enveloppes, soulignons que la partie traitement a été sérieusement améliorée. Le débattement du pitch est passé de 12 à 48 demi-tons tandis que le filtre dispose d’une nouvelle pente « 24dB zero-delay feedback » et se voit doté de deux nouveaux contrôles Drive et Punch en plus d’un mode Soft Clip. Il est également possible de normaliser le sample, d’inverser sa lecture, et on nous propose désormais 16 groupes de Choke pour fédérer la lecture d’un ou plusieurs pads à un autre (et gérer par exemple le cas typique du sample de charley fermée qui interrompt la lecture du sample de charley ouverte). Autre ajout très intéressant : la possibilité de slicer et importer automatiquement sur les pads n’importe quelle boucle audio.
Si l’on demeure encore loin d’un Geist 2, on se rapproche de plus en plus sur le plan des fonctionnalités d’un petit Battery, sachant que ce qui manque le plus à Impact désormais, c’est une vraie section d’effets (compresseur/limiteur, transient designer, EQ, bit reducer, delay) et une section de modulation. Certes, on peut bricoler bien des choses en récupérant les sorties audio dans la console, mais il serait vraiment agréable de disposer dans le soft même de ces outils pour agir au niveau des layers et non du pad.
Vu le beau travail effectué sur cette version, on n’en voudra pas trop à Presonus sur ce coup, d’autant que l’éditeur a poussé un peu plus loin encore la polyvalence de son drumsampler en ajoutant un mode de lecture en boucle assortie d’options de quantisation (à la mesure, noire, croche ou double-croche) et d’une option de suivi de tempo. La conjonction de ces trois nouveautés permet ainsi d’utiliser Impact XT comme un lanceur de boucles en plus du mode Drumsampler, ce qui n’est pas rien. Le logiciel est toutefois loin de pouvoir rivaliser avec Ableton Live sur ce terrain, d’autant qu’en l’absence de détection des transitoires ou d’un moyen de déclarer le nombre de beats dans le sample, le calage des boucles comme leur synchronisation demeure souvent très approximatif, mais c’est une voie très intéressante qui s’ouvre là et on espère bien que Presonus va continuer à améliorer son instrument qui s’avère déjà nettement plus intéressant que son prédécesseur.
On en dira autant, d’ailleurs, de l’autre nouvel instrument du bundle qui passe lui aussi en version XT : le « petit » sampler SampleOne.
Sample won ?
En marge de la grosse Bertha à scripts qu’est Presence XT et qui ne propose aucune nouveauté dans cette version (et dont l’éditeur est hélas toujours vendu au prix un brin dissuasif de 80 euros), le petit SampleOne s’offre donc, lui aussi, un passage en version XT, ce qui se traduit par pas mal de nouveautés dont un certain nombre sont communes avec Impact. On a ainsi droit à la même possibilité de colorer l’interface, aux mêmes évolutions des modules d’édition de pitch, de volume et du filtre, à ceci près qu’on dispose cette fois d’enveloppes à quatre segments éditables graphiquement, mais aussi d’un LFO utilisable pour moduler chacun des trois modules.
Mais avec cette version XT, SampleOne devient surtout un vrai sampler puisqu’il est désormais possible d’enregistrer depuis le logiciel même, que ce soit à partir d’un micro ou d’une entrée audio, d’un instrument virtuel ou même d’un envoi, tout cela évidemment en plus de la possibilité d’importer des samples par simple cliquer-glisser dans le logiciel ou depuis le disque dur. Voilà qui change pas mal les choses, d’autant que Presonus ne s’est pas arrêté en si bon chemin : on peut désormais découper automatiquement une boucle en slices qui seront mappés le long du clavier. Les développeurs ont aussi pensé à ajouter une sympathique section d’effets qui réunit 7 modules : Modulation (chorus, flanger, phaser), Delay, Reverb, Gate, EQ, Distortion et Pan. Voyez en tout cas que ce qui n’était qu’une goodies sans grand intérêt commence à avoir de l’allure, et si les modulations demeurent basiques (on ne dispose pas de matrice permettant d’utiliser l’unique LFO pour moduler le paramètre de son choix), rien qu’avec ce dont on dispose ici et en jouant avec le mode monophonique et le glide qui l’accompagne, il y a de quoi bien s’amuser.
