Six ans après la première annonce, l’UB-Xa est enfin disponible. Se targuant de répliquer à la fois les OB-Xa et OB-8 d’Oberheim avec une polyphonie double, il représente à date le projet de clonage analogique le plus emblématique de Behringer. Cette longue attente valait-elle la peine ?
Vers la fin des 70’s / début des 80’s, les équipes de Tom Oberheim développent une trilogie de grands synthés en réponse à celle de Dave Smith, l’ami juré de toujours. Les OB répondent ainsi aux Prophet-5 dans une féroce, mais courtoise bataille. Pendant six années intenses, les OB-X, Xa et 8 font écho aux Rev1, Rev2 et Rev3. Polyphonie, mémoires éditables puis Midi, les deux marques progressent à un rythme effréné. Quarante ans plus tard, Tom rejoint enfin Dave pour une ultime collaboration, juste avant que Dave ne tire définitivement sa révérence : c’est le magnifique OB-X8, un concentré des trois modèles pionniers cuisiné à la sauce d’aujourd’hui, testé dans nos colonnes.
Pendant ce temps, Behringer s’est mis en tête de faire sa propre version de tout ce qui avait des VCO-VCF-VCA pour un prix plancher. L’un des projets emblématiques est un clone d’OB-Xa pour à peine plus de 1000 €. Il prend d’abord la forme d’un module trapu, avant de se muter en clavier portant le nom OB-Xa et le logo Oberheim. Les affaires juridiques entre les ayants droit et les ayants pas-tout-à-fait-droit finissent par s’arranger : ce sera finalement un clavier 5 octaves dénommé UB-Xa et logoté Behringer. Si l’aspect juridique est vite réglé, ce n’est pas du tout la même histoire au plan technologique. Le développement traîne, noyé dans le raz-de-marée des projets annoncés à la mitrailleuse automatique sur la page Facebook du constructeur. On sent les ingénieurs sous l’eau, un coup de Covid là-dessus et on repart pour trois ans ! Comme un pied de nez, Oberheim sort son OB-X8 alors qu’on attend toujours le modèle Behringer. L’UB-Xa finit enfin par être disponible en très petite quantité fin 2023, mais nous sommes de la revue puisque la marque a décidé de ne plus prêter de matériel aux journalistes. C’est donc dans la deuxième vague de production que nous avons puisé notre modèle de test…
Deux en un
Sans surprise, l’UB-Xa reprend en très grande partie les commandes et la charte graphique des OB-Xa/OB-8, à savoir des lignes bleues horizontales sur fond noir (enfin, quasi-noir, Behringer ayant utilisé une couleur anthracite qui se marie moins bien que le noir profond avec les couleurs claires). La construction de la coque est sérieuse, avec du métal judicieusement plié et des flancs en bois, qui confèrent une bonne rigidité. La machine mesure 105 × 35 × 11 cm pour 12 kg, ce qui en fait un instrument moins encombrant et moins lourd qu’un gros OB. Les interrupteurs sont francs et les axes en plastique des potentiomètres sont stables, mais les capuchons sont assez mobiles (arbres un peu trop courts). L’écran LCD 2 × 16 caractères rouge sur fond rouge est insupportable, un OLED aurait été de bon aloi. Sur les photos du site Behringer, le LCD est blanc, peut-être pour une future production ? Côté connectique, il y a un peu de jeu, surtout sur les jacks. L’ensemble reste plus qu’acceptable au vu du tarif très serré. À l’intérieur, deux petites cartes multicouches superposées intègrent les nombreux composants montés en surface, les plus importants pour le son étant signés Cool Audio, la société sœur de Behringer, en particulier les 32 VCO (V3340) et 32 VCF (V3320). Les cartes sont collées à une alimentation interne automatique (youpi !) et un ventilateur, peu bruyant, dont l’action peut être programmée.
