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Test du Monopoly de Behringer - Les cartes rebattues

9/10
Award Qualité/Prix 2020
2020
Qualité/Prix
Award

Après le PolyD, Behringer présente le MonoPoly, un synthé paraphonique à 4 VCO, logé dans un solide panneau inclinable d’acier et de bois, pour un tarif très serré. Eclipsera-t-il le modèle vintage éponyme de Korg ?

Test du Monopoly de Behringer : Les cartes rebattues

Bien parti pour cloner tous les synthés vintage remarquables, Behrin­ger vient de présen­ter le Mono­Poly. C’est en 1981 que Korg présente le Mono/Poly (avec un /), un synthé compact conçu pour appor­ter un gros son et une pseudo poly­pho­nie à prix accep­table, à une époque où les véri­tables synthés poly­pho­niques sont diffi­ci­le­ment acces­sibles à la plupart des bourses. Le son parti­cu­lier du Mono/Poly est dû entre autres à ses 4 VCO SSM2033 (introu­vables à prix décent) en inter­ac­tion, cuisi­nés par un VCF SSM2044 (cloné depuis par Cool Audio, une société sœur de Behrin­ger). Il a donc fallu mener un gros travail de rétro-engi­nee­ring (un an pour le VCO) pour faire renaître le son authen­tique et l’ex­pé­rience de program­ma­tion du petit synthé de recherche trapu. Alors tous sur la case départ, c’est parti pour la conquête du monde !

Case départ

MonoPoly_2tof 01.JPGLe Mono­Poly reprend la même coque que le Poly D, à savoir une construc­tion de métal et de bois, une façade esca­mo­table suivant trois posi­tions, un clavier 3 octaves et 2 molettes opaques. L’objet est très classe et affiche 10,3 kg pour 65 × 36 × 9 cm avec le panneau rabattu. Les commandes en façade, correc­te­ment ancrées et espa­cées, sont iden­tiques à celles du Mono/Poly en type, nombre et orga­ni­sa­tion. Cela repré­sente 32 poten­tio­mètres, 9 sélec­teurs rota­tifs, 13 inter­rup­teurs et 6 boutons pous­soirs. On aurait aimé quelques amélio­ra­tions, mais ce n’est pas au plan des commandes qu’il faut les cher­cher. La résis­tance des poten­tio­mètres et sélec­teurs est très correcte, mis à part les sélec­teurs d’ondes qui bougent sur leur axe et les boutons-pous­soirs qui tanguent un peu sur leur ressort (ils fonc­tionnent toute­fois très bien).

Évidem­ment, nous sommes sur une ergo­no­mie un bouton / une fonc­tion, syno­nyme de prise en main immé­diate, d’au­tant que les commandes sont assez logique­ment placées, comme à l’ori­gine : routage des molettes, LFO (MG), PWM, inter­mo­du­la­tions des VCO, VCO, mixeur, VCF et enve­loppes. Sans oublier les commandes de l’ar­pé­gia­teur, des modes de voix, du trig­ger et d’ac­ti­va­tion des inter­mo­du­la­tions des VCO (EFFECTS). Les molettes sont assi­gnables aux VCO (VCO1 ou VCO esclaves en cas d’in­ter­mo­du­la­tions), au pitch global (tous les VCO) ou au VCF, avec une inten­sité réglable.

MonoPoly_2tof 10.JPGLe pitch­bend (à ressort) agit direc­te­ment alors que la molette de modu­la­tion pilote l’ac­tion du LFO1 sur la desti­na­tion choi­sie. Seuls quelques réglages numé­riques minimes sont acces­sibles depuis l’ap­pli­ca­tion maison Synth Tools (canal MIDI, filtres MIDI, courbe de vélo­cité, prio­rité de note, pola­rité des entrées…). Le clavier, trop mou à notre goût, est sensible à la vélo­cité mais pas à la pres­sion ; il pourra pilo­ter des appa­reils MIDI, le synthé interne n’étant pas contrô­lable par la vélo­cité.

