Réputé pour ses effets et outils de traitement et restauration du son, iZotope franchit le seuil de l’instrumentarium virtuel et propose son premier synthé, iris. Connaissant l’éditeur, on suppose que l’approche retenue ne peut qu’être originale. Qu’en est-il ?
Des instruments virtuels conçus et assemblés sous Synthedit aux plus farfelues réalisations (en termes d’originalité, bien sûr) issues des cerveaux en perpétuelle recherche des nombreux éditeurs d’instruments virtuels que compte cette planète, et qu’ils soient gratuits ou commerciaux, le musicien ou compositeur sur plate-forme virtuelle ne sait plus où donner de la tête. Même si l’offre se précise au fur et à mesure des avancées techniques, aussi bien en termes de développement que de puissance informatique. Ainsi, il sera difficile de faire l’impasse sur Diva de u-he si l’on recherche la meilleure émulation actuelle de synthés analogiques, ou sur Kontakt de Native pour son côté boîte à outils complète (sauf le sampling direct…) et surtout l’incroyable puissance de programmation offerte par ses scripts.
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D’autres outils, synthés comme banques de sons échantillonnés se distinguent dans leur catégorie, mais, en tout cas récemment, rares sont les instruments proposant une nouvelle approche, a fortiori une nouvelle technique.
C’est dans ce monde un peu convenu, ronronnant et se reposant techniquement sur ses acquis que déboule iris, défini comme un « instrument visuel » (ce qui ne manque pas d’évoquer des précurseurs comme Metasynth ou Krishna…), produit conjointement par iZotope et GForce (joli assemblage), qui utilise des principes qui, s’ils ne sont totalement inédits, n’en sont pas moins originaux.
Introducing iZotope Iris
L’instrument est disponible sur le site de l’éditeur, seul ou en bundle regroupant le synthé et deux banques, Wood et Glass, constituées respectivement de plus de 260 et 150 échantillons et presque 100 programmes chacune, que l’on peut aussi acquérir séparément (dans l’ordre 29 et 48 euros), le synthé seul étant proposé pour la somme de 245 euros. À savoir, iris est vendu avec une bibliothèque d’un peu plus de 4 Go d’échantillons et d’une foultitude de programmes.
On dispose d’une version standalone, ainsi que de plusieurs plug-ins (AU, VST et VST 3 et RTAS) pour Mac (Intel seulement) et Windows, compatible 64 bits. L’instrument inclut également la plus récente version de Radius, le logiciel de compression/expansion temporelle et de changement de la hauteur, dénommé RadiusRT.
Installation simple et sans problème, autorisation de même, sur le disque dur ou sur iLok (merci de laisser le choix) avec le numéro de série fourni à l’achat, synthé comme bibliothèques.
De quoi s’agit-il ?
La première fois que l’on ouvre iris, on est en droit d’être un peu déstabilisé, puisque l’interface gris moyen ne propose que les noms de l’engin et de l’éditeur, une mention « drag sample 1 here or browse », et comprend un nom sur chaque côté, Global, Tools, Keyboard et Synth. Fort heureusement, chacun de ces noms donne accès à des réglages, comme d’autres paramètres de l’interface.
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Mais commençons d’abord par le principe global de l’instrument. iris est constitué de trois lecteurs d’échantillons indépendants (on détaillera leurs spécificités plus avant) et d’un Sub Oscillator un peu spécial, le tout passant dans une section Master incluant un filtre et des départs vers quatre effets (utilisables en effets Send ou Master).
Chaque lecteur d’échantillon, accessible via Synth ou les boutons 1, 2 et 3 situés en haut à droite de l’interface, héberge donc un sample, que l’on chargera via glissé-déposé, ou en le sélectionnant grâce au menu idoine, à partir de la copieuse bibliothèque d’usine. On dispose ensuite de contrôles à peu près habituels, sens de lecture de la boucle créée (avant, arrière, avant-arrière et inversement, One Shot et Reverse One Shot), redéclenchement ou non, type de lecture (Resampling, qui change donc de hauteur et de durée suivant la note, Fixed, même note sur tout le clavier, et Radius RT, voir encadré).
Voici un exemple du ré-échantillonnage à partir d’un échantillon lu sans modification aucune (échantillon de départ présent au début de l’exemple). Précision : les quatre premiers sons graves ne sont joués que sur la moitié de leur durée.
Du classique, mais propre. Voici maintenant le Radius RT en action : son principe est donc de garder la même durée, quelle que soit sa hauteur.
Excellente qualité de cet algorithme, en temps réel, pas d’artefact ou d’effet de filtrage prononcé.
Ensuite on dispose d’un réglage d’accord (par demi-ton et centième), d’un Gain et d’un Pan. Une classique enveloppe ADSR est implémentée, rien de particulier à faire remarquer à son sujet (temps d’attaque et de decay maximum, 10 secondes, temps de release maximum, 30 secondes). Tout aussi classique, le LFO offre sept formes d’ondes (de la sinus au Sample & Hold, bruit y compris), avec sélection de la destination (Amp, Pitch, Pan), Synchro et Trigger, plus les habituels Rate, Depth et une attaque (5 secondes maxi). On finit par les départs effets, Master par défaut mais pouvant basculer en Send, avec accès direct via un petit triangle aux paramètres qui apparaissent en fenêtre flottante.