La façade est couverte de commandes espacées et confortables : 26 potentiomètres, 51 interrupteurs (gros et moyens, avec une petite LED rouge) et un encodeur-poussoir. Leur organisation par section est très proche de celle de l’OB-8 : Manual (volume, balance, accordage, mémoire d’accords), Control (unisson, portamento, désaccordage des VCO/voix), arpégiateur, LFO, VCO, mixeur/VCF, enveloppes, modes clavier, partie à éditer, séquenceur, gestion des programmes (numéro, comparaison / initialisation / mode manuel), réglages globaux, mode vintage, favoris (15 programmes appelables avec 4 touches combinées). Tout cela rend l’UB-Xa très simple à manipuler tant qu’on n’entre pas dans les menus, car la navigation avec l’unique encodeur-poussoir n’est pas toujours intuitive. La partie latérale gauche comprend le LFO de performance, les deux leviers de modulation et la transposition par octave/demi-ton (en utilisant la touche Shift). Les leviers, dotés d’un ressort de rappel, reprennent la conception Oberheim : modulation à gauche, pitchbend inversé à droite (on monte en tirant et on descend en poussant). On peut toutefois les inverser. Le clavier de 5 octaves est composé de touches individuelles semi-lestées à ressort. Il est sensible à la vélocité et à la pression polyphonique. Le toucher est irrégulier, les blanches étant plus molles que les noires. Behringer a toutefois bien progressé dans ce domaine. Toute la connectique est regroupée à l’arrière gauche : borne secteur à 3 broches, prise USB-B (class compliant Midi, CC/NRPN par canal en émission/réception, MPE, gestion mémoires par Sysex, mise à jour du système), trio Midi DIN, 2 pédales continues (vibrato et filtre), 3 pédales interrupteurs (Sustain, avance des programmes, Hold) et 4 sorties audio (gauche, mono, droite, casque). Les sorties ligne sont symétriques, merci !
Son des OB
L’UB-Xa peut mémoriser 512 programmes simples (16 voix), 35 programmes Split (2 programmes séparés de 8 voix) et 35 programmes Doubles (2 programmes empilés de 8 voix). On peut régler le volume et la balance entre les deux parties. Environ 400 emplacements sont déjà programmés, certains reproduisant les banques d’origine, d’autres étant l’œuvre des bêta-testeurs. Franchement, on ne peut pas dire que les propositions soient extraordinaires. Il y a bien quelques pépites, mais force est de constater qu’elles sont noyées dans un ensemble plutôt quelconque. C’est une affaire de goût, bien évidemment, et sans doute aussi une histoire de calibrage des OB-Xa/OB-8 vintage des bêta-testeurs (il suffit par exemple que les PWM ou les modulations de VCF soient déréglées pour tout fausser).
Qu’à cela ne tienne, le synthé est tellement simple à programmer qu’on va pouvoir vite se constituer une banque à son goût. Et dans ce domaine, il ne déçoit pas. On retrouve le grain soyeux avec des médiums aigus très agréables et des basses biens équilibrées. Les PWM font merveille sur les cordes, les cuivres possèdent ce lustre ou ce filtrage typique, les synchros sont impeccables, les ensembles à portamento polyphoniques sont spectaculaires. Là où l’UB-Xa surprend, c’est sur la rapidité des enveloppes numériques, supérieure aux CEM3310 analogiques originelles. Parfois, il faut réduire les attaques pour éviter un claquement (et on ne parle pas ici d’un petit « plop », mais d’un grand « clac » !). Nous apprécions la reproduction fidèle du comportement des deux modes de filtrage (et leur déséquilibre de compensation de résonance). Le manuel parle d’auto-oscillation des VCF, mais nous n’avons pas réussi à les y mettre de manière durable en coupant les VCO, en tout cas pas au point de jouer de la sinusoïde sur tout le clavier. Au passage, les VCF des OB-Xa/OB-8 n’auto-oscillent pas non plus. L’UB-Xa possède une palette sonore plus large que ses ancêtres, notamment grâce à la matrice de modulation et les nombreux paramètres du mode Vintage qui changent considérablement la donne, simulant des instabilités, poussant les réglages au-delà des valeurs d’origine, modifiant la réponse des modules (voir encadré plus bas). Ils transfigurent littéralement le son, c’est une excellente trouvaille, constatons que Behringer sait faire preuve d’imagination !
