Sujet Musique : art ou science ?
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a.k.a
Je me pose régulièrement la question, sans jamais pouvoir y répondre. Des avis éclairés et divergents si possibles seraient les bienvenus. Il est bien entendu que ce topic ne concerne que la musique, et en aucun cas la peinture ou la sculpture. Il n'est bien sûr pas interdit de citer des oeuvres pour étayer son propos, mais notre "objet d'étude" reste la musique
Il est évident que j'attends des positions solidement argumentées , courtoises et bienveillantes (même si je sais qu'à un moment ou à un autre, ça va chauffer...).
J'ouvre le débat :
En considérant l'exemple du dodécaphonisme, peut-on dire que la musique devient une science ? Pour moi, oui car le microcosme "organisationnel" qu'est la série dans l'organisation macrocosmique qu'est déjà la musique relève d'une scientificité : il faut recenser les occurences de chaque demi-ton afin de ne pas le répéter avant l'exposition de la série entière, se tenir à un principe compositionnel strict. Même dans le traitement de la série, par exemple en la rétrogradant, il faut le faire strictement. Cela ne relève-t-il pas d'une certaine scientificité ?
Cette remarque s'applique également dans le système tonal, puisqu'on ne peut rien écrire sans tenir compte de ce qui précède. Le seul art serait-il dans le Tristan de Wagner et dans le post-romantisme (période charnière entre la tonalité et l'atonalité ?
Anonyme
Head Minerve
L'homme classifie tout, met tout dans un ordre qu'il choisit, certes pas très objectif, mais c'est pour avoir de l'ordre dans sa tête, sinon on appelle ça un fou.
Tu vas classer le dernier red hot moins bien que d'autres, préférer les carottes au céleri etc...
A partir de là je ne hiérarchise pas les pensées des gens, c'est juste que chacun hiérarchise sa propre pensée, pour se situer entre tous...
Anonyme
Ce que veut faire remarquer Barthes, c'est la signifiance dans l'écoute de la musique; plus le cerveau va emmagaziner des séquences musicales différentes, plus l'écoute sera sélective, plus il y aura miroitement de signifiants;
On trouve cela clairement en poésie; si tu lis un poème de Baudelaire, sans avoir lu d'autres auteurs, notamment ceux plébiscités par Baudelaire lui-même (ex: Edgard Allan Poe),... la lecture de ce poème ne va pas signifier grand-chose pour toi- un peu comme quand tu écoutes le dernier Spice Girls -
et, au plus tu vas lire d'oeuvres littéraires, au plus tu vas comprendre la matière induite dans ce poème ( = la quintessence de l'oeuvre );
Le problème avec le dernier Spice Girls, c'est que tu as vite fait le tour harmonique,rythmique ou atmosphérique de la chanson... pas chez Doors, pas chez Prokofiev: au début, tu vas trouver cela ringard ou chiant, puis au fur et à mesure des écoutes, tu vas te dire : "tiens, il a fait cela à la mesure 15, cela me rappelle machin-truc..."
Les miroitements des signifiants transgressent les genres artistiques également> exemple: le thème des Valkyries de Wagner dans la charge d'hélicos dans le film Apocalypse Now. En art contrairement aux sciences, tout est permis tant qu'il y a une liaison: il n'y a pas de barrières d'espace et de temps;
Nyl auster
Citation : Pourquoi ne pas comparer Doors et Prokofiev et un blues d'Art Tatum ? ;
je pense que c'est possible, mais je pense aussi que ce n'est pas obligatoire.
J'aime bien l'idée des "genres " musicaux, à savoir qu'une musique peut plus ou moins se juger à l'aune de son genre: du bon hip hop, de la bonne chanson française; mais comment dire ce qu'il y a de mieux entre du bon blues ou de la bonne électronique?
La faille de ce raisonnement, c'est que les genre sont subdivisibles à l'infini (on peut toujours faire des genres des hip hop puis des genre dans le genre).
Finalement j'en viens à me dire que l'étalon du jugement d'une musique, c'est sa capacité à prolonger la perfection/ la réalité (je me la rejoue spinoza un peu désolé) de celui qui l'a crée (en considérant l'unité de l'individu comme le genre indivisible à la source de la musique). En gros sa capacité à traduire sa propre réalité, soàn essence particulière, avec certains choix d'outils. Ca me parait avoir un peu d'objectivité, alors qu'en pensant en terme de bon et de mauvais, je suis forcément subjectif (pas possible pour moi à quantifier).
je suis fasciné par les différents genre, les "essences" (avec toutes les précautions qu'il faut prendre avec les connations métaphysiques du mot) des musique, et surtout par ceux qui parviennent à créer un tout "cohérent" (je sais que Lebat n'aime pas ce mot) avec des éléments qu'eux seuls ont mis ensemble.
Ceux qui crée un genre de musique à eux tout seul quoi.
Nyl auster
Hors sujet : Citation : Le problème avec le dernier Spice Girls, c'est que tu as vite fait le tour harmonique ou atmosphérique de la chanson..
je pourrais dire pareil pour le blues (on a très vite fait le tour des harmonies), pourtant j'admire profondément le blues car il me semble traduire un truc très particulier qu'on trouve pas dans les autres genre de musique.
shenzen
Tout ça pour dire quoi...
