Le Pro-2 est le nouveau synthé hybride monodique signé DSI, en partie basé sur l’architecture du Prophet-12… mais pas que basé et pas que monodique !
Depuis la création de DSI en 2002, beaucoup de musiciens ont sollicité Dave pour qu’il réédite le Prophet-5 et le Pro One. Mais sa réponse a toujours été sans équivoque : aller de l’avant sans regarder le passé, ce qui est toujours la philosophie de la société de San Francisco. Quelques Evolver, Prophet 08, Mopho, Tempest plus tard, c’est au NAMM 2013 que le plus gros synthé polyphonique de la marque a fait son apparition : le Prophet-12, qui représente une petite rupture technologique, puisque les DCO du circuit intégré Curtis DSI-120 sont réduits au silence, au profit d’oscillateurs numériques générés par des processeurs SHARC. Du petit circuit analogique « synth on a chip » ayant atteint les 12 ans de bons et loyaux services, seuls sont utilisés le VCF et le VCA. Mais début 2014, après une déclinaison du Prophet-12 en version module un peu dépouillée, le fleuron de la gamme a engendré un rejeton à une voix : le Pro 2. Cette fois-ci, la rupture technologique est totale, puisqu’on ne trouve plus de DSI-120. De fait, nous allons voir que le Pro 2 est bien plus qu’une simple voix de Prophet-12…
Air de famille
C’est une nouvelle fois grâce à la société Thomann que nous avons pu tester le Pro 2, l’importateur français n’ayant pas assuré sur ce coup… au passage, merci aux AFiens qui nous ont proposé le leur en prêt !
Le Pro 2 reprend la cosmétique et la mécanique du Prophet-12. Autrement dit, il est beau et robuste, avec une carcasse intégralement métallique et des flancs en bois. On retrouve un ensemble peint en noir sérigraphié blanc, des LED rouges, des capuchons de potards chromés et un écran brillant. Les 35 potards, 15 encodeurs et 66 poussoirs sont répartis sur la façade avec une logique sans faille et un espacement idéal. Il y a en gros deux rangées de commandes : en haut, les modulations (délais, LFO et matrice à gauche de l’écran, séquenceur à droite) et en bas, les modules de synthèse (oscillateurs, filtres, ampli).
Les 2 molettes de pitch et de modulation, rétro-éclairées en rouge, sont surplombées de 2 rubans verticaux sensibles à la position et à la pression (avec fonction maintient), dotés d’une rangée de diodes indiquant leur quantité d’action. On peut les assigner à tout ce qu’on veut ou presque (voir plus tard la matrice de modulations). L’écran OLED monochrome bleuté offre une résolution élevée et une lisibilité parfaite sous tous les angles, dès lors qu’on a de bons yeux ou de bonnes lunettes. Le clavier de 44 touches semi-lestées est de bonne facture, aussi franc à l’enfoncement qu’au relâchement ; il est sensible à la vélocité et à la pression, chouette !
Bien connecté
Sur le panneau arrière, la connectique est très généreuse : sortie casque (jack 6,35 stéréo), sorties audio gauche/droite (jacks 6,35 asymétriques), entrée audio (jack 6,35 asymétrique pour traiter un signal audio externe via les filtres et les effets), 2 prises pour pédale (interrupteur/continue), trio MIDI complet (entrée/sortie/Thru commutable en seconde sortie, idéal pour la matrice de modulation ou le séquenceur, comme nous verrons plus tard), USB (MIDI/CC/NRPN/Sysex/Dump en émission/réception sans installation de driver, mais toujours pas d’audio) et connecteur IEC pour cordon secteur (alimentation interne, il a tout d’un grand !). Bon point qualité, tous les jacks (audio et pédales) sont solidement vissés au panneau ; DSI assure et ça rassure.
Cette connectique serait somme toute assez classique si DSI n’y avait ajouté une rangée de 9 prises mini-jack : 4 pour les CV In (et/ou Gate), 4 pour les CV Out et un Gate Out ; leur intérêt sautera immédiatement aux yeux des aficionados de synthés à trous et cordons : connecter un modulaire au Pro 2, pour qu’ils se pilotent l’un l’autre. Ainsi, un modulaire pourra commander jusqu’à 4 paramètres simultanés du Pro 2 grâce à la matrice de modulations intégrée ; réciproquement, le Pro 2 pourra trigger un modulaire (+10V) et lui envoyer 4 CV (pente 1 Volt/Octave finement dosable mais pas de Hz/Volt) grâce à son séquenceur à pas sur lequel nous reviendrons plus tard. Y’a bon !