Bref, comme Impact XT, ça reste perfectible, mais c’est sans commune mesure avec les instruments dont on disposait auparavant. Et c’est une très bonne chose, sachant que pour utiliser ces deux petits nouveaux, Presonus a bossé sur les outils de séquence, comme nous allons le voir.
Ad Nomines Pattern
Accompagnant la version XT d’Impact, un tout nouveau Drum Editor se pose ainsi en alternative du bon vieux piano roll pour les percussions, batteries et autres boites à rythmes. Comme cela existe depuis des lustres dans un Cubase, un clic suffit dans cet éditeur pour ajouter ou supprimer un coup, tandis qu’on peut choisir d’afficher ou non les notes (et donc les percussions) qui ne sont pas utilisées. De la sorte, on dispose d’une vision du groove autrement plus claire et synthétique que ce que propose le piano roll, ce qui est une très bonne chose. Mais il y a plus intéressant encore au rayon Séquenceur puisque cette nouvelle version introduit un nouveau type de clips : le Pattern.
Comme vous vous en doutez probablement, ce dernier vous permettra de composer des motifs rythmiques et mélodiques au travers d’une interface reprenant la logique des séquenceurs à pas (step sequencer) si courants dans le monde des instruments électroniques. Dans un pattern de Studio One, vous séquencerez ainsi sur une grille dont vous pourrez définir la taille (64 pas maximum), la résolution (de la croche à la quadruple croche, pointée, mais aussi le swing, le taux de Gate (ce qui joue sur le sustain des notes) et le taux d’accentuation puisque vous disposez de la possibilité de créer des notes accentuées sur le plan de la vélocité. Ce genre d’outil aurait déjà fait le bonheur de plus d’un musicien électro, mais on s’aperçoit lorsqu’on examine plus attentivement les patterns rythmiques que les développeurs sont loin de s’en être tenus à ce minimum syndical.
Outre des commandes pour créer automatiquement des notes à intervalle régulier (ce qui simplifie grandement la saisie des cymbales par exemple), on dispose dans le Pattern Editor de la possibilité de définir le nombre de pas et la résolution de la grille pour… chaque ligne de la grille ! À vous donc les joies de la polyrythmie puis il est de la sorte parfaitement possible de lire créer un pattern où le kick tournera sur 4 pas, la caisse claire sur 5 et le hi-hat sur 11 !
Voyez ainsi ce qu’il advient d’un simple Tchack-poum sur 16 beats une fois qu’on a passé la ligne de la Snare sur 13 beats et celle du hi-hat sur 11 :
- BasicPattern 00:04
- BasicPatternSn13Hat11 00:04
Loin des éditeurs de patterns qu’on trouve dans un Waveform ou un Cubase, on se rapproche nettement plus des possibilités d’un Geist 2, d’un Tremor ou d’un Breaktweaker, sachant qu’on n’a pas encore parlé des contrôleurs particuliers affectés à ces pattens. En dehors de la traditionnelle vélocité et de la programmation des contrôleurs continus en relation avec l’instrument que vous utilisez, les clips vous permettent de programmer une éventuelle répétition pour chaque note (de 2 à 10) et, plus intéressant encore, une probabilité que la note soit jouée : si vous déterminez via ces contrôleurs une probabilité de 33% sur un coup de caisse claire, il n’y aura donc qu’une chance sur trois que cette dernière ne soit jouée à chaque lecture du pattern.
Voyez ce que ça donne sur plusieurs mesures de notre même groove au niveau du hi-hat :
C’est vraiment une excellente idée qui vous assure que vous n’aurez pas forcément le même groove tout le long du morceau, même en copiant-collant le même pattern, d’autant qu’il est possible de stocker des déclinaisons de ce dernier…
Comme vous le voyez en tout cas, entre les nouveautés d’Impact XT, le Drum Editor et surtout les patterns, Studio One fait un fameux bond en avant sur le côté rythmique. Mais en marge de cette partie émergée de l’iceberg, ce sont encore quantité de petites nouveautés qui nous sont proposées et qui rendent le logiciel beaucoup plus puissant qu’il ne l’était.
Les petites fonctions qui font les grands softs
On se félicitera d’abord de savoir que Studio One importe et exporte désormais au format AAF, ce qui simplifiera beaucoup son dialogue avec d’autres logiciels. Le logiciel parle d’aiileurs mieux avec lui-même aussi puisqu’il est désormais possible de récupérer toute ou partie des élements d’un projets (pistes, pan, volumes, automations, inserts, etc.) grâce à un assistant dédié.