Que la musique est un art, car il fait appel à l'imagination et la sensibilité de l'artiste, l'émotion, et qu'il est une science, car il n'y a aucune démocratie en composition musicale, tout doit être harmonieusement à sa place, la raison.
amanitsounds
Je me rend compte aujourd'hui, que le point commun entre tout les protagonistes de la création que je considère en tant qu'artiste (à un moment donné, et pour quelques rares, encore aujourd'hui...), c'est l'absence de dépendance envers un outil quel qu'il soit. A savoir qu'un outil peut être technique (un ordinateur, un crayon), théorique (philosophie, mathématiques), culturel (style), linguistique. La musique, pour moi est avant toute chose, toute considération personnelle et subjective, est un outil. De communication. Un outil restreint par la nature des opérations qu'il propose le champ des signes que le créateur peut utiliser.
S'affranchir d'un outil, plutôt "des" outils, c'est parvenir au stade où c'est uniquement la pensée qui est le moteur de la création, et que le choix de ou des outils nécessaires à la réalisation d'un oeuvre se fait en fonction de l'idée, et dans les plus riches des cas d'un concept. Dans ces cas, aucun choix de medium n'est anodin, il est fait en fonction du sens. C'est pour cela qu'à présent, quand un artiste fait de la peinture, il parle de peinture. Quand il utilise le son, il parle du son.
Et la science est un outil non ?
Head Minerve
En allant dans ton sens, la science émet à travers un langage tout comme la musique émet à travers un langage, et ce/ces langage/s sont reçus par l'homme (déjà), à partir de là ayant le même cheminement, ils peuvent être (musique et science) arts tous les deux.
C'est d'ailleurs très proche de recevoir un phénomène scientifique expliqué, de s'en extasier, tout comme on s'extasie d'un morceau de musique.
On en avait parlé au début du sujet : l'individu qui voit un théorème scientifique peut dire trouver ça "beau", est-ce de l'art pour autant ?
Ca ramène sans doute au sujet "quelle est la finalité de l'art?", qui reste sans réponse univoque à ce jour.
Citation : l'absence de dépendance envers un outil quel qu'il soit
Je en suis pas vraiment d'accord avec ça, question d'interprétation.
Rester dépendant d'un outil, tout en le maîtrisant, en le comprenant, en s'en servant, bien que ça paraisse paradoxal comme état, est à mon sens tout à fait envisageable.
L'artiste se voit créer dans diverses étapes de sa vie, et même si s'échapper de la dépendance de son outil semble être un noble but, ou une noble étape, ce n'est pas à partir de ce moment qu'il commencera à créer de l'art.
Au contraire je trouve que le cheminement (contenant des imperfections, des erreurs etc...) est plus propice à créer de l'art que le détachement de son outil...
Citation : S'affranchir d'un outil, plutôt "des" outils, c'est parvenir au stade où c'est uniquement la pensée qui est le moteur de la création
Que veux-tu que ce soit d'autre que la pensée, notre réflexion, qui nous fasse créer ? Comme tu le dis, l'outil est un moyen; c'est une passerelle entre ce qu'il y a dans notre tête et ce qui arrive dans la tête (les oreilles ou les yeux) des autres...
Je trouve pas que l'on soit dépendant de notre outil, par contre des autres oui, plus déjà.
Nous sommes constamment influencés par comment les autres utilisent le même outil que nous, complètement dépendants au début, en longtemps bien souvent, de la pression inconsciente ou pas, qu'on nous refile, nous préférons nous adapter au monde, plutôt que de faire en sorte que le monde s'adapte à notre musique, à notre langage, personnel ou minoritaire.
Les concepts nouveaux, les nouveaux langages etc... sont certes très intéressants, sans doute les jeunes chevaux tirant la diligeance se faisant lourde et pataude parfois.
Citation : Dans ces cas, aucun choix de medium n'est anodin, il est fait en fonction du sens.
Oui, tout à fait d'accord, malheureusement, peu peuvent se permettre d'user de tous les outils qu'ils souhaitent pour créer...
a.k.a
Citation : ceux qui parviennent à créer un tout "cohérent" (je sais que Lebat n'aime pas ce mot) avec des éléments qu'eux seuls ont mis ensemble.
Nan, je dis juste qu'il ne faut pas jurer que sur la cohérence, et laisser une place à l'incohérence (qui génère aussi son lot de merde).
Donc, amanit, tu es un hégélien convaincu, nan ? ce qui fait la beauté d'une chose, c'est l'idée (au sens d'un concept) qu'elle incarne. oui ?
amanitsounds
Citation :
Que veux-tu que ce soit d'autre que la pensée, notre réflexion, qui nous fasse créer ?
L'habitude. C'est dans la plupart des cas elle qui est moteur. L'habitude d'une technique, d'un langage, ou d'un champ d'action. Ce que tes doigts te dictent sur ta gratte, ce que l'habitude de dessiner impose à ton crayon.
Et le terme outil d'ailleurs, n'est il pas censé à l'origine désigner un ustensile destiné à une technique ? On considère (je sais plus qui) que la différence en l'homme et l'animal, est la même qu'entre l'outil et l'instrument. L'instrument de musique. Ou l'outil à musique devrait on dire peut être.
Citation : Donc, amanit, tu es un hégélien convaincu, nan ? ce qui fait la beauté d'une chose, c'est l'idée (au sens d'un concept) qu'elle incarne. oui ?
Absolument, mais je n'aurai pas la prétention de dire que j'ai hérité de ce point de vue de Hegel. C'est une reflexion purement empirique, dans le sens où tout ce qui me touche (en art) vient de l'idée. C'est ce qu'il y a de plus dur à avoir, des idées.
L'univers pictural de Basquiat m'emmerde profondemment, mais ses motivations sont merveilleuses. Au contraire, j'adore l'univers plastique de Warhol (ça fait classe une maryline ou une boite de soupe dans les chiottes), mais son discours me fait gerber.
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