Présentée récemment, la série de workstations Fantom-0 tente d’offrir à tarif modéré l’essentiel de la série haut de gamme Fantom sortie il y a quelques années. Puissance, plateforme, moteurs, fonctionnalités, cosmétique, voyons ce qui a pu être conservé…
Bien moins dynamique qu’il y a quelques décennies, le marché des workstations est en pleine mutation. Peu de marques se le disputent encore et les produits proposés ne semblent plus offrir l’ensemble des fonctionnalités requises pour être pleinement éligibles à cette catégorie. Il n’est pas rare de voir la section sampling passer à la trappe, quand ce n’est pas le séquenceur proposé en mode dégradé. En revanche, les constructeurs ont multiplié les moteurs de synthèse et les modèles présentés aujourd’hui en assemblent plusieurs, les mélangeant allégrement au sein de combinaisons multitimbrales sophistiquées, apportant une palette sonore impressionnante, tant en qualité qu’en diversité. Tout cela est largement développé dans notre guide d’achat dédié aux workstations.
Roland a présenté il y a quelques années sa nouvelle série Fantom, très puissante et surtout très ergonomique, positionnée dans le haut du panier. Il n’est pas surprenant de voir apparaitre quelque temps après, comme bien souvent, un modèle d’entrée de gamme héritant de la technologie du vaisseau amiral. C’est donc la nouvelle série Fantom-0 qui s’y colle, prenant la relève de la série FA qui peut maintenant prendre un repos bien mérité. Elle vient en effet de prendre un sacré coup de vieux. Voyons pourquoi, aux commandes d’un Fantom-06 équipé de l’OS1.01, un chasseur redoutable qui ne paie pourtant pas de mine…
Cosmétique et connectique
La série Fantom-0 est déclinée en trois modèles : 61 et 76 touches avec clavier synthé et 88 touches à toucher lourd. Nous avons testé le Fantom-06, c’est-à-dire la version 61 touches. Le clavier est sensible uniquement à la vélocité. Doté de touches de quasi 14 cm, sa réponse nous a agréablement surpris, bien meilleure que ce qu’on trouve à la concurrence dans la même gamme. La construction est entièrement en plastique, rien à voir avec le haut de gamme maison. Du coup, on s’en tire avec un poids bien moindre : 101 × 32 × 10 cm pour 6 kg (Fantom-06), 122 × 32 × 10 cm pour 7 kg (Fantom-07) et 139 × 35 × 14 cm pour 15 kg (Fantom-08). Le noir sobre se marie bien avec les quelques rétroéclairages rouges (molettes, sélecteurs de la zone de mixage, 16 touches numérotées dans la zone programmes) et multicolores (les 16 pads), ainsi que l’écran couleur tactile 5.5 pouces (1.280 × 720 points, plus petit que celui du Fantom, mais plus précis en résolution). Là encore, on est globalement loin de la générosité du Fantom, segmentation oblige. Les rotatifs sont bien ancrés, les curseurs verticaux frottent un peu, mais ça reste utilisable.
La connectique est assez complète, comme on le constate sur le panneau arrière. Pour l’audio : sortie casque, sorties principales gauche/droite, sorties secondaires gauche/droite, seconde sortie casque, entrées ligne gauche/droite, entrée micro avec mini-potentiomètre de niveau. Toutes les prises sont au format jack 6,35, sauf la seconde sortie casque en mini-jack. Les sorties principales sont symétriques, merci. Pour les pédales, on a trois entrées (maintien et deux continues, la seconde palliant le manque de réponse en pression du clavier). Le Midi DIN se limite à une entrée et une sortie. On trouve trois prises USB (type A pour contrôleur, type B pour PC, type A pour mémoires de masse). L’USB type B permet le transfert de données Midi et audio (2 entrées stéréo et 16 sorties stéréo, 24 bit/48–96 kHz), bravo ! Enfin, on trouve une borne circulaire pour alimentation externe, pas vraiment surprenant pour ce niveau de gamme.
