Fender a récemment sorti son multieffet « Tone Master Pro ». Il s’agit d’une machine qui se veut complète, facile à utiliser et prête à faire de l’ombre à une concurrence bien installée. Voyons ensemble si la magie opère.
Quand Fender s’y met
Avec le Tone Master Pro, la marque américaine a décidé de jouer dans l’arène des multieffets et autres « modelers » de luxe. En effet, au moment de la rédaction de ce test, Fender vend son nouvel appareil au prix public constaté de 1899 euros. À titre de comparaison, la marque Neural DSP échange son Quad Cortex contre un peu moins de 1700 euros. Autant dire que Fender semble confiant quant à la qualité de son produit. Mais alors qu’avons-nous à ce prix ?
Au déballage, nous retrouvons une machine aux dimensions tout à fait raisonnables de 371 × 262 × 96 mm pour un poids d’environ 4 kg. Le boitier en acier est de bonne qualité et donne accès à un grand écran tactile de 7 pouces derrière lequel se cache un processeur composé de 8 cœurs. Si l’écran est réactif et propose un affichage convaincant, celui-ci devra être traité avec soin. Deux gros potentiomètres crantés, disposant d’une fonction poussoir, sont présents sur les côtés de l’écran. Ces derniers servent à naviguer dans les listes de presets et à gérer les niveaux de sortie du multieffet. On dispose en tout de 10 footswitches, éclairés par des anneaux lumineux et qui peuvent être utilisés comme des potentiomètres lors des réglages des options d’un effet ou d’un amplificateur. Chaque footswitch et potentiomètre possède son écran à LEDs pour afficher le nom d’un preset, d’un effet ou encore d’un réglage. Par rapport au Quad Cortex cité en amont, ce dernier point pourra faire la différence pour certains utilisateurs.
Au niveau de la connectique, les équipes de Fender n’ont pas fait les choses à moitié. Ainsi, nous avons notre disposition :
- Deux entrées : Instrument et Mic/Line
- Deux boucles d’effets monos qui sont placées après l’entrée instrument, avant le traitement numérique.
- Une boucle d’effets stéréo qui peut être utilisée sous forme de deux boucles monos. Cette boucle pourra être librement placée dans la chaîne du son.
- Deux sorties stéréos : XLR/Jack et Jack
- Une sortie casque
- Une entrée auxiliaire
- Deux entrées pour le raccordement de pédales d’expression
- Une entrée TOE SWITCH
- Une sortie AMP CTRL pour contrôler son amplificateur (changement de canal)
- Une connectique MIDI au format cinq broches
- Un port USB-C pour la mise à jour du firmware et l’utilisation de l’appareil comme interface audio
- Un port micro-SD
Sur cette même face, on retrouve la prise d’alimentation de type IEC pour laquelle un câble, très long, est fourni. D’ailleurs, on apprécie le fait que le câble USB-C qui accompagne l’appareil soit lui aussi d’une longueur généreuse car ce n’est malheureusement pas une constante chez la concurrence.
Enfin, le Tone Master Pro est un produit fabriqué en Chine et l’exemplaire testé fonctionnait sous le firmware 1.1.100.
Facile à utiliser
Pour démarrer ce test, j’ai pris au mot l’argument commercial de Fender vis-à-vis de la facilité de prise en main. Pour ce faire, je n’ai consulté aucun manuel pendant la première phase de mon test. Ainsi, au démarrage de la machine, on se retrouve face à une interface claire et plutôt bien pensée. La navigation dans les menus est très intuitive et j’ai trouvé particulièrement pratique le fait que les footswitches puissent être utilisés comme des potentiomètres pour influer sur les réglages des effets et amplificateurs. De manière générale, l’appareil ne fait pas usine à gaz, et l’écran tactile combiné aux images réalistes du matériel simulé, rendent la création des presets confortable. De la même manière, assigner un effet à un footswitch est intuitif, tout comme régler une pédale d’expression pour que cette dernière contrôle un ensemble de paramètres. La prise en main m’a fait fortement penser à celle du HeadRush Prime que nous avions testé sur Audiofanzine. Néanmoins, je trouve que le modèle de Fender est encore plus intuitif à utiliser. J’ai également apprécié la qualité d’intégration de la console de mixage virtuelle qui permet de contrôler les niveaux des différentes sorties. À noter que le Tone Master Pro bénéficie d’une connectivité Bluetooth qui permet d’envoyer une source audio externe (smartphone, tablette…) sur le multieffet. On peut ensuite choisir sur quelle sortie cette source audio sera disponible.
