Durant les 45 premiers articles de ce dossier, essentiellement axés autour du système tonal, il n'y en a quasiment pas eu un seul où je n'ai pas évoqué les cadences.
Depuis que je vous expose le fonctionnement du système modal, je vous parle surtout des cadences que l’on ferait mieux d’éviter parce que cela pourrait nous ramener vers le système tonal. Il faut dire que le concept même de cadence repose souvent sur l’idée d’une tension que l’on résout, soit le fondement même du système tonal ! Mais il ne faudrait pas croire que les cadences sont absentes du système modal, bien au contraire !
Des cadences dans le système modal, quelle est cette diablerie ?
Il convient tout d’abord de préciser que les cadences modales ne sont pas totalement de même nature que les cadences tonales, en cela qu’elles ne seront jamais représentatives d’une tension que l’on résout. Mais elles ont cela de commun avec les cadences tonales que leur fonction est d’asseoir le caractère particulier du mode dans lequel elles sont employées. Dans un contexte tonal, on en fera souvent usage pour affirmer une couleur modale particulière, pour « mod »-uler ! Car oui, en complément de tout ce qui a été exposé dans les articles 17 à 21 du présent dossier concernant la modulation, je vous invite fortement à dépasser l’alternance tonale et à explorer, même dans un contexte principalement tonal, toute la palette des modes ! Mais ne nous égarons pas.
Les cadences que nous étudierons ici auront toutes pour caractéristique commune de traduire des mouvements entre l’accord de tonique du mode et les différents accords caractéristiques. Chacune de ces cadences pourra être répétée autant de fois que nécessaire, cette répétition traduisant par elle-même le caractère modal du passage musical concerné.
Dernière remarque avant d’attaquer le sujet qui nous intéresse aujourd’hui. Nous avons vu dans l’article 48 que dans un contexte modal, les accords peuvent exprimer le contexte en question notamment en reproduisant le fragment modal. Dans les cadences que nous allons explorer, le fragment modal ne sera pas nécessairement employé dans les accords, puisque ce ne sera plus un seul accord qui sera chargé d’exprimer le mode, mais que cette expression du mode sera dévolue à la cadence elle-même.
Trêve de préambule, attaquons-nous au cœur du sujet !
Les cadences du mode ionien
Tout comme dans l’article 51, nous ne reviendrons pas ici davantage sur le fonctionnement du mode principal de la gamme mère. J’invite ceux qui souhaitent réviser le sujet à relire notamment l’article 7 du présent dossier.
Les cadences du mode dorien
On trouve trois grandes cadences dans le mode dorien. La première est celle qui évolue du premier degré mineur vers le second degré mineur 7.
Ladite cadence peut être également prolongée sur quatre mesures. On constatera à l’écoute ce qui a été énoncé plus haut : aucun de ces accords ne constitue de tension que l’accord suivant résolverait, ce qui est également valable pour toutes les cadences que l’on va étudier.
La deuxième cadence est celle qui mène du premier degré mineur vers le VIIe degré majeur 7.
Cette cadence est dite « pandiatonique », car l’ensemble des notes du mode sont réparties sur les deux accords qui la composent.
On peut également intercaler un accord du second degré mineur entre le Imin et le bVIImaj7.
Enfin, la dernière cadence est celle qui mène du premier degré mineur vers le quatrième degré « dominante » 7. Je mets « dominante » entre guillemets car il s’agit ici de souligner davantage la structure de l’accord (une triade majeure surmontée d’une tierce mineure) que sa fonction, qui n’a pas de sens dans le cadre modal. On remarquera également que la présence du triton Mib-La n’est ici pas aussi génératrice de tension que dans un contexte tonal.