Ergonomie bien pensée
Les workstations actuelles cumulent tellement de fonctions que l’ergonomie est un élément clé. En effet, le risque de tomber dans l’usine à gaz est très fréquent. Depuis le Fantom de 2019, Roland a particulièrement soigné la manière de construire des ensembles sonores, de les piloter avec les commandes en façade et de visualiser leur organisation à l’écran. Moins doté que son grand frère, le Fantom-0 hérite toutefois de l’essentiel, ce qui rend sa prise en main plus aisée que ses concurrents actuels. On a grosso modo six sections sous la main : tout à gauche, les contrôleurs, à savoir un bâton de joie à ressort (pitchbend gauche/droite et modulation vers le haut), 2 interrupteurs assignables et 2 molettes classiques de pitchbend et modulation. Juste après, une vaste section de mixage permettant de contrôler en temps réel les 16 zones sonores par groupe de 8 (volume, panoramique, sélection/activation/coupure, paries internes/externes et autres paramètres assignables pour le live) ou des paramètres de synthèse (8 tirettes harmoniques en mode orgue modélisé, par exemple). C’est là qu’on trouve des fonctions bien pratiques comme la transposition (octave ou demi-ton), le mode split rapide ou l’arpégiateur. La partie centrale est dédiée à l’édition, autour de l’écran graphique tactile. C’est là qu’on édite et qu’on navigue, directement à l’écran ou avec les encodeurs contextuels, lorsqu’il s’agit de défiler dans une liste ou changer les valeurs. Bien pensé, d’autant que les menus ne sont pas avares de graphiques, courbes, zones, tableaux et autres icones hautes en couleurs et faciles à comprendre. Dans cette section, on trouve aussi des touches permettant d’appeler directement certains modes : effets maitres, pad tactile à mouvement, pilotage de DAW externes, mode scène, enchainement de scènes (pour le live), édition de zone unique (un Tone isolé), fonction zoom (très pratique pour visualiser une scène complète ou entrer dans les détails des différentes zones).
A droite de la section centrale, une petite zone permet d’appeler directement les pages principales de la section synthèse (oscillateurs, ampli, effets, LFO), ou encore d’éditer le filtre avec deux potentiomètres (fréquence et résonance) et un interrupteur (type), pas aussi pratique que celle du Fantom. Imbriquée juste en dessous, la section programmes/séquences, avec des commandes de transport, sélecteurs pour les modes du séquenceur et une rangée de 16 touches (sélection des sons par catégorie, enchainement de scènes ou programmation des pas du séquenceur). Enfin, complètement à droite, la dernière section est dédiée aux pads et à l’échantillonnage. C’est ici qu’on déclenche le sampling, qu’on assigne les sons aux pads et les pads aux banques. Les 16 pads lumineux permettent de jouer des samples, des sons, des kits de percussions ou des motifs rythmiques, de sélectionner/couper des partiels ou des zones, ou encore de piloter une STAN. Dommage que ce soient de simples interrupteurs plutôt que des pads dynamiques, on ne pourra pas les utiliser pour programmer des percussions réalistes. Le rôle assigné aux pads est mémorisé dans chaque scène, tant mieux !
Tous en scène
Le Fantom-0 est une workstation polyphonique 256 voix maximum, qui se réduit logiquement si on empile plusieurs couches sonores, on utilise des samples stéréo ou on fait appel à certaines modélisations gourmandes. Il est organisé en scènes multitimbrales de 16 zones, qui pilotent une partie sonore interne et/ou externe (Tone). Les 16 zones peuvent être jouées au clavier ou via le séquenceur 16 pistes, dans une tessiture à définir. L’une des zones est assignable aux pads. Il est très facile de créer des empilages ou séparations de clavier, avec contrôle visuel clair de ce qu’on fait. Ainsi, on peut rapidement sélectionner une scène, changer le Tone assigné à une zone, modifier les paramètres de zone, éditer les paramètres de synthèse ou d’effets (avec les 6 encodeurs contextuels ou par les menus), transposer, mélanger les différentes zones, piloter des générateurs sonores externes, ou encore lancer l’arpégiateur, un motif ou une séquence. Un pad virtuel à mouvements permet de mélanger quatre zones en temps réel via l’écran tactile.
Chaque zone dispose de paramètres indépendants : numéro de Tone, routage (sorties audio ou effets d’insertion), volume, panoramique, départs vers les effets globaux (chorus, réverbe), tessiture, fenêtre de vélocité (avec fondus haut et bas), EQ paramétrique 3 bandes, pitch, tempérament clavier (9 gammes, dont une programmable), vibrato, portamento, offset de certains paramètres de synthèse (coupure du filtre, résonance, ADR de l’enveloppe de volume), mode de voix (mono/poly), assignation aux commandes physiques, réserve de voix, canal Midi de réception, filtrage de contrôleurs Midi. Si la zone est (aussi) définie comme externe (pilotage d’un appareil Midi), on a quasiment les mêmes réglages, y compris les offsets des paramètres de synthèse. Seules exceptions évidentes, le vibrato, le tempérament et la réserve de voix. On peut aussi définir le canal Midi d’émission, le nom de l’appareil piloté, le numéro de banque et le numéro de programme. C’est vraiment très simple à utiliser, que ce soit avec les moteurs internes ou des modules externes, bravo ! On dispose de 4×128 mémoires de scènes. Pour les adeptes de la scène (la réelle), une fonction permet de créer 100 enchaînements de 512 scènes (virtuelles), de quoi tourner plusieurs décennies sans interruption !