De plus, l’appareil peut être contrôlé en USB-C sur PC et MAC grâce à l’application « Tone Master Pro Control ». Le logiciel est très bien pensé dans la mesure où il reprend à l’identique l’interface de la machine. La marque américaine met aussi à disposition des pilotes de type ASIO afin que le multieffet puisse être utilisé comme interface audio permettant d’enregistrer à la fois son signal « D.I » et le son traité par la simulation. L’interface audio permettra notamment d’effectuer du reamping.
Enfin, on dispose d’un accordeur que j’ai trouvé particulièrement précis et réactif avec une guitare 7 cordes accordée en La. Un looper de 60 secondes est également intégré et s’est révélé très simple à utiliser.
Modelers killer ?
La connectique est bien pensée et la prise en main est confortable. Quid des simulations ? La première chose que l’on remarque c’est que le catalogue d’effets et d’amplificateurs n’est pas le plus riche du marché. Naturellement, Fender promet de faire évoluer son produit avec des mises à jour régulières. Bien entendu, pour l’heure, nous n’avons aucun recul à ce sujet. Quoiqu’il en soit, nous disposons, sans surprise, d’une collection d’amplificateurs Fender et EVH (et de leurs noms officiels !). On retrouve également quelques simulations supplémentaires incontournables tels qu’un Marshall JCM800 ou encore un Friedman BE-100. La collection d’effets couvre largement tous les usages les plus courants. Je vous propose d’écouter quelques extraits sonores plutôt épurés au niveau des effets. J’ai utilisé des amplis seuls, accompagnés d’une ou de deux pédales. Cela nous permet d’entendre ce que le Tone Master Pro est capable de délivrer comme sonorités avec des réglages basiques :
- 1 – 65 Deluxe Reverb – volume 35 + Rev interne 2000:26
- 2 – 65 Deluxe Reverb + Royal Tone BOOST00:24
- 3 – 65 Deluxe Reverb + Royal Tone OD + Dly Ping Pong00:36
- 4 – 65 Princeton Reverb Vol 35 + Rev interne 2000:22
- 5 – 65 Princeton Reverb Vol 50 + Mythic Drive + Cloud Reverb00:46
- 6 – British Plexi + 2 4×12 R121_SM5700:16
- 7 – 65 Twin Reverb Vol 40 + Rev interne 2000:19
- 8 – 65 Twin Reverb Vol 80 + Rev + Dyna Comp + Tape Echo00:16
- 9 – Marksman Ch1 + Puglist Distortion00:47
- 10 – Marksman Ch1 + Maximus Drive + Cloud Reverb00:22
- 11 – Marksman CH2 + 2 4×12 R121_SM5700:14
- 12 – British 80000:38
- 13 – British 800 + Greenbox00:42
- 14 – FBE-100 + 2 4×12 V30 R121_SM5700:21
- 15 – FBE-100 + Large Hall Reverb01:04
- 16 – EVH 5150 IIIS 6L6 Green00:22
- 17 – EVH 5150 IIIS 6L6 Blue00:28
- 18 – EVH 5150 IIIS 6L6 Red + Dynamic Delay00:31
- 19 – EVH 5150 IIIS 6L6 Red + SM7b00:20
La première impression est positive. En chargeant un amplificateur avec son enceinte par défaut, le son est intéressant, notamment pour les sonorités claires. Comme souvent, il faudra passer un peu plus de temps sur le travail des sons (très) saturés. Néanmoins, j’ai trouvé les simulations « officielles » EVH très organiques et réalistes dans leurs configurations initiales. Là où le Tone Master Pro marque des points, c’est clairement sur la question des sensations de jeu. Elles sont excellentes. Le multieffet répond de manière très fidèle aux attaques du médiator ou aux changements de volume sur la guitare. Les effets quant à eux sont pour la plupart très réussis avec, entre autres, quelques réverbes vraiment superbes (la Cloud Reverb ou encore la Large Hall Reverb) et j’ai particulièrement apprécié la simulation de la Klon Centaur (Mythic Drive).
