Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou

Sujet Musique : art ou science ?

  • 1 192 réponses
  • 70 participants
  • 65 401 vues
  • 54 followers
Sujet de la discussion Musique : art ou science ?
Bonsoir à tous !

Je me pose régulièrement la question, sans jamais pouvoir y répondre. Des avis éclairés et divergents si possibles seraient les bienvenus. Il est bien entendu que ce topic ne concerne que la musique, et en aucun cas la peinture ou la sculpture. Il n'est bien sûr pas interdit de citer des oeuvres pour étayer son propos, mais notre "objet d'étude" reste la musique

Il est évident que j'attends des positions solidement argumentées , courtoises et bienveillantes (même si je sais qu'à un moment ou à un autre, ça va chauffer...).

J'ouvre le débat :
En considérant l'exemple du dodécaphonisme, peut-on dire que la musique devient une science ? Pour moi, oui car le microcosme "organisationnel" qu'est la série dans l'organisation macrocosmique qu'est déjà la musique relève d'une scientificité : il faut recenser les occurences de chaque demi-ton afin de ne pas le répéter avant l'exposition de la série entière, se tenir à un principe compositionnel strict. Même dans le traitement de la série, par exemple en la rétrogradant, il faut le faire strictement. Cela ne relève-t-il pas d'une certaine scientificité ?
Cette remarque s'applique également dans le système tonal, puisqu'on ne peut rien écrire sans tenir compte de ce qui précède. Le seul art serait-il dans le Tristan de Wagner et dans le post-romantisme (période charnière entre la tonalité et l'atonalité ?
"C'est blazman legacy ici" (Apocryphe) / Live music / Soundcloud
Afficher le sujet de la discussion
941
Attention, tu mélanges systeme et forme d´organisation. il n´y a pas grand chose dans ce monde qui soit dé-sorganisé, surtout venant de l´humain. souvent ce que nous qualifions de "désordre" est exagéré. pareil pour l´ordre, d´ailleurs.
je donne un exemple : le créole d´un côté, de l´autre les parlers dit "petit-negre". une population s´approprie un langage en méconnaissant largement sa grammaire, sans parler même de son orthographe. derriere un aspect primitif se cache un travail d´organisation et d´assimilation formidable.
par contre, envisager le langage comme le systeme d´organisation, c´est affirmer que le langage structure la pensée en donnant vie aux choses matérielles et immatérielles. il est difficile de parler d´une chose sans nom.
l´art comme systeme d´organisation, par comparaison, ouvrirait la voie a une autre pensée a laquelle il offre des choses a manipuler, des choses avec lesquelles penser/décrire/exprimer la vie autrement. mais comme l´art n´est pas une langue comme l´anglais etc, les pensées -le terme est un peu trop fort en fait - qu´elle exprime ne peuvent être transcrites.
942
Sobotonoj>

attention, je ne dis pas que l'art est une langue et se structure comme une langue, je suppose que l'art pourraît être considéré comme un système d'organisation.

Pour le langage j'aime assez la thèse linguistique qui postule que le langage n'est pas un système qui communique des informations d'un cerveau à un autre mais un système qui organise des informations afin de les transmettre à un autre organisme.

Citation : par contre, envisager le langage comme le systeme d´organisation, c´est affirmer que le langage structure la pensée



Bien sûr que le langage ne structure pas la pensée mais pour expimer/verbaliser une pensée tu es obligé de structurer le langage (grammaire, syntaxe, vocabulaire, sémantique...)ainsi tu pourras être compris, mais aussi qqfois mal interprété, mais ça c'est un autre problème.
943

Citation : Bien sûr que le langage ne structure pas la pensée


...mais c´est pourtant ce que je pense ; ce que j´ai argumenté en disant qu´il est difficile de parler de ce qui n´a pas de mot.
imagine toi parler de liberté si tu n´a jamais connu ce mot ; plus compliqué : imagine un langage qui n´emploie pas de verbe d´action ni de sujet (traits commun a toutes les langues humaines). si on inventait ce langage, notre intellect s´en trouverait pas mal chamboulé.
autre exemple, plus facile : entre saint et sein existe une grande différence de sens, mais pas de sonorité. ansi, un francophone fera le lien entre deux mots semblables a l´oreille, alors que ce lien n´aura aucun... sens pour un allemand.
difficile de ne pas être structuré en partie par notre environnement, nos objets, comme nous le sommes par nos congéneres.
944

Citation :
Bien sûr que le langage ne structure pas la pensée


Ah... moi je ne suis pas sûr de pouvoir penser sans "voir" des mots dans ma tête. Un concept -> un mot, je ne sais pas faire sans.
A moins d'appeler "pensée" une sensation corporelle (j'ai chaud, ou je me sens bien dans mon lit, etc).
945
Naigeon>

Personnellement quand je réfléchis ou pense, c'est plutôt le bordel (ouaiiis je sais ça se voit :((( ), il n'y a qu'un "nuage" de mots, d'idées, d'intuitions et d'impressions...une espèce de mélasse de tout ça qui ne me semble pas (je me trompe peut-être) très structuré.
La structure me vient lorsque j'écris ou que je verbalise, car avant de faire l'un ou l'autre il y a comme un "sas de dépréssurisation" de mise en place de cette soupe en vue d'une structure ayant pour but de communiquer à autrui en faisant usage de la langue.