Palette sonore
Le propre des workstations est d’offrir la palette sonore la plus large possible, avec beaucoup de sons prêts à l’emploi. Le Fantom-0 est livré avec 3.668 programmes (Tones) et 283 scènes (réinscriptibles, parmi les 512). La nature des programmes est multiple : samples Super Natural (instruments acoustiques, pianos et pianos électriques), modélisations analogiques (Zen-Core VA), modélisation d’orgues (VTW) et banques de samples tirés des anciennes cartes SRX. Réglons tout de suite le sort de ces dernières : à part quelques sons historiques, la plupart commencent vraiment à dater. On leur préfère de loin les basses électriques, ensembles de cordes, instruments à vent (sauf les saxes), chœurs, pianos acoustiques et pianos électriques des banques Super Natural installées. On regrette un peu l’absence du moteur V-Piano, réservé au grand Fantom, segmentation oblige.
La machine renferme de nombreux et excellents sons de synthés, tirés des machines emblématiques de la marque ou issus du moteur Zen-Core VA intégré (on ne parle pas ici des modélisations EXM optionnelles). A nous les strings, les cuivres, les basses rondes, les nappes, les textures complexes et les effets spéciaux. Les percussions acoustiques et électroniques (samples) sont également qualitatives, pour tous les styles de jeu. Toute cette palette sonore déjà riche peut être étendue avec des moteurs et banques d’échantillons additionnels (cf. encadré). La qualité audio est très bonne, elle reste un poil en dessous du Fantom au plan définition, profondeur et dynamique. Il faut bien utiliser des câbles symétriques sur les sorties principales, on gagne environ 6 dB sur des câbles asymétriques et cela évite de pousser le gain dans les réglages système. Ce n’est pas surprenant, le grand frère coûte quand même plus du double ! Il manque aussi la transition douce entre les scènes, dommage.
- Fantom-0_1audio 01 Classic Piano102:27
- Fantom-0_1audio 02 Classic Piano200:34
- Fantom-0_1audio 03 Jazz Piano00:41
- Fantom-0_1audio 04 Electric Piano100:46
- Fantom-0_1audio 05 Electric Piano200:36
- Fantom-0_1audio 06 Electric Bass00:19
- Fantom-0_1audio 07 Slap Bass00:11
- Fantom-0_1audio 08 Brass Tower00:30
- Fantom-0_1audio 09 String Ens00:53
- Fantom-0_1audio 10 Mars Choir00:41
- Fantom-0_1audio 11 Rock Kit00:38
- Fantom-0_1audio 12 Metal Kit00:29
- Fantom-0_1audio 13 Electro Kit00:51
- Fantom-0_1audio 14 Sample Pads101:13
- Fantom-0_1audio 15 Sample Pads201:25
Zen-Core simple (sources et traitements)
Intéressons-nous maintenant aux différents moteurs sonores. Le moteur Zen-Core mélange la lecture d’échantillons et la partie synthèse VA du V-Synth. Au niveau global du Tone, on peut régler le volume, le panoramique, la priorité de note, l’accordage, l’instabilité, le mode mono/poly, l’unisson, le legato, le portamento et l’effet du pitchbend (et plein d’autres choses). Un Tone Zen-Core est constitué de 4 partiels, c’est-à-dire 4 synthés en couche que l’on peut sélectionner/activer/couper avec l’écran ou les pads. On trouve deux types d’édition : Zoom (accès graphique, par partiel, à de nombreux paramètres) et Pro (accès à tous les paramètres, pour les 4 partiels, sous forme de tableaux). Chaque partiel a ses propres tessiture et fenêtre de vélocité. Un partiel est constitué d’un oscillateur, un filtre, un ampli, 2 LFO, 3 enveloppes et un EQ. Les partiels sont arrangés en structures, au sein desquelles ils peuvent interagir deux par deux : synchro, modulation en anneau ou cross modulation. Les oscillateurs font appel à un multiéchantillon (mono ou stéréo) ou à une onde analogique modélisée. On compte 2.108 multiéchantillons/échantillons en mémoire interne, auxquels s’ajoutent ceux des banques additionnelles EXZ et ceux qu’on a faits soi-même (cf. encadré spécifique). De leur côté, les oscillateurs VA font appel à 9 types d’ondes : dent de scie, carré, triangle (x3), sinus (x2), rampe ou Juno (dent de scie modulée) dont on peut faire varier la largeur d’impulsion, PCM-Sync (48 ondes modulables sauvagement), Supersaw (avec Detune) et bruit blanc. Le pitch peut être modulé à la main, aléatoirement, par le suivi de clavier, avec un vibrato ou via une enveloppe multisegments modulable par la vélocité et le suivi de clavier.
