Musique : art ou science ?
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a.k.a
Je me pose régulièrement la question, sans jamais pouvoir y répondre. Des avis éclairés et divergents si possibles seraient les bienvenus. Il est bien entendu que ce topic ne concerne que la musique, et en aucun cas la peinture ou la sculpture. Il n'est bien sûr pas interdit de citer des oeuvres pour étayer son propos, mais notre "objet d'étude" reste la musique
Il est évident que j'attends des positions solidement argumentées , courtoises et bienveillantes (même si je sais qu'à un moment ou à un autre, ça va chauffer...).
J'ouvre le débat :
En considérant l'exemple du dodécaphonisme, peut-on dire que la musique devient une science ? Pour moi, oui car le microcosme "organisationnel" qu'est la série dans l'organisation macrocosmique qu'est déjà la musique relève d'une scientificité : il faut recenser les occurences de chaque demi-ton afin de ne pas le répéter avant l'exposition de la série entière, se tenir à un principe compositionnel strict. Même dans le traitement de la série, par exemple en la rétrogradant, il faut le faire strictement. Cela ne relève-t-il pas d'une certaine scientificité ?
Cette remarque s'applique également dans le système tonal, puisqu'on ne peut rien écrire sans tenir compte de ce qui précède. Le seul art serait-il dans le Tristan de Wagner et dans le post-romantisme (période charnière entre la tonalité et l'atonalité ?
Head Minerve
Les rêves sont un bon trip, faut-il savoir en ressortir kekchose.
Les rêves demeurent très personnels, on peut donc en tirer du bon et original (>personnel).
a.k.a
Oniric-music ??
Head Minerve
karlos73
Citation : comment peux-tu concrétiser quelque chose dont tu n'as pas conscience ??
L'art brut est une de ces concretisation....
a.k.a
karlos73
Le concept d'Art brut a été inventé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet pour qualifier les productions réalisées par des non-professionnels de l'art œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues (autodidactes, psychotiques, prisonniers, personnes indemnes de culture artistique). Il entendait par là un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle. Selon lui, l'art brut doit « naître du matériau (...) se nourrir des inscriptions, des tracés instinctifs ». Sa définition : L’art brut désigne “des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythme, façons d’écritures, etc.) de leur propre fond et non des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode“
a.k.a
Ca me semble en effet pouvoir coller avec ce que l'on disait plus haut !
Head Minerve
Anonyme
Citation : Autre point de vue : la musique c'est comme n'importe quel Art, c'est de la méta communication, de la communication implicite, d'inconscient à inconscient, l'oeuvre étant le message.
Je comprends l'idée de communication "non explicite" d'inconscient à inconscient.
"Communication" sous-entend "langage" et il n'est pas encore prouvé que la musique soit un langage au sens intelligible/informatif.
Bien sûr on connaît tous les jingles/signaux sonores/nature des accords utilisés dans les jeux, la pub, les films ou les OS qui "orientent" notre façon de comprendre qu'une action/réponse/situation est bonne/vrai/heureuse ou mauvaise/fausse/malheureuse.
Or tout cela relève plus (ça n'engage que moi)de la sémiotique, du sens.
Quand on aborde le langage c'est différent.
Pour certains linguistes, le langage n'est pas un système qui transmet des idées d'un cerveau à un autre (ça serai de la télépathie) mais un système qui organise des idées afin de les transemettre ensuite à un autre organisme, avec tout ce que ça implique comme différences et singularités.
Si on prends le postulat que le langage est une chose que l'on peut comprendre, on voit tous les jours combien ce système "intelligible" pose comme problèmes, je n'imagine même pas la confusion d'une communication d'inconscient à inconscient, a fortiori si elle est "meta".
Wolfen
Développeur de Musical Entropy | Nouveau plug-in freeware, The Great Escape | Soundcloud
Anonyme
La musique est peut-être seulement un jeu de l'esprit autour de cette béance sensorielle...
Que certains compositeurs tendent vers des références culturelles ou folkloriques, et d'autres vers des systèmes rationnalisants ou arbitraires, je n'y vois pas d'élément de discrimination : l'objet reste le même, tout comme les critères de son appréciation critique, paradoxalement.
Anonyme
Mais concernant cette affirmation:
Citation : En fait dans l'Art, je pense que l'artiste est le seul qui soit en mesure de comprendre le message, les autres ne peuvent que s'approcher de sa compréhension à lui...
Encore faut-il que l'artiste ait eu envie d'exprimer qq chose.