Tout auss important à mon sens : on dispose désormais de différents assistants pour nous aider dans la sélection ou le traitement de notes. Accessibles depuis un clic droit, les commandes Durée…, Étirer…, Transposer…, Vélocité…, Sélectionner les notes…, Supprimer les notes… et Humaniser… donnent ainsi lieu à de multiples fenêtre vous permettant d’agir avec beaucoup plus de précision sur vos événements MIDI, ce qui peut vous faire gagner un temps précieux à l’heure de l’editing. Dans Supprimer les notes…, on dispose ainsi de la possibilité de supprimer les notes plus courtes que telle ou telle valeur, ou encore les notes doubles. Dans Durée…, on gérera entre autres le legato ou le chevauchement. Dans Sélectionner les notes… on pourra ne garder que les notes les plus basses (utile pour générer une partie basse à partir d’accords), ou les notes sur telle plage de hauteur, ou encore les notes apparaissant à telle ou telle fréquence dans les mesures…
Bref, ce sont là une foule d’outils qui pourront se rendre très utiles au quotidien et qui pour certains évoquent une version un peu moins austère et générique du puissant éditeur logique qu’on trouve dans Cubase. Qu’en dire ? Que tout cela est vraiment le bienvenu, même si ces nombreuses nouvelles fenêtres auraient pu être les différents onglets d’un même outil de traitement MIDI. Rien n’empêche toutefois de les rassembler au sein d’une nouvelle barre de macro commandes, à plus forte raison dans cette V4 qui permet désormais de paginer ces barres.
Toujours dans les petites choses qui font gagner du temps, on notera un nouveau mode Ripple s’inspirant de ce qu’on trouve dans certains éditeurs vidéo et qui fait que lorsqu’on supprime un événement, les événements suivants remplissent le vide et prennent ainsi sa place. On citera aussi la possibilité d’avoir un calage relatif pour un morceau, c’est à dire de pouvoir définir la première mesure pour caler en amont une mesure –1, une mesure –2, etc., chose bien utile quand on veut ajouter un décompte ou une intro après coup sans avoir à décaler l’intégralité du morceau. On mentionnera le fait que les facteurs de Zoom soient mémorisés pour chaque piste…
Autre fonction tout bête, mais néanmoins cruciale : on dispose enfin d’un bloc-notes textuel pour chaque piste, tranche ou dossier comme pour le morceau dans sa globalité. On a désormais de quoi noter des réglages ou des premières impressions d’avant mix comme des choses à faire, des paroles ou tout ce qui semble utile. Presonus a bien fait les choses en concentrant toutes ces notes au sein d’un même carnet pratique pour la consultation, on regrettera toutefois plusieurs choses.
La première, c’est qu’en plus de ses couleurs gaies comme une pierre tombale (texte noir sur fond gris), l’outil est ultra basique. Sans attendre une usine à gaz comme Word ou un balisage markdown, on regrettera de ne disposer d’aucune possibilité de mettre en forme le texte (pas de couleur, pas de gras ou d’italique, pas de liste à puce…), de l’exporter au format texte ou de l’imprimer. La seconde, c’est qu’on aurait adoré pouvoir ajouter des photos pour documenter une prise avec la position des micros, ou encore les réglages d’un matériel qu’on aurait photographié à la volée avec son smartphone.
Bref, l’outil manquait et on est ravi qu’il soit enfin de la partie, mais il peut être largement amélioré, comme quantité d’autres choses dont il convient à présent de parler, entre autres outils et fonctions qui manquent à l’appel.
Un bundle toujours lacunaire
On a beau accueillir avec enthousiasme les nouvelles versions d’Impact et SampleOne ainsi que les EQ et Compresseurs RC-500 et VT-1, il n’en demeure pas moins que le bundle proposé par PreSonus est toujours lacunaire. Côté effets, on déplorera le manque d’un déesseur, d’un processeur de transitoires ou d’un EQ dynamique cependant qu’on ne dispose toujours pas d’une réverbe True Stereo et de multieffets créatifs comme on en trouve dans Cubase ou Logic.