Toujours au niveau du partiel, le signal entre dans un filtre multimode résonant : classiques LPF (x3)/BPF/HPF/Peak à 2–4 pôles ou VCF 2–3–4 pôles + HPF, modélisés sur des filtres passe-bas vintage (Roland, Moog, Prophet) ou sur un « VCF1 » d’origine inconnue. Les filtres modélisés sont vraiment excellents et très distinctifs. La fréquence de coupure et la résonance agissent sur 1.024 pas (tout comme les temps et niveaux d’enveloppes), ce qui garantit une réponse parfaitement lisse quand on les règle en manuel. Différentes modulations sont disponibles : suivi de clavier, vélocité, LFO, enveloppe multisegments sensible à la vélocité et au suivi de clavier. En sortie de filtre, on passe par l’ampli du partiel, avec réglage de niveau, réponse en vélocité, suivi de clavier, panoramique (position, suivi de clavier, facteur aléatoire), LFO, largeur (pour les échantillons stéréo) et enveloppe multisegments sensible à la vélocité et au suivi de clavier.
Zen-Core simple (modulations)
Dans un partiel, il y a 2 LFO ultra-complets, dotés de 11 formes d’onde, dont un mode aléatoire, un mode chaos et un mode Step à 16 pas (bipolaire avec courbe à choisir parmi 36 types). La vitesse peut être synchronisée à l’horloge. Il y a un délai avec suivi de clavier, un paramètre de fluctuation de vitesse, un fondu d’entrée ou de sortie, des modes de déclenchement de cycle (libre ou non), un réglage de phase et des réglages directs de modulation sur le pitch, le filtre, le volume et le panoramique. En sortie de partiel, on trouve un EQ paramétrique 3 bandes et le routage de sortie (sec ou vers l’effet de Tone MFX), ainsi que des départs vers les effets globaux chorus et réverbe.
Sur le plan du Tone, il y a une petite matrice de modulation à 4 cordons, chaque source étant capable de contrôler 4 destinations. Parmi les sources, il y a la quasi-totalité des CC Midi, 4 CC système globaux, le pitchbend, la pression, la vélocité, le suivi de clavier, le tempo, les 2 LFO et les 3 enveloppes. Parmi les destinations, le pitch, la coupure du filtre, la résonance, le volume, le panoramique, la quantité de chorus, la quantité de réverbe, l’action des LFO (sur les pitch, filtre, volume et panoramique), la vitesse des LFO, les temps des enveloppes (ADR), la PWM, la XMOD… L’effet MFX de Tone possède lui-même 4 cordons de modulation distincts pour ses propres paramètres (fixés suivant l’algorithme). Les modulations sont toutes bipolaires. Pour les Tones Zen-Core simples, il y a 2.048 mémoires utilisateur, de quoi voir venir !
Zen-Core drums
Le second type de Tone est baptisé Drum. Il s’agit d’un kit de percussions basé sur des échantillons. Là encore, les modes d’édition Zoom et Pro sont disponibles. On peut assigner 4 échantillons mono ou stéréo à chacune des 88 notes du clavier (A0-C8). Pour chaque note, il y a des réglages communs à la note et des réglages par échantillon. Commençons par les réglages par échantillon. La forme d’onde est à sélectionner en mémoire interne (2.108 échantillons en Rom répartis en 4 banques ABCD), parmi les éventuelles extensions EXP ou dans les échantillons utilisateur. On règle ensuite le gain, la FXM (cross modulation avec 4 types de coloration plus ou moins brutale et réglage de quantité), l’accordage, le niveau, le panoramique, le délai d’apparition et la fenêtre de vélocité (avec fondus haut et bas).