Pov Gabou
Citation :
l y était souvent question de l'irreprésentabilité objective d'un évènement sonore, parce que l'être humain perçoit comme distinctes deux échelles (temps et fréquence), alors qu'elles ne font qu'une.
Je dirais pas qu'elles ne font qu'une; elles sont duales l'une de l'autre, dans le sens ou lorsque tu en connais une, tu peux passer de l'une a l'autre de maniere univoque. Si tu changes la representation temporelle, tu ne peux pas le faire sans changer la representation frequentielle et inversement.
Je suis assez mitige sur l'affirmation que l'etre humain les distingue l'une de l'autre alors qu'elles ne font qu'une. A une certaine echelle, la perception purement temporel devient frequentielle (un battement dont la frequence augmente); au XIX siecle deja, tu as des theories assez evoluees en musico sur les effets utilisables par les orchestres symphoniques (fusion timbrale), je crois, entre autre les travaux de Berlioz ?
C'est un probleme scientifique que je trouve passionant, car il est connexe a beaucoup de champs (mathematiques, psychologie, musicologie, etc...). Je me tape le bouquin de Bergman a ce sujet, qui est passionant.
karlos73
Citation : Encore faut-il que l'artiste ait eu envie d'exprimer qq chose.
Quand bien même il ne veut rien dire, sa condition d'être existant fait qu'un artiste exprime toujours qqe chose....
Par essence l'Art est une expression explicite ou implicite d'un état (des choses, de fait...), c'est en soit un langage plus ou moins codifié, plus ou moins explicite. Que ce soit "carré blanc sur fond blanc" de Malévitch, l'"exposition du vide" d'Yves Klein ou l'Art brut des fous toutes ces créations expriment volontairement ou non un point de vue, un sentiment, une pensée... sans cela c'est le néant, or le néant est le seul et unique état où il ne peut y avoir d'Art.
Citation : La musique est peut-être seulement un jeu de l'esprit autour de cette béance sensorielle...
Comme tout langage, c'est un agencement semantique d'éléments lisiblent au travers de la sémiotique et qui fonctionne par analogies.
Citation : la perception purement temporel devient frequentielle
entierement d'accord! Et pour s'en convaincre il suffit d'écouter l'aiguille des seconde d'une montre.Choc
Tu prend un son de piano, tu appliques a ce son une enveloppe temporelle differente, et bien tu auras du mal a reconnaitre le piano. Pareil si tu modifies l'enveloppe des partiel. Maintenant tu changes la place des partiels en conservant l'enveloppe temporelle de chaque partiel, arf, ca sonne toujours pas comme un piano.
L'aspect temporel ainsi que l'aspect frequentiel sont tres importants, les deux forment, la notion encore mal definie, de "timbre" de l'instrument.
Pourtant des recherches sur les timbres sont tres importantes, si on pouvait reussir a trouver des parametres perceptifs qui descrivent le timbre d'un objet sonore ca serait puissant. Les applications pourraient etre terrible. je pense notamment aux applications en synthese de son. Une synthese comme la synthese additive peut theoriquement tout faire, par contre vu le nombre de parametres a regler c'est tres difficillement utilisable. Maintenant si on arrive a avoir une description, disons, perceptive des timbres des instruments, si on arrive ensuite a faire le mapping, characteristiques perceptifs vers les composantes du signal ca serait le top du top ! l'utilisateur pourrait alors directement jouer sur les characteristiques perceptifs du son et pas sur le signal !
Je sais pas si on y arrivera un jour, scheaffer avait commencé a dresser une classement des objets sonores via des attributs perceptifs. Sur des synthé additifs comme le cube par exemple, certains de ces attributs comme le "brigthness" sont modifiables, mais bon on est encore tres tres loin du compte.
Enfin au niveau de la reverberation, a l'ircam il avait fait un truc un peu pareil, en dressant les facteurs perceptifs qui influence notre perception de la reverberation ( Spat) , puis ensuite ils ont reussis a faire le mapping du perceptif vers le signal. Ca evite de regler des attributs purement orientés signal comme le RT60 ou autre conneries de ce genre
Site personnel: https://www.enib.fr/~choqueuse/
Anonyme
Citation : Quand bien même il ne veut rien dire, sa condition d'être existant fait qu'un artiste exprime toujours qqe chose....
Tu veux parler de l'artiste en tant qu'artiste, et donc de ce qu'il représente socialement (créateur d'art(s), qui de ce fait exprime toujours qq chose? Son statut d'artiste étant déjà un "message"?