Ergonomie excellente
Le plaisir de jeu avec le Pro 2 est presque aussi jouissif qu’avec le Prophet-12. Tout est fait pour qu’on aille droit au but. Pourtant, il y a énormément de paramètres à gérer (plus de 1 000 par programme dont la moitié liée au séquenceur). Cela implique notamment que certains modules partagent leurs commandes (comme les 4 oscillateurs, les 4 LFO ou les 4 délais) ou soient éditables uniquement via les pages menu (comme les effets d’insertion, les 2 enveloppes auxiliaires ou l’arpégiateur). C’est donc moins direct qu’avec le Prophet-12, mais on s’y retrouve tout de même assez vite, pour plusieurs raisons : d’abord, la présence (limitée) d’encodeurs pour certains paramètres, qui évitent les sauts quand on passe d’un module à l’autre ; ensuite, la possibilité d’éditer les modules semblables en même temps, en maintenant un sélecteur enfoncé ; enfin, l’affichage des valeurs d’un paramètre donné pour tous les modules de même nature, permettant ainsi d’éditer ce paramètre pour chaque module avec les 4 encodeurs situés au-dessus de l’écran, et même les 4 valeurs en même temps (en mode relatif).
Quelques fonctions facilitent encore davantage l’édition : « Show » permet de visualiser les valeurs d’un paramètre en bougeant un potard/encodeur, sans toutefois le modifier (l’écran n’est d’ailleurs jamais avare d’informations, avec des graphismes évoluant en temps réel pour les formes d’onde ou les enveloppes) ; « Revert » retourne à la valeur stockée d’un paramètre en bougeant la commande associée tout en maintenant le bouton du même nom. Sans oublier les très utiles « Compare », « Write » et « Transpose » (sur plus ou moins 2 octaves, mais pas directement par demi-ton). Signalons que les potards fonctionnent suivant 3 modes : saut, relatif et seuil. Le pavé numérique présent sur le Prophet-12 a disparu ; il faudra donc faire défiler les 8 banques de 99 programmes avec les 2 encodeurs associés… ou alors tirer parti du mode Play List pour appeler rapidement 4 ensembles de 16 programmes avec les 16 touches de pas du séquenceur, ma foi bien pratique pour la scène… Ceux qui ne peuvent se passer d’un clavier et d’une souris pourront toujours acquérir l’éditeur standalone (pour le moment) édité par Sound Tower.
Hybridations sonores
Le Pro 2 comprend 792 programmes répartis en 8 banques : 4 réinscriptibles et 4 en ROM. Parmi les sons d’usine, on trouve de tout et n’importe quoi… une palette de basses avec beaucoup de punch démontre que le Pro 2 est capable de se rapprocher du caractère de synthés connus (SCI, Moog, Oberheim, Roland entre autres) ; on doit cela aux nouveaux filtres qui annoncent tout de suite la couleur. Le Pro 2 nous apparait plus costaud que le Prophet-12 en bas du spectre, et d’une façon générale, que les autres DSI que nous avons eu l’occasion de tester. Sur les leads, il nous semble également plus arrondi (moins criard), comme si la bosse médium-aigu habituelle était moins prononcée que sur ses prédécesseurs. Que les amateurs de sons qui déchirent se rassurent, le Pro 2 embarque tout ce qu’il faut pour les produire, entre les effets d’insertion destructeurs, les boucles de feedback ou les disto. Idem pour les séquences technoïdes dont la mémoire interne regorge plus que de raison, démontrant les capacités du séquenceur à pas intégré, de manière pas toujours utile…