Passons aux réglages communs par note : volume, panoramique, départs vers le chorus et la réverbe, groupe exclusif (1 à 31, les instruments d’un même groupe se coupant entre eux, utile pour simuler un hi-hat ouvert/fermé), assignation de sortie (sec, MFX ou l’un des 6 compresseurs), décalage de certains paramètres de synthèse (pitch, coupure du filtre, résonance, enveloppe ADR de volume), EQ paramétrique 3 bandes, enveloppe de pitch multisegments sensible à la vélocité, filtre résonant (6 types, sensible à la vélocité), enveloppe de filtre multisegments sensible à la vélocité, volume & panoramique (sensibles à la vélocité) et enveloppe de volume multisegments sensible à la vélocité. Il y a encore plein de paramètres accessibles, mais on va arrêter là l’énumération ! Les 6 compresseurs, spécifiques au mode Drum, permettent de traiter séparément certaines familles d’instruments. Le MFX, pour sa part, dispose des mêmes possibilités de modulation que dans le modèle Zen-Core simple (nous reviendrons sur les effets au paragraphe dédié). Côté mémoire, on dispose de 91 kits Presets et 128 kits utilisateur, dont 39 déjà programmés. Nous ne manquerons donc de rien !
Super Natural
Le Fantom-0 intègre plusieurs moteurs Super Natural : acoustique, piano jazz, piano acoustique et piano électrique. Il s’agit en fait de multisamples qui peuvent varier suivant les techniques de jeu. Selon le type de moteur, différents paramètres sont accessibles. Pour la basse électrique, 3 types de jeu (normal, slap, harmonique) et le niveau de bruit. Pour la basse fretless, 3 types de jeu (normal, staccato, harmonique) et le niveau de bruit. Pour la harpe, 2 types de jeu (normal, pincé) et le glissando (avec échelle chromatique et note de base). Pour les cordes, 4 types de jeu (normal, staccato, pizzicato, tremolo) et le niveau de bruit. Pour les vents, le type de jeu, le growl, le niveau de bruit, parfois une intonation ou une attaque, parfois le glissando. Pour les chœurs, la voyelle (Aah ou Ooh). Pour les pianos acoustiques, la largeur stéréo et le bruit.
Pour les pianos, le son est supérieur aux échantillons Zen-Core, mais on est loin du V-Piano maison ou des modélisations de workstations concurrentes, notamment les Kronos/Nautilus de Korg, que ce soit les pianos acoustiques ou électriques. Il manque aussi des simulations de Wurlitzer et Clavinet, pourtant très prisés sur ce genre de machine. Pour les autres instruments acoustiques, le son est également meilleur que les échantillons classiques Zen-Core, mais on n’est pas au niveau de ce qu’on trouve sur certains arrangeurs haut de gamme concurrents, tels que le Genos de Yamaha, qui actuellement survole tous ses concurrents hardware au plan réalisme sur ce type de son, échantillons bruts comme leurs articulations en temps réel. Aux 70+30+36 Presets (sons acoustiques + pianos + pianos électriques) s’ajoutent 256+128+128 mémoires utilisateur, c’est très confortable.
Orgue virtuel
Pour les sons d’orgue, le Fantom-0 intègre le moteur VTW, une modélisation d’orgue à roues phoniques, avec des réglages nombreux et spécifiques. Compte tenu de la puissance de calcul, il ne fonctionne qu’en unique occurrence, fixée sur la zone n° 2 de la scène (sans doute parce que le moteur V-Piano est fixé à la zone n° 1 sur le Fantom). De même, il ne modélise que les 9 tirettes harmoniques du clavier supérieur, on ne peut donc pas simuler d’orgue à double clavier avec ce moteur.
Un grand soin a été apporté pour reproduire le comportement des roues phoniques type Hammond et tout ce qui va autour, comme les préamplis ou la cabine Leslie. On peut choisir le type de modèle (60’s, 70’s, Solid ou Clean), le niveau de fuite des roues phoniques (bruit caractéristique), le vibrato, le chorus, la percussion (pied, déclin, volume), le réglage des 9 tirettes harmoniques (avec l’écran tactile ou les curseurs en façade), le click (initial et relâchement) et la réponse du volume à la pédale continue. On passe ensuite aux réglages de l’overdrive : type (VK-7 maison, lampes, ampli guitare — 14 types modélisés), saturation, niveau, balance, EQ, type de haut-parleur, position du micro… Viennent enfin les réglages du simulateur de Leslie : vitesse de rotation de chaque haut-parleur, accélération, largeur stéréo, niveau, mode stop, pilotage de la vitesse par des CC ou contrôleurs. Le résultat est bluffant, entre les orgues doux pour les ballades romantiques, les sonorités typiquement gospel pour se lever en chœur ou encore les saturations les plus crades à faire pâlir Jon Lord. Aux 25 Presets s’ajoutent 128 mémoires utilisateur.