Si oui, alors l'artiste qui n'a aucune intention de délivrer/communiquer quoi que ce soit, de cet artiste-là il faut admettre que son expression artistique lui échappe (ou qu'elle est libre) et qu'elle ne prend de valeur qu'au travers des différentes perceptions du public.
Qu'en penses-tu/pensez-vous?
Je reviendrai tout à l'heure sur une autre de tes affirmation.
Wolfen
Citation : Encore faut-il que l'artiste ait eu envie d'exprimer qq chose.
Attention, quand je dis message je parle bien de ce qui va d'un inconscient à un autre, pas forcément d'un message clair, avec des "textes engagés" etc. A partir du moment où un artiste pose une oeuvre qui lui corresponde (en termes de composition, d'émotion etc), forcément que cet artiste a eu envie d'exprimer quelque chose ! Si on parle d'oeuvres à exécuter à la demande d'un éditeur ou du public, on sort du cadre de la discussion, c'est plus vraiment de l'Art, c'est uniquement de la science dans le cas extrême.
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karlos73
Citation : Tu veux parler de l'artiste en tant qu'artiste, et donc de ce qu'il représente socialement (créateur d'art(s), qui de ce fait exprime toujours qq chose? Son statut d'artiste étant déjà un "message"?
Sans allez jusque là, oublions toute notion d'étiquette.... simplement le fait de concretiser quelque chose vehicule du sens, car d'apres moi le concept d'existence porte en sois le signifiant, et vice versa, l'un ne peut-être sans l'autre.
Citation : l'artiste qui n'a aucune intention de délivrer/communiquer quoi que ce soit
D'un point de vue psychanalytique je ne pense pas qu'il soit possible de totalement s'extraire de toute intention, à part peut-être sous drogue ou hypnose, encore que cela reste à prouver....Citation : de cet artiste-là il faut admettre que son expression artistique lui échappe (ou qu'elle est libre) et qu'elle ne prend de valeur qu'au travers des différentes perceptions du public.
Tout à fait d'ailleurs l'Art brut en est une parfaite illustration.Anonyme
Citation : Attention, quand je dis message je parle bien de ce qui va d'un inconscient à un autre, pas forcément d'un message clair, avec des "textes engagés" etc
J'avais bien compris, mais ce qui me "turlupine" c'est l'idée de communication d'inconscient à inconscient.
A moins que tu veuilles exclure l'idée d'un message explicite partant de "l'inconscient émetteur" vers "l'inconscient récepteur", dans ce cas-là je suis un peu plus en phase avec ton idée, car effectivement l'inconscient-émetteur propose quelque chose qui sera librement perçu et interprété par l'inconscient-récepteur.
Citation : A partir du moment où un artiste pose une oeuvre qui lui corresponde (en termes de composition, d'émotion etc), forcément que cet artiste a eu envie d'exprimer quelque chose !
Qu'est-ce qu'une oeuvre correspondante à un artiste? Quel critères permmettent de définir précisément l'appartenance et par extension, l'expression?
Citation : Si on parle d'oeuvres à exécuter à la demande d'un éditeur ou du public, on sort du cadre de la discussion, c'est plus vraiment de l'Art, c'est uniquement de la science
Ou du business
karlos73
Wolfen
Citation : A moins que tu veuilles exclure l'idée d'un message explicite partant de "l'inconscient émetteur" vers "l'inconscient récepteur", dans ce cas-là je suis un peu plus en phase avec ton idée, car effectivement l'inconscient-émetteur propose quelque chose qui sera librement perçu et interprété par l'inconscient-récepteur.
C'est exactement ça, j'exclue le message explicite, et je plussoie la libre interprétation totale.
Citation : Qu'est-ce qu'une oeuvre correspondante à un artiste? Quel critères permmettent de définir précisément l'appartenance et par extension, l'expression?
Ou du business ça dépends de quelle(s) musique(s) tu parles/sous-entends
On va dire que je fais la différence entre une oeuvre que l'artiste fait pour lui (tiens j'aime ce style de musique, ça me correspond, voyons ce que je peux faire d'intéressant) et une oeuvre qu'il fait pour le business (bon alors dans le R'nB y a tel cliché à utiliser, ça c'est les sons qu'on entend tout le temps, qu'est-ce que je pourrais encore mettre pour me faire passer sur telle radio...). On peut dire que les deux cas extrêmes correspondent à l'Art d'un côté et à la science de l'autre, et que toutes les oeuvres sont entre les deux...