Alors, qu’en est-il en comparaison directe avec les modèles vintage ? Le lecteur pourra se reporter aux tests de l’OB-Xa et de l’OB-8 pour se faire une idée avec ses propres oreilles. L’UB-Xa est très proche, comme on l’a dit, mais il n’égale pas ses ancêtres, en particulier quand on module les VCO synchronisés qu’on colore le son avec le filtre ou que l’on joue sur les PWM. Il manque ce petit plus qui habite les vieux coucous, leur côté magique dans le son, le petit truc qui déclenche l’émotion. Ce n’est pas qu’une question d’instabilité ou de vétusté, de psychologie ou de nostalgie, c’est ce qu’on constate si on met les machines côte à côte. C’est sans doute lié à la gamme de travail des composants, aux tolérances de fabrication, aux valeurs de certaines capa utilisées à l’époque, à la conception des circuits, aux tensions d’alimentation, au contrôle numérique strict pour corriger tout ce qui bouge…
- UB-Xa_1audio 01 That Bass00:19
- UB-Xa_1audio 02 FVS Bass00:42
- UB-Xa_1audio 03 Dr Bass00:21
- UB-Xa_1audio 04 Polysynths00:24
- UB-Xa_1audio 05 Oberstrings01:34
- UB-Xa_1audio 06 Resonance00:37
- UB-Xa_1audio 07 UB300:50
- UB-Xa_1audio 08 Combo00:15
- UB-Xa_1audio 09 Dyn EP00:37
- UB-Xa_1audio 10 Bye UB01:04
VCO simplistes
L’UB-Xa est un synthé analogique polyphonique 16 voix et bitimbral, conçu pour reproduire le son et l’expérience des OB-Xa/OB-8. Chaque voix est constituée de 2 VCO, 1 VCF (en fait 2 VCF au plan électronique, un par mode), 1 VCA stéréo et 2 enveloppes numériques. Les VCO sont constitués par un circuit intégré V3340 signé Cool Audio, clone du CEM3340 signé Curtis. Ils génèrent des ondes dent de scie, impulsion variable ou triangle, sans possibilité de cumuler les deux premières (contrairement à l’OB-8 et à l’OB-X8), ce qui est à notre sens une erreur de conception. Le premier VCO s’accorde par octave sur 4 octaves, le second par demi-ton sur 5 octaves ; il y a aussi un désaccordage fin.
La largeur d’impulsion des VCO (de carré à impulsion très pincée) se règle simultanément (avec l’unique potentiomètre idoine) ou séparément (maintien de l’une des touches VCO tout en tournant ledit potentiomètre). Le VCO1 peut synchroniser le VCO2, avec option de modulation de la fréquence de ce dernier par l’enveloppe de VCF, pour les effets métalliques caractéristiques. En revanche, il n’y a pas de X-Mod (Behringer n’a pas poussé sa conception sur le territoire de l’OB-X). Aux VCO s’ajoute un générateur de bruit blanc finement dosable. Dommage que l’étage de mixage des VCO ne soit pas amélioré par rapport aux modèles vintage, à savoir marche/arrêt pour le VCO1 et marche/moitié/arrêt pour le VCO2. En revanche, on trouve un mode Unisson, avec choix du nombre de voix empilées et désaccordage. Allié au positionnement stéréo des voix, on peut créer des leads énormes. On peut aussi changer la priorité de note (dernière, haute, basse). Terminons cette visite guidée des VCO par la mémoire d’accords et le portamento polyphonique (continu, quantifié, autobend), pour ces glissements spectaculaires, surtout quand on titille le profil Vintage qui fait varier les temps entre les voix.
VCF alternatifs
Le signal des 2 VCO et du générateur de bruit entrent ensuite dans un VCF passe-bas résonant 2 ou 4 pôles. Comme sur l’OB-Xa, chaque mode utilise un circuit intégré distinct, contrairement à l’OB-8 qui utilise le même pour les deux modes. Il y a donc deux VCF par voix, mais un seul à la fois. On aurait aimé pouvoir combiner les deux et pourquoi pas des réponses passe-haut et passe-bande, vu que le circuit intégré Cool Audio V3320 utilisé le permettrait (c’est un clone de CEM3320, utilisé sur le Synthex d’Elka dans les modes LP-BP-HP). Là, c’est un peu gâché… En mode 2 pôles, la résonance n’écrase pas le signal, elle a même tendance à l’amplifier quand elle est poussée au maximum. En mode 4 pôles, le niveau de sortie baisse quand on pousse la résonance, mais est renforcé en position intermédiaire.
Bref, on sent que les concepteurs se sont donnés de la peine pour bien reproduire le comportement de l’OB-Xa, le plus distinctif des deux. La fréquence de coupure peut être directement modulée par le potentiomètre idoine (parfaitement lisse car codé sur 16 bits, comme tous les paramètres clés de la machine), le suivi de clavier (tout ou rien), le LFO principal et l’enveloppe dédiée, hélas toujours sans inversion de polarité. Nous verrons plus tard qu’une matrice de modulation accroit considérablement les possibilités, ce qui permet à l’UB-Xa de se démarquer nettement de ses ancêtres (et aussi de l’OB-X8). Le son termine sa course dans le VCA final, doté d’une seconde enveloppe dédiée. Le panoramique de chaque voix peut être réglé via le menu, c’est très bien, mais c’est hélas global.
