Cinq ans après le UNO Synth et les UNO Synth Pro, IK Multimedia présente une nouvelle mouture de son synthé analogique paraphonique compact : le UNO Synth Pro X. Au menu cette fois, des commandes directes pour faciliter la création sonore…
Initialement positionnée sur les interfaces audio, contrôleurs Midi, micros, moniteurs, logiciels et accessoires, la société transalpine IK Multimedia continue à étoffer sa gamme d’instruments de musique électroniques abordables. Après le UNO Synth de 2018, la UNO Drum de 2019 et les UNO Synth Pro de 2021, c’est au tour d’un nouveau module de faire son apparition : le UNO Synth Pro X. Au premier regard, on comprend à la fois la filiation et la différence avec ses prédécesseurs : cette fois, la façade est couverte de commandes directes. Nous en avons récupéré un exemplaire, que nous avons testé dans sa version 1.0.0.
Commandes directes
Le UNO Synth Pro X est un module léger et compact de 33 × 15 × 5 cm pour 800 g. La façade est constituée d’une plaque de métal alors que le boitier est en plastique. Le synthé reprend le profil en L des précédents modules de la marque. On reprochait à ces derniers l’édition matricielle et les fonctions cachées dans les menus. Cette fois, IK a complètement revu sa conception. L’édition se fait par des commandes directes en façade, groupées en trois parties. En haut, la partie synthèse, arrangée en différentes sections (Master, matrix, VCO, VCF, enveloppes, LFO, effets), placées tantôt en quinconce, tantôt à la verticale, tantôt à l’horizontale, comme les manœuvres de l’armée romaine, on les cherche un peu au début. En haut à droite, la partie globale, avec petit écran OLED, encodeur poussoir et touches de mode. En bas, le séquenceur, avec mini-clavier, touches d’édition, touches de pas, touches de section et commandes de transport réduites à deux touches.
Le module totalise ainsi 22 potentiomètres, 1 encodeur poussoir à détente et 66 touches en caoutchouc. La réponse des potentiomètres est bonne et les touches sont assez agréables. Toutefois, les paramètres partagent les commandes dans la plupart des modules : VCO x3, LFO x2, enveloppes x3 et effets x3. Un sélecteur permet de basculer d’un groupe de paramètres à l’autre. En maintenant ce sélecteur, on peut éditer tous les groupes d’un module en même temps (par exemple, les 3 VCO). Pour les VCF, les commandes sont dissociées, mais on peut aussi les lier, intéressant. On a aussi pas mal de fonctions secondaires (touche Shift), pour maximiser le nombre de paramètres directement accessibles. Il reste quelques fonctions additionnelles dans les menus, atteignables via la touche Preset et l’encodeur poussoir. À l’usage, ces choix et compromis apportent une ergonomie bien supérieure à l’approche matricielle des précédents UNO Synth, d’autant qu’on peut choisir le mode de réponse des potentiomètres : saut, seuil ou relatif. Par contre, exit les deux rubans de modulation, pas la moindre molette ou la moindre biroute sur les radars…
Connectique complète
La connectique, située sur le panneau arrière, est variée et assez complète : Midi DIN In/Out avec commutation Thru logicielle (changements de programme, synchro, CC), sorties audio gauche et droite, sortie casque, entrée audio (routage d’un signal pré ou post filtre), 2 entrées CV/Gate/Sync (type et tension programmables via la matrice de modulation), deux sorties CV/Gate/Sync (type et tension programmables via la matrice de modulation), une prise USB-C (Midi + mise à jour du micrologiciel) et une prise pour adapteur secteur externe 5VDC/3A fourni, type bloc extrême un peu cheap. Tiens, il n’y a pas d’interrupteur secteur, argh. Les sorties stéréo sont au format jack 6,35 mm symétrique (bravo !), toutes les autres prises analogiques sont au format mini-jack, ce qui permet au UNO Synth Pro X de s’intégrer facilement à un environnement Eurorack. La prise USB-C peut également faire office d’alimentation, mais le fabricant recommande d’utiliser la borne spécifique, on le comprend.
Variété et personnalité sonores
Le UNO Synth Pro X est un synthé analogique programmable, capable de fonctionner en monodie ou en paraphonie trois voix grâce à ses trois oscillateurs, avec différents modes de redéclenchement des enveloppes. C’est un synthé plus facile d’accès que ses prédécesseurs, grâce à ses commandes directes. On retrouve ses fonctions pratiques d’initialisation et rappel de programme ; par contre, il n’y a pas de fonction Compare. La machine comprend 256 programmes réinscriptibles, dont 128 sont préchargés, accessibles avec l’encodeur poussoir ou par PC Midi (on peut activer une option permettant de charger un programme et sa séquence, un programme seul ou une séquence seule). La rangée de 16 touches reste cette fois inopérante dans la sélection de programmes, dommage. Un éditeur/bibliothécaire standalone/VST est également téléchargeable gratuitement, pour ceux qui veulent visualiser sur grand écran ou intégrer le synthé à leur STAN.