En revanche, j’ai été surpris, dans le mauvais sens du terme, par la gestion des enceintes. En effet, le Tone Master Pro propose d’utiliser un seul micro à la fois pour une enceinte. Ce micro pourra être bougé dans l’espace par un système de points (IRs) fixes, 32 en tout. Cette approche offre l’avantage d’aller à l’essentiel, mais pourra, pour certains utilisateurs tout du moins, sembler un peu trop simpliste pour une machine proposée à un tarif aussi luxueux. Par exemple, il est devenu courant de combiner deux microphones pour une enceinte (comme un SM57 avec un R-121). Pour arriver à ce résultat, je n’ai trouvé aucun autre moyen que d’ajouter une seconde enceinte, en parallèle. À l’usage c’est donc moins immédiat et moins confortable qu’une interface plus « centralisée » que l’on peut retrouver chez la concurrence. Sans surprise, il est possible de charger ses propres Réponses Impulsionnelles (IRs).
Je vous propose maintenant d’écouter quelques extraits pour lesquels j’ai utilisé des presets suffisamment représentatifs des capacités de la machine :
- 20 – Preset Wide Eddie – EVH 5150 IIIS 6L6 Blue00:37
- 21 – Preset Deep Dive – 65 Deluxe Reverb00:31
- 22 – Preset Starfall – 65 Twin Reverb00:34
- 23 – Preset Harmonic Swirl – 65 Super Reverb00:20
- 24 – Preset Big Ambient – 65 Deluxe Reverb00:30
- 25 – Preset Royal Tea – 2xUK3000:13
- 26 – Preset Studio Bass00:16
- 27 – Preset Acoustic00:31
La puissance du Tone Master Pro est suffisante pour bénéficier de la fonction « spillover » entre deux presets. Autrement dit, lorsque l’on passe d’un preset à l’autre, les queues de réverbes et autres effets qui génèrent des répétitions sont préservés. De plus, il sera possible d’utiliser les footswitches pour changer de preset, activer des effets à la manière d’un pedalboard traditionnel ou une combinaison des deux. Le Tone Master Pro propose également une organisation par morceau ou par setlist.
Par ailleurs, un preset pourra être composé d’effets branchés en série ou en parallèle. Étant donné que le multieffet dispose d’une entrée Line/Mic, on pourra créer deux circuits indépendants, un pour la guitare ou la basse et un autre pour le micro. Chacun de ces circuits pourra ensuite être envoyé sur les sorties de son choix.
En revanche, malgré une connectique qui se veut complète, le Tone Master Pro n’offre pas la possibilité de cloner son matériel (amplis, pédales de saturation ou l’ensemble). C’est là un manquement surprenant pour une machine vendue à ce prix. Ceci fait perdre une certaine forme de flexibilité à l’appareil ; cela implique aussi de devoir compter sur la bonne volonté de Fender vis-à-vis de son suivi des mises à jour et l’ajout de références supplémentaires.
Avant de passer à la conclusion, j’ajoute un dernier mot au sujet de l’enceinte FRFR fournie par Fender dans le cadre de ce test, la Tone Master FR-10. Ce modèle 10 pouces s’est révélé efficace et j’ai particulièrement apprécié la réactivité de l’égaliseur. Cette enceinte pourra donc être un bon complément pour l’instrumentiste qui souhaite disposer d’une configuration numérique complète. De plus, grâce à la flexibilité de routage des sorties du Tone Master Pro, il est possible d’utiliser cette enceinte FRFR comme un retour personnel sur scène. Comptez malgré tout environ 500 euros de budget supplémentaire.
Verdict ?
Le Tone Master Pro de Fender est une machine aux nombreuses qualités. Le multieffet est bien construit, bénéficie d’une prise en main parfaitement bien pensée et dispose de toute la connectique nécessaire pour trouver sa place en studio et sur scène. Les sonorités sont bonnes avec, entre autres, des sensations de jeu excellentes. En revanche, Fender vend son appareil très cher et, pour ce prix, il est dommage de ne pas disposer d’un système de « clonage » devenu assez courant sur les machines de cette catégorie. On aurait également apprécié une gestion d’enceintes aux fonctionnalités plus poussées (utiliser deux micros en stéréo avec un placement libre dans l’espace sur un même bloc). Pour ces raisons, le Tone Master Pro perd quelques points sur sa copie.