En dessous, une Macro avec pad X/Y et pré-réglages, un Glide, un Tracking (suivi de clavier sur le filtre général) et un Mod Routing, permettant de spécifier quatre destinations et taux pour la vélocité et l’aftertouch complètent le synthé. Ces réglages sont globaux, donc se répercutent sur les trois lecteurs.
Le bouton All affiche les trois formes d’ondes/spectrogrammes (un curseur permet de mixer visuellement les représentations) des échantillons et celle du Sub (on y charge des formes d’ondes déterminées), Sub qui dispose des mêmes réglages qu’un lecteur. Mix affiche dans une fenêtre qui peut se détacher les trois lecteurs, le Sub et le Master.
Global ouvre les menus de navigation, les Undo/Redo, la sélection du mode (Poly, Mono, Legato), nombre de voix (jusqu’à 64), un Pan et un Gain, plus deux (trop petits) indicateurs de niveaux.
Keyboards affiche bien sûr un clavier, ainsi que les molettes Pitch et Mod, et les réglages de bouclage (départ, fin, offset, crossfade, delay) ainsi que celui de la Root Note (qui s’affiche aussi via un petit pavé noir sur le clavier). Une Map permet de répartir les échantillons sur le clavier.
Jusque-là, rien que de très normal et, à l’exception de la qualité de Radius RT, rien ne semble distinguer iris de ses concurrents travaillant via resynthèse d’échantillons.
Sauf que l’on n’a pas encore ouvert l’onglet Tools.
Tools, et tout change
Une fois l’onglet Tools ouvert, les habitués de iZotope RX2 commencent à avoir une idée de ce qui est mis en œuvre, idée rapidement confirmée par la vision des zones, lignes et traits affichés par les échantillons chargés.
iris reprend en effet tous les outils de sélection graphique du logiciel de restauration sonore de l’éditeur : sélections horizontales, verticales, carrées, divers zooms, outils lasso, pinceau, gomme, baguette magique afin de sélectionner des zones du spectrogramme, les modifications induites sur la forme d’onde pouvant être visualisées en quasi temps réel.
On peut ainsi voir des lignes blanches symbolisant les têtes de lecture (une par note jouée) se déplacer le long des trois échantillons de façon indépendante, dans la fenêtre All. Et ceci même sur des microzones.
La puissance à disposition est assez phénoménale, puisque l’on a la possibilité de choisir précisément le contenu spectral d’une forme d’onde, de la mettre en boucle et de la traiter grâce à des outils de synthèse performants. Ce qui explique aussi la présence d’un unique filtre dans la partie Global, qui ne servira que pour des effets d’ouverture/fermeture modulés, puisque son usage, dans une optique de synthèse soustractive (retrait d’harmoniques d’une forme d’onde riche) est rendu ici obsolète, puisque les outils à disposition permettent de sélectionner très précisément le contenu spectral et harmonique d’une forme d’onde, d’un échantillon. Du coup le slogan de l’éditeur prend tout son sens, « trouvez de la musique dans tout et n’importe quoi ». En effet, n’importe quel enregistrement pourra ainsi être disséqué, pour en extraire le ou les éléments utiles à des fins musicales, puisque l’on peut quasiment isoler et regrouper chacune de ses composantes harmoniques…
Un simple exemple à partir de la flûte déjà entendue. On va l’utiliser trois fois : une première en ne sélectionnant qu’une partie des harmoniques hautes. Ça donne ceci :
Ensuite une partie des graves (on joue évidemment la même note sur tous les exemples).
Puis la troisième désaccordée.
Le tout mélangé donne ceci.
Nous sommes là dans un exemple resté volontairement très simple, sur le même sample. On est pourtant bien loin du son de départ et cela a pris à peine plus de deux minutes.
Voici quelques exemples des sonorités que l’on peut obtenir avec le synthé, de sons assez familiers à d’autres beaucoup moins communs.
Téléchargez les fichiers sonores : flac.zip
Bilan
Certaines de mes connaissances pratiquant la synthèse directement dans iZotope RX2 vont sans doute être ravies de l’arrivée d’iris. Indéniablement, le synthé offre une approche pour le moins inédite dans le domaine de la resynthèse où brillent pourtant quelques fameuses réussites (on peut penser à Alchemy dans le domaine logiciel). La sélection du matériau sonore qui va être utilisé avec des outils semblables à ceux de tout bon logiciel graphique est une expérience assez unique, permettant d’être face au synthé dans une position de quasi-débutant, puisqu’on ne sait pas à l’avance ce qui va résulter des sélections (tandis qu’une dent-de-scie passée dans un quatrième ordre avec une résonance de 50 %, on sait ce que ça donne). En cela, iris est une arme sonore nouvelle, et intéressante.
Bien sûr, ce ne sera pas le synthé à tout faire comme un bon soustractif peut l’être, pour une basse, une nappe, un lead, etc. En revanche, pour créer des sonorités étranges, mêlant de façon très particulière sons réalistes et irréalistes, pour passer des heures (à s’en faire péter le bulbe…) à faire des essais à partir de n’importe quel matériau de base et en sortir quelque chose d’intéressant à quasiment chaque fois, iris est un rêve. D’autant que ses algorithmes sont quasi irréprochables, son ergonomie et sa simplicité d’usage un vrai bonheur, le rendant accessible à quasi toute personne intéressée par la synthèse.
Bref, s’agit-il encore pour iZotope d’une réussite ? Eh oui…