Développeur de Musical Entropy | Nouveau plug-in freeware, The Great Escape | Soundcloud
Anonyme
Citation : Comme tout langage, c'est un agencement semantique d'éléments lisiblent au travers de la sémiotique et qui fonctionne par analogies.
Voici un large extrait du livre de Julia Kristeva "Le langage, cet inconnu":
Parmi les premiers, à avoir abordé la musique comme un langage, citons Pierre Boulez, Relevés d’apprenti (1966), qui parle de « langage musical », de « sémantique », de « morphologie », et de « syntaxe » de la musique…
La sémiotique de la musique, qui hérite de tels travaux, s’efforce de préciser les sens de ces termes, en les incluant dans le système spécifique que sera pour elle le système signifiant de la musique.
En effet, les ressemblances entre les deux systèmes sont considérables. Le langage verbal et la musique se réalisent tous deux dans le temps en utilisant le même matériel (le son) et en agissant sur les mêmes organes réceptifs.
Les deux systèmes ont respectivement des systèmes d’écriture qui marquent leurs entités et leurs relations.
Mais si les deux systèmes signifiants sont organisés d’après les principes de la différence phonique de leurs composants, cette différence n’est pas du même ordre dans le langage verbal et dans la musique.
Les oppositions binaires phonématiques ne pas sont pertinentes en musique. Le code musical s’organise sur la différence arbitraire et culturelle (imposée dans les cadres d’une certaine civilisation) entre les diverses valeurs vocales : les notes.
Cette différence n’est que la conséquence d’une différence capitale : si la fonction fondamentale du langage est la fonction communicative et s’il transmet un sens la musique déroge à ce principe de communication.
Elle transmet un « message » entre un sujet et un destinataire, mais il est difficile de dire qu’elle communique un sens précis.
Elle est une combinatoire d’éléments différentiels, et évoque plutôt un système algébrique q’un discours.
Si le destinataire entends cette combinatoire comme un message sentimental, émotif, patriotique etc…il s’agit là d’une interprétation subjective, données dans les cadres d’un système culturel, plutôt que d’un « sens » implicite au « message ».
Car si la musique est un système de différences elle n’est pas un système de signes. Ses éléments constitutifs n’ont pas de signifié. Référent-signifiant-signifié semblent ici fondus en une seule marque, qui se combine avec d’autres dans un langage qui ne veut rien dire.
Stravinsky écrit dans ce sens :
« Je considère la musique, par son essence, comme impuissante à exprimer quoi que ce soit : un sentiment, une attitude, un état psychologique, un phénomène de la nature etc.
L’expression n’a jamais été la propriété immanente de la musique…Le phénomène de la musique nous est donné à la seule fin d’instituer un ordre dans les choses. La construction faite, l’ordre atteint, tout est dit. Il serait vain d’y chercher ou d’y entendre autre chose .»
La musique nous amène donc à la limite du système de signe. Voilà un système de différences qui n’est pas un système qui veut dire, comme c’est le cas dans la plupart des structures en langage verbal.
karlos73
Citation : Qu'est-ce qu'une oeuvre correspondante à un artiste? Quel critères permmettent de définir précisément l'appartenance et par extension, l'expression?
Ce que dis Wolfen me semble clair et je suis d'accord avec lui lorsqu'il parle de meta communication.
Quand aux critères peut importe, disont qu'un artiste cinsère et en accord avec lui-même dans son expression suffit a valider sa démarche, ensuite les goûts et les couleurs sont une autre affaire.
Anonyme
Citation : On va dire que je fais la différence entre une oeuvre que l'artiste fait pour lui (tiens j'aime ce style de musique, ça me correspond, voyons ce que je peux faire d'intéressant) et une oeuvre qu'il fait pour le business (bon alors dans le R'nB y a tel cliché à utiliser, ça c'est les sons qu'on entend tout le temps, qu'est-ce que je pourrais encore mettre pour me faire passer sur telle radio...). On peut dire que les deux cas extrêmes correspondent à l'Art d'un côté et à la science de l'autre, et que toutes les oeuvres sont entre les deux...
eh beh, flatteur ni pour l'art, ni pour la science...
karlos73
La posture de Stravinsky fait sourire, on sent chez l'auteur du "Sacre du Printemps" qui a passé son temps à utiliser la musique comme un language un brin d'aigreur ou de coquetterie... mais de ce point de vue j'admet que je fait une interpretation tres personnelle de ses propos.
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