Mais c’est surtout au rayon instruments que l’on se sentira limité. Avec trois samplers et deux synthés soustractifs, Studio One fait encore pâle figure face à nombre de ses concurrents. Pas de synthé FM, granulaire ou à table d’ondes, pas de batterie virtuelle, de piano acoustique ou électrique, d’orgue… L’éditeur se contente de répondre à ces attentes via des patches pour Presence XT qui ne sont pas forcément aussi convaincants qu’on le souhaiterait… Et s’il existe bien sûr des banques additionnelles pour ce dernier offrant des instruments de meilleure qualité, on voit mal ce qui pourrait nous motiver à investir dans un logiciel dont l’utilisation est restreinte à Studio One et dont l’éditeur est… payant !
Ce dernier point est un vrai non-sens en termes de stratégie, car en donnant à la communauté d’utilisateurs des outils pour développer des banques et la possibilité d’utiliser Presence XT au-delà de Studio One, le logiciel aurait une chance de faire son trou entre les samplers gratuits et des Kontakt ou Falcon dont les écosystèmes sont autrement plus développés. On en dira autant du Fat Channel XT et des modélisations qu’il peut accueillir dont nous parlerons plus bas. Bref, on a le sentiment que l’équipe de Presonus est capable de sortir d’excellents logiciels, mais que c’est au niveau du marketing qu’il y aurait le plus de travail à faire.
Et c’est un peu le même genre de commentaires que l’on fera à propos de la façon dont la gamme Studio One est articulée.
Studio One Artist : en faire trop ou pas assez
En amont de la version Pro qui comporte le plus de fonctionnalités se trouvent deux versions plus allégées du logiciel : Studio One Prime, qui est gratuit, et Studio One Artist, qui est vendu à 100 euros, sachant que l’une comme l’autre peuvent être upgradée à la carte via des modules achetables sur le site de Presonus.
La bonne nouvelle avec cette version 4, c’est que les versions Artist et Prime gèrent désormais (enfin !) l’export MP3 sans surcoût supplémentaire, ce qui n’a rien d’extraordinaire lorsqu’on sait que le brevet de Fraunhofer sur le célèbre format a expiré récemment. Pour le reste, force est de constater que l’entrée de gamme de Studio One demeure toujours assez mal foutue. On aurait tort de reprocher quoi que ce soit au petit Prime vu qu’il est gratuit et propose des choses vraiment intéressantes en regard de son prix (encore qu’entre Garageband, Tracktion 6, Ardour et surtout Bandlab Cakewalk, il soit dur de se faire une place au soleil du gratuit), mais les fonctions proposées par la version Artist manquent selon moi de cohérence.
Vendu 100 euros, ce dernier propose des fonctions assez évoluées pour le public amateur auquel il se destine (pistes dossiers, extraction de groove MIDI depuis l’audio, objets audio, warp audio, faders VCA, 30 effets), mais ne permet l’usage de plug-ins VST/AU de tierce partie qu’en débloquant l’option pour 80 euros supplémentaires. Vous avez bien compris : à moins de dépenser 180 euros, vous n’aurez aucun moyen de profiter des centaines de freewares de qualité qu’on trouve sur le web et qui auraient pourtant bien arrangé vos finances… Sans même parler des logiciells gratuits mentionnés précédemment et qui supportent tous ces formats, face au 60 dollars d’un Reaper, aux 109 $ d’un Waveform ou aux 230 euros d’un Logic qui en propose tellement plus, on voit mal où Presonus veut en venir si ce n’est à détourner le public de son entrée de gamme. C’est vraiment très regrettable.
People have the power
Pour en revenir à la version Pro du logiciel, bien d’autres choses encore sont toujours attendues : on évoquera le support du MPE, une meilleure intégration de Notion, la possibilité de sauvegarder l’historique d’annulation, d’utiliser deux MixFX simultanément, de disposer de modulateurs comme on en voit dans Tracktion Waveform ou Bitwig et la gestion du surround. Mais on regrettera encore de ne toujours pas pouvoir régler le Trim depuis chaque tranche autrement qu’en devant insérer un plug-in (d’ailleurs on attend toujours avec impatience la première STAN qui gérera le gain staging de manière automatique), l’absence de snapshots de mix, d’une vraie section de monitoring à la Cubase, de courbes sur la piste Tempo (programmer une hausse ou une baisse progressive de ce dernier est toujours aussi fastidieux) ou d’un système permettant de gérer les articulations des instruments virtuels depuis le Piano Roll comme Logic en a intégré un récemment ou comme Cubase le propose avec VSTexpression.