Effets pléthoriques
Comme toute bonne workstation qui se respecte, le Fantom-0 est équipé d’une puissante section effets, la même que le Fantom. Ils existent à différents niveaux dans la machine. On a déjà parlé des nombreux EQ, on se concentrera ici sur les autres effets. Commençons au niveau du Tone. C’est là qu’on trouve les MFX, au nombre de 16, soit un par zone. Ils peuvent produire 90 algorithmes différents : filtres (EQ, booster, wahwah, Enhancer, simulateur de HP), modulations (phaser, tremolo, autopan, HP tournant), chorus/flangers, processeurs de dynamique (OD, compresseur, limiteur), délais (simple, stéréo, multiple, écho à bande), effets lo-fi, modulations de pitch, simulations vintage (CE-1, SBF-325, SDD-320), loopers, DJFX, saturateurs… sans oublier les combinaisons de deux effets. Entre 5 et 15 paramètres sont disponibles par effet, certains synchronisés au tempo, d’autres, prédéfinis dans chaque algorithme, modulables par la matrice dédiée. Au niveau spécifique d’un Tone de type Drum (kit), rappelons qu’on peut envoyer chaque percussion dans l’un des 6 compresseurs disponibles. On règle, pour chacun, l’attaque, le relâchement, le seuil, le ratio, l’adoucissement (le Knee, si cher à l’ami Red Led), le gain de sortie et la destination (sec, MFX, sorties physiques principales/secondaires).
Passons maintenant aux effets globaux, sauvegardés au niveau de chaque scène. On trouve deux effets d’insertion (IFX), un chorus, une réverbe et un vocodeur. Les effets d’insertion ont les mêmes 90 algorithmes et réglages que les MFX. On peut les placer en série ou en parallèle, puis doser leur envoi vers le chorus et la réverbe, avant de les router vers l’une des paires de sorties physiques. La différence ici, c’est que les IFX, comme les effets globaux de scène, ne sont pas modulables en temps réel. Le chorus offre 8 algorithmes (chorus stéréo, émulation de la pédale CE-1, émulation de SDD-320, délai stéréo, délai synchro, délai->trémolo, double écho stéréo, triple écho stéréo et simulation du chorus du Juno-106). Pour tous, on définit le niveau, la quantité d’envoi vers la réverbe et la paire de sorties physiques de destination (principale/secondaire). Les autres paramètres (entre 1 et 10) sont fonction de l’algorithme. Il y a ensuite la réverbe dotée de 7 algorithmes : Integra-7 (8 sous-types), Warm Hall, Hall, GS (8 types), SRV-2000 (4 types), SRV-2000 non linéaire et GM2. Elle aussi peut être routée vers la paire de sorties physiques de son choix. On trouve généralement une dizaine de paramètres par type de réverbe. On termine les effets de scène par le vocodeur stéréo. Il peut fonctionner en mode 13, 20 ou 32 bandes, pour un son plus ou moins intelligible. Le signal porteur peut provenir de n’importe quelle(s) zone(s) sonore(s) de la scène. Le signal modulateur provient de l’entrée audio (micro ou ligne, pas les deux en même temps). Des paramètres permettent de régler la sensibilité du micro, le HPF, l’enveloppe du signal, la largeur stéréo et le caractère. On trouve 10 mémoires Presets et 20 mémoires utilisateur pour sauvegarder les régalages de vocodeur. Super !
On passe maintenant au niveau global de la machine. On trouve un compresseur multibande (mastering), un EQ paramétrique 5 bandes, avec des réglages très nombreux (une vingtaine de paramètres) et un TFX, c’est-à-dire un multieffets avec les mêmes algorithmes et réglages que les IFX. Mais ce n’est pas encore fini, puisque les entrées audio possèdent aussi leurs propres effets : filtre coupe-bas (pour éviter la ronflette des câbles, recommandé sur l’entrée micro), effet vocodeur (transformation directe de la voix), suppresseur de bruit, MFX (multieffets identique à ceux des 16 zones !), EQ paramétrique 5 bandes et réverbe d’entrée (identique à la réverbe principale). Un truc de ouf ! Toutes les valeurs d’effets (tout comme la plupart des paramètres de synthèse) sont exprimées dans leur véritable unité, la grande classe… La qualité des effets numérique relève du haut de gamme, bravo !