Sobotonoj>

Comme tu dis, la langage structure la pensée en partie car après il y a un rapport au mot et au langage qui est propre à chacun en fonction de son vécu (affect, mental, psychologique...)et de sa façon d'avoir "expérimenté" ce mot.
C'est tout le débat du mot et de la chose. Au départ un mot désigne qq chose d'une manière neutre et arbitraire...convention de communication.

Cette neutralité et cet arbitraire disparaîssent dans un processus complexe qui a peu à voir avec la structure de la pensée par le langage mais plutôt avec un rapport entre soi et soi.

Ce processus est non-verbal et ne devient intelligible que lorsqu'il est verbalisé et donc effectivement quand la pensée se structure sur le modèle du langage.

Quand tu dis, il est difficile de parler de ce qui n'a pas de mot c'est vrai, et bien évidemment il y a des langues et des ethnies pour lesquelles ce qui est nommé ici n'existe pas là-bas et vice-versa.
Le mot "laïcité" n'existe pas dans la langue arabe tout comme il nous est difficile de comprendre un concept comme l'Iki japonais car il n'y a tout simplement pas de mot français équivalent.
946
C'est vrai qu'on a parfois l'impression de penser à plusieurs choses en même temps (->associer !), et que le langage nous oblige à mettre tout ça en file indienne.
947
La diachronicité et la synchronicité du langage, Alain ! :clin:
"C'est blazman legacy ici" (Apocryphe) / Live music / Soundcloud
948
Mon cher Lebat, mon souvenir est flou (je n'ai plus le bouquin de Saussure), mais j'avais cru comprendre un peu autre chose dans ces deux concepts.
Synchronicité : variabilité à un instant donné, pour des tas de raisons (genre : échanges entre régions différentes, etc).
Diachronicité : variabilité dans le temps, ou quelque chose de ce genre (analyse comparative entre les états successsifs - quoique "état" soit impropre et certainement étranger à la pensée de Saussure).

Bon mais, toi qui as le bouquin sur une étagère, je crois, mets-nous ça au clair, car vois dans quel état j'ère (Copyright je sais plus qui) :P:
949
En retard, comme toujours

Citation :
Sur arte y avait un reportage avec plein de melomanes qui pretendaient pouvoir reconnaitre un stradivarius d'un autre violon. Ils ont fait des tests, tous les cobayes etaient sur d'avoir reperer le stradivarius, ils se sont quasiement tous trompé...c'ets pour ca que je dis que notre faculté a reconnaitre les timbres et pas bonne du tout comparé a notre faculté a reconnaitre les harmonies et les rythmes



Je ne suis pas sur que l'exemple soit representatif, dans le sens ou, du moins en ce qui concerne les instruments utilises en musique classique, le travail pour obtenir un timbre est d'une precision quasiment demoniaque. On ne comprend encore qu'assez peu la difference 'physique' entre un piano moyen et un bon piano, je crois; par la, je veux dire que l'on sait facturer des instruments d'une qualite acoustique exceptionnelle, que l'oreille fait la difference, mais que physiquement, il est difficile de voir les causes de ces differences.

Pour ce qui concerne les gouts musicaux, j'avais recemment discute avec un pote qui etait en train de lire je ne sais plus quel bouquin de Bourdieu, qui expliquait entre autre comment les gouts artistiques entre autre etaient imposes par les classes sociales. J'ai pas lu le bouquin en question, alors je peux difficilement en parler sans de vagues allusions de ce qu'on a discute, mais ca me parait interessant comme approche.

Hop, maintenant, je me remets a jour:

Citation :
C'est tout le débat du mot et de la chose. Au départ un mot désigne qq chose d'une manière neutre et arbitraire...convention de communication.



Neutre et arbitraire me paraissent un peu contradictoires dans ce contexte, non ? La possibilite du langage pour penser certains concepts, je ne peux qu'acquiescer. Depuis que je vis au Japon, je ne peux que plus encore le constater chaque jour: le langage est un format extremement contraignant pour la pensee. Il y a evidemment influence dans les deux sens (la societe contraint le langage, le langage contraint la societe et les pensees qui peuvent en emaner). C'est comme l'ecriture musicale: il ne s'agit pas d'un processus neutre; ce qui est ne peut etre comme une simple transcription a permis de nouveaux types de creations musicales (en cours, JC Risset nous avait parle du contre-point, qui necessitait l'ecriture musicale).
950
Pov Gabou

Citation : Neutre et arbitraire me paraissent un peu contradictoires dans ce contexte, non ?



Quand j'aborde ce point je suis hors-contexte car il est plus question de langage que de la qualité artistique ou scientifique de l'art.

Arbritraire car même si on peut faire une analyse etymologique d'un mot il arrivera un moment où il nous sera impossible de savoir pourquoi le choix s'est porté sur tel "phonème" plutôt que tel autre.
Je ne l'ai pas en tête mais par soucis de clarté, je préciserai ce point après avoir retrouvé mes sources.(Putain c'était dans quoi que j'avais lu ça!!!)

Neutre car en réalité, les mots n'ont en soi aucune "valeur", c'est nous qui leur en donnons les sens: le sens commun ("Tiens un araignée!!" ) et le sens "subjectif" ("Les araignées? des sales bêtes!!!" ).

Pour le bouquin de Bourdieu je me demande si ça n'est pas tout simplement le petit livre rouge "Sur la télévision" paru chez "Raison d'agir".
Je vous invite aussi à lire le petit livre de l'incroyable Bernard Lubat "La musique n'est pas une marchandise".