Bref. Il y a une bonne marge de progression encore, même s’il faut reconnaître à Presonus de travailler dans le bon sens et de la bonne manière. L’éditeur propose en effet un espace sur son site pour collecter les idées des uns et des autres et permet à sa communauté de voter pour chaque suggestion. Et force est de constater que la plupart des nouveautés présentes dans cette quatrième version répondent aux attentes exprimées par les utilisateurs sur ce site. De ce fait, si vous voulez savoir de quoi seront faites les prochaines mises à jour ou si vous souhaitez même peser sur l’orientation de ces dernières, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
Avant de conclure, et bien que ces ajouts ne soient pas à proprement parler issus de cette V4, je voulais en profiter également pour souligner la générosité de Presonus en matière de mise à jour. Face à la politique pingre d’un Steinberg ou d’un Magix qui font payer la moindre nouvelle fonctionnalité et dont les seules mises à jour gratuites ne sont que des corrections de bugs, l’éditeur de Studio One semble avoir pris l’habitude de proposer de vraies nouvelles fonctionnalités gratuitement à ses utilisateurs, rejoignant sur ce point la bonne attitude d’un Cockos, d’un Ableton ou d’un Apple.
Si vous avez manqué les épisodes précédents…
Parce qu’elles n’étaient pas mentionnées dans notre précédent test de Studio One 3, rappelons en effet que les possesseurs de ce dernier ont ainsi pu bénéficier gratuitement de fonctions qui n’ont rien d’accessoire. On citera notamment la prise en compte par l’historique d’annulation de la console et des plug-ins, les MixFX (une originalité permettant à la console de Studio One de se comporter comme une console analogique ou encore d’accueillir un simulateur de bande), les faders VCA, un nouveau gestionnaire de plug-ins (permettant d’organiser ces derniers par catégories personnalisables), le portage sous Android de l’appli de contrôle SO Remote initialement sortie sous iOS, et même un nouveau moteur audio améliorant significativement la latence.
Au nombre de ces gracieux ajouts, on mentionnera encore le Fat Channel XT arrivé en V3.5 : une tranche de console semi-modulaire qui comprend un Gate, un EQ, un compresseur et un limiteur, sachant qu’égaliseur et compresseur sont non seulement permutables dans la chaîne, mais qu’il peuvent surtout accueillir différentes émulations. Avec la v3.5, outre les modules numériques de base de Studio One, on avait ainsi droit à la modélisation de deux égaliseurs et deux compresseurs de légende : un Pultec EQP-1A, un Neve 1073, un 1176 et un LA2A. On se serait déjà bien volontiers contenté de ces belles recréations numériques qui permettent une grande polyvalence, mais Presonus en a remis une couche juste avant la sortie de cette V4 en proposant les égaliseurs et compresseurs issus de ses modélisations VT1 (inspiré de l’ADL700) et RC500 (modélisation de la tranche matérielle du même nom).
Ces deux derniers cadeaux ne sont toutefois pas complètement désintéressés, car ils visent à promouvoir la ribambelle de modélisations que Presonus vient de mettre en vente sur son magasin en ligne. La plupart des légendes qu’on trouve dans les racks des plus grands studios sont là, qu’il s’agisse de processeurs de dynamique (Summit Audio TL100-A, Fairchild FA670, dbx 160, Neve 33609, SSL4000-G Tube-Tech CL1B) ou d’égaliseurs (Baxandall EQ. API 550 EQ, Helios Type 69, SSL, Tube-Tech PME 1B/Pultech MEQ5), même s’il y manque des références plus modernes comme le Variable MU de Manley ou le Distressor d’Empirical Labs notamment. Mais la fonctionnalité qui tue, c’est que ces modélisations sont utilisables dans Studio One comme dans la console Studio Live, uniformisant le passage du live au studio, de l’enregistrement au mixage. Mine de rien et toutes proportions gardées, Presonus vient donc démocratiser un confort que seul Avid procurait jusqu’ici avec sa Venue pour des prix autrement plus conséquent.