Lorsqu’on module aux niveaux audio (synchro, FM, AM…), on n’échappe pas à l’aliasing, génération numérique oblige. Toutefois, le moteur sonore est bien plus souple et doux que sur le Prophet-12, du moins dans ses premières versions d’OS. Autre point de satisfaction, le mode paraphonique 4 voix qui permet de planter quelques accords, pour peu qu’on respecte le jeu détaché ou lié, vu que les modulations sont partagées par tous les oscillateurs (à part les enveloppes de niveau qui sont indépendantes) : à nous les strings, nappes et cuivres poly ; lorsqu’on programme chaque oscillateur pour se dérégler aléatoirement l’un par rapport aux autres (Slop), on retrouve un certain goût vintage. Et grâce aux tables d’ondes, on peut créer des textures numériques évolutives type spectres PPG/Prophet-VS. Bref, la panoplie est bien plus large que ce qu’on aurait pu penser sur un mono…
- BassAttack 00:31
- BassGiorgio 00:58
- BassRez 00:33
- BassRound 00:18
- BassSync 00:28
- BassTB 00:35
- LeadGreek 00:22
- LeadMetal 00:30
- LeadOB 00:40
- LeadSawEchoes 00:56
- LeadSinArped 00:35
- ParaBed 01:02
- ParaBrass 00:32
- ParaOrganNight 00:49
- ParaProphet 00:36
- ParaSadStrings 00:17
- ParaTexture 00:44
- ParaVocals 00:52
- RhythmRobot 00:51
- RhythmTempest 00:54
- Z BBDLongBufferThen3DDL 00:38
- Z BBDShortBufferThen3DDL 00:29
- Z F1thenF2thenSub LowCut 00:20
Oscillateurs numériques
Le Pro 2 est un synthé monodique capable de fonctionner en paraphonie. En mode monodique, on a différents types de priorité de note : note basse, note haute, dernière note jouée, avec redéclenchement ou non des enveloppes. En mode paraphonique, on peut jouer jusqu’à 4 notes simultanées en déclenchant indépendamment les 4 oscillateurs disponibles, pas forcément réglés de la même façon ; chacun a alors une enveloppe de niveau indépendante, mais tous partagent les 2 filtres disponibles. La génération sonore est quasi-similaire au Prophet-12 : les oscillateurs sont créés par un DSP SHARC. On trouve 4 oscillateurs identiques et 1 sub-oscillateur asservi au premier (sinus à l’octave inférieure, pour renforcer les basses). Leur pitch évolue sur 10 octaves (8 Hz – 8 kHz) et se règle par demi-ton et centième de ton. On peut désactiver le suivi de clavier, utile pour la FM ou la synchro. Contrairement à des VCO qui oscillent en permanence, on peut ici jouer sur le cycle : soit le laisser libre d’oscillation, soit le forcer à repartir de zéro à chaque enfoncement de touche (cela crée un clic utile sur les basses ou percussions).
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Les formes d’onde du Pro 2 se voient enrichies de 13 nouvelles ondes ; on retrouve les 4 ondes basiques (dent de scie, impulsion, triangle, sinus), les 12 tables d’ondes (Tines, Mellow, Church, Muted, Nasal, Boing, Gothic, Ahhh, Shrill, Ohhhh, Buzzzz, Meh) et les 3 couleurs de bruit (rouge, blanc, violet). Les 13 nouvelles ondes sont des versions empilées de la dent de scie et des 12 tables (Super Saw, Super Tines… Super Meh).
Le Detune est programmable et modulable, ce qui permet de faire des sons plus riches. Il n’est pas sûr que le Prophet-12 en bénéficie un jour, mais avec ses 12 voix et son mode unisson, c’est surmontable. Toutes les ondes sont variables, grâce à un « Shape » modulable qui altère le contenu harmonique, se balade dans la table d’onde ou fait varier le Detune des Super Waves.
Plus fort, on peut regrouper 3 tables d’onde (hormis les Super Waves) et passer progressivement de l’une à l’autre avec le même paramètre « Shape ». Idem pour les bruits, sauf que les ondes extrêmes sont fixées. Toutes les sources audio sont ensuite finement mixées avant de poursuivre l’aventure.
