Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou

Sujet Musique : art ou science ?

  • 1 192 réponses
  • 70 participants
  • 65 409 vues
  • 54 followers
Sujet de la discussion Musique : art ou science ?
Bonsoir à tous !

Je me pose régulièrement la question, sans jamais pouvoir y répondre. Des avis éclairés et divergents si possibles seraient les bienvenus. Il est bien entendu que ce topic ne concerne que la musique, et en aucun cas la peinture ou la sculpture. Il n'est bien sûr pas interdit de citer des oeuvres pour étayer son propos, mais notre "objet d'étude" reste la musique

Il est évident que j'attends des positions solidement argumentées , courtoises et bienveillantes (même si je sais qu'à un moment ou à un autre, ça va chauffer...).

J'ouvre le débat :
En considérant l'exemple du dodécaphonisme, peut-on dire que la musique devient une science ? Pour moi, oui car le microcosme "organisationnel" qu'est la série dans l'organisation macrocosmique qu'est déjà la musique relève d'une scientificité : il faut recenser les occurences de chaque demi-ton afin de ne pas le répéter avant l'exposition de la série entière, se tenir à un principe compositionnel strict. Même dans le traitement de la série, par exemple en la rétrogradant, il faut le faire strictement. Cela ne relève-t-il pas d'une certaine scientificité ?
Cette remarque s'applique également dans le système tonal, puisqu'on ne peut rien écrire sans tenir compte de ce qui précède. Le seul art serait-il dans le Tristan de Wagner et dans le post-romantisme (période charnière entre la tonalité et l'atonalité ?
"C'est blazman legacy ici" (Apocryphe) / Live music / Soundcloud
Afficher le sujet de la discussion
251
Si l'intuition est une forme de connaissance immédiate sans le recours au raisonnement, j'ai toujours du mal à admettre qu'elle puisse intervenir d'une manière ou d'une autre dans le domaine des mathématiques. Je n'appliquerais donc pas le terme "d'intuition" concernant Cantor mais d'une capacité de prédire ses résultats sans avoir développé, au préalable, ses théories. Il s'agirait donc plutôt d'une prescience que d'une intuition.

Les croyances n'ont pas non plus de place en science même si, évidemment, en l'absence de preuve formelle (ou démonstration rigoureuse comme dans le cas de Gödel par rapport à Hilbert), un scientifique peut être enclin à pencher pour une hypothèse ou une autre. L'esprit scientifique ne consiste pas à croire mais à douter, ce qui n'est pas exactement la même chose.
252

Citation : Si l'intuition est une forme de connaissance immédiate sans le recours au raisonnement, j'ai toujours du mal à admettre qu'elle puisse intervenir d'une manière ou d'une autre dans le domaine des mathématiques.


Ben pas pour les nombres complexes, mais quand Evariste Gallois invente sa "modélisation" des nombres à partir des corps, anneaux et compagnie, sa démarche ressemble largement à une création, non ?

Citation : C'est vrai que pour certaines sciences comme les sciences physiques, l'intuition joue un rôle fondamental, notamment parce que ces sciences sont sensées décrire le monde manifesté et qu'il importe d'avoir une représentation (donc un imaginaire) à la base. Evidemment, les descriptions exigent des structures mathématiques, ne serait-ce que pour les modélisations, mais cela vient dans un deuxième temps.

Mais les mathématiques, à mon humble avis, ne fonctionnent pas exactement de la même façon.


Pendant longtemps, on pouvait considérer les mathématiques comme à part, au moins "la seule science non expérimentale". Dans les autres sciences, le mécanisme pré-existe (gravitation, réactions chimiques, fonctionnement d'une cellule), et il faut le découvrir. En math, on a beaucoup moins cette impression de pré-existence avec explication à trouver. Ca semble davantage "créé par l'homme".

Mais depuis quelques temps, notamment avec les ordinateurs, on peut faire des expériences mathématiques dont on ne sait pas encore expliquer les résultats. C'est le cas avec les fractales (ensemble de Mandelbroot...) par exemple.

Il me semble que c'est une évolution importante.

Citation : Les croyances n'ont pas non plus de place en science


Ca dépend ce que tu entends par là, mais est-ce qu'on ne peut pas dire que Einstein ne croyait pas à l'aspect porbabiliste de la mécanique quantique, avec son fameux "god does not play dice" ?