Les programmes fournis ne sont pas du remplissage, ils sont accompagnés d’une séquence de démonstration, on sent que les designers se sont bien éclatés. Ce qui frappe d’entrée, c’est le niveau sonore élevé et le bruit de fond réduit. Le module est capable de sonorités très variées : basses analogiques lourdes, pads paraphoniques évolutifs, séquences EDM en tout genre, cuivres pêchus, textures FM ou métalliques, percussions qui tapent, drones sans fin. Les VCO ont un caractère un peu crade, avec parfois des harmoniques parasites, ce qui change des synthés trop propres. Leurs différentes intermodulations étendent la diversité sonore. Les VCF sont très polyvalents et montrent de la personnalité. Les enveloppes claquent à la demande et le séquenceur permet des mouvements complexes. On remarque que le VCF1 ne ferme pas complètement le signal quand la fréquence de coupure est au minimum, ce qui n’est pas le cas du VCF2 que l’on pourra placer en série si on veut tout couper. La section effets offre des chorus amples, des délais synchronisés et différentes réverbes (excessivement poussées dans les Presets). Le synthé est capable de passer de sonorités analogiques douces à des choses plus saturées, allant de la finesse à la brutalité. Il se révèle très polyvalent, avec une belle personnalité.
- UNO Synth Pro X_1audio 1 Deep Pad00:44
- UNO Synth Pro X_1audio 2 Delayed Horn00:54
- UNO Synth Pro X_1audio 3 Drumit Uno01:24
- UNO Synth Pro X_1audio 4 FM Bass00:40
- UNO Synth Pro X_1audio 5 Final Triad01:09
Trois VCO continus
Comme son prédécesseur immédiat, le UNO Synth Pro X est équipé de trois VCO à ondes continues et d’un générateur de bruit blanc, tous dosables via un mixeur. Les VCO passent progressivement entre les ondes triangle, dent de scie, carré, impulsion à 98 %. L’écran affiche la forme d’onde en temps réel, c’est toujours instructif. Une calibration automatique est lancée à l’allumage du synthé, mais on peut la déclencher manuellement en cours de route, au cas où. Cette procédure prend une quinzaine de secondes. Les commandes sont directes mais partagées entre les 3 VCO. Comme signalé, on peut modifier certaines valeurs en même temps en maintenant le sélecteur de VCO.
Pour chaque VCO, on peut éditer la fréquence, la position d’onde et le niveau. Le réglage de l’accordage est particulier : quand on part de la valeur centrale (zéro), on commence par les réglages fins (centièmes), puis on passe aux demi-tons (jusqu’à deux octaves), tout ça avec le même potentiomètre, dans les deux directions. L’encodeur permet alors de prendre le relai au centième de demi-ton, bien vu ! Tant qu’on parle d’accordage, signalons l’existence de 15 tempéraments clavier et d’un portamento (avec modes temps constant ou vitesse constante). Il est possible de faire interagir les VCO : synchronisation par le VCO1 des VCO2 et/ou VCO3, FM exponentielle des VCO2 et/ou VCO3 par le VCO1, modulation en anneau du VCO2 par le VCO1 (sans dosage du niveau de sortie). Une section très complète
Deux VCF combinables
La section filtres du UNO Synth Pro X est identique à celle du UNO Synth Pro. On retrouve deux VCF séparés, que l’on peut router en série ou en parallèle. Le VCF1 est une version améliorée du filtre 2 pôles à OTA du UNO Synth. Il peut fonctionner en modes HP ou LP, avec des phases de 0 ou 180°. Le VCF2 est assuré par un CI SSI2164 (quadruple VCA), fonctionnant en modes passe-bas 2 ou 4 pôles et capable d’auto-osciller. Entre les phases, les modes et les routages, on peut créer 24 combinaisons de filtres, ce qui commence à faire pas mal ! Les potentiomètres dédiés en façade peuvent régler tous les paramètres de filtrage, indépendamment ou en liaison pour les fréquences de coupure et les résonances.