Interactions et insertions
L’une des grandes faiblesses des premiers synthés hybrides vintage était le manque d’interaction de leurs oscillateurs. À part les ESQ1/SQ80, peu d’entre eux autorisaient ce genre d’exotisme (on pense aux PPG Wave, Prophet-VS, Korg DW8000, Kawai K3…), parce que la fréquence et la résolution auraient été trop faibles à l’époque pour permettre des résultats musicaux, sans affreux artefacts numériques. Le Pro 2 ne se prive pas de ce type de délice interactif ; ainsi, tous les oscillateurs peuvent interagir les uns avec les autres. Au menu, synchro, FM et AM, avec un ordre de modulation prédéfini : 2 agit sur 1, 3 sur 2, 4 sur 3 et 1 sur 4. La démultiplication des interactions crée des résultats surprenants et quand on sait que les modulations sont elles-mêmes modulables, on comprend la richesse sonore de la machine. On comprend aussi qu’il se forme de l’aliasing dans le haut du spectre dès qu’on travaille aux niveaux audio.
Un paramètre Slop, modulable, permet de faire dériver l’accordage des oscillateurs pour simuler les imperfections de l’analogique. Sans oublier le Glide, un portamento lisse à temps ou intervalle constant. Avant de passer dans les filtres, le mixage des sources sonores passe par 5 effets d’insertion on ne peut plus destructeurs : Girth (boost basses fréquences), Air (boost hautes fréquences), Decimate (réducteur de la fréquence d’échantillonnage), Drive (simulateur de saturation de bande) et Hack (réducteur de bits). Sur les 3 derniers effets, les résultats sont vite numériques et agressifs, donc réservés à certains types de sons…
Nouvelle paire…
Pour traiter les 4 oscillateurs, le sub-oscillateur et l’entrée audio, le Pro 2 est équipé de 2 nouveaux filtres analogiques résonants discrets : un filtre passe-bas 4 pôles (F1) et un filtre multimode 2 pôles (F2). Ils peuvent être placés en série (F1 -> F2) ou en parallèle, avec un passage progressif continu et modulable d’un routage vers l’autre. Mieux, on peut séparer l’envoi des oscillateurs vers les 2 filtres (1 et 2 vers F1, 3 et 4 vers F2). Dommage que le routage ne soit pas plus précis, genre une balance pour chaque oscillateur, mais cela aurait fait autant de VCA supplémentaires ! On a un maximum de commandes en façade pour éditer chacun des filtres, on peut aussi lier les 2 pour les éditer en même temps. Le premier filtre est de type passe-bas 4 pôles, résonant avec auto-oscillation, inspiré du Prophet-5.
Deux remarques : d’une part, le filtre du P5 est un circuit intégré alors que celui du Pro 2 est discret ; d’autre part, il y a 2 générations de filtres dans les P5 : le SSM2040 qui équipait les Rev1 et Rev2, puis le CEM3320 qui équipait les Rev3. Il faut donc pousser l’investigation plus loin et ouvrir la machine (4 vis pour les flancs, 5 vis latérales, 2 vis sous les molettes, puis le Pro 2 s’ouvre à plat grâce à une charnière à l’arrière, avec un câble pour maintenir le panneau en position verticale, la classe) : sur le circuit imprimé (cf. photo), la mention 2040 est sérigraphiée dans la section S&H ; dans la section Filter 1, la cascade d’OTA caractéristique du SSM2040 est réalisée ici à base de transistors… On referme.
En sortie de filtre, le Boost permet d’accentuer le niveau, voire le distordre. On dispose aussi d’un suivi de clavier et d’une enveloppe DADSR dédiée, bipolaire avec bouclage et modulation par la vélocité, pour moduler directement la fréquence de coupure.
… de filtres discrets
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Le second filtre est un modèle à variable d’état 2 pôles à OTA inspiré du SEM Oberheim, avec passage en continu du mode passe-bas au mode passe-haut (en passant par le Notch au centre) et inverseur passe-bande. Pas de Boost en sortie, mais un suivi de clavier, une enveloppe DADSR dédiée bipolaire avec bouclage et modulation par la vélocité, pour moduler la fréquence de coupure. Question fluidité, les deux filtres sont satisfaisants, mais on entend des pas sur la fréquence de coupure à résonance élevée ; c’est toutefois bien plus fluide que sur un P5, mais pas autant que sur un SEM purement analo. Le filtre dérivé du P5 résonne fortement, avec un son bien gras et une résonance qui siffle ; pousser la résonance n’écrase pas le signal.