Le panneau arrière, rele­vable, reprend la même connec­tique que le Mono/Poly de Korg : sortie mono asymé­trique, sortie casque, entrée/sortie CV 1V/octave, entrée/sortie Trig (avec commu­ta­teur de pola­rité), entrée pédale vers le pitch, entrée pédale vers le filtre, entrée pédale de commu­ta­tion pour le porta­mento et entrée synchro pour l’ar­pé­gia­teur. Toute cette connec­tique est au format jack 6,35. S’y ajoutent les prises MIDI : trio DIN et prise USB-B (MIDI, système). Tout est soli­de­ment vissé, rien ne bouge. L’ali­men­ta­tion est ici externe, avec un bloc cheap 12 V DC – 1A – centre posi­tif. Au global, c’est nette­ment moins géné­reux que sur le PolyD.

Compa­gnie de distri­bu­tion d’élec­tri­cité

MonoPoly_2tof 05.JPGLe Mono­Poly est un synthé analo­gique para­pho­nique à 4 VCO / 1 VCF / 1 VCA. Notre exem­plaire de test est immé­dia­te­ment stable dès l’al­lu­mage. Pour­tant, Behrin­ger a équipé sa machine d’une fonc­tion Auto­tune, enclen­chable à l’al­lu­mage par combi­nai­son de touches (on peut aussi annu­ler son action après coup). Nous n’avons jamais eu besoin d’ac­cor­der le synthé pendant tout son séjour au studio. Les niveaux de sortie sont bons et peuvent être ajus­tés avec le poten­tio­mètre de volume et un sélec­teur de niveau à trois posi­tions. Le Mono/Poly était à l’ori­gine posi­tionné comme synthé de recherche, avec des possi­bi­li­tés d’in­ter­ac­tion des VCO très inté­res­santes, un arpé­gia­teur qui cycle les VCO et des modes de voix permet­tant de passer de gros sons épais aux accords plus subtiles. Voyons s’il en est de même ici…

Empi­ler 4 VCO un peu désac­cor­dés permet de peser incon­tes­ta­ble­ment, pour des sons de basse bien gras ou des unis­sons à PWM énormes. Quand on active la section EFFECTS, tout peut vite partir en live, que ce soit avec les 4 VCO modu­lés en cascade ou 2 par 2. À nous les textures métal­liques, les déchi­re­ments effrayants (vive la X-MOD !), les synchros verti­gi­neuses, les accords cuivrés ou les nappes subtiles.

MonoPoly_2tof 08.JPGLe filtre est à la fois musi­cal et impi­toyable, avec une réso­nance pronon­cée qui n’écrase pas les basses fréquences, vrai­ment à l’aise dans de nombreux domaines. Les enve­loppes savent pincer sur les déclins courts et les LFO chatouillent un peu l’au­dio. Chose amusante, on peut régler chaque VCO de manière très diffé­rente (forme d’onde et accor­dage) pour jouer des accords étranges ou des cycles d’ar­pèges, comme sur un modu­laire.

Afin de pous­ser les inves­ti­ga­tions, nous avons squatté un sympa­thique studio sici­lien qui abrite plusieurs centaines de synthés et BAR de toutes les époques : entre les PPG, Moog, Oberheim, Sequen­tial, Octave et Linn, nous avons trouvé un Mono/Poly parfai­te­ment fonc­tion­nel. La simi­li­tude visuelle était déjà saisis­sante, la simi­li­tude sonore l’est encore plus, que ce soit dans les VCO, leurs inter­ac­tions, les PWM, le VCF ou les enve­loppes. Le (véné­rable) Mono/Poly demande une bonne quin­zaine de minutes pour se stabi­li­ser, là où le (jeune) Mono­Poly est immé­dia­te­ment et dura­ble­ment stable. La prin­ci­pale diffé­rence consta­tée réside dans la réponse du Decay des enve­loppes et le dosage bipo­laire de l’en­ve­loppe de VCF : les réglages ont la même plage, mais pas la même linéa­rité. On peut donc avoir les mêmes réponses, mais les deux poten­tio­mètres ne sont pas au même endroit. Cela peut évidem­ment venir du cali­brage de chaque synthé, sachant que deux Mono/Poly vintage ne sont déjà pas étalon­nés de la même façon. Par contre, nous avons été surpris par la simi­li­tude des autres réglages, sur des machines d’une telle diffé­rence d’âge. Bref, l’es­prit et le grain du Mono/Poly sont bien là, bravo !