Il y a aussi ses expériences de pensée : si, tel superman, je vole en tenant devant moi un miroir, et que j'atteins la vitesse de la lumière, cesserai-je de voir mon reflet ? Sa conviction était qu'un système à vitesse constante ne peut pas avoir d'information sur su vitesse, d'où la conviction que son reflet continuerait d'apparaître, et d'où la relativité du temps en fonction du référentiel.

Est-ce que ça ne rentre pas dans des croyances ? Peut-être que ce sont simplement des convictions. Le mot me plairaît effectivement plus pour des matières scientifiques.
:mrg:
253

Citation : quand Evariste Gallois invente sa "modélisation" des nombres à partir des corps, anneaux et compagnie, sa démarche ressemble largement à une création, non ?



Non, je ne pense pas. En math, comme partout en science, on parle surtout de découverte et non de création. Einstein et Infield l'expriment bien dans leur bouquin "évolution des idées en physique" où ils comparent le chercheur (et non le créateur) à un détective. Gallois a "compris" (découvert) quelque chose à propos de la résolution des polynômes que personne ne savait et/ou comprenait à son époque. Il a fallu attendre plusieurs années après sa mort (à 20 ans) pour qu'on comprenne le sens de sa découverte. Que Gallois ait créé des notions pour expliquer sa découverte me paraît plus adapté. La notion de groupes de Gallois était intimement liée à la nature de sa découverte.

Citation : En math, on a beaucoup moins cette impression de pré-existence avec explication à trouver. Ca semble davantage "créé par l'homme".



C'est un vaste débat. Certains pensent que les mathématiques sont des inventions humaines ; d'autres affirment, au contraire, qu'elles existent de toute éternité. Ces derniers pensent, par exemple, qu'un sculpture existe dans la pierre avant que le sculpteur ne la révèle. J'avoue être perplexe sur ce sujet. Autant je crois en la création dans le domaine de l'art, autant je n'y crois pas dans le domaine scientifique. Quand je dis "j'y crois", je devrais dire "je doute". Pour moi, l'art consiste à donner de la vie à ce qui n'en a pas (création) et la science à comprendre (et expliquer) ce qui existe.

Citation : est-ce qu'on ne peut pas dire que Einstein ne croyait pas à l'aspect porbabiliste de la mécanique quantique, avec son fameux "god does not play dice" ?



Einstein, comme beaucoup (la plupart) des scientifiques de son époque, était un déterministe (héritage de Laplace ?). Il ne pouvait pas admettre qu'il y ait une part d'incertitude dans la structure du réel. Einstein, sous cet angle, était un vulgaire croyant et son attitude n'était pas, de ce point de vue, rigoureusement scientifique. D'ailleurs, il s'est trompé sur ce point et a fini par l'admettre tout en conservant ses convictions qu'on trouverait un jour la super équation qui unifierait mécanique quantique et relativité générale. On la cherche encore, c'est dire que les scientifiques sont effectivement orientés par des croyances (il faut bien partir dans une direction et la choix est orienté par une croyance). Le pire serait de nier l'évidence et de s'obstiner indéfiniment.
254
Bobo à la tétête... :8O:
255
Oulala bongo bongo !
L'art ne serait-il pas simplement de la recherche appliquée à la recherche fondamentale qu'est la science ? Avec un ingrédient indispensable : L'imagination
Gô ni iritewa, gô ni shitagai° (Quand tu entres dans un village, conforme-toi à ses coutumes)
256
Sé bon jarète
257
Un grand sage a dit : > :fou:
258

Citation :
Si l'intuition est une forme de connaissance immédiate sans le recours au raisonnement, j'ai toujours du mal à admettre qu'elle puisse intervenir d'une manière ou d'une autre dans le domaine des mathématiques. Je n'appliquerais donc pas le terme "d'intuition" concernant Cantor mais d'une capacité de prédire ses résultats sans avoir développé, au préalable, ses théories. Il s'agirait donc plutôt d'une prescience que d'une intuition.



Bon, donc apres, faudrait etre precis sur les termes intuitions et presciences, j'avoue que la, sans regarder dans le dico, leurs definitions sont assez proches pour que je les considere plus ou moins equivalents.