C’est une excellente idée, sachant que les machines choisies pour ces émulations sont les bonnes et que la qualité audio est au rendez-vous, mais la chose a hélas un prix qui en fera reculer certains : si les 80 euros réclamés par modélisation sont somme toute assez raisonnables en fonctions des tarifs pratiqués par un Softube par exemple, les bundles sont affichés à des prix allant de 156 euros (Summit + dbx160 + Baxendall EQ) à 520 euros pour la complète rassemblant 5 égaliseurs et 6 compresseurs, en passant par deux bundles rassemblant quatre modélisations pour 260 euros. Sans discuter un instant de la qualité de ce qui nous est proposé ni même de la valeur absolue des ces modélisations, disons que ce sont là des prix forts pour des logiciels qui, n’étant pas au format VST ou AU, ne seront pas utilisables en dehors de l’écosystème Presonus. Ceux qui ont investi ou envisagent d’investir dans une console StudioLive ne se poseront pas de question, mais ceux qui s’en tienne à Studio One ne verront pas les choses de cet oeil. À l’heure où IK Multimedia, Waves ou Slate se livrent une guerre sans merci sur le terrain du rapport qualité/prix, offrant souvent deux fois plus pour la moitié de ce prix, disons que le pari est osé. Encore une fois, il n’est pas certain que les choix retenus par les gens du marketing soient les meilleurs en regard du marché…
Conclusion
Comme toujours lors du test d’une STAN, il s’agit de se prononcer sur l’intérêt de la mise à jour pour les utilisateurs des versions précédentes comme sur la pertinence du logiciel dans son ensemble pour ceux qui envisageraient son achat. Commençons par ces derniers en soulignant que si Studio One manque encore de certaines fonctions, comme tous ses concurrents, il n’en demeure pas moins relativement complet et figure parmi les STAN les plus abouties du marché en termes d’ergonomie et de productivité, parce qu’un cliquer-glisser suffit souvent dans ce dernier pour réaliser une opération qui réclame 5 ou 6 clics et une validation ailleurs. On sent en effet en l’utilisant que ses concepteurs, attentifs à ce qui se fait chez les concurrents, se posent les bonnes questions et y apportent la plupart du temps des réponses dont la réalisation ne manque pas d’élégance. « C’est pas con ! » se dit-on alors en découvrant comment telle ou telle fonction a été intégrée (les multis sont notamment parmi les mieux réalisés du marché), sachant que le logiciel n’hésite pas à innover non plus : on se souvient qu’il fut le premier à intégrer Melodyne via ARA tandis que des fonctions comme les Sketch pads, les musicloops, les mixFX ou désormais la gestion des accords depuis l’audio et les patterns n’ont pas d’équivalent chez la concurrence. Bref, c’est un bien beau bout de soft que ce Studio One, qui devrait ravir ceux qui veulent un outil rapide et efficace pour créer, à condition qu’ils aient bien conscience de certaines de ses limitations (pas de surround ni d’éditeur de partition intégré et un bundle d’instruments toujours chiche notamment).
Parlons à présent des utilisateurs des versions précédentes. On ne serait que trop conseiller aux possesseurs de la V1 et de la V2 de se payer la mise à jour tant les ajouts cumulés des V3 et V4 sont nombreux et importants que ce soit du point de vue du songrwriting comme du mixage. Et pour le seul cas des utilisateurs de la version 3 ? À supposer qu’ils se contrefichent des nouveaux Impact XT et SampleOne XT parce qu’ils sont déjà pourvus de ce côté, je ne saurais que trop les inviter à sauter le pas également. Outre la Chord Track qui n’intéressera pas tout le monde, mais qui promet bien d’autres fonctions à venir, outre les excellents Patterns, ils y gagneront une foule de fonctionnalités attendues de longue date et d’outils améliorant encore le travail avec le logiciel : de l’export/import AAF aux nombreuses fonctions d’édition MIDI en passant par les améliorations de l’interface, le bloc-notes, etc. Ils y gagneront surtout un sésame pour les mises à jour à venir de cette V4 qui, si l’on en croit ce qui s’est passé avec la V3, la roadmap qui se dessine d’après la liste de souhaits des utilisateurs et les promesses faites par la plateforme ARA2 de Celemony, promet quantité de choses réjouissantes.
En marge de toutes spéculations, en jugeant cette V4.0, il faut en tout cas le reconnaître : même si l’on en voudrait toujours plus, Presonus a rempli son contrat et parce qu’avec ses Patterns et la Chord Track, il est même parvenu à nous surprendre, il récolte ce qui demeure à mon sens le plus prestigieux des Awards : celui de l’innovation.