Mono­Poly_1audio 01 Cyclic Arp
00:0001:01
  • Mono­Poly_1audio 01 Cyclic Arp01:01
  • Mono­Poly_1audio 02 Poly PWM00:37
  • Mono­Poly_1audio 03 Porta Sync00:21
  • Mono­Poly_1audio 04 Basic Arp01:27
  • Mono­Poly_1audio 05 Poly Porta00:37
  • Mono­Poly_1audio 06 One VCO00:46
  • Mono­Poly_1audio 07 Blah Blah00:40
  • Mono­Poly_1audio 08 Blood Organ01:19
  • Mono­Poly_1audio 09 Soprano Voice00:24
  • Mono­Poly_1audio 10 Poly XMod00:34
  • Mono­Poly_1audio 11 Perky Noise00:22

Les quatre gares

MonoPoly_2tof 04.JPGAllez, rentrons main­te­nant dans la synthèse. Le Mono­Poly reflète parfai­te­ment chaque module du Mono/Poly, ni plus, ni moins. On part de 4 VCO iden­tiques, capables de produire 4 formes d’onde (triangle, dent de scie, PWM et PW manuelle) sur 16/8/4/2 pieds. Les 4 VCO sont accor­dés par un Tune global et un sélec­teur d’oc­tave (+/-1). Les VCO 2–3–4 sont chacun dotés d’un poten­tio­mètre d’ac­cor­dage fin. Un Detune global permet d’élar­gir le son en écar­tant les 4 VCO simul­ta­né­ment, parti­cu­liè­re­ment appré­ciable en mode unis­son. Lorsqu’un oscil­la­teur est réglé sur PWM, il peut être modulé par le LFO1, le LFO2 ou l’en­ve­loppe VCF suivant une inten­sité ajus­table. Lorsqu’un oscil­la­teur est réglé sur PW, le cycle prend une largeur fixe défini par un poten­tio­mètre dédié. C’est donc beau­coup plus souple que la section VCO du PolyD !

Les VCO peuvent être assi­gnés aux notes suivant diffé­rents modes : mono, unis­son, poly ou accord. Behrin­ger n’a pas oublié le mode de redé­clen­che­ment des notes (simple ou multiple) et l’Auto-Damp, permet­tant de suppri­mer les notes d’un accord lorsqu’on les relâche une par une en para­pho­nie. Très origi­nale et respon­sable de certains sons spéci­fiques à la machine, la section EFFECTS permet d’in­ter­mo­du­ler les VCO dans le domaine audio : synchro, X-Mod ou les deux en même temps. La synchro est une clas­sique Hard Sync, alors que la X-Mod s’ap­pa­rente à de la modu­la­tion d’am­pli­tude. Là où le Mono/Poly se distingue d’autres synthés analo­giques, c’est dans le choix du rôle des VCO maîtres / esclaves : soit le VCO1 module les 3 autres, soit le VCO1 module le VCO2 tandis que le VCO3 module le VCO4. Et là, les résul­tats sont très diffé­rents ! On peut aussi modu­ler la FM des VCO esclaves avec l’en­ve­loppe de filtre ou le LFO1. Nous ne parti­rons pas sans parler du porta­mento (poly­pho­nique dans les modes Unis­son/Share et Poly, merci crou­le­barbe et oryjen pour le chal­lenge !) et son poten­tio­mètre de réglage de temps. Une section très inté­res­sante et parfai­te­ment repro­duite.

Caisse de commu­nauté

Les 4 VCO ainsi qu’un géné­ra­teur de bruit blanc sont ensuite dosés sépa­ré­ment dans un mixeur. Pous­ser les niveaux apporte une légère satu­ra­tion asymé­trique très agréable, avant de rejoindre le VCF commun. Il s’agit d’un filtre passe-bas réso­nant 4 pôles, dont la fréquence de coupure peut être modu­lée par une enve­loppe, le suivi de clavier (0 à 100%) et le LFO1.

MonoPoly_2tof 13.JPEGLa modu­la­tion par l’en­ve­loppe est bipo­laire, idéal pour créer des sons à double attaque, super ! Augmen­ter la réso­nance n’écrase pas les fréquences basses, nous l’avons dit. La pous­ser au-delà de 8 fait entrer le filtre en auto-oscil­la­tion, où il produit une onde sinus peu criarde. Cela permet au passage de contrô­ler le bon cali­brage du suivi de clavier. Enfin, le son passe par le VCA final, piloté par une seconde enve­loppe dédiée, avant de rejoindre la sortie.