Le filtre SEM est tout aussi excellent, apportant un grain différent, avec une résonance douce et colorante. Le mode passe-bas laisse passer les fréquences les plus basses à zéro ; nous avons comparé avec les filtres SEM de notre OB-X : c’est pareil ! Alterner les mêmes sources dans ces 2 filtres (en mode passe-bas) permet d’apprécier toutes leurs différences. En sortie de filtre, on attaque l’étage VCA, avec enveloppe DADSR dédiée identique aux deux précédentes, distorsion analogique stéréo et feedback avec Detune. Il n’y a pas de panoramique directement réglable à ce stade, mais il est possible, via la matrice de modulations, de placer le signal de sortie dans le champ stéréo, de manière fixe ou modulée.
Air de BBD
Avant de sortir définitivement, une partie du signal peut être reconvertie en numérique puis routée vers 4 délais numériques stéréo. Les temps vont de 1 milliseconde à 1 seconde. Ils peuvent être synchronisés à l’horloge interne/MIDI, de 4 temps à 1/16e de temps. On peut aussi jouer sur la quantité d’effet, le feedback, un filtre passe-bas, un filtre passe-haut et un panoramique modulable via la matrice (pour info, ces 3 derniers paramètres ont été ajoutés dans l’OS 1.1 du Prophet-12). En jouant sur les 4 lignes à retard (temps de délai, modulation par des LFO, feedback), on peut simuler différents effets d’ensemble, tels que flanger, chorus et réverbes. Avec les filtres passe-haut et passe-bas intégrés, on peut se rapprocher d’effets d’écho à bande.
Grande nouveauté par rapport au Prophet-12, le 4e délai est une simulation de BBD analogique. Un BBD est une conception de circuits électroniques dans laquelle un grand nombre de composants sont chargés les uns après les autres pour créer une chaîne de délai. BBD est l’acronyme de Brigade Bucket Delay, par analogie aux chaînes humaines où on se passe des seaux de mains en mains pour acheminer de l’eau. Sur le Pro 2, un paramètre Buffer permet de régler la taille et la vitesse de transmission du signal, court pour des délais courts, des chorus ou des flanger, long pour des imitations de délais analogiques avec Detune ; une phrase de plusieurs notes jouées rapidement peut ainsi être entièrement répétée. Les traitements apportés par ce BBD sont très intéressants ; jouer sur les filtres en sortie révèle un grain bien différent des 3 autres lignes de délai.
Modulations matricielles
Le Pro 2 hérite des possibilités de modulation du Prophet-12 ; il va même beaucoup plus loin. Il y a d’abord 4 LFO, dont l’oscillation peut être libre ou redéclenchée par le clavier et dont la fréquence peut être synchronisée à l’horloge interne/MIDI ; si besoin, elle va bien au-delà des niveaux audio. Au rayon formes d’onde, pas de surprise : triangle bipolaire, rampe, dent de scie, carré, impulsions (3 largeurs : 37,5 – 25 – 12,5 %) et S&H.
On peut adoucir la forme d’onde avec le paramètre Slew, modifier la phase initiale et choisir directement une destination modulée par le LFO. On a ensuite 2 enveloppes auxiliaires (4 et 5), identiques aux 3 premières (filtres et VCA). Elles sont donc toutes de type DADSR, avec bouclage, modulation par la vélocité et destination directement assignable sans passer par la matrice. Elles claquent bien lorsque c’est nécessaire.