Modulations matricielles
Les modulations de l’UB-Xa commencent de manière classique par un LFO principal. Il est capable d’osciller entre 0,06 et 50 Hz et peut être synchronisé à l’horloge suivant différentes divisions temporelles. Son cycle peut être libre ou redéclenché à chaque note. Il offre 6 formes d’ondes : sinus, dent de scie, carré, rampe, S&H, échantillonnage du LFO de performance. Il agit sur deux bus de destination, avec des quantités de modulation distinctes : le premier cible la fréquence du VCO1, celle du VCO2 et celle du VCF ; le second cible la PW1, la PW2 et le VCA. Comme sur l’OB-8, on trouve des fonctions additionnelles sur le LFO : quantification de la forme d’onde sur chaque bus, suivi de clavier de la fréquence, phase de la forme d’onde, enveloppe Délai/Attaque pour la quantité de modulation, inversion de modulation. Le second LFO (de performance) module la fréquence des VCO (1, 2, 1+2), avec une quantité dosée via un potentiomètre dédié et le levier de modulation. Il offre 6 formes d’onde : triangle, carré, rampe, dent de scie, bruit et S&H. Sa fréquence oscille entre 0,06 et 50 Hz. En mode Split/Dual, on peut activer la modulation sur chaque partie. La mémorisation de cette section se fait uniquement en mode Split/Dual, dommage.
On poursuit par les deux enveloppes ADSR : la première est préassignée au VCF et est assignable à la fréquence du VCO2, utile en cas de synchronisation des oscillateurs. La deuxième est directement assignée au VCA, sans dosage, comme bien souvent. Les temps initiaux varient, suivant le segment ADR, respectivement de 7–9–50 ms à 13–16–20 secondes. Tout cela peut être bousculé en fonction des réglages des profils Vintage. Comme déjà mentionné, les enveloppes savent se montrer TRÈS claquantes, nous sommes surpris par les valeurs minimales données pour les segments AD. Mais là où l’UB-Xa devient très intéressant, c’est dans sa matrice de modulation à 8 cordons, permettant de relier environ 40 sources à 30 destinations, avec modulation bipolaire. Parmi les sources, citons la vélocité, la pression (mono/poly), les deux leviers, le suivi de clavier, les enveloppes, le LFO, le générateur de bruit (très bien cette option !), différents CC Midi, les trois axes MPE… Parmi les destinations, notons les segments d’enveloppes, la coupure du VCF, sa résonance, la fréquence des VCO, les PWM, le volume, le panoramique, la quantité des LFO, la vitesse des LFO… De quoi bien enrichir la palette sonore et combler un gros point faible des OB vintage.
Arpégiateur et séquenceur
L’UB-Xa est doté d’un arpégiateur basique indépendant pour chaque partie. Il offre 12 motifs de jeu (haut, bas, alterné, aléatoire, ordonné et différentes répétitions). Il est synchronisable à l’horloge Midi avec différentes divisions temporelles. On peut régler le temps de Gate, définir si une nouvelle note ajoutée à un accord plaqué redéclenche ou non le cycle, transposer le motif de 2 à 6 octaves ou maintenir le motif après relâchement. Rien que l’essentiel, en somme…
On dispose également d’un petit séquenceur polyphonique 8 voix également indépendant par partie, capable de mémoriser 64 pas de notes. La lecture se fait uniquement en marche avant, avec arrêt/reprise ou retour à zéro suivant les commandes de transport utilisées. Les séquences sont transposables en temps réel dès qu’on appuie sur une touche. L’enregistrement se fait en pas à pas. On peut naviguer entre les pas, mais l’édition se cantonne à l’ajout de notes après le dernier pas ou la suppression de la dernière note entrée / du dernier pas entré. De même, on ne peut enregistrer les mouvements des commandes, c’est vraiment un séquenceur très basique. On peut aussi importer une séquence d’un autre programme. La sauvegarde de la séquence se fait dans chaque programme. Les notes arpégées et séquencées peuvent être transmises en Midi, c’est une option globale, bien vu !
Conclusion
Le développement de l’UB-Xa a pris un temps conséquent. Il faut dire que la marque s’est attaquée à un monument de la synthèse, sans complexe, à une époque où elle était encore peu expérimentée. Raison de plus pour ne pas se louper. Plusieurs années après l’annonce, le synthé est là, offrant deux fois plus de polyphonie que l’original, des fonctionnalités modernisées, davantage de modulations et une fonction Vintage aussi originale que bien pensée. La construction mécanique est sérieuse, les potentiomètres agréables à manier et le clavier à pression polyphonique plutôt pas mal. Le résultat global est très bon, que ce soit au plan expérience utilisateur que couleur sonore. Si la panoplie est plus large et l’expressivité meilleure, il nous manque toutefois la magie du timbre des ancêtres, ce petit truc qui provoque une émotion spéciale dès qu’on écoute quelques sons, même simples, ou qu’on tourne un potentiomètre. Une très bonne approche des OB-Xa/OB-8 à tarif très serré, pas une copie parfaite, qui repart avec un Award Qualité/prix.