Côté modu­la­tions, on a 2 LFO et 2 enve­loppes. Les LFO sont de concep­tion pure­ment analo­gique (donc sans synchro au tempo MIDI). Plus complet, le LFO1 offre 4 formes d’ondes (triangle, dent de scie, rampe, carré, mais pas d’aléa­toire) et peut oscil­ler de 0,1 à 20 Hz, ce qui n’est pas ultra­ra­pide. Il peut, en direct, affec­ter la PWM et la FM des VCO esclaves et, via la molette de modu­la­tion, les VCO esclaves, le pitch ou le VCF. Le LFO2 ne dispose que d’une onde triangle ; il est assi­gné à la PWM et défi­nit aussi le tempo de l’ar­pé­gia­teur. Sa fréquence varie de 0,1 à 30 Hz, ce qui chatouille un peu l’au­dio. Les enve­loppes sont quant à elles de type ADSR et de concep­tion analo­gique comme sur l’ori­gi­nal. La première est préas­si­gnée au VCF, mais elle peut égale­ment modu­ler la PWM et la FM des VCO esclaves. La seconde est unique­ment assi­gnée au VCA. Pas trop de fiori­tures dans ce secteur…

Compa­gnie de distri­bu­tion des eaux

Comme le Mono/Poly, le Mono­Poly intègre un arpé­gia­teur très basique mais toute­fois sympa­thique. Il peut agir sur 1, 2 ou toute la tessi­ture suivant 3 motifs : haut, bas, alterné (donc pas d’aléa­toire là non plus). Le mode Latch permet de faire tour­ner les arpèges en relâ­chant les notes. En mode Poly, l’ar­pé­gia­teur a la parti­cu­la­rité de cycler les VCO, alors que leur ordre est réini­tia­lisé lorsqu’on joue au clavier dans le même mode. Cela permet de créer des mini-motifs inté­res­sants en variant les réglages des VCO. Astuce : pour obte­nir un pseudo cycle des VCO quand ils sont joués au clavier, il faut se placer en mode Poly, lais­ser l’ar­pé­gia­teur activé et régler sa vitesse au mini­mum. Les notes arpé­gées peuvent être trans­mises en MIDI DIN ou USB, merci.

J’achète !

Avec le Mono­Poly, Behrin­ger réus­sit une réédi­tion très fidèle du synthé déve­loppé par Korg il y aura bien­tôt 40 ans. Le synthé ravira les nostal­giques dont le Mono/Poly dort d’un sommeil éter­nel dans un flight pour cause de panne majeure, en appor­tant à la fois un son et une inter­face conformes à l’ori­gi­nal. La qualité de construc­tion est excel­lente et le format très sexy, avec ce chouette panneau incli­nable en métal et ces jolis flancs en bois. On retrouve les quali­tés intrin­sèques du Mono/Poly, à savoir le grain géné­reux du cock­tail VCO/VCF, l’en­trée CV vers le VCF, les diffé­rentes inter­ac­tions d’os­cil­la­teurs, les enve­loppes rapides, les modes de voix complets et le sympa­thique arpé­gia­teur capable de cycler les VCO. On regrette surtout la rela­tive mollesse du clavier et l’ali­men­ta­tion externe cheap. Le Mono­Poly est un vrai synthé d’ex­pé­ri­men­ta­tion qui réserve bien des surprises, avec une prise en main aisée. Lorsqu’on voit la cote atteinte par les Mono/Poly vintage et la diffi­culté à trou­ver des VCO SSM2033, l’al­ter­na­tive propo­sée par Behrin­ger, robuste, fidèle, abor­dable et MIDI d’ori­gine appa­rait comme un excellent plan. On évite ainsi de payer la taxe de luxe ou de passer par la case prison, d’où l’Award qualité/prix Audio­fan­zine 2020.

Tarif annoncé : $699

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Notre avis : 9/10

Award Qualité/Prix 2020
2020
Qualité/Prix
Award
  • Son analogique fidèle à l’original
  • Belle variété sonore
  • Paraphonie à 4 VCO
  • Intermodulations des VCO
  • Belle coloration du filtre
  • Enveloppes analogiques rapides
  • Arpégiateur avec cyclage des VCO
  • Connectique CV/DIN/USB
  • Prise en main immédiate
  • Construction robuste
  • Autotune intégré
  • Excellent rapport qualité/prix
  • Pas plus original que l’original
  • Clavier un peu mou à notre goût
  • Sélecteurs des formes d’onde assez mobiles
  • Alimentation externe cheap
  • L’absence de mémoires / CC pourra gêner certains

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