Mais l’un des morceaux de bravoure du Pro 2, c’est sa surpuissante matrice de modulations à 16 cordons, pour relier 51 sources à 148 destinations, avec quantité de modulation bipolaire. Elle s’ajoute aux 25 sources pré-assignées. Dans la liste des sources : oscillateurs, LFO, enveloppes, contrôleurs physiques, vélocité, pression, suivi de clavier, pédales, générateur aléatoire, DC (valeur fixe), sortie audio numérisée, entrée audio, suiveur d’enveloppe, 4 entrées CV et 16 pistes du séquenceur… dans la liste des destinations : fréquences/volumes/Shape/FM/AM de chaque oscillateur ou tous simultanément, Slop global, quantités des effets d’insertion, fréquence et résonance des 2 filtres, position passe-bas/passe-haut du second filtre, position normale/passe-bande du second filtre, position série/parallèle entre les 2 filtres, VCA, panoramique, distorsion, feedback, temps/feedback/panoramique des 4 délais, fréquence/quantité des 4 LFO, quantité/segments des 5 enveloppes, 16 modulations (pour faire des modulations de modulations) et 4 sorties CV (pour piloter un synthé modulaire externe). Il est prévu d’ajouter à cette liste les 2 sorties MIDI (canaux 1 à 16 au choix), pour le moment désactivées. Pour faciliter les connexions, la façade comprend une petite section avec 2 boutons (assignation des sources et des destinations) et un potard (quantité de modulation). Appuyer sur l’une de ces commandes appelle une page menu déroulant, où tout est détaillé sous forme de tableau. On peut alors faire défiler ou trier les sources et les destinations pour savoir qui fait quoi en un regard et faire les modifications voulues en un coup de doigt, bien vu !
Arpèges ET séquences
Pour faire bouger les sons sur le Pro 2, c’est fromage ET dessert. Le plateau de fromages est constitué d’un arpégiateur basique (identique à celui du Prophet-12 avant qu’il ne soit mis à jour en OS 1.1), histoire de laisser la vedette au séquenceur. On peut en régler le tempo (avec Tap et synchro à l’horloge interne/MIDI), la direction de jeu (en haut, en bas, alterné, comme joué, aléatoire), l’étendue de l’arpège (1 à 3 octaves), le nombre de répétitions à chaque pas (0 à 3 notes) et le Latch (maintien des notes jouées avec remplacement ou ajout de notes). Remarque importante, les notes arpégées sont transmises en Midi depuis l’OS 1.2 !
Le dessert, c’est le séquenceur. Il s’agit d’un modèle à pas qui fonctionne comme un séquenceur analogique d’antan. On peut choisir 16 pistes de 16 pas ou 8 pistes de 32 pas. Le séquenceur peut être déclenché par la touche Play, les notes, l’entrée audio ou les entrées CV. La lecture peut se faire en boucle, en coup unique ou pas à pas. Le redéclenchement peut forcer le séquenceur à repartir au premier pas ou poursuivre sa route. On peut aussi décider si les enveloppes sont redéclenchées à chaque pas ou non. Pour l’enregistrement, on peut programmer en temps réel ou pas à pas.
La première piste est dédiée aux notes internes, entrées au clavier ; en relecture, elle est transposée en temps réel par le clavier. Les pistes 2 à 8/16 sont assignables aux paramètres de synthèse (par exemple, fréquence du filtre, résonance, enveloppes, effets…), à la quantité de modulation des 16 cordons de la matrice, aux sorties CV ou aux 2 sorties MIDI (canaux 1 à 16 au choix). L’assignation se fait en tournant les potards ou via les menus. Le paramètre Slew permet de lisser le passage entre les pas. À chaque pas, on peut créer des notes liées, des silences et des accents suivant la vélocité. Chaque piste peut avoir sa propre longueur, créant des évolutions infinies. La fonction Cue permet d’enchaîner une nouvelle séquence (et son programme) à une autre, la transition se faisant à la fin de la première. Au final, un séquenceur très balaise auquel il ne manque que des modes de lecture exotiques pour être parfait…
Mono mania
L’année 2015 commence en beauté. Sous nos mains, un synthé magnifique, solide, compact, ergonomique, puissant, bien conçu et qui sonne divinement bien. Tantôt rond, gras, instable, tantôt agressif, métallique, chirurgical… à nous de choisir. Que peut-on lui reprocher ? Des presets pas terribles (on a vu pire), mais un synthé avec toutes ces commandes est fait pour être tripoté sans vergogne ; des pas audibles quand on bouge le potard de fréquence des filtres, mais c’est uniquement le cas à résonance élevée ; l’USB limité au MIDI, mais on s’en passe sans problème ; et ce n’est pas ça qui nous va nous empêcher de lui décerner le deuxième Award Audiofanzine Valeur Sûre 2015. Vive 2015, vive DSI, vive le Pro 2 !
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