Nous avons dans les articles précédents commencé à étudier les différents moyens d'identifier les modes. Poursuivons notre chemin dans les prochains articles en nous intéressant aux règles harmoniques qui régissent chacun de ces modes.
Préambule
Outre les degrés caractéristiques naturels que nous avons déjà mentionnés et que je me permettrai de rappeler à titre d’exhaustivité, nous verrons comment harmoniser chacun de ces modes en triades et en accords de septième (comme nous l’avons fait pour les gammes majeures et mineures), comment chaque mode se rapporte à un type d’accord en particulier et enfin quelles sont les cadences à utiliser ou à éviter.
Avant de commencer, je signale encore qu’en ce qui concerne les fonctions harmoniques des accords en fonction de leur degré dans chaque mode, il faudra oublier les notions tonales de dominante, sous-dominante et de leurs substituts. En harmonie modale, on ne parlera plus que d’accord de tonique ou d’accords caractéristiques.
Les accords caractéristiques contiennent le(s) degré(s) caractéristique(s) de chaque mode. Dans le cadre de l’harmonisation modale d’un morceau, on cherchera à éviter certains accords, à savoir tous ceux qui contiennent la quinte diminuée (b5), en raison de leur trop grande instabilité. Ce sont les seules occasions où le triton est proscrit du mode modal. En effet, les accords de dominante 7 ne sont pas interdits, à condition de ne pas former une cadence parfaite avec l’accord qui suit. Et le triton est également autorisé dans le cadre de l’expression du fragment modal (cf article 48), cette dernière étant pré-éminente sur l’instabilité du triton pour l’affirmation du caractère modal.
Allez, ces différentes précisions étant faites, attachez vos ceintures, c’est parti !
Le mode ionien
Le mode ionien est celui qui débute au degré I de la gamme-mère. Il est associé à un accord majeur : I majeur de la gamme mère. Ses degrés caractéristiques sont le quatrième et le septième. Il est le seul mode naturel à disposer de deux DCN. De fait, tous ses accords en-dehors de celui de tonique et de celui du Ve degré sont alors considérés comme caractéristiques car ils contiennent tous l’une de ces deux notes. Pour le reste, je vous rappelle ici que le mode ionien n’est rien d’autre que le mode majeur du système tonal que nous avons déjà très largement exploré tout au long de ce dossier (pour son harmonisation, voir article 4). Il est donc inutile de nous attarder davantage sur ce mode dans le présent article, sauf pour un détail qui a son importance.
Nous avons vu dans l’article 48 que l’une des notes caractéristiques du mode ionien était son quatrième degré. Or, comme nous l’avons vu dans l’article 23, la quarte juste est considérée comme une consonance mixte. Elle n’est pas forcément simple à caser dans un environnement tonal. En revanche, l’emploi de cet intervalle dans un passage musical aura tendance à marquer l’aspect modal (et donc non-tonal) de celui-ci.
Le mode dorien
Le mode dorien est celui qui part du degré II de la gamme-mère. Il est associé à un accord mineur : II mineur de la gamme mère. Son degré caractéristique naturel est le VIe degré. Les accords caractéristiques sont ceux des degrés, II, IV et VI, qui est également celui à éviter. La cadence à éviter est celle qui consisterait à enchaîner l’accord du IVe degré (ici IV7) avec celui du VIIe degré (VII M7), car l’on obtient une cadence parfaite sur ce dernier. Non seulement celui-ci deviendrait alors une nouvelle tonique mais l’on sortirait alors du système modal.