Citation :
Les croyances n'ont pas non plus de place en science même si, évidemment, en l'absence de preuve formelle (ou démonstration rigoureuse comme dans le cas de Gödel par rapport à Hilbert), un scientifique peut être enclin à pencher pour une hypothèse ou une autre.



Pour Hilbert, justement (c'est un bon exemple), je ne suis pas du tout d'accord que c'est une hypothese. Lorsqu'Hilbert a propose l'axiomatisation des mathematiques, il n'envisageait pas que ce ne serait pas possible (si c'est le cas, je ne le savais pas, du moins). Et lorsque Cantor montrait par exemple que R et C etaient equipotents, beaucoup de mathematiciens ne le croyaient pas (alors que pourtant sa demonstration etait juste; il avait meme exhibe la dite bijection).

Le doute, oui, evidemment, c'est important, mais pas autant que la croyance, finalement. Si tu preferes, parlons de vision: un bon scientifique va avoir une vision de ce qu'est pour lui un certain champ scientifique, qui repose sur des convictions, plutot que des croyances.

Concernant la question de la pre-existence des objets mathematiques est un probleme met mathematique fondamental, qui remonte meme plus loin que Laplace. C'est un concept platonicien, finalement. Des mathematiciens qui considerent que les maths sont des decouvertes, il y en a en effet plethores (je recite Erdõs, typiquement, et son fameux "book").
259
Salut !
Je viens de découvrir votre discussion, elle m'interesse alors je tente de m'y inscrire le plus respectueusement possible :8)

Citation : Les croyances n'ont pas non plus de place en science même si, évidemment, en l'absence de preuve formelle (ou démonstration rigoureuse comme dans le cas de Gödel par rapport à Hilbert), un scientifique peut être enclin à pencher pour une hypothèse ou une autre.


Les croyances, si elles n'ont pas leur place dans la méthode scientifique, en tiennent une majeure dans la création scientifique.
Pour ne prendre qu'une ilustration archi connue : on sait aujourd'hui que les idées à l'origine des théories de la relativité étaient dans l'air du temps depuis 50 ans avant qu'A Enstein ne les sorte. Quelle différence entre Albert et les autres scientifiques qui avaient pensé à tout ça avant lui ? Enstein à osé le penser jusqu'au bout, parce qu'il avait des croyances compatibles avac ces idées.
Ce qui est amusant dans cette illustration, c'est que le même Albert, quelques années plus tard, bloquera sur certains aspect de la physique quantique en déclarant que "dieu ne joue pas au dés". Ses croyances lui avaient permis de dépasser le blocage de ses collègues à une époque, et l'ont bloqué lui-même plus tard.

A la base de cette histoire, on peut dire qu'il y a tout simplement une histoire de culture : la culture nous permet de nous représenter le monde, non pas tel qu'il est (réel), mais tel qu'il nous parait être (réalité).
Les scientifiques ne sont pas différents des autres sur ce point, et ils ne peuvent donc chercher, comprendre, trouver, inventer que des choses compatible avec leur culture.
Dans ce sens, un scientifique qui ouvre un nouveau champs de réalité est un créateur, comme un peintre : il modifie sa culture (sa représentation du monde), et celle des autres autour de lui s'il acceptent de l'entendre (c'est à dire si leur culture est suffisament proche de cette représentation pour l'entendre).

En musique on pourrait faire un raisonnement parallèle : la musique chinoise est un art, aucun doute là dessus. Mais avec une oreille occidentale... on a du mal à y entendre autre chose que des bruits disgracieux. C'est qu'il nous manque à la fois l'éducation de notre oreille(cerveau) pour les sonorités, et l'univers mental, culturel, mythologique, pour accrocher à cette représentation du monde.

J'arrête là : un type à dit un jour "ce n'est pas l'art qui imite la vie, mais la vie qui imite l'art". Les scientifiques et les artistes auraient alors la même fonction sociale : inventer la réalité dans laquelle nous vivons, inventer nos croyances ???

Il t'a été donnée une étincelle de folie... ne la gâche pas.

260
Tiens, pour illustrer un peu ton propos Igdas, je repense à ce petit bouquin "Flatland" de Edwin Abott.
Comme il y a des gens qui en parlent très bien, allez plutôt les voir