Les fréquences de coupure ont une plage de 512 valeurs et évoluent de 20 Hz à 21 kHz, sans effets d’escalier. Elles peuvent être modulées directement par une enveloppe dédiée (commune, mais avec des quantités de modulation bipolaires séparées) et le suivi de clavier (-200 à +200 %). Les autres modulations se font par la matrice de modulation, nous en reparlerons plus tard… Le VCF2 atteint l’auto-oscillation lorsque la résonance dépasse 215 sur une échelle de 256 valeurs. En sortie de filtre, on trouve un circuit de drive analogique constitué de deux diodes, apportant une saturation asymétrique très musicale, dosable dans la section Master. Le signal passe ensuite dans le VCA final, où il est directement modulable par une deuxième enveloppe ADSR dédiée, avant de rejoindre les boucles d’effets.
Modulations classiques
Le UNO Synth Pro X est très bien équipé au rayon modulations. On trouve pour commencer 2 LFO, capables de générer 8 formes d’ondes : sinus, triangle, dent de scie, rampe, carré, aléatoire, S&H et bruit. La fréquence varie de 0,01 à 100 Hz (donc un peu dans l’audio), avec possibilité de synchronisation au tempo suivant différentes divisions temporelles. La modulation peut apparaitre progressivement, avec fondu de 0 à 10 secondes, selon trois types de courbe : logarithme, linéaire, exponentielle. Le cycle peut être libre ou redéclenché à chaque pression de touche ou via la matrice de modulation.
On continue avec les trois enveloppes ADSR, la première assignée aux VCF (modulations bipolaires séparées), la deuxième assignée au VCA (modulation dosable de 0 = mode drone VCA ouvert, à 127 = modulation via l’enveloppe) et la troisième libre d’affectation. Les temps varient de 0,1 ms à 30 secondes, ce qui est très confortable. Sans avoir vérifié l’exactitude des 0,1 ms, on peut dire que le punch est indéniablement présent sur les temps très courts. Le cycle d’enveloppe peut être redéclenché à chaque pression de touche si on le souhaite. On peut aussi boucler indéfiniment les segments AD de chaque enveloppe. Tant qu’on parle des enveloppes, signalons le mode Bass Line, qui permet au synthé de se comporter comme une TB-303, avec enveloppes limitées aux segments AD, réglages d’Accent, Accent Decay et limitation de certains paramètres comme la fréquence de coupure du VCF (5 kHz).
Modulations matricielles
Le UNO Synth Pro X offre également une matrice de modulation à 16 cordons. Pour chaque cordon, on choisit une source, une destination et une quantité de modulation bipolaire. Le fondu d’apparition de la modulation, non documenté dans le manuel actuel, est bien là, accessible via le menu, merci ! Ceci mentionné, le paramétrage de la matrice se fait aisément avec les trois boutons dédiés dans la section Matrix. On peut assigner directement les commandes présentes en façade. Parmi les sources, la vélocité, la pression, la molette de modulation, le suivi de clavier, la fréquence/le niveau de chaque oscillateur, le bruit, les fréquences de coupure/résonances/espacement des VCF, les LFO (onde et fondu), les enveloppes, les entrées CV/Gate (-2,5 à +2,5 V) et certains paramètres du séquenceur (accent, Gate, liaison).
Parmi les destinations, les fréquence/formes d’onde/niveaux de chaque VCO, la quantité de FM des VCO2 et VCO3, le niveau de bruit, les fréquences/résonances/espacement des VCF, les formes d’onde/vitesses des LFO, les quantités de modulation des enveloppes de VCF et VCA, la quantité de drive, le niveau de sortie de chaque effet, les sorties CV/Gate (0 à 5V), l’accent du séquenceur et les 16 cordons de modulation (un cordon peut donc en moduler un autre, un peu comme un train). Les segments des enveloppes ne sont pas modulables, dommage. Certains réglages absurdes ne sont pas possibles, comme la valeur de fréquence du VCO1 modulant la fréquence d’un autre VCO (car ce n’est pas de l’audio ici).
Trois effets simultanés
Le UNO Synth Pro est doté de trois effets numériques placés en parallèle, mono en entrée et stéréo en sortie, travaillant en 16 bits/48 kHz : modulation, délai, réverbe. Les commandes en façade permettent de régler les paramètres de chaque effet (elles sont cependant partagées). Un dosage et une fonction Bypass par effet permettent de conserver un signal 100 % analogique. Les effets de modulation comportent trois types de chorus stéréo (deux de type Juno Roland et un triple chorus de type string machine) et un chorus/vibrato type Uni-Vibe. Par rapport au UNO Synth Pro, exit les Flanger et le Phaser pas vraiment inoubliables. On peut régler la profondeur de modulation et la vitesse. Les chorus sont très agréables, mais le nouvel effet Vibe ne nous a pas plus convaincu que cela.