Multisampling intégré
Le Fantom-0 est capable d’échantillonner différentes sources sonores analogiques et numériques, soit vers les pads, soit vers le clavier. Il bénéficie donc directement des améliorations faites ces dernières années sur le Fantom. Il possède deux mémoires distinctes : 2 Go en streaming pour les pads et 256 Mo en mémoire Flash pour les samples clavier, partagés avec les moteurs EXM et les extensions EXZ. Le sampling vers les pads offre 8 voix de polyphonie (ou 4 voix stéréo), la sauvegarde se faisant dans 4 banques de 16 pads en tout (c’est bien trop peu !). On peut sampler la sortie stéréo, une source externe analogique stéréo ou une source audio USB (séparément ou simultanément). La capture se fait en 24bits / 48kHz pour les sources analogiques et aux résolutions / fréquences d’origine pour les sources numériques, à concurrence de 24bits / 48kHz (au-delà, il y a interpolation). Des effets peuvent être ajoutés avant échantillonnage. Les samples peuvent être tronqués, normalisés et accentués dans les aigus. On peut les jouer en coup unique ou les boucler en avant, et c’est tout.
Le sampling vers le clavier fonctionne à peu près pareil sauf qu’on peut lire les samples en coup unique en avant, bouclés en avant (avec point de bouclage distinct des points de début/fin), bouclés en arrière (entre les points de début/fin) ou en coup unique en arrière. Ils disposent des mêmes (et rares) traitements destructifs que les samples vers les pads. Les temps de calcul sont très longs, on se croirait sur un sampler des années 80 (plusieurs secondes pour calculer la troncature d’un petit sample), sans doute la nature et la gestion de la mémoire Flash, par rapport à un échantillonneur qui travaillerait en Ram volatile. Le sampling vers le clavier permet d’étirer un sample sur toute la tessiture ou de le monter en multisample (accordage, volume, zone). L’éditeur est très bien pensé, permettant de sélectionner les zones au clavier et de tout visualiser à l’écran, avec facteur de zoom. Ainsi, on arrive à créer un multisample complet en quelques dizaines de secondes, c’est de loin ce qui se fait de mieux en hardware.
Le Fantom-0 peu aussi importer des samples aux formats WAV et AIFF 8–16–24bits linéaires à 44–48–96kHz, ainsi que les formats mp3 de 64 à 320 kb/s et VBR à 44–48 kHz, avec placement automatique ou manuel. Côté export, cela se passe au format WAV. La machine peut gérer 2.048 samples et 128 multisamples utilisateur. Bref, une section qui est devenue mature mais qui souffre de la lenteur des calculs et du manque de traitements sur les samples (time stretch, pitch shift, réduction de bits, fondus…), désormais l’apanage des softs.
Arpèges et rythmes
Le Fantom-0 dispose d’un unique arpégiateur qui pilote la ou les zones activées dans la scène en cours. Il y a 128 Presets de style et leurs variations (jusqu’à 12, suivant le Preset). Les styles sont des mini-séquences, accords ou riffs, dans différents genres musicaux : pop-rock, funk, blues, latino. On peut définir l’ordre de jeu (haut, bas, alterné, aléatoire, ordre joué, glissando, accord, timing voix basse, timing voix haute, phrase transposée suivant la note jouée), la vélocité (fixe de 1 à 127 ou telle que jouée), la transposition de motif (+/-3 octaves), l’accentuation (0–100 %) et le Shuffle (0–100 %, 1/8 ou 1/16 de note). On peut aussi activer la fonction de maintien. Dommage que cet arpégiateur ne soit pas multitimbral, ça fait un peu pauvre par rapport à la concurrence. On ne peut pas non plus créer son propre motif d’arpège. Cette section, identique à celle du Fantom, mérite d’être étoffée…
Le Fantom-0 dispose aussi d’une mémoire d’accords, que l’on peut utiliser seule ou avec l’arpégiateur. Elle permet de jouer des ensembles d’accords sophistiqués à un doigt. On trouve 17 Presets de style (pop, blues, traditionnel, jazz, majeur, mineur, quinte…), pour lesquels on choisit la note de base (chaque note ayant un accord différent dans le style) et le timing de jeu (accords plaqués ou grattés). Ce dernier mode permet de simuler le jeu d’un guitariste (vers le haut, vers le bas ou alterné), avec vélocité assignée à la vitesse de grattage.
Enfin, le Fantom possède un générateur de motifs rythmiques, déclenchables à l’écran, au clavier ou via les pads. Les motifs sont groupés par 6 (1 intro, 2 couplets, 2 fill-in, 1 fin). On choisit son motif dans la banque interne de 354 Presets (59 groupes x 6 sections) puis le drum kit associé. Ensuite, on lance les rythmes à l’écran tactile. Si on commence par l’intro, le premier couplet est automatiquement enchaîné après l’intro. Lorsqu’on lance le motif de fin, le rythme s’arrête lorsque celui-ci est achevé. Le groupe de motif et le kit associé sont mémorisables au sein de 20 mémoires utilisateur, en dehors des scènes. Ça aurait été bien de pouvoir créer ou importer ses propres motifs à partir du séquenceur.
