Après avoir exploré la semaine dernière les gammes complémentaires et l'utilisation de la gamme pentatonique dans cadre bitonal, nous allons aujourd'hui continuer notre étude de la polytonalité en nous penchant sur les polyaccords.
Les polyaccords
Comme nous avons pu le constater tout au long de ce dossier, les accords sont l’un des principaux moyens d’expression d’une tonalité. En conséquence, quel meilleur moyen pour exprimer une polytonalité que de superposer entre eux des accords de tonalités différentes ? De telles superpositions sont appelées des polyaccords. Les deux accords qui constituent le polyaccord sont le plus souvent des triades. Il est plus rare de trouver des accords de septième, mais nous verrons certains de leurs représentants dans le prochain paragraphe.
Ci dessous, deux exemples de polyaccords :
Il convient d’être prudents, car tous les polyaccords n’expriment pas forcément la polytonalité. On distingue en effet les polyaccords tonaux (le premier dans l’exemple ci-dessus) et les polyaccords polytonaux (le second dans l’exemple ci-dessus).
Les polyaccords tonaux
Les polyaccords tonaux sont des constructions d’accords dont bien souvent la partie supérieure représente un enrichissement traditionnel de la partie inférieure, comme dans les exemples que nous avons pu voir jusqu’à présent. À ce sujet, je vous invite à revoir notamment l’article 33. Et par conséquent, ces accords n’impliquent pas forcément qu’il y ait polytonalité ! Parmi ces accords tonaux, on opère la distinction entre polyaccords tonaux simples et polyaccords tonaux altérés. Pour ces derniers, on part d’une base constituée d’un accord de septième à laquelle on rajoutera des extensions altérées, comme dans l’exemple ci-dessous :
Les polyaccords polytonaux
C’est là que nous abordons ce qui nous intéresse réellement dans le présent article. Les polyaccords polytonaux se distinguent totalement des enrichissements d’accords traditionnels que nous avons pu rencontrer jusqu’ici. Ces accords sont des expressions de la tension harmonique. Cette dernière s’obtient de multiples manières.
- Soit en superposant des accords harmoniquement très éloignés :
(on rappellera à ce sujet que plus les toniques de deux tonalités sont proches, plus les tonalités en question sont éloignées harmoniquement parlant, cf article 20).
- Soit en superposant des accords incluant notamment la 11e d’une tonalité majeure :
Ce dernier exemple démontre bien l’ambiguïté du quatrième degré d’une tonalité donnée (cf article 23).
Les accords hybrides
La dernière forme d’accord polytonal sont les accords hybrides. Ceux-ci sont constitués d’une seule note dans la partie inférieure. Cette note exprimant la basse est extérieure au reste de l’accord. Attention, il convient bien entendu de bien différencier les accords hybrides des simples renversements d’accords que nous avons pu rencontrer jusqu’ici :
Dans l’exemple précédent, la première formule est simple accord Do maj 7 avec sa tierce en basse. La seconde formule en revanche est un accord hybride, la basse n’appartenant pas du tout à l’accord de base. On notera la différence de notation : la première formule se note avec une barre de fraction (« / ») alors que les accords hybrides, de même que tous les accords polytonaux, se notent en superposant les noms. Pour être vraiment considérée comme étrangère à l’accord, la basse ne doit être ni le doublon d’une des notes de l’accord (une évidence…), ni se situer à une tierce ou une quinte de la fondamentale de l’accord.