Il y a cinq types de délai : mono, stéréo, doubleur, pingpong et LCR. Les temps sont libres ou synchronisés au tempo (différentes divisions sont disponibles, séparés pour les côtés L et R le cas échéant). Le temps total maximal est de 1 seconde, à partager entre les différents canaux traités suivant le type de délai. On peut aussi régler le feedback (nombre de répétitions) et filtrer les hautes fréquences pour adoucir le son répété. Les résultats obtenus sont satisfaisants, que ce soit de simples délais ou des ambiances stéréo plus étoffées. Enfin, la réverbe offre trois algorithmes : hall, plate et Shimmer (bonjour le Shimmer, exit les modes Reverse et Spring du UNO Synth Pro). On peut régler le prédélai (0 à 200 ms) via le menu, la taille, le temps et le filtrage des hautes fréquences en direct. On peut aussi accorder le Shimmer via le menu, ce qui demande un peu de doigté pour bien doser tout ça. Les résultats sont intéressants, pour peu qu’on ne surdose pas trop le signal traité, sinon les réverbes deviennent vraiment envahissantes. Nous apprécions la présence des niveaux de sortie d’effets parmi les destinations de la matrice de modulation, ce serait bien que d’autres paramètres suivent (temps, fréquences, feedback…).
Arpèges et séquences à mouvements
Le UNO Synth Pro X reprend l’arpégiateur et le séquenceur du UNO Synth Pro. L’un exclut l’autre, mais on peut enregistrer un arpège de 16 pas dans le séquenceur. Les notes sont transmises en Midi et les réglages sauvegardés dans chaque programme, merci ! L’arpégiateur offre 10 motifs : haut, bas, haut/bas, haut puis bas, bas/haut, bas puis haut, aléatoire, ordre joué, notes doublées vers le haut et notes doublées vers le bas. L’arpège peut s’étendre de 1 à 3 octaves. Mieux, on peut activer/couper les 16 premiers pas constituant un arpège grâce à la rangée de 16 touches, ce qui apporte du piment. On peut aussi régler le Gate (de 0 à la liaison) et le swing (de 50 à 80 %, commun avec le séquenceur). Une touche Hold permet de maintenir l’arpège en cours pour garder les mains libres.
Le séquenceur offre quant à lui 64 pas (4 pages de 16) capables d’enregistrer des accords en mode paraphonique. On peut le transposer au clavier sur +/- 12 demi-tons en temps réel avec le mini-clavier et les touches +/-, après avoir amorcé la fonction avec la touche Shift. On aurait aimé pouvoir aller au-delà de l’octave, mais c’est déjà pas mal. La lecture peut se faire en avant, en arrière ou en alternance. Ce qu’il manque, c’est une fonction pour activer/couper les pas avec la rangée de 16 touches comme pour l’arpégiateur. Il existe différents modes d’enregistrement : pas à pas, temps réel et édition pas à pas. En enregistrement pas à pas, on entre les notes, la durée (0.0 à 64.0), la vélocité (0 à 127), le temps de Gate (0 à 10), la liaison avec le pas suivant, l’accent et la valeur de n’importe quel paramètre de synthèse (jusqu’à 48 !). En enregistrement temps réel (sur un cycle), on active le métronome et on joue les notes souhaitées en tempo ; idem pour les mouvements des paramètres de synthèse qui sont alors captés à la volée et lissés entre les pas. La vélocité jouée est prise en compte si on utilise un clavier externe. Enfin, en édition pas à pas, on sélectionne le pas ciblé et on entre directement la valeur des paramètres à changer via le menu déroulant. On peut aussi copier, coller et supprimer un pas donné. On peut même créer une séquence complètement aléatoire (notes et paramètres) si l’inspiration ne vient pas. Par contre, il n’existe pas de mode Song, même l’unique chainage de 64 séquences présent sur le UNO Synth Pro a disparu, dommage.
Va bene
Si le UNO Synth Pro avait énormément évolué par rapport à son prédécesseur, le UNO Synth Pro X marque la volonté du constructeur de simplifier la prise en main de ses synthés, en les dotant de commandes directes. Un très bon point, car c’est ce qu’on attend d’un synthé analogique. Sur le plan technique, on constate des évolutions à la marge, avec quelques fonctions ajoutées çà et là (l’enveloppe 3, le mode drone sur le VCA, les effets Uni-Vibe et Shimmer), d’autres supprimées (l’unique Song, les effets Flanger et Phaser). Cette progression au plan matériel s’en ressent évidemment sur la facture, située au niveau de la précédente version clavier. On retrouve avec plaisir les qualités essentielles du UNO Synth Pro, à savoir une section synthèse évoluée, une compacité appréciable et une panoplie sonore variée au caractère bien trempé. Le UNO Synth Pro X ravira les musiciens branchés musiques électroniques, débutants comme confirmés, pour qui la portabilité est un atout essentiel.