Séquenceur à motifs
Le séquenceur du Fantom-0 est identique à celui du Fantom. On reprend donc peu ou prou la description du test du grand frère, avec quelques améliorations en sus. Il s’agit d’un séquenceur 16 pistes d’une résolution de 120 BPQN, sauvegardé dans chaque scène, fonctionnant à base de motifs de 64 mesures (depuis l’OS 1.01 — mais toujours pas de mode linéaire). Un groupe est un ensemble comprenant jusqu’à 8 motifs sur chacune des 16 pistes, un peu comme la structure d’un mini-morceaux (intro, couplets, refrain, pont, fin…). Les motifs sont complètement dissociables, ce qui veut dire qu’on peut lire différents motifs d’index différent dans les différentes pistes. On peut aussi activer/muter/isoler les 16 pistes à l’écran, très visuel, avec des codes couleur bien choisis pour faciliter la compréhension de l’organisation. Au total, il y a 16 groupes par scène. Enfin, un morceau est un enchaînement de groupes (32 index maximum) dans un ordre défini, avec possibilité de 32 répétitions par index. On peut même boucler une section du morceau. Il y a un morceau par scène et le tempo est global pour tous les motifs de la scène. Donc un morceau = 32 enchaînements d’une piste parmi 16 groupes x 8 motifs x 64 mesures x 16 pistes. C’est plus clair ?
Revenons à nos motifs pour voir comment tout cela se construit. On trouve trois modes d’enregistrement : temps réel, pas-à-pas ou grille (TR-REC). En mode temps réel, on enregistre les notes à la volée, en surimpression à chaque boucle, avec possibilité de quantification à l’entrée ; le mouvement des commandes (pitchbend, molette, section mixage) est aussi enregistré. En mode pas à pas, l’écran affiche un piano roll permettant de contrôler ce que l’on fait et d’effacer certains pas pour les reprendre. En mode grille, on utilise la rangée de 16 touches rétroéclairées à droite, comme sur une bonne vieille TR.
Une fois un motif enregistré, on peut réenregistrer par-dessus en temps réel (en mode Mix) ou l’éditer avec précision en mode piano roll. Tout se passe à l’écran : on clique sur la note à modifier, on la déplace en glissant si nécessaire puis on change ses paramètres (vélocité, durée) ; on peut aussi entrer une nouvelle note suivant une définition de grille ajustable ou supprimer une note indésirable. On peut enfin utiliser des fonctions globales, genre suppression à la volée ou par fenêtre de valeurs, transposition globale, quantification. En mode piano roll, on peut aussi enregistrer le mouvement de paramètres additionnels en dessinant leur courbe de modulation sur l’écran : pitchbend, molettes, coupure du filtre, résonance, volume, panoramique et CC Midi prédéfinis, sympa. Enfin, on peut importer des séquences externes au sein d’un motif, puis exporter des motifs, groupes et morceaux au format SMF. Un séquenceur qui a su progresser petit à petit.
Conclusion
Le Fantom-06 est une très bonne surprise. Non content d’emprunter la technologie de son grand frère, il bénéficie des améliorations faites ces trois dernières années sur le modèle haut de gamme, tels que le multiéchantillonnage, l’orgue modélisé et les sons Super Natural. Il en reprend les fonctionnalités essentielles, en particulier la polyphonie, la multitimbralité et certaines possibilités d’extension. Les moteurs V-Piano, Vocal Designer et n/zyme ne lui sont toutefois pas accessibles. Les différences majeures relèvent de la puissance, la finition, la connectique et les convertisseurs. Il en ressort un instrument moins classieux mais plus léger, rien de surprenant à cela. La qualité du clavier n’a pas été sacrifiée, il manque la réponse à la pression, mais les touches sont longues et répondent parfaitement à la dynamique. Il fait partie des workstations complètes, multisynthèses, dotées d’une panoplie sonore polyvalente, ouvertes aux extensions, capables de relayer ou piloter les STAN audionumériques en s’intégrant parfaitement au monde informatique. L’ergonomie a fait un bond en avant, on ne peut guère lui reprocher que l’absence de commandes directes pour retrouver la sensation des synthés analogiques d’antan. Un modèle abordable pour entrer dans le monde des workstations matérielles. Allez, Award qualité/prix !